Séance en hémicycle du 21 septembre 2006 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • délinquance
  • délinquant
  • immédiate
  • jugement
  • procureur
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  • éducative

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures.

Photo de Philippe Richert

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant la reprise de nos travaux, je souhaite répondre à certains propos qui ont été tenus ce matin dans cet hémicycle, et dont on m'a rapporté la teneur.

Tout d'abord, je veux dire avec force que la justice est rendue à Bobigny. Quelques chiffres l'attestent : en 2005, 12 200 personnes y ont été condamnées, contre 10 000 en 2002. S'agissant des mineurs, le taux de réponse pénale est passé, sur la même période, de 72 % à plus de 83 %, et il correspond désormais à la moyenne nationale.

Je veux dire aussi au Sénat que cette progression a été rendue possible par le renforcement des moyens alloués au tribunal de Bobigny : depuis 2002, la majorité au pouvoir a accordé à cette juridiction 35 magistrats et 28 greffiers supplémentaires, ce qui a permis, par exemple, au procureur de la République de disposer au sein du parquet dont il a la charge d'une permanence qui fonctionne jour et nuit, samedis et dimanches compris.

Même si je sais qu'il reste des efforts à accomplir, je regrette qu'il ait fallu attendre l'année 2002 pour accorder à cette juridiction les magistrats et les greffiers dont elle avait besoin.

S'agissant de l'indépendance de la justice, je déplore que certains propos ne prennent pas en compte un aspect de cette question. L'indépendance de la justice n'est pas mise en cause lorsque les Français et leurs représentants s'interrogent sur le travail d'un tribunal, pourvu, toutefois, que ce soit avec mesure et impartialité.

En l'espèce, le fonctionnement du tribunal de Bobigny s'est amélioré, et cette juridiction, comme toutes les autres, doit continuer dans cette voie. Cependant, il faut lui en donner les moyens en poursuivant l'effort entrepris depuis 2002 et en élargissant l'éventail des mesures mises à la disposition des magistrats afin de lutter contre la délinquance, comme le prévoit le projet de loi que je défends aujourd'hui devant vous.

M. Jean-Jacques Hyest, présidentde la commission des lois, applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Nous avons longuement évoqué cette question ce matin, et le président du groupe UMP du Sénat a cru bon d'en rajouter, alors qu'il était totalement « à côté de la plaque ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

À la suite des déclarations de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, les plus hautes autorités judiciaires ont pris position de façon très claire et inhabituelle.

Le Premier président de la Cour de cassation - une autorité totalement indépendante - a dénoncé cette nouvelle atteinte portée à l'indépendance de l'autorité judiciaire par le ministre d'État, ministre de l'intérieur. Quant au procureur général près la Cour de cassation, qui est nommé en conseil des ministres...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Cher collègue, sur quel article fondez-vous votre rappel au règlement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Sur l'ensemble du règlement, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je ne vois pas en quoi votre intervention concerne le règlement du Sénat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je comprends que mes propos ne vous plaisent guère, puisque vous êtes avant tout membre de la majorité sénatoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

D'ailleurs, vous l'avez montré ce matin au travers de vos observations qui, de mon point de vue, étaient tout à fait déplacées.

Quant à M. Nadal, dis-je, procureur général près la Cour de cassation, il se rend cet après-midi même à Bobigny pour soutenir ses collègues du tribunal.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36 du règlement, car il n'est pas dépourvu de lien avec notre débat.

Monsieur le garde des sceaux, je me félicite de votre présence au Sénat cet après-midi. Je regrette qu'il n'en ait pas été de même ce matin : vous aviez d'autres occupations !

Ce matin, nous avons demandé que ce débat parlementaire soit reporté, car nous avons cru comprendre qu'une réunion au sommet rassemblait à Matignon les ministres concernés par le thème de la délinquance des mineurs. Or notre débat peut se trouver passablement infléchi par les déclarations faites par ces autorités hors du Parlement. Par parenthèse, cette réunion interministérielle à Matignon aurait pu être organisée avant la discussion du projet de loi par le Sénat.

Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie d'avoir réaffirmé devant le Sénat, comme vous en aviez le devoir, d'ailleurs, l'importance du principe de la séparation des pouvoirs. Toutefois, cela n'enlève rien au caractère inacceptable des propos d'un ministre de l'intérieur, qui est aussi ministre d'État, et qui, dès lors, engage le Gouvernement par ses déclarations.

Nous attendons donc du ministre d'État, ministre de l'intérieur, qu'il s'exprime, sinon pour s'excuser d'avoir tenu de tels propos, du moins pour reconnaître qu'il s'est trompé.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, madame Borvo Cohen-Seat.

Mes chers collègues, je crois que nous nous félicitons tous de la déclaration de M. le garde des Sceaux.

Nous reprenons l'examen des amendements.

Nous en sommes parvenus à l'amendement n° 177 tendant à insérer un article additionnel après l'article 29.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 177, présenté par M. Retailleau, est ainsi libellé :

Après l'article 29, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après les mots : « code pénal », la fin de l'article 2-16 du code de procédure pénale est supprimée.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'article 41-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après le quinzième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« 15° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants ;

« 16° Se soumettre à une mesure d'activité de jourconsistant en la mise en oeuvre d'activités d'insertion professionnelle ou de mise à niveau scolaire soit auprès d'une personne morale de droit public soit auprès d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en oeuvre une telle mesure ;

« 17° Se soumettre à une mesure d'injonction thérapeutique, selon les modalités définies aux articles L. 3413-1 à L. 3413-4 du code de la santé publique, lorsque les circonstances de fait ou de droit font apparaître que le condamné fait usage de stupéfiants ou fait une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques. » ;

2° L'antépénultième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables en matière de délits de presse, de délits d'homicides involontaires ou de délits politiques. Elles sont applicables aux mineurs âgés d'au moins treize ans, selon les modalités prévues par l'article 7-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 220, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

L'article 30 du projet de loi tend à modifier l'article 41-2 du code de procédure pénale, afin d'étendre les mesures de composition pénale.

Le procureur dispose actuellement de quatorze mesures susceptibles d'être proposées à la personne qui se trouve déférée devant lui. Nous nous étonnons donc du nombre considérable de mesures que le procureur pourra désormais prononcer dans le cadre d'une procédure qui, je le rappelle, n'est pas celle qui garantit le mieux les droits de la défense.

