Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme l'avait relevé notre collègue Valérie Boyer, rapporteure de ce texte en première lecture, l'ouverture du monde numérique aux enfants est un défi majeur, à la fois pour les familles et pour les institutions, en particulier en matière d'éducation et de santé publique.
Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse s'est d'ailleurs récemment inquiété de l'émergence d'une catastrophe sanitaire et éducative.
Dans ces conditions, nous regrettons l'absence d'une initiative gouvernementale d'envergure ; nous n'avons à examiner qu'une succession de propositions de loi cantonnées à diverses thématiques, le droit à l'image n'en étant qu'une parmi d'autres.
Cela étant rappelé, le Sénat a choisi d'adopter en première lecture une approche constructive vis-à-vis de la présente proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants, approche que la commission des lois vous invite à conserver, mes chers collègues.
En commission mixte paritaire, comme vous l'avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, les divergences entre l'Assemblée nationale et le Sénat se sont cristallisées sur deux points principaux.
Le premier point de désaccord portait sur l'exigence d'un accord des deux parents pour toute diffusion de contenus relatifs à la vie privée de leur enfant sur internet. Par l'introduction de cette disposition, à l'article 3, Valérie Boyer avait souhaité inciter les parents à réfléchir ensemble avant de poster une photo de leur enfant sur un réseau social, compte tenu des risques de réutilisation ultérieure, que vous avez relevés, madame la secrétaire d'État.
Le second point de divergence concernait l'article 4, qui, dans le texte initial, instaurait une délégation forcée à un tiers de l'exercice du droit à l'image de l'enfant, en cas d'atteinte grave à la dignité ou à l'intégrité morale de celui-ci. Le Sénat avait supprimé cet article, les députés souhaitant pour leur part son maintien.
Si l'Assemblée nationale a légèrement fait évoluer son texte en nouvelle lecture pour tenir compte, à la marge, de certaines remarques du Sénat, elle a toutefois maintenu sa position sur des dispositions problématiques à nos yeux.
En conséquence, la commission des lois a fait le choix, en nouvelle lecture, de prendre acte de ces désaccords de fond et de recentrer le texte sur la protection du droit à l'image des enfants.
Elle a tout d'abord supprimé l'article 1ᵉʳ, car elle ne souhaite pas ériger le respect de la vie privée de l'enfant au même niveau que la protection de sa sécurité, de sa santé et de sa moralité. Cette suppression paraît d'autant plus justifiée que l'article 9 du code civil consacre d'ores et déjà le droit de chacun au respect de sa vie privée.
À l'article 2, la commission a accepté de faire figurer dans le code civil, sous une formulation simple et pédagogique, l'obligation des parents de protéger en commun le droit à l'image de leur enfant, afin de les sensibiliser aux dangers qu'emporte l'exposition de leurs enfants sur les réseaux sociaux.
Je note que serait ainsi inscrite pour la première fois dans le code civil la notion de « droit à l'image », qui n'est aujourd'hui qu'une construction jurisprudentielle.
À l'article 3, la commission a renoncé à réintroduire l'exigence d'un accord des deux parents pour la diffusion publique d'un contenu relatif à la vie privée d'un enfant.
Il s'agit d'un choix cohérent avec la position exprimée par le Sénat lors de l'examen de la loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne. Ce texte dispose en effet que l'accord d'un seul titulaire de l'autorité parentale suffit pour qu'un enfant de moins de quinze ans puisse s'inscrire sur un réseau social, cet acte étant considéré comme usuel. Il ne nous a pas semblé logique de créer une différence de traitement entre ces deux situations, sachant que l'inscription à un réseau social n'est souvent que le préalable à la diffusion de photos.
La commission a en revanche accepté de préciser les pouvoirs du juge aux affaires familiales, qui pourra interdire à un parent la diffusion d'un contenu relatif à l'enfant sans l'accord de l'autre parent ; nous avons inscrit dans le texte que ces pouvoirs devraient s'exercer dans le but d'assurer la protection du droit à l'image de l'enfant. En effet, le rôle des parents n'est pas tant d'exercer le droit à l'image de leur enfant que de le protéger.
La commission a supprimé l'article 4, maintenant ainsi la position adoptée par le Sénat en première lecture. Non seulement la délégation forcée de l'exercice du droit à l'image de l'enfant lorsque la diffusion de l'image de celui-ci porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale ne paraît pas opérante, mais elle soulève des difficultés juridiques.
Enfin, l'article 5, introduit en première lecture par le Sénat, a été conservé par la commission dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale. Cette nouvelle rédaction précise la disposition, adoptée par le Sénat, permettant à la Cnil d'agir en référé pour protéger plus efficacement les données personnelles des mineurs.
En conclusion, mes chers collègues, je vous invite à adopter le texte issu des travaux de notre commission, qui expriment la préoccupation du Sénat à assurer la protection du droit à l'image des enfants sur internet.