Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce Conseil européen est le dernier d'une année difficile.
L'agression russe en Ukraine dure et, malheureusement, la guerre s'enlise.
Les terroristes du Hamas ont frappé Israël, qui poursuit sa riposte, avec un coût humain insupportable.
La COP28 se termine sur un accord insatisfaisant, après de nombreux événements climatiques alarmants, et la croissance économique européenne est en panne, ralentie par le surenchérissement du coût de l'énergie et l'inflation.
C'est dire si les enjeux de ce Conseil sont considérables. Les décisions qui seront prises - ou non - engageront l'avenir de l'Union européenne et de ses États membres.
Face à ces défis, le maître mot est l'unité. L'Union doit être mobilisée, engagée, et parler d'une seule voix.
Je souhaite tout d'abord aborder la situation de l'Ukraine, le soutien immédiat que nous lui devons et les perspectives d'avenir à lui offrir.
Depuis plusieurs semaines, la contre-offensive piétine, les troupes ukrainiennes manquent d'armes et de munitions, et les réponses apportées ne sont pas à la hauteur. Le commissaire Breton s'engageait à fournir aux Ukrainiens 1 million de munitions : ils n'en ont reçu qu'un tiers.
Madame la secrétaire d'État, cela interroge notre capacité à produire nos propres moyens de défense et, plus largement, l'ambition d'une politique industrielle de défense, voire d'une hypothétique défense commune, alors que nos partenaires allemands, empêtrés dans leurs difficultés budgétaires à la suite de l'arrêt de la cour de Karlsruhe, semblent s'éloigner chaque jour un peu plus de ces objectifs.
Si l'on y ajoute la position du Congrès américain et la possible élection de M. Trump en novembre 2024, il est urgent de se ressaisir.
À cet égard, la menace que fait planer M. Orbán sur l'aide à l'Ukraine est inquiétante, car son exécution attenterait à ses capacités de résistance. Elle casse la nécessaire cohésion européenne.
Espérons, madame la secrétaire d'État, que le Président Macron a été convaincant lors de son entretien avec M. Orbán !
Pouvez-vous nous dire quelle initiative la France prendra, en cas de blocage, pour améliorer le soutien à l'Ukraine, alors que la Russie contourne les sanctions, s'arme massivement, mobilise autoritairement des ressources humaines quasi inépuisables ?
L'Europe doit être au rendez-vous de l'Histoire, car une défaite de l'Ukraine serait une défaite pour la démocratie, pour l'État de droit et pour l'Europe.
C'est dans ce contexte que la question de l'élargissement se pose comme une obligation géopolitique – c'est le deuxième point que je souhaite évoquer.
Il faut offrir une perspective claire d'adhésion à l'Ukraine, dont le Parlement procède à de nombreuses avancées législatives en faveur de l'indépendance de la justice et de l'État de droit.
Simultanément, nous devons nous questionner sur les enjeux de cette adhésion, notamment sur l'avenir de la politique agricole commune et sur les défis de la reconstruction.
Le Conseil européen doit, demain, adresser un message précis aux autres pays : à la Moldavie, qui fait figure de « bon élève », et dont la perspective d'adhésion sera un message adressé à son peuple, mais aussi à la Russie ; à la Géorgie, qui doit lever toute ambiguïté sur ses choix diplomatiques ; aux Balkans occidentaux – Albanie et Macédoine du Nord –, pour lesquels les négociations doivent avancer ; au Monténégro, qui doit sortir de son instabilité politique et progresser ; à la Bosnie-Herzégovine, malgré sa complexité institutionnelle issue des accords de Dayton, les interférences serbes et la tentation séparatiste de la République serbe de Bosnie ; enfin, à la Serbie, qui doit choisir entre un alignement sur la Russie ou sur l'Europe et reprendre la voie du dialogue avec le Kosovo.
L'élargissement doit assurer conjointement la prospérité des États membres et des pays candidats, mais aussi la défense de notre modèle démocratique et notre sécurité.
Madame la secrétaire d'État, quelle lecture faites-vous de la situation de ces pays, considérant que la pierre angulaire, notre patrimoine commun doivent être le respect de l'État de droit, des droits humains et de la démocratie ?
Vous dites qu'il s'agit de savoir non pas s'il faut élargir l'Union européenne ni même quand – la réponse est le plus vite possible –, mais bien comment le faire.
Je partage votre sentiment. Mais, si cet élargissement est indispensable, il interroge le projet européen et nécessite une réforme de sa gouvernance.
Madame la secrétaire d'État, la France va-t-elle défendre, au Conseil, la nécessité de questionner les traités et de convoquer une Convention, comme le demande le Parlement européen ?
Le Conseil de demain doit envoyer les signaux nécessaires pour ouvrir un nouveau chapitre de l'histoire européenne.
Le troisième point que je souhaite évoquer concerne les accords commerciaux.
De nombreux accords sont en cours de finalisation, comme avec la Nouvelle-Zélande et le Chili. D'autres patinent, comme avec le Mexique et l'Australie.
Le Mercosur joue au yoyo. D'un côté, le Président de la République annonce s'opposer à un accord en l'état ; de l'autre, la présidence espagnole pousse pour aboutir.
Nous pensions que l'élection de M. Milei en Argentine reporterait sine die la question, mais, ces derniers jours, le président Lula prédit une signature rapide, avec l'appui de l'Allemagne. Madame la secrétaire d'État, nous avons besoin d'y voir clair !
De manière plus globale, il est indispensable que nous nous interrogions sur le logiciel utilisé pour ces accords commerciaux.
La théorie des « avantages comparatifs » n'est plus satisfaisante au regard des enjeux actuels de souveraineté économique et de transition écologique et numérique.
Outre garantir la prospérité des États membres, le rôle de l'Union est aussi de permettre l'émergence de standards environnementaux, sociaux et démocratiques ambitieux, qui nécessitent l'instauration de dispositifs de conditionnalité et de réversibilité des accords.
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous assurer qu'en l'état il n'y aura pas d'accord sur le Mercosur et que le Parlement français sera consulté sur celui-ci le jour venu, comme il devrait l'être sur l'Accord économique et commercial global (Ceta), déjà en vigueur depuis près de cinq ans et toujours pas présenté au Sénat ?
Pour terminer, je veux évoquer la COP28, qui se termine. Le Président de la République salue une étape importante, quand bon nombre d'ONG trouvent l'accord insatisfaisant.
Pouvez-vous nous dire si les conclusions de la COP permettront de respecter la trajectoire définie pour limiter le réchauffement à 1, 5 degré supplémentaire ? Quelles en seront les incidences pour l'Union européenne ?