Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la semaine dernière, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a invoqué l’article 99 de la Charte des Nations unies pour qualifier la situation à Gaza : « le monde est témoin d’une catastrophe qui se déroule sous nos yeux », nous dit-il. Cet article, invoqué uniquement en cas de danger pour le maintien de la paix et de la sécurité internationale, n’avait plus été mobilisé depuis cinquante ans.
Autre fait rare, l’unanimité des agences des Nations unies dénonçant tour à tour le « carnage », les « cent soixante enfants tués chaque jour », cent victimes parmi les employés des Nations unies et une cinquantaine parmi les journalistes, et le « risque immédiat de famine ». Les effets de la guerre menée par le régime israélien sont documentés.
Malgré cela, les dirigeants américains ont opposé leur veto au Conseil de sécurité sur une proposition de résolution qui portait l’exigence d’un cessez-le-feu. Les États-Unis ont pris cette position contre leur peuple. Partout, des femmes et des hommes par centaines de milliers foulent le pavé pour crier leur sidération, leur révolte, face à l’écrasement des Palestiniens.
La France s’honorerait à dénoncer ce choix. Les organisations non gouvernementales (ONG), dont Médecins sans frontières, estiment que « le veto des États-Unis les rend complices du carnage à Gaza ».
Madame la secrétaire d’État, la France compte-t-elle faire part de regrets ou condamner le veto des États-Unis ? Une réponse européenne est-elle prévue pour surmonter cette décision irresponsable, qui témoigne de la puissance belliqueuse des États-Unis ? Nous le savons, ils font partie de ceux qui se rémunèrent sur les dividendes de la guerre !
Hier, malgré un nouveau blocage d’Israël et des États-Unis, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution pour la protection des civils et le respect des obligations humanitaires.
Ces blocages ne peuvent nous faire perdre de vue l’objectif à terme : la solution à deux États, qui doit être accompagnée d’initiatives concrètes de notre pays. Le moment est venu d’agir, concrètement et avec force. Reconnaissons unilatéralement l’État palestinien sur la base des frontières de 1967.
L’Assemblée nationale et le Sénat ont voté en faveur de cette reconnaissance. Le gouvernement espagnol de Pedro Sanchez tente de convaincre l’Union européenne d’en faire de même. Par ailleurs, 138 pays sur les 193 que compte l’ONU en ont déjà fait autant. Notre pays, avec les États-Unis et le Royaume-Uni, fait partie des trois puissances bloquant ce processus.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, plus d’une vingtaine de rapporteurs des Nations unies ont réitéré, il y a trois semaines, leur inquiétude sur « un génocide en cours » et une « seconde Nakba ».
Une de nos frégates a été visée par des drones au nord du Yémen. L’escalade à la frontière entre le Liban et Israël se poursuit. Ce conflit porte en lui les ferments d’une guerre régionale.
Agir pour la justice, agir pour la paix est un devoir urgent. Il ne s’agit plus d’appeler pieusement à un cessez-le-feu – que de temps perdu, que de morts ! –, il doit être exigé.
La baisse drastique des importations israéliennes, la suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël sont des moyens de pression concrets. Leur non-activation nous rendra, de fait, complices de la poursuite de la faillite morale des belliqueux.
L’administration européenne, Josep Borrell en tête, qualifie d’« apocalyptique » la situation des civils à Gaza et estime que la destruction des immeubles est comparable aux destructions des villes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale. Dès lors, quelles aides européennes, humanitaires et d’urgence, d’une part, et quelles aides à la reconstruction, d’autre part, seront mobilisées ?
Nous avons su sanctionner la Russie, lorsque celle-ci a envahi l’Ukraine, et aider cette dernière : il est temps que l’Union européenne prouve qu’elle ne souffre pas d’une indignation sélective en fonction de la religion, de la proximité géographique ou de tout autre prétexte servant de couverture pour faire taire notre humanité commune. Les populations victimes de crimes de guerre, d’où qu’elles viennent, quelles qu’elles soient, méritent notre soutien plein et entier.
Je termine en vous alertant sur les effets qu’engendre ce sentiment de « deux poids, deux mesures » dans notre pays, qui compte les plus importantes communautés musulmane et juive d’Europe, et sur les grands dangers d’un immobilisme qui risquerait d’approfondir les fractures que nous connaissons.