Intervention de Mathilde OLLIVIER

Réunion du 13 décembre 2023 à 15h00
Allocation autonomie universelle d'études — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Mathilde OLLIVIERMathilde OLLIVIER :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord remercier ma collègue Monique de Marco de cette proposition de loi et du combat sans faille qu'elle mène en faveur de nos étudiantes et étudiants, ainsi que les organisations étudiantes, qui se sont mobilisées sur ce sujet.

Voilà un peu moins de quatre ans, au cœur de la crise sanitaire, les files d'attente devant les banques alimentaires ont considérablement marqué les esprits. À l'époque, il était insupportable de voir les visages d'une jeunesse à l'arrêt et placée devant la difficulté de se nourrir.

En réalité, ces images sont toujours d'actualité ! Aujourd'hui encore, des milliers de jeunes se rendent chaque soir à des distributions alimentaires. Voilà quelques semaines, je me suis rendue à l'une d'entre elles, réalisée par l'association Cop 1. J'ai retrouvé dans ces files, devant des paniers-repas, les images qui faisaient déjà froid dans le dos en 2020, mais nous sommes fin 2023 !

Combien d'années encore laisserons-nous cette situation s'aggraver ? Combien d'années encore baisserons-nous les yeux devant ces étudiants précarisés ? Le constat est connu depuis des années. Nous rappelons à intervalles réguliers les mêmes chiffres, dans l'espoir qu'un jour une réforme structurelle intervienne.

Madame la ministre, nous nous attendions à votre réponse, toujours la même : « Nous faisons une réforme des bourses. » Toutefois, plus de 50 % des personnes présentes dans les files de distribution alimentaire ne sont pas éligibles aux bourses sur critères sociaux. Vous le voyez bien, il y a là un problème structurel. Votre politique ne permet pas de lutter contre la précarité étudiante.

Notre pays est marqué par une augmentation sans précédent des inégalités. La jeunesse est, dans son ensemble, la population la plus marquée par ce phénomène. En quelques années, les conditions d'entrée dans la vie adulte se sont fortement dégradées. Ainsi, en 2021, 9, 1 millions de personnes vivaient avec un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, dont 1, 4 million de jeunes de 18 à 24 ans.

La situation actuelle est grave, même alarmante. Elle conduit à une insécurité permanente, le coût de la vie étudiante ayant augmenté de plus de 25 % depuis 2017. Ainsi, 40 % des jeunes doivent exercer une activité professionnelle parallèlement à leurs études et 43 % des étudiants sautent un repas par jour.

L'insécurité des étudiants est multiple : économique et alimentaire, mais aussi pour ce qui concerne l'accès au logement, à l'énergie ou à la santé et les liens sociaux. Comment démarrer sa vie adulte dans ces conditions ? Le « plus bel âge de la vie », comme certains aiment à l'appeler, ne serait donc que le privilège de quelques-uns ? Démarrer dans la vie adulte doit donc signifier dépendre de la solidarité familiale plutôt que de la solidarité nationale ?

Une telle précarité fracture la jeunesse, tandis que ces inégalités ébranlent notre société, sapent la cohésion nationale, fragilisent nos modèles sociaux et érodent la promesse républicaine d'égalité des chances, promesse chère à toutes et tous dans cet hémicycle.

Nous le voyons bien, le système des bourses est à bout de souffle. Il n'est plus efficace et atteint ses dernières heures de vie. Nous ne pouvons pas rester là sans rien faire ; nous ne pouvons pas banaliser une telle précarité. Nous refusons le retour à une société d'héritiers. Nous ne pouvons pas nous résigner à ce que François Dubet nomme la « préférence pour l'inégalité ».

Face à ces constats, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires vous fait aujourd'hui une proposition permettant une avancée concrète dans la lutte pour l'égalité et contre la précarité des jeunes : la création d'une allocation autonomie universelle d'études.

Nous devons garantir à notre jeunesse protection et avenir. Il en est fini des petits ajustements au gré de l'actualité.

Nous avons l'occasion historique de construire un véritable dispositif de protection sociale étudiante pour conduire les jeunes vers l'autonomie et l'émancipation.

Nous avons l'occasion historique de proposer, main dans la main, en concertation, une loi qui changerait la vie de millions de jeunes Françaises et de jeunes Français.

Je terminerai par une citation de Jean Jaurès : « Une fois émancipé, tout homme cherchera lui-même son chemin. » Cette proposition de loi répond à ce besoin de sécurité et de protection, ainsi qu'à ce désir d'émancipation de nos jeunesses. Donnons-lui sa chance ! §

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