Intervention de Elsa Schalck

Réunion du 14 décembre 2023 à 15h12
Droits de l'enfant — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Elsa SchalckElsa Schalck :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans notre pays, chaque année, plus de 300 000 couples se séparent soit par divorce soit par dissolution de pacte civil de solidarité (Pacs).

Ces temps de rupture conjugale peuvent être compliqués et difficiles à gérer, notamment lorsque la séparation est conflictuelle et que les enfants sont issus de l'union.

La présente proposition de loi pose la question du mode de garde de l'enfant. Ce sujet, qui relève des modalités d'exercice de l'autorité parentale, peut être particulièrement sensible. Il est souvent, malheureusement, à l'origine de nombreux contentieux au sein des juridictions.

En cela, je salue l'initiative de notre collègue Élisabeth Doineau, qui nous invite à nous pencher sur le sujet et à nous interroger sur le droit positif, mais aussi sur son application.

Je tiens également à remercier la rapporteure, Marie Mercier, de son travail réalisé en un temps contraint et d'avoir mené des auditions précieuses, qui nous ont livré la vision des associations, des professionnels, mais aussi des personnes concernées au premier chef par ce sujet : les parents.

Cette proposition de loi a le mérite de rappeler que, lors d'une séparation, un enfant doit pouvoir entretenir des relations personnelles avec ses deux parents de manière régulière. Cela peut sembler une évidence, mais les séparations conjugales affectent parfois les protagonistes à tel point qu'ils en perdent toute rationalité, notamment sur leur rôle de parent.

L'objet de l'article 1er est donc d'inscrire la notion d'entretien régulier dans le code civil, en alignant sa rédaction sur celle de la Convention internationale des droits de l'enfant. Cette disposition a une portée non seulement symbolique, mais également pédagogique, puisqu'elle vise à responsabiliser les parents.

L'article 3, quant à lui, tend à compléter les critères que le juge aux affaires familiales doit expressément prendre en considération pour rendre une décision relative à l'autorité parentale. Seraient ainsi prises en compte les éventuelles violences ou pressions exercées par l'un des parents sur l'enfant, étant entendu que les juges tiennent déjà compte, en pratique, de ces éléments.

Pour ce qui concerne les dispositions ayant trait à la résidence alternée, prévues initialement à l'article 2 de la proposition de loi, je suis favorable à leur suppression, conformément à la version du texte issue des travaux de la commission.

Cette position résulte non pas d'une opposition de principe à la garde alternée, qui peut présenter des atouts dans certains cas, mais de notre responsabilité, en tant que législateur, de toujours nous interroger pour savoir s'il est réellement nécessaire de modifier la loi. Cette question devrait d'ailleurs tous nous préoccuper, tant nous sommes nombreux à dénoncer l'inflation législative et les changements de réglementation bien trop fréquents qui affectent les professionnels.

Selon l'article 373-2-9 du code civil, « la résidence de l'enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux ». Un critère majeur est alors pris en compte : l'intérêt supérieur de l'enfant.

À mon sens, ce critère doit rester le moteur des décisions des juges aux affaires familiales, couplé à une appréciation in concreto, qui offre souplesse et adaptation au cas par cas. C'est une nécessité, mais aussi une force de notre droit positif, tant nous savons que chaque situation familiale ou personnelle est à la fois singulière et différente.

Ainsi, le cas d'un enfant en bas âge diffère de celui d'un adolescent et deux enfants du même âge peuvent être dans des situations complètement dissemblables.

En outre, la garde alternée ne recouvre pas les mêmes réalités selon l'éloignement géographique des domiciles des parents séparés ou les habitudes scolaires et extrascolaires de l'enfant. La qualité de la communication au sein du couple et le climat qui y règne doivent aussi être pris en compte.

Présumer que l'intérêt de l'enfant réside, par principe, dans la garde alternée risque, me semble-t-il, de rigidifier notre droit, de le rendre inadapté à une majorité de situations, voire d'aller à l'encontre de l'intérêt de l'enfant. D'autant que dans certaines situations, la garde alternée ne paraît absolument pas appropriée, comme – à l'évidence – en cas de violences conjugales et intrafamiliales.

L'appréciation souple du juge me semble constituer un atout à préserver. Pour autant, cela ne doit pas nous exonérer de nous interroger sur son application.

En effet, la garde alternée reste encore une modalité de résidence minoritaire – c'est une réalité –, malgré une tendance à la hausse, liée à la recherche accrue d'une parentalité équilibrée.

Il nous faut tenir compte non seulement des sentiments exprimés par les parents, notamment les pères, qui vivent certaines décisions comme une injustice, mais aussi du besoin de connaître les raisons qui ont motivé une décision de garde.

Cela est d'autant plus vrai que les délais de traitement judiciaire des affaires familiales sont particulièrement longs dans notre pays. Une telle lenteur est difficilement compatible avec l'évolution d'un enfant.

Enfin, en matière de droit de la famille, il est essentiel de parvenir à l'apaisement et de ramener de la sérénité dans des temps familiaux qui n'en sont pas toujours empreints. En cela, nous devons encourager les règlements amiables des conflits.

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