Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi entend faire face à la précarité étudiante qui s’est accentuée en France depuis la crise sanitaire.
Son auteure, notre collègue Monique de Marco – je tiens à saluer son investissement sur ce sujet –, s’appuie sur le bilan dressé en juillet 2021 par la mission sénatoriale sur les conditions de la vie étudiante en France, dont le rapporteur était Laurent Lafon.
Cela fait déjà plusieurs années que la question de la précarité étudiante revient régulièrement dans le débat public. La crise sanitaire n’a été que le révélateur et l’amplificateur de difficultés préexistantes, particulièrement présentes dans trois domaines : la santé, le logement et l’alimentation.
L’inflation a aggravé la situation, avec un coût de la vie qui a augmenté de 6, 47 % en 2022 selon le rapport annuel de l’Unef ; en témoignent les files d’attente aux distributions alimentaires et les taux de fréquentation record des restaurants universitaires.
D’après le ministère des solidarités et des familles, 40 % des étudiants qui vivent seuls sont en situation de pauvreté. Un constat préoccupant et non sans conséquence : selon l’observatoire du Samu social, un quart des étudiants présents à l’aide alimentaire déclare un état de faim modéré à sévère et un tiers d’entre eux un état dépressif majeur.
L’année dernière, la Cour des comptes soulignait que la crise sanitaire avait mis en évidence les défauts structurels qu’elle avait déjà dénoncés en 2015 : des acteurs multiples, un enchevêtrement des compétences et un dispositif de bourses sur critères sociaux présentant des limites. Elle notait que la population des étudiants non boursiers avait été, à tort, délaissée dans les premiers mois de la crise, alors qu’elle était nettement exposée au risque de précarité.
Les auteurs de la proposition de loi soulignent avec raison que la précarité gagne les jeunes issus de la classe moyenne et que l’État doit dorénavant en tenir compte.
Le constat étant fait, quelles réponses apporter aux besoins des jeunes ? Que penser du texte qui nous est présenté aujourd’hui ?
Cette proposition de loi vise à supprimer le système actuel de bourses en raison de sa complexité et du maintien des situations de précarité, que je viens d’évoquer ; elle lui substitue une allocation universelle concernant tous les étudiants. Cette mesure, dont on trouve un exemple au Danemark, présenterait l’avantage d’atteindre les jeunes issus de la classe moyenne, comme d’éviter le non-recours.
Il s’agirait pour autant d’un bouleversement d’ampleur. Nous pouvons ainsi discuter de l’impact d’une telle réforme et de son sens : la collectivité nationale doit-elle se substituer aux solidarités familiales ? Les jeunes seront-ils responsabilisés s’ils sont totalement dessaisis du financement de leurs études ? Quel message leur adressons-nous sur leur capacité à gagner leur autonomie et à s’investir dans leur avenir professionnel ? Devons-nous les faire entrer dans une logique d’assistanat ?