Intervention de Mathilde OLLIVIER

Réunion du 13 décembre 2023 à 21h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 14 et 15 décembre 2023

Photo de Mathilde OLLIVIERMathilde OLLIVIER :

M. le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’ordre du jour particulièrement chargé du Conseil européen de cette semaine, il y a deux grands sujets étroitement liés : l’Ukraine et le cadre financier pluriannuel. Je souhaite vous faire part, madame la secrétaire d’État, de quelques interrogations sur ces thématiques.

J’aborderai d’abord l’Ukraine. Depuis l’agression russe, les Européens ont su rester unis et solidaires. Ils sont restés unis à la fois pour asphyxier l’effort de guerre russe et pour réaffirmer leur plein soutien politique, militaire, économique et humanitaire à l’Ukraine. Mais le sont-ils encore ? Depuis trois mois, force est de constater que ce n’est plus tout à fait le cas.

La Slovaquie a annoncé mettre fin à son soutien à l’Ukraine ; le parti socialiste bulgare envisage une coalition nationaliste hostile à toute aide financière ou militaire ; en Hongrie, Viktor Orbán campe sur ses positions prorusses et s’oppose, notamment, à l’enveloppe de 50 milliards d’euros demandée pour Kiev.

Jeudi dernier, le Président de la République a reçu le Premier ministre hongrois à l’Élysée pour un dîner de travail durant lequel devait être abordée la question des aides supplémentaires de l’Union européenne à l’Ukraine. Cela faisait suite à la demande de la Hongrie de retirer de l’agenda du prochain Conseil européen le soutien budgétaire à Kiev et l’ouverture des procédures d’adhésion à l’Union européenne.

L’ordre du jour est visiblement resté le même. Apparemment, la menace de veto hongrois demeure malgré l’annonce, dès le lendemain de cette rencontre, du déblocage de 920 millions d’euros sur les 10, 4 milliards prévus par le plan de relance européen pour la Hongrie.

La nuit dernière encore, Victor Orbán a continué son chantage en mettant encore et toujours son veto dans la balance pour débloquer complètement les aides à son pays.

Quels sont les résultats obtenus par l’Élysée sur le soutien à l’Ukraine et quelles éventuelles concessions ont été faites à la Hongrie ? Un plan B est-il prévu en cas de refus par les chefs d’État du versement de fonds supplémentaires à l’Ukraine ?

J’aimerais également évoquer le cadre financier pluriannuel, fondamental en cette fin d’année.

Le Conseil européen doit parvenir à un accord global sur la proposition de révision à mi-parcours du CFP cette semaine. Surtout, sans une révision, l’Union européenne « pourrait ne pas être en mesure de faire face à une nouvelle crise majeure dans les années à venir » – c’est en tout cas l’avis du commissaire européen au budget, Johannes Hahn.

Dans le même temps, de nombreux chefs d’États et de gouvernement ont annoncé qu’ils ne souhaitaient plus « envoyer davantage d’argent à l’Union européenne ». C’est dire toute la tension qui régnera lors du prochain sommet.

Une façon de sortir de ce dilemme pourrait être d’avancer sur la question des nouvelles recettes pour le budget de l’Union européenne, comme vous l’avez l’évoqué dans votre intervention, madame la secrétaire d’État. Où en sont les négociations sur ce sujet ? Ce point sera-t-il corrélé au réexamen du CFP, ou du moins abordé à cette occasion ? Quelles propositions la France défend-elle et quelle en serait l’incidence sur nos futures contributions ?

On l’a dit, la Hongrie envisage de mettre son veto. Elle est pourtant l’un des deux principaux bénéficiaires nets du budget de l’Union européenne. Elle assurera également la présidence du Conseil européen en 2024 après la Belgique, à la suite des élections européennes. Vous aviez récemment répondu ici même que rien ne l’empêche, à ce stade, d’assurer la présidence tournante. En cas de blocage et à la suite des récents échanges à l’Élysée, dans quel sens évoluera votre position ?

J’aborderai, pour finir, la nomination de Wopke Hoekstra comme commissaire européen.

L’été dernier, la décision de la Commission européenne de nommer Fiona Scott Morton à la direction générale de la concurrence a été unanimement critiquée. La question du conflit d’intérêts était légitimement soulevée en raison de sa carrière antérieure en tant que consultante auprès des Gafam, les grandes entreprises du numérique. Fiona Scott Morton a finalement renoncé à ce poste.

En octobre dernier, Wopke Hoekstra a été nommé commissaire européen à l’action pour le climat. Après la COP28 à Dubaï chez les pétroliers, personne ne semble gêné que l’ex-ministre néerlandais, qui a longtemps œuvré pour l’industrie des combustibles fossiles, soit désormais chargé de l’action climatique !

Voici un aperçu de son curriculum vitæ : employé de Shell, puis de McKinsey, pendant près de seize ans. McKinsey est un cabinet qui ne conseille pas seulement le gouvernement français, il est aussi chargé de la défense et de la communication des plus grands groupes pétroliers…

Lors de son audition devant le Parlement européen, Wopke Hoekstra avait annoncé transmettre dans un court délai la liste des clients pour lesquels il a travaillé au sein de McKinsey. Il est revenu sur cette décision la semaine dernière.

Il a par ailleurs été vivement critiqué pour avoir renoncé à son engagement de promouvoir l’élimination progressive des combustibles fossiles lors de la COP28, avec une référence très problématique aux combustibles fossiles « sans dispositif d’atténuation ».

Cette actualité et sa nomination n’ont pas encore fait l’objet de déclarations officielles de la part de la France. Nous vous donnons ici, madame la secrétaire d’État, l’occasion d’afficher la plus grande cohérence, lorsque de potentiels conflits d’intérêts apparaissent dans le cadre de nominations au sein des institutions communautaires.

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