Des prérogatives de plus en plus nombreuses sont attribuées aux procureurs, au détriment non seulement de la juridiction de jugement, mais surtout des justiciables, puisque les mesures d'alternative aux poursuites, telles que la composition pénale, garantissent bien moins les droits de la défense que la procédure pénale ordinaire.

Il est vrai que la tendance n'est pas à garantir de manière effective les droits de la défense, aussi bien pour les majeurs que pour les mineurs, d'ailleurs. La preuve en est que l'article 30 du projet de loi autorise l'application de la procédure de composition pénale aux mineurs âgés d'au moins treize ans, alors qu'actuellement celle-ci est interdite pour les mineurs. Comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner au cours de l'examen de ce texte, nous sommes profondément hostiles à cette disposition.

Tout d'abord, nous ne pouvons accepter ce rapprochement entre la justice des majeurs et celle des mineurs. Prévoir les mêmes procédures pénales pour les uns comme pour les autres est contraire à la convention internationale des droits de l'enfant, que la France a tout de même signée, ainsi qu'à l'ordonnance de 1945, dont les principes ont une valeur constitutionnelle.

Ensuite, il est étonnant de proposer à des mineurs de conclure une transaction avec le procureur - car c'est ce que signifie la composition pénale -, alors que ceux-ci ne disposent pas encore de la capacité juridique de contracter.

C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 48, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. Rédiger comme suit le troisième alinéa du 1° de cet article :

« 16° Se soumettre à une mesure d'activité de jour selon les modalités définies à l'article 16 ter de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante;

II. Dans le cinquième alinéa de cet article, remplacer les mots :

lorsque les circonstances de fait ou de droit font apparaître

par les mots :

lorsqu'il apparaît

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 280, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le 2° de cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Pour les mêmes raisons que le groupe CRC, nous proposons la suppression du 2° de l'article 30.

En effet, ce dispositif a pour objet d'étendre aux mineurs la composition pénale qui a été introduite par la loi du 23 juin 1999. Or la composition pénale est une peine, puisqu'elle est inscrite au cahier judiciaire de l'intéressé. Elle est prononcée par le procureur de la République sans audience, sans débat contradictoire et, en particulier, sans dialogue préalable avec la personne à laquelle elle s'applique, en l'occurrence le mineur.

Aucune garantie n'est prévue dans ce texte pour prendre en compte l'état de minorité de la personne mise en cause, à l'exception de l'accord nécessaire des représentants légaux.

L'intervention préalable et obligatoire d'une enquête sur la personnalité du mineur n'est pas prévue, ne serait-ce que sous la forme d'une procédure de renseignement sociojudiciaire, qui pourrait être confiée à la protection judiciaire de la jeunesse.

Le juge des enfants, dont la fonction consiste à accompagner judiciairement l'évolution du mineur, se trouve cantonné dans un rôle d'homologation. Nous voyons que les propos tenus par certains trouvent ici une traduction législative, puisqu'il s'agit de contourner le juge des enfants et de permettre au procureur de la République de proposer une sanction contre des mineurs.

Sans préjuger de la décision qui sera rendue par le Conseil constitutionnel, cette mesure se heurte, me semble-t-il, au principe posé par cette haute juridiction dans sa décision du 29 août 2002, à savoir la primauté absolue de l'action éducative en matière de justice des mineurs. Le Conseil constitutionnel devra dire si la faculté laissée au procureur de la République de prononcer une composition pénale est compatible, ou non, avec les principes qu'il a énoncés précédemment.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Depuis le début de nos travaux, je m'efforce de jouer mon rôle de rapporteur avec la discrétion qui est lui traditionnellement inhérente. Mais j'avoue que les propos que viennent de tenir nos collègues de l'opposition me choquent.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Et je ne voudrais pas que s'applique l'adage selon lequel qui ne dit mot consent.

Par conséquent, avant de donner l'avis de la commission sur les amendements, je tiens à rappeler certains éléments, même si ceux-ci me paraissent évidents.

Mes chers collègues, les faits sont têtus : la progression des crimes et délits a été de 14, 5 % entre mai 1998 et avril 2002, tandis qu'entre mai 2002 et avril 2006, ils ont baissé de 8, 8 %, et en particulier de 23, 7 % pour la délinquance de voie publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je tiens à rendre ici un hommage appuyé à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, Nicolas Sarkozy, ainsi qu'à M. le garde des sceaux, Pascal Clément, pour le courage et la détermination avec lesquels ils ont su s'attaquer à l'insécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Plus généralement, je souhaite indiquer que je suis fier d'appartenir à une majorité qui a su accomplir un travail gigantesque pour préserver la tranquillité de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Ce qui ne va pas dans votre sens vous gêne, chers collègues du groupe CRC !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Est-ce le rapporteur de la commission des lois qui s'exprime ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

J'ai précisé tout à l'heure que, depuis le début de la discussion, j'avais fait preuve de la plus totale réserve et m'en étais tenu à mon rôle de rapporteur, mais que j'intervenais afin de ne pas donner à penser que mon silence valait assentiment.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Le terme de militant n'est pas une insulte, madame Borvo Cohen-Seat, loin s'en faut !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Absolument ! Mais, ici, vous êtes rapporteur, vous n'êtes pas un militant ! Nous ne sommes pas à un meeting !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

S'agissant des amendements n° 220 et 280, la commission y est défavorable.

La procédure de composition pénale peut présenter un aspect pédagogique étant donné le temps que consacrera le délégué du procureur à expliquer les mesures et les éventuelles sanctions qui auront été prises. Elle est donc tout à fait adaptée aux mineurs de plus de treize ans.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Nous sommes au début de l'après-midi et j'ai donc encore l'ambition de convaincre.

Sourires

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

La nuit, je risque d'être plus fatigué et de manquer d'ambition. Mais, à cette heure-ci, je suis encore d'une grande fraîcheur et j'espère vous convaincre.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je souhaite d'abord convaincre M. Michel car, en tant qu'ancien magistrat, il peut mieux qu'un autre, me semble-t-il, comprendre mes propos.

Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Non, mais il a été magistrat !

La composition pénale a été créée en 1999, alors que Mme Guigou était garde des sceaux. Cette mesure ne peut donc être mauvaise de votre point de vue !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Cette procédure a été mise en place pour traiter la masse de contentieux que connaît notre société aujourd'hui ; c'est ce que l'on appelle la réponse pénale : doit-on tendre vers un haut niveau de réponse pénale ou, au contraire, faut-il considérer que l'on peut laisser plus d'une affaire impunie ? Nous le savons, la société n'est pas prête à accepter cette dernière solution : elle veut une réponse pénale.

