Monsieur le ministre, les affaires deviennent sérieuses ! Au cours des derniers jours, nous avons examiné des crédits que le Gouvernement avait, pour reprendre votre sémantique, « calculés à l’euro près ».
Cela revient au fond à appliquer la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), qui exige que le budget soit justifié au premier euro. Nous avons fondé nos votes sur l’information présente dans les documents budgétaires et sur le principe fondamental de l’annualité budgétaire. Je rappelle que l’article 15 de la Lolf dispose que « les crédits ouverts […] fixés au titre d’une année ne créent aucun droit au titre des années suivantes » ; il faut bien le garder à l’esprit. Le Lolf n’autorise par conséquent à reporter des crédits non consommés que de manière résiduelle, à hauteur de 3 % en loi de finances initiale, sauf crédits de personnel.
Or le présent article constitue – cela m’étonne de votre part, monsieur le ministre – un renversement complet de ce principe.
Certes, aux termes de l’article 15 de la Lolf, la loi de finances peut prévoir des majorations à ce seuil de 3 % « par une disposition dûment motivée ». Mais le présent article ne majore pas les plafonds de report : il les supprime purement et simplement ! Il autorise à reporter la totalité des crédits disponibles pour – excusez du peu ! – 37 programmes du budget général. Pour l’ensemble de ces programmes, les crédits que nous votons pourraient n’avoir finalement rien à voir avec ceux qui seront réellement mis à la disposition des administrations en 2024.
Monsieur le ministre, la formulation n’est pas tout à fait innocente. La Lolf permet le report de crédits « ouverts par la loi de finances de l’année » ; cet article, en revanche, traite des « crédits de paiement disponibles », ce qui permettrait de reporter en 2024 non pas seulement des crédits ouverts en 2023, mais aussi des crédits ouverts en 2022 et déjà reportés une première fois, et ce pour des dizaines de milliards d’euros !
Ainsi, 2 milliards d’euros sont en jeu au programme 367, qui recycle des crédits ouverts en 2022 pour financer – tenez-vous bien ! – la nationalisation d’EDF.
Monsieur le ministre, je vous le dis d’emblée, depuis 2021, un cycle de gestion des crédits parallèle à l’autorisation parlementaire a été mis en place. Il s’alimente d’année en année. Il est temps de s’y opposer !
C’est pourquoi, par l’amendement n° II-1372, je propose la suppression de cet article absolument contraire aux exigences de la Lolf. Je vous savais attaché au respect de la lettre de celle-ci ; manifestement, vous faites aujourd’hui fausse route.