Intervention de Olivier Cigolotti

Réunion du 11 décembre 2023 à 14h30
Loi de finances pour 2024 — Défense

Photo de Olivier CigolottiOlivier Cigolotti :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année 2024 est synonyme d’application de la nouvelle loi de programmation militaire, entrée en vigueur le 1er août 2023.

Son adoption résulte du bouleversement géostratégique induit par la guerre en Ukraine, qui a amené le Parlement, sur l’initiative du Président de la République, à décider d’interrompre la précédente loi de programmation, initialement prévue pour les années 2019 à 2025.

La nouvelle LPM prévoit une enveloppe de 400 milliards d’euros en crédits de paiement pour la période 2024-2030, soit une hausse de plus de 100 milliards d’euros par rapport à la précédente. Je profite de cette occasion pour saluer l’important travail et l’implication personnelle de notre collègue Christian Cambon, ancien président de la commission des affaires étrangères, qui a été le rapporteur de cette loi de programmation.

Ce projet de budget pour l’année 2024 contient indéniablement des motifs de satisfaction. Je me réjouis tout d’abord qu’il respecte la loi de programmation militaire.

Pour la troisième année consécutive, les crédits consacrés aux études amont dépasseront 1 milliard d’euros. Comme l’ont rappelé Gisèle Jourda et Pascal Allizard dans leur rapport consacré au programme 144, ces études jouent un rôle clé dans la détermination des capacités futures de nos armées, et donc dans le maintien de notre supériorité opérationnelle.

Ces crédits en hausse permettront de lancer, voire de poursuivre, des études, conformément à la loi de programmation, sur les armes à énergie dirigée, l’hypervélocité ou encore l’intelligence artificielle.

Je suis satisfait également de l’inscription de 190 millions d’euros au titre du financement de démonstrateurs, en particulier de projets d’envergure. Les crédits consacrés à l’analyse stratégique et à la diplomatie de défense sont également en progression.

Cette évolution était évidemment plus que nécessaire au regard de la dégradation du contexte stratégique que nous connaissons.

Je suis satisfait aussi du montant des crédits du programme 146, qui permettent de mettre en œuvre les engagements de la LPM, comme l’a rappelé Hugues Saury. Ils s’établiront en crédits de paiement à 16, 5 milliards d’euros en 2024, soit une augmentation de 7, 9 % ; les autorisations d’engagement s’élèveront à 24, 3 milliards d’euros.

Le PLF pour 2024 prévoit un effort accru de 35 % sur les munitions, soit 1, 5 milliard d’euros en crédits de paiement.

Comme l’a démontré Hugues Saury, ces moyens demeurent néanmoins très insuffisants au regard des exigences des combats de haute intensité. Il s’agit non pas de remplir nos stocks de munitions au-delà de nos besoins, mais de respecter réellement nos promesses envers l’Ukraine, ce qui, hélas ! n’est pas le cas à ce jour.

Nous sommes capables de produire environ 20 000 obus par an, quand l’Ukraine en consomme 5 000 par jour et la Russie, peut-être, 25 000 à 30 000. Du reste, cette dernière produirait entre 1 million et 1, 2 million d’obus par an !

Aussi, la France doit renforcer son rôle sur ce point, au regard du leadership qu’elle souhaite incarner.

Par comparaison, l’Allemagne a augmenté de 1, 3 milliard d’euros le montant de son aide à l’Ukraine, après l’avoir doublé de 4 milliards à 8 milliards d’euros. La somme totale de cette aide s’élèverait donc à 9, 3 milliards d’euros !

De fait, si nous ne parvenons pas à fournir à l’Ukraine les munitions dont elle a besoin pour se défendre, elle ne sera pas en mesure de gagner face à la Russie. Nous n’aurions donc pas respecté nos promesses et notre leadership sur la scène internationale en serait terni.

L’expression d’« économie de guerre » est revenue à plusieurs reprises lors des auditions que nous avons menées. Toutefois, je partage le sentiment qu’à ce stade nous ne sommes pas du tout dans une telle économie de guerre.

D’ailleurs, une accélération en la matière serait profondément utile, notamment pour clarifier notre position à l’égard des industriels. Nous leur demandons de produire davantage et plus rapidement sans leur donner de visibilité sur les commandes à venir. On ne peut pas leur demander de produire toujours plus sans fixer un cap, au risque d’entraîner la constitution de stocks importants qu’ils n’écouleraient pas !

Je me suis quelque peu appesanti sur cette question, mais, à l’évidence, elle soulève un débat incontournable, qu’il fallait ouvrir dans le cadre de ce PLF.

Je ne reviendrai pas sur le programme 178 à propos duquel je me suis déjà exprimé.

En ce qui concerne le programme 212, nous constatons que sur le plan des effectifs, les dispositions de la LPM ne sont pas respectées pour l’exercice 2024. En effet, cette dernière fixe la création de 700 ETP en 2024, puis une progression chaque année jusqu’en 2030 pour atteindre 6 300 ETP en sept ans.

Or voilà que, dès cette année, le PLF prévoit la création de 456 ETP seulement, au lieu des 700 ETP initialement prévus. Je m’inscris à la suite des propos de mes collègues Marie-Arlette Carlotti et Jean-Pierre Grand à ce sujet. Cette réduction est révélatrice d’une crise d’attractivité !

Monsieur le ministre, depuis trois ans, les effectifs de votre ministère diminuent. Il existe plusieurs explications à cela : les contrecoups de la pandémie, le marché de l’emploi, mais aussi la concurrence du secteur privé, plus rémunérateur, ou encore le manque d’intensité opérationnelle.

Sur ce dernier point, on entend souvent nos jeunes expliquer leur manque d’envie de s’engager par crainte de passer trop de temps sur l’opération Sentinelle.

À ces difficultés de recrutements, il faut ajouter l’augmentation des départs. La fidélisation n’est, hélas ! pas plus rassurante.

Comme l’a rappelé le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) dans son dernier rapport annuel, le pic de départs est important entre douze et seize ans de services.

À ce sujet, l’objet de la loi de programmation est de doubler les effectifs de la réserve opérationnelle d’ici à 2030 pour atteindre 80 000 réservistes. Avec environ 39 500 réservistes opérationnels à la fin de 2023, nous n’avons pas encore retrouvé le niveau de 2019. Je rappelle que la loi de programmation prévoit 3 800 nouveaux engagements à servir dans la réserve en 2024. L’atteinte des objectifs ne sera donc pas facile, même si les mesures votées figurant dans la LPM devraient y contribuer.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous saluons la hausse des crédits de cette mission, conforme, comme je l’ai dit, à la loi de programmation militaire. Par conséquent, le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Défense ».

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