Le concept de composition pénale, inventé par un gouvernement de gauche, est donc une bonne idée.

Aujourd'hui, le Gouvernement propose au Sénat d'étendre la composition pénale aux mineurs. Cette mesure serait, dites-vous, inconstitutionnelle : le mineur d'au moins treize ans ne pourrait prendre une quelconque initiative en raison de son âge.

À ce propos, je formulerai deux observations.

D'une part, la composition pénale n'intervient qu'avec l'accord du mineur et celui des parents, et en présence de l'avocat. Vous le voyez, nous nous entourons de nombreuses précautions.

D'autre part, pour ce qui est de la constitutionnalité de cette mesure, le Conseil constitutionnel a considéré, s'agissant de la réparation pénale - on demande à un mineur son accord pour qu'il répare le délit qu'il a pu commettre -, que le mineur avait la capacité d'engager sa volonté dans cet acte de réparation. Ce qui est valable pour la réparation pénale l'est également pour la composition pénale.

Dans le cadre d'une composition pénale, il peut être demandé au jeune d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants. En d'autres termes, par cet article, nous ne proposons pas uniquement la répression : nous prévoyons un éventail de réponses, notamment l'information, et c'est tout l'intérêt de cette disposition.

Enfin, l'extension de la composition pénale aux mineurs a pour objet d'atteindre un objectif majeur : rendre une justice rapide. Pour un jeune, être puni trois mois après les faits, voire plus tard, cela n'a aucun sens ! Il est donc important de proposer une réponse proportionnée et rapide. C'est ce que permet la composition pénale. En ce sens, l'idée de Mme Guigou était excellente, au point que le Gouvernement l'a adaptée aux mineurs.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements n° 220 et 280. En revanche, il est favorable à l'amendement n° 48.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Monsieur le président, la commission souhaite supprimer le I de l'amendement n° 48, qui laisse entendre que la mesure ne pourrait pas être appliquée aux majeurs. Or telle n'était pas l'intention de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis donc saisi d'un amendement n° 48 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et qui est ainsi libellé :

Dans le cinquième alinéa de cet article, remplacer les mots :

lorsque les circonstances de fait ou de droit font apparaître

par les mots :

lorsqu'il apparaît

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Le Gouvernement émet un avis favorable.

L'amendement est adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 30 est adopté.

Le premier alinéa de l'article 495 du code de procédure pénale est complété par les mots : « ainsi que le délit d'usage de stupéfiants prévu par l'article L. 3421-1 du code de la santé publique. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 221 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 281 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 221.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L'article 31 prévoit d'étendre la procédure de l'ordonnance pénale aux délits d'usage de stupéfiants. Or cette procédure simplifiée est non contradictoire et ne prévoit pas d'audience de jugement.

L'objectif du Gouvernement est de lutter contre le sentiment d'impunité des usagers de drogues. Avec une telle procédure, la réponse pénale deviendrait quasiment systématique, alors que le contentieux est aujourd'hui ingérable par les juridictions de jugement.

Notre position est sensiblement différente. La procédure simplifiée, telle qu'elle est envisagée ici, participe à ce que nous appelons la « justice d'abattage », le juge ne disposant pas des moyens procéduraux lui permettant d'individualiser les sanctions et les éventuelles mesures thérapeutiques à prendre. En effet, le juge décide seul et peut rendre son ordonnance sans même avoir entendu le prévenu. En l'espèce, il pourra donc, par ordonnance pénale, condamner le prévenu à une amende ou à une peine complémentaire.

Certes, le condamné peut toujours former opposition à l'ordonnance dans un délai de quarante-cinq jours à compter de sa notification. Cependant, peu nombreux sont ceux qui réagissent dans ce délai.

Nous sommes donc très sceptiques s'agissant de l'extension de la procédure d'ordonnance pénale telle qu'elle est proposée à l'article 31. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 281.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Autant la procédure de l'ordonnance pénale peut être acceptable pour certains délits, notamment les délits routiers - elle a été étendue aux délits concernant les transports terrestres par la loi de 2004 -, autant, en l'occurrence, elle soulève quelques difficultés.

Tout d'abord, le délit d'usage de stupéfiants n'est pas de même nature qu'un délit d'infraction au code de la route. Le recours à l'ordonnance pénale empêchera toute approche sanitaire et sociale des usagers de drogues ; je pense, par exemple, aux injonctions thérapeutiques.

Ensuite, nous avons, les uns et les autres, suivi des stages d'immersion dans les juridictions et nous avons pu alors constater que les procédures simplifiées, quelles qu'elles soient, notamment l'ordonnance pénale, posent de graves problèmes aux greffes, car elles sont d'une lourdeur administrative considérable. Finalement, le fonctionnement des juridictions ne s'en trouve pas tellement accéléré.

Pour ces raisons, nous proposons la suppression de l'article 31.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 49, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Après le quatrième alinéa de l'article 495 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 4° le délit d'usage de produits stupéfiants prévu par le premier alinéa de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique ».

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques n° 221 et 281.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

L'amendement n° 49 tend à réserver la procédure de l'ordonnance pénale à l'usage simple de stupéfiants.

En effet, il ne paraît pas souhaitable que l'usage aggravé de stupéfiants par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou travaillant dans une entreprise de transport, et encourant à ce titre cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, soit traité par le biais d'une procédure simplifiée sans audience. Ce serait peu pédagogique.

Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques n° 221 et 281. Elle estime en effet que l'ordonnance pénale est tout à fait adaptée au traitement d'un contentieux de masse et qu'elle permettra de remédier à l'impunité de fait caractérisant l'usage de stupéfiants.

En outre, les responsables de la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie, la MILT, et les magistrats qui ont été entendus par la commission des lois ont estimé que l'ordonnance pénale serait parfaitement adaptée à la lutte contre l'usage de stupéfiants. À l'évidence, elle ne s'appliquerait pas aux mineurs et elle permettrait de modifier les textes législatifs actuels, qui prévoient encore une peine d'une année d'emprisonnement. Or, par le biais de l'ordonnance pénale, toute peine d'emprisonnement est impossible.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je voudrais, là encore, faire oeuvre pédagogique !

Sourires

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

L'ordonnance pénale est aussi un circuit court. Il s'agit d'une décision prise hors d'une juridiction, mais par un juge du siège. Elle peut donner lieu à une amende, en aucun cas à des peines d'emprisonnement. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la commission des lois a déposé l'amendement n° 49 tendant à réserver cette procédure à l'usage simple des stupéfiants.

