Intervention de Adel ZIANE

Réunion du 18 décembre 2023 à 16h00
Restitution des restes humains appartenant aux collections publiques — Vote sur l'ensemble

Photo de Adel ZIANEAdel ZIANE :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour débattre d'une proposition de loi essentielle qui, à notre sens, transcende les clivages politiques et nous invite à faire preuve d'une profonde réflexion sur notre passé et à agir avec justice et respect.

Je tiens tout d'abord, bien sûr, à saluer le travail remarquable et la pugnacité de nos collègues Catherine Morin-Desailly, Max Brisson et Pierre Ouzoulias, dont l'engagement a été crucial dans l'élaboration de cette proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques.

Il est temps de reconnaître que ces restes humains, bien loin d'être de simples objets d'exposition, sont les témoins silencieux de vies passées et de cultures riches et qu'ils portent souvent en eux le poids d'une histoire coloniale complexe.

Ces restes ont trop fréquemment été acquis dans des conditions non compatibles avec les valeurs de notre République, et leur qualification en tant que « biens », dépourvus souvent de tout intérêt scientifique, perpétue une vision dépassée du patrimoine matériel.

Comme cela a été rappelé, le code civil dispose pourtant que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort », et que « les restes des personnes décédées [...] doivent être traités avec respect, dignité et décence. » Nous devons cet ajout important à notre ancien collègue Jean-Pierre Sueur, qui a particulièrement contribué à faire avancer notre législation funéraire. Je tiens à le saluer.

Jusqu'à ce jour, les rares restitutions ont été entravées par le caractère inaliénable des biens du domaine public, une barrière qui a limité la reconnaissance de la dignité inhérente à chaque individu, même après sa mort.

C'est pourquoi, par le passé, deux lois d'initiative sénatoriale ont été adoptées successivement : la première pour la restitution à l'Afrique du Sud de la dépouille de Saartjie Baartman, surnommée la « Vénus hottentote », en 2002 ; la seconde pour la restitution à la Nouvelle-Zélande de vingt têtes maories, en 2010, sur l'initiative, encore une fois, de Mme Catherine Morin-Desailly, ardente défenseure de ces causes justes.

Plus récemment, vingt-quatre crânes algériens ont été restitués en urgence à l'Algérie, mais cette décision, en 2020, a fait fi de tout cadre scientifique et législatif.

Face à la lourdeur et à la complexité du recours à la procédure législative, il était impératif de construire une loi-cadre. C'est ce que nous faisons aujourd'hui.

Cette nécessité est soulignée par les établissements concernés, au premier rang desquels les musées de notre pays, qui sont touchés par les débats de société, ne sont pas hermétiques aux exigences de la société civile et doivent répondre à la multiplication des demandes de restitution, en provenance du monde entier. Il nous fallait répondre à l'augmentation forte de ces demandes, qui a frappé les musées en particulier lors des dix dernières années.

De nombreux pays européens ont déjà répondu à cette nécessité, en adaptant ou en travaillant à leur législation.

Il nous fallait être à l'heure et au rendez-vous.

La présente proposition de loi y répond, en créant un cadre clair et cohérent pour les restitutions futures, loin des décisions fragmentées et arbitraires du passé.

Cette initiative va au-delà de simples gestes symboliques. Elle incarne notre volonté collective de reconnaître un passé douloureux et de construire ensemble un avenir fondé sur un respect mutuel entre les peuples et les nations, notamment entre la France et ses anciennes colonies.

Vous l'avez dit, madame la ministre, il est également primordial d'apporter une réponse à nos compatriotes d'outre-mer, pour lesquels le texte dont nous débattons aujourd'hui constitue un impensé. Je me réjouis des mesures que vous avez annoncées en ce sens s'agissant de la restitution de restes humains ultramarins.

Il était difficile de faire bénéficier les territoires ultramarins de la procédure mise en place par la présente loi-cadre en faveur des États étrangers. De fait, cette transposition nécessite, à elle seule, une mission et un second texte législatif, permettant d'accomplir notre devoir de mémoire sur cette période de l'histoire où la France accueillait des zoos humains.

Enfin, la démarche que nous officialisions aujourd'hui ne pourra pas réussir – j'insiste sur ce point – sans y adjoindre les moyens humains et financiers à la hauteur du travail colossal qui demeure pour identifier précisément les restes humains présents dans nos collections.

Mes chers collègues, en soutenant cette proposition de loi, nous faisons bien plus que réparer les erreurs du passé : nous faisons honneur à notre pays, nous affirmons notre engagement envers une réconciliation des mémoires et nous construisons un avenir où le respect de la dignité humaine est au cœur de nos actions.

Le groupe socialiste votera donc pour cette proposition de loi.

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