La Commission européenne a, pour la première fois, formulé une proposition très concrète sur l'établissement d'un organisme d'éthique interinstitutionnel chargé d'établir des normes minimales en matière d'éthique communes à l'ensemble des institutions. Nous avons reçu cette proposition juste avant les vacances d'été et les négociations ont commencé en septembre au niveau politique avec des réunions auxquelles participent des représentants de chaque institution, le nôtre étant M. George Marius Hyzler qui préside également le comité d'éthique de la Cour des comptes européenne ; en parallèle se déroulent des réunions techniques pour examiner les détails de cette proposition.
Ce sujet est à l'ordre du jour depuis quelques années et le Parlement européen avait adopté en 2021 une résolution demandant la création d'un tel organisme avec un projet beaucoup plus ambitieux lui attribuant un mandat très large pour mener des enquêtes au niveau des institutions et proposer voire prononcer des sanctions. Ce projet initial a suscité un certain nombre de réserves, en particulier de la part de la Cour de justice - dont la participation n'était pas prévue - mais aussi de la Cour des comptes : celle-ci avait estimé qu'en tant qu'auditeur externe des autres institutions de l'Union européenne, il était malvenu de la soumettre à l'autorité d'un organisme composé par des représentants des institutions que la Cour contrôle et que doter cet organisme d'un pouvoir d'enquête ou de sanction apparaissait comme une interférence inacceptable avec le mandat indépendant des membres de la Cour des comptes. L'autre objection était que la Cour des comptes est elle aussi appelée à faire des audits en matière d'éthique et cette mission la placerait dans une situation inconfortable si un autre organisme était doté de compétences larges dans ce même domaine.
Au final, le projet lancé par le Parlement européen en 2021 n'a pas abouti et la Commission européenne propose une nouvelle composition ainsi qu'une compétence plus limitée pour cet organisme. L'idée de base est à présent que cet organisme soit chargé d'établir des normes éthiques applicables à l'ensemble des institutions de l'Union européenne. Une mission consultative lui serait également confiée ; des rencontres régulières seraient organisées sur les questions éthiques qui se posent dans chaque institution ; une fois des standards minimaux adoptés sur la base du consensus, chaque institution réaménagerait ses propres règles en ayant la possibilité de procéder à une auto-évaluation.
Je fais observer que la proposition de la Commission européenne ne prévoit d'octroyer aucun pouvoir de sanction ou d'enquête à cet organisme institutionnel pour ne pas ajouter une strate supplémentaire aux dispositifs existants comme le Parquet européen ou les mécanismes mis en place au sein de chaque institution. Je précise que ces dispositifs internes en charge des questions éthiques sont composés de membres internes mais aussi externes : il en va ainsi à la Cour des comptes où deux membres internes et un membre externe siègent au comité d'éthique.
La proposition actuelle porte donc sur un organisme qui établirait des normes minimales par accord entre les participants et qui serait assisté par cinq experts externes choisis de commun accord entre les institutions participantes. Le Parlement européen estime que ce texte ne va pas assez loin et a adopté une nouvelle résolution pour relancer l'idée de confier des pouvoirs d'enquête à cet organisme interinstitutionnel, sur la base de signalements par des lanceurs d'alerte ou à l'initiative des institutions. Alors que la Commission espérait que sa proposition simplifiée puisse recueillir un accord avant la fin de l'année 2023, la nouvelle intervention du Parlement européen va sans doute allonger les débats, pour autant que les institutions souhaitent encore se rendre disponibles pour y participer. La Cour de justice avait déjà indiqué qu'elle participerait uniquement en tant qu'observateur à la discussion sur la proposition minimaliste de la Commission et la Cour des comptes n'excluait pas de devenir membre selon le tour que prendraient les négociations. Tout reste donc à faire et nous suivrons les développements consécutifs aux dernières suggestions du Parlement européen.