Monsieur Michel, vous n'êtes pas favorable à la répression de l'usage de la drogue : vous êtes pour la dépénalisation. Nous sommes pour la pénalisation, mais, pour autant, je critiquerai la politique menée par notre pays en la matière.

Depuis des années, la France souhaite punir très sévèrement les usagers de drogues et des mesures sont prévues à cet effet dans le code pénal. En réalité, que faisons-nous ? À peu près rien ! Chaque année, sur environ 900 000 arrestations d'usagers de la drogue, 10 % seulement donnent lieu à des sanctions. En d'autres termes, 90 % de ces arrestations n'ont pas de suite. Inutile de vous dire que ce dispositif ne fait peur à personne !

Il en résulte que la France possède le taux d'usagers de la drogue le plus élevé d'Europe, notamment en Hollande. Mais si la vente était libre, ce serait effarant !

Pour ma part, je ne crois pas à la dépénalisation ; je suis favorable à une sanction proportionnée. En ce domaine, le code pénal est trop sévère et les juges ne l'appliquent donc pas. Il faut des peines appropriées, qui peuvent être prononcées par le biais des ordonnances pénales. Il ne peut en aucun cas s'agir de peine de prison ; ce peut être un stage dans un hôpital pour faire comprendre les dangers de la drogue.

Quel parent ne dira pas à un jeune, ou à un moins jeune, qu'il est en train de se tuer à se droguer ? L'ordonnance pénale, c'est la même chose, mais de façon plus formelle. Vous ne pouvez pas demander la suppression d'une telle mesure, sauf à admettre que vous êtes contre toute répression des usagers de drogues. Si tel était le cas, je trouverais votre point de vue très dangereux. En tout cas, ce n'est pas ce que je recommande pour notre pays.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n° 221 et 281 et un avis favorable sur l'amendement n° 49.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 221 et 281.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je ne comprends absolument pas l'état d'esprit des auteurs de ces amendements tendant à supprimer l'article 31. Ce matin, ils nous ont expliqué qu'ils étaient contre l'injonction thérapeutique et, maintenant, ils nous disent qu'ils sont contre l'ordonnance pénale. Cela signifie-t-il, mes chers collègues, que vous êtes favorables au statu quo, dont tout le monde s'accorde à dire qu'il ne peut pas être maintenu ?

Sur le terrain, on constate soit une absence totale de prise en compte des problèmes des consommateurs de drogue, soit une application très inéquitable de la loi sur le territoire national. Ainsi, à l'heure actuelle, dans certains départements ruraux, des consommateurs de drogues dites « douces », ayant tout juste atteint l'âge de la majorité, sont poursuivis devant les tribunaux correctionnels et condamnés à des peines d'emprisonnement ferme.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Dans des départements urbains, aucune poursuite n'est engagée, puisque l'on sait très bien que les peines prononcées ne produisent pas beaucoup d'effet.

S'il était des articles du projet de loi qui pouvaient recueillir l'accord de l'ensemble du Sénat, c'étaient bien ceux que nous examinons actuellement. Par conséquent, je ne comprends pas l'opposition systématique des groupes socialiste et CRC, sauf à penser qu'il s'agit d'une opposition politique.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur l'amendement n° 49.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

J'ai expliqué tout à l'heure - M. Zocchetto était peut-être absent à ce moment-là - que le groupe socialiste considérait que les articles concernant la toxicomanie ne devaient pas figurer dans ce projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. J'ai indiqué que la loi de 1970 devait faire l'objet d'une réflexion globale, demandée d'ailleurs par tous les acteurs, quels qu'ils soient, afin qu'elle soit mise à plat et que soit élaboré un texte général. Or tel n'est pas le cas !

En effet, le Gouvernement distille quelques dispositions, sur l'efficacité desquelles on peut d'ailleurs s'interroger, et qui ne résoudront pas la contradiction entre le caractère trop répressif de la loi de 1970 à l'égard des simples usagers et la non-application de ladite loi. Lorsqu'une loi n'est pas appliquée, elle doit être modifiée totalement, mais pas au détour de quelques articles insérés dans un projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons proposé la suppression de plusieurs articles.

M. Jean-Pierre Sueur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous savez très bien quelle est notre position : nous récusons le fait que de telles dispositions figurent dans ce projet de loi.

Monsieur Zocchetto, une réflexion bien plus vaste que celle que nous menons aujourd'hui doit être engagée au sujet de la toxicomanie. Il faut nous interroger sur les causes de la consommation de stupéfiants, sur les mécanismes de propagation de la drogue et sur le rapport existant entre la prison et la toxicomanie. À l'évidence, nous ne pouvons le faire dans cet hémicycle et nous allons donc ajouter des dispositions qui n'auront pas de grands effets. Ces mesures marquent simplement votre attachement, mes chers collègues, à la répression en toutes circonstances.

Par ailleurs, dans le quotidien Le Monde paru cet après-midi, de hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur ont souligné le rôle néfaste de l'alcool. Un grand débat pourrait être organisé dans cet hémicycle sur l'alcool, la drogue, la délinquance, et sur la façon de faire face à ces problèmes. Nous n'en sommes pas là ! Mais ne dites pas que nous sommes favorables à la drogue, que nous faisons preuve de laxisme et que nous voulons empêcher la poursuite des toxicomanes dans notre pays, car c'est hors de propos.

L'amendement est adopté.

L'article 706-32 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :

« Art. 706-32. - Sans préjudice des dispositions des articles 706-81 à 706-87, et aux seules fins de constater les infractions d'acquisition, d'offre ou de cession de produits stupéfiants visées aux articles 222-37 et 222-39 du code pénal, d'en identifier les auteurs et complices et d'effectuer les saisies prévues au présent code, les officiers de police judiciaire et sous leur autorité, les agents de police judiciaire, peuvent, avec l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction saisi des faits qui en avise préalablement le parquet, et sans être pénalement responsables de ces actes :

« 1° Acquérir des produits stupéfiants ;

« 2° Mettre à la disposition d'un tiers en vue de l'acquisition de produits stupéfiants, des moyens de communication, de transport ou de paiement.

