Intervention de Marianne MARGATÉ

Réunion du 14 décembre 2023 à 15h12
Droits de l'enfant — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Marianne MARGATÉMarianne MARGATÉ :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi qui tend à favoriser le recours à la garde alternée de l'enfant en cas de séparation.

Le modèle du chef de famille n'a été remis en cause qu'à partir des années 1960, au profit d'une reconnaissance de l'égalité des sexes dans les statuts familiaux. La puissance paternelle a été remplacée par l'autorité parentale conjointe uniquement en 1970. L'enfant est alors devenu l'élément central sur lequel est fondée la famille.

À partir des années 1990, les réformes du droit de la famille s'orientent vers la défense des intérêts supérieurs de l'enfant, notamment en cas de séparation des parents.

La proposition de loi dont nous débattons a trait à l'hébergement de l'enfant en pareille situation.

La garde – ou résidence – alternée prévoit alors que l'enfant séjourne, pendant un temps d'une durée identique, chez les deux parents et suppose notamment l'existence d'une capacité d'entente.

En l'état du droit, le choix d'y recourir relève de l'intérêt de l'enfant et de la situation familiale. Dès lors, la durée de résidence chez chaque parent est non pas nécessairement identique, mais équitable.

En cas de désaccord, la décision du juge sera fondée surtout sur l'intérêt supérieur de l'enfant. Le juge n'est pas tenu d'ordonner provisoirement la garde alternée et conserve ainsi, d'une manière générale, un certain pouvoir d'appréciation.

À nos yeux, la présente proposition de loi va dans le sens inverse. Elle contredit la jurisprudence de la Cour de cassation et prévoit, de fait, une réduction du pouvoir d'appréciation du juge, alors qu'il est le plus à même de considérer objectivement l'intérêt de l'enfant.

En outre, selon le sociologue Édouard Leport, si les enfants sont confiés à la mère dans 80 % des cas, c'est parce que les parents ne demandent pas la garde alternée.

Par ailleurs, l'article 3, qui prévoit d'ajouter, aux critères pris en compte par le juge, les pressions ou violences exercées par l'un des parents sur la personne de l'enfant, a attiré notre attention.

Il semble trouver sa source dans la notion controversée d'aliénation parentale, théorisée dans les années 1980 par un psychiatre américain, dans un contexte de libération de la parole de femmes victimes de violences conjugales.

Selon cette notion, en cas de séparation, l'enfant serait manipulé par l'un des parents afin de porter sur l'autre de fausses accusations.

L'utilisation de cette théorie a d'ailleurs valu à la France, en avril dernier, une mise en garde de la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences.

Enfin, la garde alternée empêche, en principe, le versement d'une pension alimentaire, sauf si un écart de revenus important existe entre les parents. Or, en cas de séparation, la perte de revenus est plus importante pour la mère. Ce point requiert toute notre vigilance.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte.

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