Monsieur le président, mon rappel au règlement concerne aussi bien le déroulement de nos travaux que la situation dans nos banlieues.
Nos débats se déroulent de manière quelque peu surréaliste, presque psychédélique, comme dirait Doc Gynéco lorsqu'il voit des éléphants roses !
Le ministre d'État, ministre de l'intérieur, qui nous a présenté ce projet de loi comme majeur - il en est d'ailleurs en grande partie l'inspirateur - n'a pas daigné répondre aux orateurs. C'est M. Hortefeux qui, avec un grand talent, certes, a répondu aux orateurs, et même à ceux qu'il n'avait pas écoutés, ce qui prouve qu'il est vraiment très bon !
Nous sommes dans une situation curieuse. Pour nous, il s'agit de répression ; pour vous, monsieur le ministre, il s'agit de prévention. Or, depuis le début de la discussion de ce projet de loi, deux événements majeurs se sont produits.
D'une part, hier, deux fonctionnaires de police ont été agressés sauvagement et de façon inadmissible alors qu'ils patrouillaient dans la ville de Corbeil-Essonnes. Je leur rends hommage, ils font ce qu'on leur demande et, même si cette tâche est impossible, ils ne sont pas en cause. Je forme des voeux pour qu'ils se rétablissent au plus vite.
D'autre part, un journal du soir a publié mardi une note du préfet de la Seine-Saint-Denis, que la presse a largement commentée le lendemain. Plusieurs questions se posent et il serait intéressant que le ministre de l'intérieur vienne répondre à nos interrogations.
Tout d'abord, quelles sont les raisons de cette fuite ? Je n'ai pas mauvais esprit, mais la presse l'a peut-être. Les journalistes et la justice se demandent si cette fuite n'aurait pas été orchestrée dans le but de favoriser le déroulement de nos travaux dans le sens voulu par le ministre de l'intérieur, c'est-à-dire pour renforcer la répression. Je n'ose y croire.
Ensuite, nous avons regretté largement qu'il n'y ait pas d'évaluation des cinq lois répressives qui ont été votées depuis 2002. Le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a bien sûr faite en ce qui concerne son département, dont la population est symptomatique de la situation dans nos banlieues.
Les élus reprennent les propos que nous avons tenus au cours de la discussion générale et de l'examen des premiers articles. Ils constatent que la situation s'est dégradée depuis 2002. On est donc en face d'un échec complet ; il y a même des quartiers dans lesquels on ne peut plus aller. L'agression sauvage d'hier, même si je n'en connais pas les détails, en est la preuve.
Notre collègue Christian Demuynck, qui appartient à l'UMP et ne peut donc être soupçonné de ne pas avoir des sympathies à droite, regrette que la police de proximité ait disparu. Il met en cause la façon dont les effectifs de police sont utilisés. Les chiffres sont d'ailleurs complètement divergents selon qu'ils proviennent du ministère de l'intérieur, du préfet ou des élus !
Nous aimerions comprendre comment le ministre de l'intérieur peut dire qu'il a augmenté les effectifs alors que, sur le terrain, on ne voit pas de changement. Un maire a ainsi pu constater qu'une seule voiture de police patrouillait certains soirs dans sa commune de 65 000 habitants. Nous sommes donc dans une situation délicate et difficile.
J'ajoute que, lorsque le ministre de l'intérieur s'en prend à la justice et que le garde des sceaux est obligé de répondre en défendant mollement ses magistrats, cette sorte de défausse montre un dysfonctionnement de nos institutions, qui est préoccupant.
Monsieur le président, je souhaiterais, si vous l'estimez nécessaire, une suspension de séance afin que le président du Sénat demande au ministre de l'intérieur de venir s'expliquer devant nous. Il appartient à M. Nicolas Sarkozy de le faire puisque c'est son projet de loi, quelle que soit la qualité, que je ne mets pas en doute, de M. Hortefeux.
L'honneur du Sénat est en cause : il est quand même inadmissible que le débat se déroule à l'extérieur de notre enceinte, dans les médias ! Il doit se dérouler d'abord ici pour que nous puissions reprendre la discussion sur le fond.