Comme vous toutes et tous ici, chers collègues, je suis profondément attachée à la sécurité de notre nation et, avec elle, de nos concitoyens ; celle-ci est pour moi non négociable.
Manquer d’ambition dans la sécurité et la protection d’un seul de nos concitoyens constituerait une erreur lourde. Que celui-ci se trouve dans l’Hexagone, aux Antilles, en Guyane, en Polynésie ou dans l’océan Indien, notre exigence en matière de sécurité doit être la même.
Par conséquent, nous reconnaissons les avancées positives en matière d’apports de nouveaux matériels, de modernisation d’équipements, de formation et de revalorisation pour nos soldats.
Cela étant, nous sommes ici dans d’autres dimensions. Le quasi-doublement du budget de la défense entre 2017 et 2030, passant de 32, 3 milliards à 69 milliards d’euros, s’inscrit dans une course aux armements manifeste. Employer autant de ressources pour le surarmement inscrit notre pays dans la grande dérive militariste mondiale. Il constitue un choix éminemment dangereux pour la sécurité collective.
À cette tribune, comme à celle de l’Assemblée nationale, les parlementaires communistes restent formels : une telle logique ne fait que nourrir la guerre, elle ne la désarme pas.
Examinons ensuite la répartition des crédits entre les différents programmes : la priorité est donnée à la dissuasion nucléaire, dont les crédits de paiement sont en hausse de 13, 6 %.
Je défends le maintien d’une capacité de dissuasion nucléaire défensive et de stricte suffisance comme instrument de défense et d’indépendance de la Nation. Mais il s’agit ici de tout autre chose.
Cette priorité s’inscrit dans la stratégie militaire de l’Alliance atlantique, d’opérations et de guerres projetées hors de nos frontières. Les déclarations du Président de la République, tout comme le contenu de la revue nationale stratégique (RNS), ne sont malheureusement pas de nature à nous rassurer.
Elles vont par ailleurs à l’encontre de nos engagements internationaux en faveur de la non-prolifération de l’arme nucléaire. La France a d’ailleurs elle-même réaffirmé dans une déclaration commune, en mai 2023, lors du G7 organisé à Hiroshima, « qu’une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée ». Nous gagnerions à beaucoup plus de cohérence, monsieur le ministre.
Ajoutons que cette priorité conduit à vampiriser le reste des dépenses nécessaires à la stricte défense opérationnelle de notre nation.
Plus globalement, le déploiement des crédits souffre d’un déficit de réflexion stratégique majeur. Celui-ci nous amène à des saupoudrages qui n’auront aucune efficacité. À ce titre, le cas des crédits en faveur du cyber est éloquent. Nous investissons 300 millions d’euros notamment dans la formation et le recrutement d’experts, mais ces efforts resteront vains tant que nous ne maîtriserons pas la chaîne de valeur numérique de bout en bout.
Au-delà, les moyens du plan européen pour soutenir l’industrie de semi-conducteurs sont largement insuffisants, puisqu’ils ne correspondent qu’à des subventions pour inciter des industries étrangères, pour la plupart états-uniennes, à s’installer sur le sol européen.
De plus, l’ensemble des plateformes numériques – clouds, services en ligne, réseaux, serveurs – sont détenues soit par les Gafam américains (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) soit par les BATX chinois (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi).
Une véritable politique de cybersécurité profitant à nos industries, notamment de défense, à nos administrations, à nos concitoyens, s’agissant de protection des données, ne peut faire l’économie d’une véritable stratégie de réindustrialisation de la France et de l’Europe sur l’ensemble de la production numérique.
Bien sûr, il s’agit de cas précis et complexes, mais l’étude des crédits en faveur de la dissuasion nucléaire et de notre politique cyber montre bien à quel point, malgré les incantations du Président de la République et de votre ministère, malgré les hausses de moyens absolument faramineuses, ce budget ne conforte ni notre souveraineté militaire ni celle de nos industries, y compris celles qui concourent à la défense.