Venons-en à l'examen plus précis du texte.
Tout d'abord, l'article 1er avait un objet clair : rappeler qu'il appartient aux parents de s'assurer non seulement de la sécurité, de la santé et de la moralité de l'enfant, mais également de la protection de leur vie privée.
Être parent au XXIe siècle n'est pas la même chose qu'être parent au siècle dernier. À une époque où les contenus numériques peuvent être diffusés ou conservés facilement et indéfiniment, les adultes que nous sommes doivent avoir conscience que diffuser des images ou des vidéos de leurs enfants dès leur plus jeune âge expose leur vie privée, dès aujourd'hui et pour longtemps. Aussi, je regrette que votre commission ait fait le choix de supprimer cet article.
À l'article 2, votre commission des lois a retenu une partie de la nouvelle rédaction de l'article 372-1 du code civil, proposée par les députés, en ne gardant que le rappel du principe selon lequel les parents protègent en commun le droit à l'image de leur enfant.
Si votre proposition permet d'introduire dans le code civil le droit à l'image comme les députés l'ont proposé, il me semble pour autant dommage d'abandonner le renvoi à l'article 9 du code civil et au respect du droit à la vie privée.
Je retiens, par ailleurs, votre argument selon lequel il n'est pas inutile de rappeler que les parents associent l'enfant à l'exercice de son droit à l'image selon son âge et son degré de maturité, car ceci est déjà prévu à l'article 371-1 du code civil.
L'article 3 de la proposition de loi ne comporte plus qu'un II, puisque vous avez pris acte de la suppression par l'Assemblée nationale en deuxième lecture d'un dispositif inapplicable en pratique. Il s'agissait en effet de subordonner à l'accord des deux parents la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée de l'enfant. C'est un choix pragmatique qui permet d'éviter les difficultés auxquelles n'auraient pas manqué d'être confrontés les parents, mais aussi les écoles, associations sportives et autres lieux d'accueil des enfants chaque fois qu'ils auraient publié des images des enfants sur leur site.
La seconde partie de l'article 3 est en voie de stabilisation. Néanmoins, elle a été modifiée par la commission des lois pour permettre la saisine du juge aux affaires familiales même sans désaccord des deux parents sur la diffusion au public d'un contenu relatif à la vie privée de l'enfant. Cela aura pour conséquence de permettre une intervention du juge aux affaires familiales en dehors d'un conflit parental.
Or je vous alerte sur ce point : le juge aux affaires familiales n'est pas le juge des enfants. Certes, il veille à la sauvegarde de l'intérêt de l'enfant ; toutefois il intervient non pas pour protéger l'enfant, mais pour résoudre un conflit sur l'exercice de l'autorité parentale. Il n'est donc pas opportun, à mon sens, d'apporter une confusion quant à l'office du juge aux affaires familiales.
Enfin, la commission des lois a de nouveau supprimé l'article 4, qui propose une nouvelle rédaction de l'article 377 du code civil. Il s'agissait pourtant de compléter les conditions dans lesquelles l'autorité parentale peut faire l'objet d'une délégation totale ou partielle. Actuellement, la délégation forcée a lieu en cas de désintérêt pour l'enfant, de crimes d'un parent sur l'autre parent ou d'impossibilité d'exercer tout ou partie de l'autorité parentale.
Il serait aussi dorénavant prévu qu'une délégation partielle pourrait être prononcée lorsque la diffusion de l'image de l'enfant porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale.
Ce nouveau dispositif, porté avec conviction par l'auteur de cette proposition de loi, apportait une protection concrète et proportionnée à l'enfant confronté aux risques d'atteintes graves à son image. Il constituait une avancée significative. Aussi, je regrette que cet article ne soit pas conservé par votre Haute Assemblée.
L'article 5 a également été modifié par votre commission des lois, afin d'étendre à l'outre-mer le champ d'application de cet article de la proposition de loi. Ceci permettra d'uniformiser le nouveau régime visant à assouplir les conditions de saisine du juge des référés par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Je suis réservé sur l'introduction de ce nouveau régime, mais s'il doit voir le jour, il faut bien entendu l'étendre à l'outre-mer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en dépit de ces quelques réserves, je ne doute pas que vos deux assemblées puissent trouver prochainement un compromis rédactionnel sur chacun de ces articles, …