Je précise que la technique utilisée par la Commission européenne pour évaluer la soutenabilité des dettes publiques est bien rodée au niveau de l'UE et est très comparable à celle utilisée par les autres grands organismes internationaux comme le FMI et l'OCDE : il ne s'agit donc pas véritablement d'une « boîte noire ». L'analyse, relativement simple, consiste à simuler l'évolution du ratio d'endettement des États en utilisant l'équation dynamique de l'évolution de la dette publique : on applique des scénarios alternatifs sur les principales variables gouvernant cette dynamique comme la croissance économique, l'inflation ou l'évolution potentielle des taux d'intérêt.
Ce n'est pas la technique en elle-même qui nous pose problème car elle est utilisée pour calculer l'ajustement des dépenses nettes dans les États. La difficulté provient plutôt du fait que la Commission propose de l'appliquer à un horizon de long terme, de 14 à 17 ans. En paramétrant une telle durée, on risque de sortir de la prévision économique pour entrer dans la lecture d'une boule de cristal : il suffit d'imaginer, par exemple, qu'en 2019 nous ayons élaboré un plan relatif à un pays de l'Union européenne ; compte tenu des événements qui se sont produits par la suite, l'analyse qui aurait été faite il y a quatre ans et les différents scénarios envisagés n'auraient certainement plus beaucoup de valeur aujourd'hui. L'outil est donc utile mais nous doutons de sa pertinence pour anticiper le très long terme.
Un autre point nous incite également à la méfiance concernant cette technique : dès lors que les plans sont négociés entre les États membres et la Commission avec un degré de discrétion important - et à notre avis un niveau de transparence qui n'est pas assez explicité à ce stade -, nous signalons le risque que certains États puissent avoir tendance à exercer une pression pour que les hypothèses retenues les favorisent. À l'évidence, en ajoutant ne serait-ce que 0,1 point à une prévision de taux de croissance d'un pays pendant 17 ans modifie très significativement la dynamique de sa dette.