« À peine de nullité, l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, qui peut être donnée par tout moyen, est mentionnée ou versée au dossier de la procédure et les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre une infraction. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 222, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L'article 32 tend à rétablir une disposition du code de procédure pénale que la loi du 9 mars 2004, dite « Perben II », a abrogée. Décidément, faire, défaire, refaire, telle est la politique du Gouvernement, politique qui s'apparente plus à de l'agitation qu'à une réflexion approfondie sur les questions relatives à la justice et à la sécurité.

Ainsi, le présent article aurait pour objet, nous dit-on, de simplifier la procédure qui permet aux enquêteurs de procéder à des coups d'achat en matière de répression du trafic de stupéfiants.

Sous couvert de simplification, en réalité, il s'agit d'assouplir la procédure qui entoure l'infiltration, que vous jugez trop lourde pour les interventions qui ont lieu dans le cadre de petits trafics de stupéfiants.

Cela signifie que vous voulez généraliser les opérations d'infiltration, voire les banaliser, pour pouvoir intervenir dans le cadre de ces « petits » trafics. Mais qu'entendez-vous par petits trafics de stupéfiants ? Allez-vous infiltrer certaines cités, certains quartiers, certains immeubles pour les stigmatiser encore davantage ? Ainsi, plutôt que de vous attaquer au grand banditisme, aux « gros bonnets » de la drogue, vous avez décidé de vous en prendre aux « petits », à ceux qui sont au bout de la chaîne, aux consommateurs habituels ou occasionnels.

Comment cela va-t-il se traduire dans les faits ? Je crains fort que ce système n'engendre provocations et tensions, d'autant que ces opérations d'infiltration seront moins encadrées que les autres. C'est encore une façon de « faire du chiffre », comme l'on dit, de satisfaire les désirs de certains en matière de statistiques ou d'atteindre des objectifs à tout prix.

Enfin, je rappelle que nous avons voté contre la loi Perben II portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et qui a légalisé l'infiltration. C'est donc en toute logique que nous nous opposons à l'accroissement des pouvoirs de la police en matière d'infiltration sans contre-pouvoirs, sans garanties ni contrôles suffisants.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 50, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 706-32 du code de procédure pénale :

« 2° En vue de l'acquisition de produits stupéfiants, mettre à la disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d'hébergement, de conservation et de télécommunication.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 222.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

L'amendement n° 50 tend à clarifier le régime applicable aux coups d'achat destinés à lutter contre le trafic de stupéfiants.

À cette fin, il vise à élargir les pouvoirs de la police en reprenant la liste des moyens pouvant être mis à disposition en matière de criminalité organisée.

Il tend aussi - disposition inédite par rapport à l'ancien article 706-32 du code de procédure pénale - à supprimer la référence à des tiers, qui pourraient être des indicateurs ou des usagers de produits stupéfiants, pour ne viser que les personnes se livrant au trafic de stupéfiants, ainsi que c'était le cas dans le dispositif antérieur à la loi du 9 mars 2004. En effet, cette condition nous paraît nécessaire, afin d'éviter que ces coups ne soient qualifiés d'incitations à commettre des infractions.

J'en viens maintenant à l'amendement n° 222. Madame Assassi, il ne semble pas que le Parlement soit versatile en ce domaine. En effet, l'abrogation de l'article 706-32 s'expliquait par son insertion dans une procédure plus générale, mais aussi plus contraignante, et qui présentait des difficultés de mise en oeuvre pour le trafic simple de stupéfiants.

À l'évidence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

L'infiltration, telle qu'elle ressort des dispositions de la loi du 9 mars 2004, est une mesure beaucoup trop lourde s'agissant de l'arrestation de dealers. En revanche, l'article 32 offre la possibilité à un enquêteur de se faire passer pour un usager auprès d'un individu identifié comme trafiquant.

Je tiens à préciser que cette décision ne pourra être prise par les enquêteurs qu'après autorisation du parquet. Par conséquent, un contrôle judiciaire est prévu. C'est une sécurité pour le respect des libertés. Toutes les précautions étant prises, il serait dommage de se priver de ce moyen.

Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 222

Par ailleurs, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 50, qui prévoit que ce moyen d'action ne peut être utilisé qu'en vue de l'acquisition de stupéfiants.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 32 est adopté.

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article 131-35-1, après les mots : « sécurité routière », sont insérés les mots : « ou un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants » ;

2° Après le 4° des articles 221-8 et 223-18, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 4° bis L'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1. » ;

3° Au deuxième alinéa de l'article 222-39, après le mot : « administration », sont ajoutés les mots : « et, lors des entrées et des sorties de personnes, aux abords de ceux-ci. » ;

4° Après le 9° de l'article 222-44, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 9° bis L'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1. » ;

5° Après le 6° de l'article 312-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

«  L'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1. » ;

6° Après le 5° de l'article 322-15, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

«  L'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 282, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le 1° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Dans le premier alinéa de l'article 131-35-1 les mots : « est exécutée aux frais du condamné » sont remplacés par les mots : « peut être exécutée aux frais du condamné ».

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Cet amendement va démontrer à M. Zocchetto que nous ne sommes pas systématiquement opposés aux dispositions qui nous sont proposées et que nous sommes même prêts à faire des suggestions en vue de les améliorer.

L'article 33 tend à compléter l'article 131-35-1 du code pénal relatif aux délits routiers en prévoyant, au titre d'une peine complémentaire, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants. Les stages concernant les délits routiers peuvent être imposés aux frais du contrevenant.

Si l'on peut comprendre que le propriétaire d'une voiture ait les moyens suffisants pour assumer un tel stage, quitte à devoir vendre son véhicule, des jeunes en grande difficulté peuvent rencontrer des problèmes pour financer ces stages. Donc, la mesure que vous proposez peut n'avoir aucun effet.

Par conséquent, nous vous proposons de laisser au juge le soin de décider, selon la situation sociale de la personne concernée, si le stage en question sera à ses frais ou à ceux de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission demande le retrait de cet amendement, car il est satisfait. En effet, un amendement similaire a été déposé par la commission à l'article 44, pour des raisons qui tiennent à la clarté du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 282 est retiré.

L'amendement n° 51, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Supprimer le 1° de cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Tout en les approuvant, la commission vous propose de déplacer ces dispositions à l'article 44 du projet de loi, qui modifie également l'article 131-35-1 du code pénal, ce dans un souci de clarté.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 52 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Remplacer le cinquième alinéa () de cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :

3° L'article 222-39 est ainsi modifié :

Au deuxième alinéa, après le mot : « administration », sont ajoutés les mots : « et aux abords de ceux-ci, lors des horaires d'ouverture».

Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes coupables des délits prévus aux deux alinéas précédents encourent également, à titre de peine complémentaire, l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

C'est un amendement de précision qui tend, en outre, à prévoir, à titre de peine complémentaire, la possibilité de condamner une personne coupable de cession ou d'offre illicite de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle à accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 33 est adopté.

Le code pénal est ainsi modifié :

1° L'article 222-12 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 14° Par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. » ;

2° Après le dix-huitième alinéa de l'article 222-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 14° Par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. » ;

3° À la fin du cinquième alinéa de l'article 222-14, sont insérés les mots : « ou lorsqu'elles ont été commises par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. » ;

4° L'article 222-24 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 12° Lorsqu'il est commis par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. » ;

5° L'article 222-28 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

«  Lorsqu'elle est commise par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. » ;

6° L'article 222-30 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

«  Lorsqu'elle est commise par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. » ;

7° L'article 227-26 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

«  Lorsqu'elle est commise par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 223 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 283 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 223.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

L'article 34 prévoit d'instituer une circonstance aggravante lorsque certaines infractions sont commises sous l'emprise de stupéfiants ou en état d'ivresse manifeste. Ce sera le cas de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, de viol avec circonstances aggravantes, d'agressions sexuelles avec circonstances aggravantes ou non commises sur mineurs ou non.

L'article 34 reflète bien l'inflation législative et pénale que nous subissons depuis maintenant quatre ans et qui se nourrit bien souvent de faits divers sordides, lesquels, bien qu'étant isolés, sont présentés comme des affaires courantes.

Ce n'est en effet pas un hasard s'il nous est proposé de durcir les peines en cas d'agression sexuelle. La volonté gouvernementale de stigmatiser cette délinquance est clairement affichée, le but étant d'écarter définitivement les délinquants sexuels de notre société.

La réponse répressive apportée par les différents textes qui se sont succédé, y compris celui-ci, est très insatisfaisante.

Par ailleurs, du point de vue des victimes, dont nous nous préoccupons également, mais pas du tout de la même façon que vous, la création de cette circonstance aggravante est bien malvenue. En poussant cette réflexion jusqu'à l'absurde, on pourrait dire que, bientôt, le code pénal ne comportera plus que des circonstances aggravantes.

La logique est de durcir les peines, et nous ne pouvons y souscrire. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 283.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Fidèles à la logique que j'ai exposée tout à l'heure, nous proposons la suppression de cet article, dont les dispositions ne doivent pas, selon nous, figurer dans ce texte.

Cet article vise à aggraver les peines s'agissant de certains délits, et à mettre sur le même plan une infraction commise par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise de produits stupéfiants.

Pour ma part, je ne suis pas convaincu que l'on puisse détecter de la même manière la présence de produits stupéfiants dans l'organisme et celle de l'alcool.

En ce qui concerne l'alcool, les choses sont très simples : nous disposons de courbes et nous savons qu'une augmentation de sa consommation rend notamment l'individu violent et moins apte à conduire.

S'agissant de l'absorption de produits stupéfiants, il en va différemment : ceux-ci laissent une trace dans le sang pendant une dizaine de jours. Une prise de sang faite à une personne venant de commettre un acte violent pourra révéler des traces de cannabis, mais non la date à laquelle cette substance aura été absorbée. La drogue aura pu l'être huit ou dix jours auparavant et n'avoir plus aucun effet sur le comportement du délinquant au moment où celui-ci sera contrôlé.

Avant d'introduire dans la législation de telles aggravations de peines, il faudrait que des avancées scientifiques importantes soient réalisées en matière de contrôle des produits illicites.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 53, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le 3° de cet article :

3° Après le 4° de l'article 222-14, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 5° De sept ans d'emprisonnement et de 100.000 euros d'amende lorsqu'elles n'ont pas entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours mais ont été commises par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les deux amendements précédents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement de précision vise à aggraver les peines encourues en cas de violences habituelles sur un mineur de moins de quinze ans ou sur une personne particulièrement vulnérable n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours lorsqu'elles ont été commises en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise de stupéfiants. Le projet de loi était peu compréhensible sur ce point.

Par ailleurs, la commission est défavorable aux amendements de suppression n° 223 et 283.

J'avoue avoir partagé les appréhensions de M. Michel quant à la possibilité de déceler de manière précise l'usage qui a été fait des produits stupéfiants et le degré de dépendance.

Les réponses qui m'ont été faites, notamment par les représentants du Conseil national de l'ordre des médecins, sont particulièrement claires : la conjugaison de trois types de dépistages, à savoir l'analyse d'urine, l'analyse de sang et l'analyse des cheveux, permet de détecter de manière extrêmement précise non seulement le niveau de consommation de produits stupéfiants - niveau faible, niveau moyen ou niveau important - mais également la date à laquelle ces produits ont été consommés.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Cet article prévoit une circonstance aggravante lorsque des infractions sont commises en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. Le groupe socialiste et le groupe communiste ne sont pas d'accord.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Le Gouvernement souhaite ainsi renverser la logique qui prévaut encore aujourd'hui dans les tribunaux correctionnels : le fait d'avoir bu, donc de n'avoir pas été dans son état normal, est présenté par l'auteur de l'infraction comme une circonstance atténuante. Eh bien ! l'intérêt de cet article est de donner un signal fort à l'opinion publique : loin d'être une excuse, c'est une circonstance aggravante.

Tout à l'heure, Mme Borvo Cohen-Seat a indiqué que, dans son quotidien vespéral, de hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur avaient souligné les méfaits de l'alcool. Il faut être cohérent ! Si vous êtes d'avis, comme ces hauts fonctionnaires, madame la sénatrice, que l'alcool peut conduire à commettre des méfaits, je vous en supplie, ne demandez pas la suppression de cet article. Ou alors, expliquez-moi votre raisonnement, car je ne parviens pas à le comprendre.

