Intervention de Corinne NARASSIGUIN

Réunion du 4 décembre 2023 à 10h00
Loi de finances pour 2024 — Immigration asile et intégration

Photo de Corinne NARASSIGUINCorinne NARASSIGUIN :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après les débats intenses que nous avons eus sur ce sujet il y a un mois, nous voilà de nouveau réunis dans cet hémicycle pour évoquer la question de l’immigration.

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2024 sont en hausse de 7, 3 %. Nous sommes encore bien loin, néanmoins, d’une réelle prise en compte des besoins : s’agissant de répondre à l’enjeu une véritable intégration des personnes migrantes dans notre pays, ce budget demeure insuffisant.

Premier fait notable : la baisse du financement de l’allocation pour demandeur d’asile, qui passe de 314 millions d’euros en 2023 à 293, 9 millions en 2024, alors même que le Gouvernement attend 180 000 demandes d’asile en 2024 contre 135 000 en 2023.

Contrairement à ce qu’allègue le Gouvernement, l’accélération des procédures d’instruction de l’Ofpra ne saurait à elle seule justifier ce net recul, d’autant qu’il n’est pas tenu compte, dans le PLF, de la prise en charge des personnes ayant fui l’Ukraine.

La Cour des comptes elle-même a vivement critiqué ce choix de non-budgétisation : « Si les besoins peuvent sembler en effet difficiles à calibrer, ils apparaissent néanmoins incontestables compte tenu du prolongement du conflit en Ukraine […]. Le défaut de sincérité budgétaire est établi à cet égard. »

De surcroît, madame la secrétaire d’État, nous aurions pu comprendre cette baisse du montant de l’ADA si la droite sénatoriale n’avait pas supprimé l’article 4 du projet de loi Immigration, dont les dispositions auraient permis aux demandeurs d’asile de travailler dès le dépôt de leur demande. Cet article a été réintroduit en commission à l’Assemblée nationale et nous veillerons à son maintien, qui nous paraît essentiel.

Je le rappelle, le montant journalier de l’ADA s’élève à 6, 80 euros par jour pour une personne et il peut être majoré en cas d’absence d’hébergement. Ce montant dérisoire ne permet pas aux demandeurs d’asile de vivre dignement, ni même de manger à leur faim.

Leur permettre d’accéder à un travail dès le dépôt de la demande d’asile est une mesure de bon sens. Aussi, je ne comprends pas que la droite de cet hémicycle, si soucieuse de nos dépenses publiques, y soit opposée.

Nous tenons à saluer la création de 1 500 places d’hébergement supplémentaires pour l’année qui vient. Ce chiffre n’en demeure pas moins notoirement insuffisant à l’heure où seulement 58 % des demandeurs d’asile bénéficient d’un hébergement et où l’on déplore une saturation des dispositifs existants.

Il n’est pas acceptable de laisser ces hommes, ces femmes et ces enfants dormir sur nos trottoirs. Nous proposerons donc de créer 2 000 places d’hébergement d’urgence supplémentaires, même si – nous en avons bien conscience – cela demeure insuffisant.

L’objectif de 3 000 places en CRA d’ici à la fin de l’année 2027, dont nous devons la paternité à Éric Ciotti et qui figure dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), est conforme à votre politique : un nombre toujours plus important de personnes retenues, pour des durées toujours plus longues. Nous saluons l’adoption par la commission des lois de l’Assemblée nationale de l’interdiction du placement en CRA des mineurs de 18 ans, mesure que nous avions déjà défendue au Sénat.

M. Darmanin prétend n’enfermer que les personnes dangereuses dans les CRA, mais il sera contredit, il le sait, par sa propre interprétation très large de la menace à l’ordre public ainsi que par le placement en rétention des étrangers « dublinés », qui découle du projet de loi Immigration.

Comme nous l’avions fait lors du débat sur ce dernier texte, nous tenons à donner l’alerte quant à la présence dans les CRA de personnes vulnérables, souffrant parfois de troubles psychiatriques, qu’il est nécessaire d’accompagner.

Relayant les nombreuses alertes émises par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, je tiens à rappeler que la priorité doit être donnée à l’entretien et à la réfection des locaux existants plutôt qu’à de nouvelles constructions.

Toujours dans le cadre du projet de loi Immigration, vous imposez une obligation de réussite à un examen de français pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle, en prétendant qu’une telle mesure participe de l’intégration.

Mais nous avons bien du mal à comprendre comment sont répartis les crédits relatifs à l’apprentissage de la langue. Voici ce que M. Darmanin a déclaré en séance publique au Sénat : « Nous prévoyons d’augmenter de 9 millions d’euros les moyens consacrés par l’Ofii aux cours de français destinés aux étrangers qui passeront l’examen de langue que nous proposons de mettre en place. » Où sont les lignes de crédits afférentes ? Nous peinons à les repérer… Aussi aimerions-nous avoir davantage de précisions sur la ventilation des crédits d’intégration ; qu’en est-il en particulier de ceux qui sont consacrés à la formation linguistique ?

Madame la secrétaire d’État, augmenter les budgets, c’est bien ; encore faut-il mener une politique migratoire ambitieuse et digne.

Ce budget est la confirmation que le projet de loi de votre gouvernement n’a d’« intégration » que le nom.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les crédits de cette mission.

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