À l'évidence, M. le garde des sceaux se plaît, avec un certain talent d'ailleurs, à rebondir sur nos propos pour immédiatement tenter de nous ridiculiser. Qu'il se rassure, cela ne nous empêchera pas de continuer à dire ce que nous pensons !
Certes, monsieur Michel, vous avez eu raison de le souligner, par rapport à ce texte, nos amendements ne sont pas très appropriés. Mais le projet de loi, dans son contenu, n'est lui-même pas en accord avec son titre, car il traite de tout et de n'importe quoi ! En définitive, ce n'est absolument pas un projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. De prévention, on parle peu ; en revanche, on y traite de répression à tous les articles !
Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, c'est le jeu parlementaire : puisque nous sommes totalement opposés à ces dispositions à répétition qui suivent la même logique répressive, puisque le Gouvernement ne se préoccupe guère de prévention dans ce texte, nous tenons à défendre des positions qui nous tiennent à coeur et qui se trouvent donc finalement avoir un lien avec le projet de loi, lequel vise, entre autres, à étendre les procédures accélérées de jugement.
N'en déplaise à certains de nos collègues, en 2002, lors du débat sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, nous nous étions opposés à la procédure de comparution immédiate. Après plusieurs années d'application, nous ne sommes toujours pas convaincus de son bien-fondé, contrairement à d'autres.
Au demeurant, les conclusions du rapport de notre collègue François Zocchetto, publié au nom de la mission d'information sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale, ne nous ont pas non plus convaincus.
Alors que ce dernier s'en réjouit, nous nous inquiétons de la fréquence d'utilisation de telles procédures. En effet, selon le rapport, elles concernent « 75 % des contentieux, contre 45 % il y a dix ans ». Par conséquent, « 75 % des personnes comparaissent donc désormais devant le juge dans un délai compris entre deux jours et quatre mois ».
Les mises en cause des droits de la défense qu'entraînent ces procédures nous préoccupent tout autant. Des données éloquentes sont citées dans ce même rapport, mais, apparemment, M. Zocchetto et nous n'en avons pas la même lecture. Il en va ainsi de tous les rapports : on en fait ce que l'on veut !
Ainsi y est-il écrit que les « avocats disposent de très peu de temps pour prendre connaissance du dossier - entre 15 et 45 minutes le plus souvent ». Quant au déroulement de l'audience, par exemple au tribunal de grande instance de Paris, « il faut compter entre 15 et 20 minutes par personne, voire 35 à 40 minutes pour des affaires contestées et complexes ou des affaires de violences conjugales ou d'agressions sexuelles ». Voilà des exemples qui vous intéressent de près, y compris pour ce qui concerne ce projet de loi !
À nos yeux, la rapidité de ces procédures est un obstacle au bon déroulement des enquêtes de police et des enquêtes de personnalité, alors qu'elles peuvent être l'occasion pour le juge de décerner un mandat de dépôt à l'issue de l'audience.
C'est bien ce qu'affirment les juges de l'application des peines quand ils soulignent la difficulté d'adapter la peine du fait du manque de données personnelles sur les personnes traduites en comparution immédiate, « l'enquête de personnalité étant bien souvent le dernier document à être mis au dossier ». Je ne fais, encore une fois, que citer les termes du rapport de la mission d'information !
Toujours selon ce rapport, et pour insister sur des points qui vous intéressent, la rapidité de la procédure de comparution immédiate « n'est pas toujours compatible avec la prise en compte des intérêts des familles des victimes ». M. Zocchetto préconise donc d'exclure les homicides involontaires de cette procédure.
Il apparaît également que le recours à la comparution immédiate est disparate et fonction de la taille des juridictions, ce qui crée une nouvelle inégalité de traitement devant la justice.
Mes chers collègues, même si M. Zocchetto trouve beaucoup d'intérêt à cette procédure dans son rapport, ce dernier contient suffisamment de réserves sur ce point pour nous inciter à vous demander d'adopter l'amendement n° 225, et, partant, de supprimer une telle procédure.
Je vous le rappelle, en novembre dernier, des lycéens, des étudiants et des jeunes ont été jugés en comparution immédiate, sans pouvoir organiser leur défense. Pour cette jeunesse qui se sent déjà bien éloignée de nos institutions, une telle procédure ne fera qu'accroître le sentiment d'injustice qu'elle ressent.