S'agissant de la drogue et de la position libertaire de M. Michel

Sourires

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Quant à l'amendement n° 53 de la commission, à l'évidence, le Gouvernement y est favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote sur les amendements identiques n° s 223 et 283.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

M. le garde des sceaux essaye de démontrer que nous sommes contre la condamnation des personnes qui conduisent sous l'emprise de la drogue. Nous disons simplement qu'il est très difficile, en matière de drogue, de tirer des conclusions précises. M. le rapporteur nous explique qu'il est facile d'y parvenir à partir d'une analyse d'urine, d'une analyse de sang et d'une analyse de cheveux. Cela, c'est bon pour les morts, mais qu'en sera-t-il pour les vivants ? Une personne pourra avoir un comportement bizarre parce qu'elle aura pris des somnifères, des anxiolytiques, etc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Réaliser de telles analyses serait très lourd, notamment sur le plan financier. Les magistrats vous diront, monsieur le garde des sceaux, quel est le coût exorbitant, bien que justifié, des analyses ADN, qui deviennent de plus en plus systématiques. Si vous y ajoutez celui des analyses de cheveux, de sang et d'urine s'agissant de la consommation de drogue, vous allez faire exploser les dépenses annexes du ministère de la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On est d'accord pour aggraver les peines lorsqu'un crime ou un délit est commis par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. Cependant, en cas d'accident mortel dû à un abus de stupéfiant, les victimes se plaignent souvent que celui qui a provoqué l'accident ne soit pas puni avec une sévérité suffisante. Or consommer de façon courante des produits stupéfiants et conduire sous leur emprise n'est pas anodin ! Et commettre alors un crime ou un délit, même involontairement, doit être plus sévèrement sanctionné.

On peut toujours déplorer que les preuves suffisantes ne seront pas réunies, qu'il n'y aura pas assez d'argent pour effectuer les analyses, mais tel n'est pas le fond de la question ! L'objet de cet article est d'informer les magistrats et l'opinion publique que ceux qui commettent des crimes ou des délits en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants seront plus sévèrement condamnés. Je ne comprends pas les objections qui sont faites à ce texte !

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement est adopté.

L'article 34 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 156, présenté par M. Goujon et Mme Hermange, est ainsi libellé :

Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le chapitre IV du titre II du livre IV de la troisième partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :

« Chapitre V

« Contrôle et évaluation de la politique de lutte contre la toxicomanie

« Art. L. 3425 -1 - L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et Technologiques présente un rapport annuel de contrôle et d'évaluation de la politique nationale de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

« L'analyse approfondie des objectifs affichés en matière de prévention, des moyens budgétaires qui y ont été consacrés durant l'année écoulée et des résultats obtenus constitue le fondement de ce rapport.

« Pour accomplir la mission qui lui est assignée par l'alinéa 1er du présent article, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques peut demander toute étude ou expertise particulière à la Cour des comptes ou à tout organisme extérieur de son choix.

« Art. L. 3425 -2 - Sur la base du rapport annuel de contrôle et d'évaluation de la politique nationale de lutte contre la drogue et la toxicomanie réalisé par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, en application de l'article L. 3425-1 du code de la santé publique, se tient chaque année un débat public au Parlement. »

La parole est à M. Philippe Goujon

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Cette nouvelle politique de lutte contre la drogue et la toxicomanie, dont nous améliorons l'efficacité grâce aux dispositions que nous adoptons depuis ce matin, doit faire l'objet d'une évaluation, tant il est essentiel de vérifier que les outils juridiques mis en oeuvre sont en adéquation permanente avec les objectifs poursuivis.

C'est dans cet esprit que nous proposons que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont la longue expérience et la qualité des travaux ne sont plus à démontrer, soit chargé de présenter un rapport annuel de contrôle et d'évaluation de la politique nationale de lutte contre la drogue et la toxicomanie et que, sur la base de ce rapport, se tienne chaque année un débat public au Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Si nous estimons effectivement important d'évaluer la politique nationale de lutte contre la drogue et la toxicomanie, nous considérons cependant que l'Office français des drogues et toxicomanie et la Cour des comptes se livrant déjà à de nombreuses évaluations, il n'est pas indispensable d'ajouter un rapport supplémentaire.

L'avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Le Gouvernement émet le même avis que la commission.

Monsieur Goujon, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a pour mission d'évaluer. S'il devait également rendre compte, il verrait sa compétence élargie. De plus, comme l'a très justement dit M. le rapporteur, d'autres institutions se livrent déjà à des évaluations. Il y aurait donc redondance.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Non, je le retire, monsieur le président.

Je considère néanmoins que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques pouvait à bon droit évaluer cette politique.

L'Office français des drogues et toxicomanie est d'intérêt public. Sa mission est de produire des informations provenant de sources différentes et scientifiquement validées sur les substances licites comme illicites. Son rôle n'est pas d'évaluer la politique nationale de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 156 est retiré.

L'amendement n° 179 rectifié, présenté par M. Retailleau, est ainsi libellé :

Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque année, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport concernant la gestion des deniers publics en matière de lutte contre la toxicomanie.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 224, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le chapitre VII, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

CHAPITRE ...

DIVERSES DISPOSITIONS DE PROCEDURE PENALE

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Nous avons souhaité créer ce chapitre additionnel dans un but bien précis.

Ce projet de loi, comme ceux qui l'ont précédé, véhicule une philosophie sécuritaire, dangereuse pour les droits et les libertés de nos concitoyens.

En parallèle, la procédure pénale est modifiée de telle sorte qu'elle ne garantit plus le respect des droits de la défense.

Si la justice commande que le coupable de l'infraction soit toujours puni, elle exige aussi que celui qui est poursuivi ait toute possibilité de se défendre.

Cependant, les nombreuses réformes de notre droit pénal et de la procédure pénale opérées ces dernières années ont multiplié les régimes et les procédures d'exception, ont durci l'échelle des peines et ont donné la priorité à la détention au détriment de la liberté.

L'extension du champ d'application des alternatives aux poursuites ou encore des procédures de jugement à délai rapproché ne permet plus d'affirmer que les droits de la défense sont aujourd'hui respectés.

Nous n'avons pas pour ambition d'être exhaustifs. Notre objectif est ici de tenter d'infléchir la tendance aujourd'hui constatée.

C'est pourquoi nous présenterons des amendements visant à abroger la procédure de comparution immédiate et à limiter les possibilités de placer un prévenu en détention provisoire.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le président, je souhaiterais expliciter la position du groupe socialiste sur l'amendement n° 224, ainsi que sur les amendements n° 225 et 226, qui viendront en discussion tout à l'heure.

Sur le fond, nous partageons très largement l'objectif de nos collègues du groupe CRC. Malgré un intitulé mettant en avant la prévention de la délinquance, il s'agit bien en effet d'un projet de loi qui privilégie la répression. À ce titre, ces trois amendements auraient peut-être leur place.

