Oui, monsieur le rapporteur spécial, il y a des moyens de droit commun qui peuvent être mobilisés. Mais enfin, moi je vous parle du statut de ces travailleurs des plateformes numériques de travail, que nous sommes un certain nombre, ici, à avoir rencontrés. Chacun le connaît, nous en avons débattu.
Dans notre pays, deux statuts sont possibles : salarié ou indépendant. Certains songeaient à en créer un troisième, entre les deux. Ces hommes et ces femmes, souvent, ont des activités liées à des professions ou des métiers existants, qui entrent en concurrence avec notre modèle économique traditionnel, et se retrouvent sans droits, sans protection, sans rien !
Franchement, nous pourrions faire un geste et adopter cet amendement d’appel, pour au moins leur venir en aide. Vous n’imaginez pas ce que cela fait de se retrouver dans un prétoire face à Deliveroo, à Uber Eats, et à leur pléiade d’avocats. Je le sais, j’ai assisté à des procès de ce genre pour constater par moi-même les moyens qu’il y avait en face : c’est énorme !
À l’échelon européen, dès qu’un travailleur souhaite être requalifié en salarié, il voit sa demande rejetée, au seul motif qu’il faut un critère de tarification minimale : « on verra plus tard », s’entend-il dire ! Mais qui, parmi vous, accepterait de travailler sans discuter d’un tarif minimal ?
Ce même travailleur, en plus, se voit refuser le droit d’aborder la question de la déconnexion. Pourtant, c’est bien ce qui lui arrive : un jour, activé ; un jour, désactivé. Vous imaginez l’humiliation, pour un jeune homme ou une jeune femme, de se retrouver dans cette situation ?
Et voilà que maintenant on va même aller jusqu’à supprimer les faisceaux d’indices de requalification.
Ce débat, je le sais bien, n’a pas de lien direct avec le périmètre de la mission « Justice ». Mais il est tout de même de notre responsabilité d’accompagner la nouvelle génération engluée dans ces jobs, maltraitée, victime d’un véritable esclavage moderne. Le Sénat gagnerait à faire ce geste en soutenant cet amendement d’appel.