Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à mettre en place une allocation autonomie universelle d'études pour l'ensemble des étudiants du supérieur, ainsi que pour les élèves de la formation professionnelle du second degré. Elle vise à répondre au problème de la précarité, qui progresse fortement depuis la crise sanitaire et touche l'ensemble de notre société, mais concerne plus particulièrement les étudiants.
Nous avons tous en tête les images des files d'attente d'étudiants devant les centres de distribution d'aide alimentaire. En effet, 29 % des étudiants déclarent rencontrer des difficultés financières importantes. Ce chiffre est en augmentation, car ils étaient seulement 24 % en 2020.
Les étudiants ont particulièrement subi les effets de l'inflation, notamment de l'inflation alimentaire qui s'élève à 13, 2 % depuis deux ans. Ils subissent également de plein fouet les effets de la crise du logement : trouver un studio, un appartement, devient de plus en plus difficile et coûte de plus en plus cher.
Ainsi, pour des raisons financières, nombre d'étudiants ne peuvent plus mener sereinement leurs études. Nous sommes tous d'accord sur ce point, une telle situation est inacceptable.
Face à ce problème, les bourses du Crous, qui se révèlent de plus en plus insuffisantes, permettent toutefois de venir en aide à près de 800 000 étudiants chaque année. Une augmentation de 500 millions d'euros de leur enveloppe a permis de les revaloriser de 370 euros par an, et ce malgré une hausse de 6 % des plafonds de ressources de l'ensemble des échelons, qui a permis aussi d'augmenter le nombre d'étudiants boursiers issus des classes moyennes.
Par ailleurs, la complexité du système des bourses du Crous fait que nombre d'étudiants qui pourraient y avoir droit ne les demandent pas. Ce problème du non-recours concerne particulièrement les plus précaires.
Outre ces bourses, l'État vient en aide aux étudiants en leur proposant des repas au tarif social de 3, 30 euros dans les restaurants gérés par les Crous. Ce tarif a été gelé, ce qui va dans le bon sens. Depuis 2020, les étudiants boursiers ont, par ailleurs, accès à ces mêmes repas au prix de 1 euro.
Malheureusement, tout cela ne suffit pas à endiguer la paupérisation des étudiants. Il est donc indispensable d'aller plus loin, afin de permettre à tous les étudiants, en particulier à ceux qui sont issus des classes populaires, de mener leurs études sans avoir une épée de Damoclès financière au-dessus de leurs têtes. C'est un enjeu d'égalité des chances.
À ce titre, l'idée d'une allocation autonomie universelle d'études pourrait, à première vue, apparaître comme une solution séduisante.
Cette allocation représenterait, certes, une augmentation substantielle des revenus pour les étudiants issus des classes populaires et moyennes, en comparaison avec les montants de bourses auxquels ils ont droit actuellement. L'allocation universelle envisagée dans le cadre de cette proposition de loi serait, par ailleurs, une mesure simple et compréhensible par tous, qui se substituerait au maquis des bourses, allocations et autres aides qui sont aujourd'hui proposées aux étudiants. Elle résoudrait donc certainement le problème du non-recours.
Cependant, malgré les bonnes intentions des auteurs de ce texte, cette allocation présenterait autant voire plus d'inconvénients, ce qui la rend, selon nous, mal adaptée à la résolution du problème que constitue la paupérisation des étudiants.
En effet, l'allocation telle que conçue par cette proposition de loi n'est pas conditionnée à des plafonds de ressources. Un étudiant issu des classes populaires toucherait ainsi le même montant qu'un étudiant issu des couches les plus aisées.
Par ailleurs, le montant de l'allocation proposée serait fixe et ne dépendrait pas du lieu d'études de celui ou de celle qui en bénéficierait. Or le coût de la vie pour un étudiant parisien n'est pas le même que pour un étudiant rennais.
À vouloir être trop égalitaire, cette proposition nous semble donc profondément inéquitable.
De plus, le dispositif proposé prévoit l'interdiction du cumul de cette allocation avec un contrat de travail, ce qui nous semble poser un double problème.
D'une part, cette interdiction laisse un trou dans la raquette : en permettant le cumul de l'allocation universelle avec une activité d'autoentrepreneur, elle favorisera l'ubérisation et, donc, la précarisation du travail des étudiants.
D'autre part, l'interdiction, pour les étudiants, d'avoir un contrat de travail s'ils veulent conserver leur allocation mettra en difficulté les secteurs de notre économie qui se reposent beaucoup sur les emplois étudiants.
Ce n'est pas tout ! La proposition de loi prévoit que l'étudiant, pour bénéficier de l'allocation universelle, quitte le foyer fiscal de ses parents. Cela signifie, pour ces derniers, la perte d'une demi-part fiscale, voire plus pour les familles nombreuses. L'étudiant touchera donc plus, mais ses parents paieront également plus d'impôts.
Enfin, mes chers collègues, il nous faut bien parler du principal problème soulevé par cette proposition de loi, à savoir le financement. Le coût de cette mesure est estimé à plus de 30 milliards d'euros, ce qui, dans le contexte actuel de nos finances publiques, est inenvisageable.
Mes chers collègues, les solutions au problème de la précarité des étudiants ne manquent pas. Il appartiendra au Sénat d'en proposer au cours de débats futurs. Poursuivre le développement des filières en apprentissage, par exemple, permettrait de rehausser le niveau de vie des étudiants, sans pour autant en faire supporter le coût à nos finances publiques. Enfin, il faudra, plus largement, affronter le problème de la précarité des jeunes, qui ne touche pas seulement les étudiants.
Pour l'heure, cette proposition de loi nous semble créer plus de problèmes qu'elle n'apporte de solutions. C'est pourquoi, tout en reconnaissant le problème de la précarité des étudiants et en appelant à y apporter rapidement des solutions pertinentes, le groupe Union Centriste votera contre cette proposition de loi. §