Intervention de François-Roger Cazala

Commission des affaires européennes — Réunion du 16 novembre 2023 à 9h00
Marché intérieur économie finances fiscalité — Audition de M. François-Roger Cazala membre de la cour des comptes européenne chambre iv - réglementation des marchés et économie concurrentielle

François-Roger Cazala, membre de la Cour des comptes européenne (chambre IV - Réglementation des marchés et économie concurrentielle) :

Merci pour ces questions que je prendrai dans l'ordre inverse.

Tout d'abord, il est vrai qu'en France, comme dans d'autres pays, il y a toujours eu des difficultés d'absorption des fonds européens classiques, comme les fonds structurels, étant entendu que nous ne bénéficions que peu des fonds de cohésion. Je suis un peu plus surpris du retard que vous mentionnez considérant la capacité d'absorption par la France des fonds de la facilité pour la reprise et la résilience. Je me souviens que nous en sommes à 33 % d'absorption des subventions, ce qui n'est pas négligeable car nous n'en sommes qu'à la deuxième année du déroulement de la trajectoire prévue et il faut également tenir compte des sommes reçues au titre du préfinancement. Je rappelle qu'à l'époque du plan Juncker, les Français ont été les principaux bénéficiaires du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) avec des taux d'absorption convenables. Je crois que le taux d'absorption est plutôt meilleur pour le programme NextGenerationEU que pour les fonds classiques car les procédures sont plus simples tandis que l'accès aux Fonds structurels repose, par exemple, sur le remboursement de coûts éligibles répondant à toute une série de critères à respecter avec parfois des nomenclatures extrêmement compliquées. Votre diagnostic est à cet égard tout à fait exact et nous en avons très souvent fait le constat dans nos rapports.

La complexité des procédures est également, à l'évidence, un des facteurs qui contribuent à augmenter le taux d'erreur ; cela se vérifie par ailleurs pour les budgets nationaux, certains sujets fiscaux appelant, par exemple, le même type de considérations avec parfois, en l'absence de fraude, des erreurs imputables à la complexité des dispositions fiscales. Au plan européen, la complexité des dispositifs et procédures de soutien est un facteur explicatif de la sous-consommation des crédits, des retards pris dans leur consommation et de la renonciation qui minimise la demande d'aide par rapport aux prévisions. Nous évaluerons les allocations issues de NextGenerationEU dès que nous disposerons des informations nécessaires mais ce programme me paraît plutôt constituer un progrès à cet égard puisque les fonds ont pu être mis à disposition très rapidement et, à tout le moins, beaucoup plus rapidement que dans le cadre des financements classiques.

Pour progresser, nous nous efforçons dans nos travaux d'audit de faire des propositions de simplification ou parfois d'accroissement des ressources à distribuer. Je signale que des évolutions positives sont intervenues avec, par exemple, l'utilisation de coûts standard pour certaines dépenses : on se réfère d'emblée à un coût forfaitaire sans vérifier toutes les factures. Cette méthode peut générer quelques effets d'aubaine mais elle facilite l'absorption des fonds.

S'agissant de la soutenabilité de la dette, avant de faire appel à mon collègue Giuseppe Diana qui est un grand spécialiste de ce sujet, je précise que dans notre rapport, sans utiliser l'expression « zone d'ombre », nous sommes effectivement assez interrogatifs sur la manière dont la Commission sera à même d'évaluer la soutenabilité de la dette des États membres dans le nouveau dispositif. Certains points sont assez clairs et on connaît à peu près les méthodologies mises en oeuvre par la Commission. D'autres éléments que Giuseppe Diana vous précisera nous conduisent à être relativement prudents.

J'indique à nouveau que le risque relatif à l'augmentation des taux d'intérêt n'a pas pour l'instant conduit à refinancer la dette européenne avec de l'emprunt. Cela s'avèrera toutefois nécessaire si on ne trouve pas de ressources propres ou équivalentes pour garantir les remboursements à venir des sommes considérables empruntées sur les marchés au titre de NextGenerationEU : tout le monde en est bien conscient mais, pour l'instant, personne n'a de vraie solution.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion