Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, les droits de l'enfant ne sont pas toujours respectés dans le monde réel ; malheureusement, ils ne le sont pas plus dans le monde numérique, où ils sont trop souvent virtuels.
La surexposition des enfants sur les réseaux sociaux porte trop souvent atteinte à leur sécurité, à leur santé, à leur moralité ainsi qu'à leur vie privée. Parfois c'est de leur fait, d'autres fois, c'est parce que les parents n'ont pas adopté des usages raisonnés de ce monde numérique.
Pourtant, dans la vie réelle, dans chacune des activités de nos enfants mineurs, le lycée, le club de sport, ou le conservatoire nous demandent de signer une autorisation d'exploitation de leur droit à l'image.
Dans la vie réelle, aucun d'entre nous n'aurait l'idée de distribuer des photos de nos enfants à des inconnus dans la rue ni même de les présenter à de potentiels pédocriminels !
C'est pourtant de cela qu'il s'agit aujourd'hui.
Le monde numérique est une chance pour nos enfants, si, et seulement si, comme dans le monde physique, il est régi par le droit, en ce compris le droit des enfants et particulièrement le droit à l'image.
Parce qu'aujourd'hui, la question du droit à l'image des enfants est fondamentale, la responsabilité des parents doit être considérée comme primordiale sur ce point.
Vous avez la possibilité de répondre à cet enjeu de la meilleure des manières, en insérant au travers de cette proposition de loi dans le cœur de notre droit national, le code civil, le droit à l'image numérique des enfants, et en intégrant une des notions les plus essentielles de notre droit, l'autorité parentale, qui est « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant », selon l'article 371-1 du code civil.
Des droits et des devoirs : voilà, en résumé, l'enjeu du texte que vous examinez aujourd'hui !
Le numérique, les réseaux sociaux, donnent aux parents l'impression, l'illusion que leurs droits sont infinis : le droit d'être fiers de leurs enfants – c'est tout à fait positif –, mais aussi malheureusement le droit de se moquer ou de rire de ses enfants, de jouer avec l'image de ses enfants, ou encore le droit de gagner de l'argent avec l'image de ses enfants.
Or les parents ont aussi la responsabilité et le devoir d'éduquer et de protéger leurs enfants. En ligne, beaucoup sont encore trop imprudents, voire abusent !
Je suis effarée – et je sais que vous l'êtes - par le nombre de parents influenceurs qui utilisent l'image de leurs petits-enfants pour obtenir toujours plus de likes, toujours plus d'abonnés.
Pourquoi ? M. le garde des sceaux l'a rappelé : en moyenne, plus de 1 300 images de chaque enfant de 13 ans circulent sur internet ! Ces photos sont publiées, partagées, repartagées dans une communauté de parents. Or 50 % des images d'enfants retrouvées sur les ordinateurs des personnes mises en cause pour pédocriminalité sont des images du quotidien, détournées ou utilisées en images pédopornographiques !
Cela signifie que l'image de nos enfants peut être utilisée à des fins illicites et très concrètement abominables.
Nous avons pu le mesurer le 20 novembre dernier avec la Première ministre et le ministre de l'intérieur, lors de la visite du nouvel Office mineurs (Ofmin). L'exposition des images issues des réseaux sociaux, détournées par les pédocrimels et diffusées sur des sites à caractère pédophile, est une prise de risque réelle que les parents ne mesurent pas.
Exposer son enfant lorsqu'il n'a pas l'âge de prendre des décisions de façon autonome contrevient parfois clairement à son intérêt ; bien que moins grave, ce problème demeure très important !
Aucun enfant devenu adolescent ne peut se réjouir de retrouver des photos de lui ridicules de son anniversaire de 4 ans. Aucun enfant n'est protégé, comme nous l'avons dit, de ces images détournées. Aucun enfant n'est à l'abri de négligence quand ses parents l'utilisent comme un objet de communication.
Grâce à l'adoption de cette proposition de loi, les abus pourront donc être sanctionnés, les différends entre les parents tranchés.
Face à l'évolution des usages numériques et des réseaux sociaux, nous devons encore renforcer notre entreprise en faveur de la protection des enfants, et je compte sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
Nous avons travaillé sur le contrôle parental par défaut, encadré le travail des enfants dits « influenceurs », fixé la majorité numérique à 15 ans et avancé sur le contrôle de l'âge à l'entrée des sites pornographiques.
Le Sénat est de tous les combats, soyez également de ce celui-ci, mesdames, messieurs les sénateurs !
Par cette proposition de loi, renforcez une nouvelle fois l'autorité parentale au sein d'une société qui a choisi de faire du numérique l'un des piliers de notre vie en communauté.
En cohérence avec les principes que vous avez soutenus depuis 2020, vous contribuerez à la défense d'une cause, qui plus que toute autre, rassemble dans cet hémicycle et même en dehors : la protection des enfants dans la vie réelle comme dans la vie virtuelle.