Intervention de Vincent Capo-Canellas

Réunion du 4 décembre 2023 à 10h00
Loi de finances pour 2024 — Compte d'affectation spéciale : financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas :

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je commencerai par rendre compte des crédits du programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie », qui regroupe les subventions pour charges de service public du Centre d’études et d’expertise pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et de Météo-France.

Après une décennie de baisses substantielles de ses moyens, Météo-France connaît un répit bienvenu depuis l’année dernière – nous en avions parlé lors de l’examen du budget pour 2023, M. le ministre s’en souvient.

Ce répit est bienvenu, disais-je, car, comme je l’avais exposé il y a deux ans dans un rapport d’information, cet opérateur est de plus en plus sollicité en raison de la multiplication des phénomènes extrêmes. En 2024, ses effectifs doivent progresser de 25 ETPT – c’est notable. À l’horizon 2026, Météo-France devra par ailleurs investir dans de nouveaux supercalculateurs, pour 350 millions d’euros. Tout n’est donc pas réglé, mais c’est un pas de franchi !

L’année dernière, dans un autre rapport d’information, je vous avais présenté une analyse de la transformation en cours au sein de l’IGN. Au-delà de la stratégie robuste proposée par la direction générale, qui mérite d’être conservée, je vous avais signalé un risque de trou d’air, le modèle économique de l’Institut étant très dépendant de grands programmes financés par des commanditaires publics, qui sont principalement des ministères. Ceux-ci se font parfois tirer l’oreille, en effet, pour apporter leur obole après passation des commandes ou pour réactualiser le montant des crédits alloués à l’opérateur.

Le trou d’air que je pressentais est survenu plus tôt que je ne l’imaginais et l’IGN risquait de se trouver à court de trésorerie dès l’année prochaine. Je me réjouis que nous ayons pu traiter cette question, en concertation avec l’Assemblée nationale et avec le Gouvernement et grâce à l’aide active du rapporteur général de la commission des finances du Sénat, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023. L’amendement que j’avais déposé visant à accorder à l’IGN une subvention exceptionnelle de 4 millions d’euros a en effet été adopté par le Sénat.

Ce versement permettra à l’opérateur de présenter un budget à l’équilibre lors de la réunion de son conseil d’administration vendredi prochain – cette réunion avait précisément été décalée en attendant d’obtenir des garanties fermes de la part des ministères concernés. Je souhaite que la stratégie qui a été excellemment définie soit pérennisée : il convient de la mettre en œuvre en s’en donnant tous les moyens.

J’en viens au Cerema.

Après un passage à vide, il a retrouvé une réelle dynamique grâce à un travail de remobilisation engagé sur plusieurs années, qu’il faut saluer. Son nouveau modèle de « quasi-régie conjointe » entre l’État et les collectivités, en faveur duquel nous avions voté lors de l’examen de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, s’est mis en place cette année et les premiers résultats paraissent encourageants.

En raison de cette vitalité retrouvée et pour la première fois de son histoire, les effectifs du Cerema devraient augmenter de 10 ETPT en 2024. Toutes les discussions ne sont pas closes pour autant, mais le signal ainsi envoyé va dans le bon sens ; je veux le saluer.

Je dis quelques mots, à présent, du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (Bacea). Après des années marquées par la pire crise de son histoire, la croissance du trafic subissant une encoche très brutale de plusieurs années, le transport aérien retrouve des couleurs.

Le trafic a presque renoué avec son niveau d’avant-crise, nonobstant des variations localisées – je pense au trafic domestique ou à certaines destinations comme l’Asie – et les difficultés nées ici ou là des désordres et des guerres. En 2024, les redevances de navigation aérienne dépasseront leur niveau d’avant 2020, car elles incluent un dispositif de rattrapage des conséquences de la crise. Il s’agit d’un élément majeur, dans la mesure où ce budget annexe est assis sur ce type de ressources.

Le transport aérien se porte mieux, on peut s’en réjouir ; cependant, mes chers collègues, je ne saurais vous cacher ma préoccupation pour ce qui concerne les répercussions sur le secteur de la nouvelle taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance. Les aéroports sont dans cette affaire une victime collatérale de la volonté de l’État de mettre à contribution les sociétés d’autoroutes : ils servent d’alibi. La taxe présente ainsi plusieurs effets de bord financiers regrettables, que j’ai détaillés au moment de la discussion de l’article 15 de ce PLF : elle fragilisera certains aéroports et offrira un avantage concurrentiel aux compagnies low cost, qui pour partie sont absentes des grands aéroports. Se pose donc la question de la modération tarifaire comme mode de régulation du secteur.

La direction générale de l’aviation civile (DGAC) est en pleine négociation de son nouveau protocole social, pratique quelque peu atypique censée se traduire par une forme de donnant-donnant : efforts de productivité des contrôleurs en échange de mesures indemnitaires. De mon point de vue, jusqu’à présent, cette pratique n’a pas fait ses preuves – et c’est là un euphémisme. Les objectifs de performances inscrits dans ce nouveau protocole semblent ambitieux, mais je reste dubitatif.

Le PLF 2024 marque une impulsion budgétaire supplémentaire en faveur des investissements de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA). J’avais plaidé en ce sens dans un rapport d’information publié en juin dernier. Nous allons donc dans la bonne direction : une nouvelle impulsion est donnée par la transition vers un nouvel outil d’assistance du contrôle aérien – 4-Flight –, ce système étant susceptible d’être mutualisé avec les partenaires européens de la DSNA ; quant au problème de l’obsolescence des infrastructures, il a cessé d’être négligé.

Un mot sur la lourde dette du Bacea : après avoir culminé à 2, 7 milliards d’euros en 2022, elle a amorcé un repli cette année, mais la décrue sera lente.

Monsieur le ministre, j’ai brièvement relevé une difficulté, il y a quelques instants, quant à la régulation du secteur aéroportuaire par la modération tarifaire : en vertu de ce principe, certains aéroports ne pourront tout simplement pas compenser les effets de la nouvelle taxe.

J’ajoute que j’ai eu le plaisir, en première partie, de soumettre au Sénat, qui l’a voté, un amendement visant à inciter les compagnies aériennes à accélérer l’incorporation dans leur mix des carburants durables.

Au-delà des mesures en faveur de la production de carburants durables d’aviation qu’a excellemment annoncées le Président de la République avant le salon du Bourget, il faut réfléchir à une régulation incitative sur les prix, car ils sont en France deux fois supérieurs à ceux qui se pratiquent aux États-Unis, par exemple.

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