Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux commencer mon propos par un point de méthode précédemment abordé par notre rapporteur spécial : parmi les documents budgétaires publiés cette année ne figurent plus la disponibilité des matériels ni l’activité des forces. Or il s’agissait d’indicateurs essentiels pour apprécier l’état de nos armées !
Les Américains ou les Allemands publient ces chiffres. Ainsi, l’équivalent américain de la Cour des comptes, rattaché au Congrès, a récemment mis l’accent, dans un rapport, sur les problèmes de disponibilité de l’avion F-35. Ce genre d’analyses nous est désormais impossible. Le fait que ces chiffres soient transmis aux présidents de commission et partagés avec les rapporteurs ne repose, pour le moment, que sur la bonne volonté du Gouvernement et du ministre des armées. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que nous continuerons d’en être informés à l’avenir ?
J’en viens au fond.
Pour 2024, le projet de loi de finances initiale prévoit que les crédits affectés à l’entretien programmé des matériels atteindront 5, 7 milliards d’euros, ce qui représente une augmentation de 745 millions d’euros. Cette hausse doit toutefois être relativisée, puisque la précédente LPM évaluait à 6, 5 milliards d’euros le besoin de financement pour 2024. Il ne faut donc pas s’attendre à une forte progression de la disponibilité des matériels. De fait, elle reste modeste dans bien des domaines. Les défis restent donc nombreux.
Pour l’armée de terre, il convient de penser le soutien d’une manière complètement nouvelle, afin de passer d’un modèle de corps expéditionnaire à un modèle d’engagement majeur. Il faut donc passer d’une logique de marchés à flux tendus, performante mais inadaptée à la haute intensité, à la constitution de stocks de pièces en vue d’une forte attrition.
Cela n’ayant pas été financé parmi les priorités de la LPM, il est nécessaire de réaliser des économies de toutes les manières possibles, d’innover et de renforcer le contrôle sur les prestataires. Les nouveaux marchés de soutien pour les matériels du programme Scorpion seront au cœur de cette problématique en 2024.
Pour ce qui concerne l’armée de l’air et de l’espace, les progrès liés aux contrats verticalisés ne compensent pas encore les facteurs jouant contre la disponibilité de matériels.
Tout d’abord, les contrats nécessitent un temps assez long de montée en puissance. Espérons que les nouveaux contrats pour l’avion multirôle de transport et de ravitaillement (MRTT) et son moteur, tout juste signés pour dix ans, apporteront des bénéfices plus rapidement.
Ensuite, la disponibilité des matériels est affectée par les diverses cessions. Au-delà de ces contrats, les efforts d’efficience doivent être poursuivis en matière de maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique, grâce notamment à une simplification des normes de navigabilité et à une connexion plus directe des industriels à l’armée de l’air et de l’espace, via la généralisation des pôles de conduite et de soutien. S’ajoute à cela l’indispensable effort pour la transformation numérique.
Enfin, la marine nationale devra notamment poursuivre ses efforts remarquables de maintien en condition opérationnelle en continu des navires.
Au total, en matière de disponibilité de matériels, nous assisterons en 2024 à un frémissement qui augure – espérons-le – une remontée plus franche ensuite. Dans cette perspective, notre commission a voté en faveur de ces crédits.