Sur la forme, toutefois, nous estimons que les modifications que nos collègues veulent introduire dans le code de procédure pénale n'ont pas leur place dans le présent texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Nous avons nous-mêmes assez critiqué le côté patchwork de ce texte, lequel contient des dispositions qui ne devraient pas s'y trouver, pour que chacun sache que nous refusons d'entrer dans cette logique. Nous nous abstiendrons donc sur ces trois amendements.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 225, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant le chapitre VII, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le paragraphe 3 de la section I du chapitre 1er du titre II du livre II du code de procédure pénale et les articles 393 à 397-6 du même code sont abrogés.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

À l'évidence, M. le garde des sceaux se plaît, avec un certain talent d'ailleurs, à rebondir sur nos propos pour immédiatement tenter de nous ridiculiser. Qu'il se rassure, cela ne nous empêchera pas de continuer à dire ce que nous pensons !

Certes, monsieur Michel, vous avez eu raison de le souligner, par rapport à ce texte, nos amendements ne sont pas très appropriés. Mais le projet de loi, dans son contenu, n'est lui-même pas en accord avec son titre, car il traite de tout et de n'importe quoi ! En définitive, ce n'est absolument pas un projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. De prévention, on parle peu ; en revanche, on y traite de répression à tous les articles !

Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, c'est le jeu parlementaire : puisque nous sommes totalement opposés à ces dispositions à répétition qui suivent la même logique répressive, puisque le Gouvernement ne se préoccupe guère de prévention dans ce texte, nous tenons à défendre des positions qui nous tiennent à coeur et qui se trouvent donc finalement avoir un lien avec le projet de loi, lequel vise, entre autres, à étendre les procédures accélérées de jugement.

N'en déplaise à certains de nos collègues, en 2002, lors du débat sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, nous nous étions opposés à la procédure de comparution immédiate. Après plusieurs années d'application, nous ne sommes toujours pas convaincus de son bien-fondé, contrairement à d'autres.

Au demeurant, les conclusions du rapport de notre collègue François Zocchetto, publié au nom de la mission d'information sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale, ne nous ont pas non plus convaincus.

Alors que ce dernier s'en réjouit, nous nous inquiétons de la fréquence d'utilisation de telles procédures. En effet, selon le rapport, elles concernent « 75 % des contentieux, contre 45 % il y a dix ans ». Par conséquent, « 75 % des personnes comparaissent donc désormais devant le juge dans un délai compris entre deux jours et quatre mois ».

Les mises en cause des droits de la défense qu'entraînent ces procédures nous préoccupent tout autant. Des données éloquentes sont citées dans ce même rapport, mais, apparemment, M. Zocchetto et nous n'en avons pas la même lecture. Il en va ainsi de tous les rapports : on en fait ce que l'on veut !

Ainsi y est-il écrit que les « avocats disposent de très peu de temps pour prendre connaissance du dossier - entre 15 et 45 minutes le plus souvent ». Quant au déroulement de l'audience, par exemple au tribunal de grande instance de Paris, « il faut compter entre 15 et 20 minutes par personne, voire 35 à 40 minutes pour des affaires contestées et complexes ou des affaires de violences conjugales ou d'agressions sexuelles ». Voilà des exemples qui vous intéressent de près, y compris pour ce qui concerne ce projet de loi !

À nos yeux, la rapidité de ces procédures est un obstacle au bon déroulement des enquêtes de police et des enquêtes de personnalité, alors qu'elles peuvent être l'occasion pour le juge de décerner un mandat de dépôt à l'issue de l'audience.

C'est bien ce qu'affirment les juges de l'application des peines quand ils soulignent la difficulté d'adapter la peine du fait du manque de données personnelles sur les personnes traduites en comparution immédiate, « l'enquête de personnalité étant bien souvent le dernier document à être mis au dossier ». Je ne fais, encore une fois, que citer les termes du rapport de la mission d'information !

Toujours selon ce rapport, et pour insister sur des points qui vous intéressent, la rapidité de la procédure de comparution immédiate « n'est pas toujours compatible avec la prise en compte des intérêts des familles des victimes ». M. Zocchetto préconise donc d'exclure les homicides involontaires de cette procédure.

Il apparaît également que le recours à la comparution immédiate est disparate et fonction de la taille des juridictions, ce qui crée une nouvelle inégalité de traitement devant la justice.

Mes chers collègues, même si M. Zocchetto trouve beaucoup d'intérêt à cette procédure dans son rapport, ce dernier contient suffisamment de réserves sur ce point pour nous inciter à vous demander d'adopter l'amendement n° 225, et, partant, de supprimer une telle procédure.

Je vous le rappelle, en novembre dernier, des lycéens, des étudiants et des jeunes ont été jugés en comparution immédiate, sans pouvoir organiser leur défense. Pour cette jeunesse qui se sent déjà bien éloignée de nos institutions, une telle procédure ne fera qu'accroître le sentiment d'injustice qu'elle ressent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 225, ainsi que sur les amendements suivants déposés par le groupe CRC.

D'ailleurs, sur la refonte du code de procédure pénale, mais aussi sur celle de l'ordonnance de 1945 dont nous débattrons dans quelques instants, nous avions le choix : soit consacrer une heure à chacun de ces amendements, soit faire simplement mention de l'avis défavorable de la commission. Monsieur le président, j'ai choisi la seconde solution !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Madame Borvo Cohen-Seat, vous souhaitez, si j'ai bien compris, supprimer la comparution immédiate. Mais c'est très grave ! Comment pouvez-vous, sans honte, soutenir un tel amendement ?

Oseriez-vous vraiment aller dire aux populations de la Seine-Saint-Denis, qui sont véritablement excédées par toute cette délinquance, qu'il vaudrait mieux supprimer la possibilité d'apporter rapidement une réponse pénale aux délits fréquemment constatés dans leur département ?

En la matière, vous proposez de supprimer tout circuit court, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Vous préférez qu'un jeune soit jugé six mois après, avec un avocat, plutôt qu'en comparution immédiate, pour laquelle, je vous le rappelle, il faut l'accord de l'avocat. Selon vous, les droits de la défense ne seraient pas défendus de manière identique.

En définitive, madame la sénatrice, c'est le dispositif que vous défendez qui risque de créer de l'insécurité. Au lieu de traiter le problème d'une manière abstraite, soyez concrète et revenez à la réalité vécue dans nos cités. Nous le savons très bien, si la punition n'est pas infligée rapidement, elle n'aura aucune signification pour le jeune.

Par conséquent, la suppression de la comparution immédiate, qui, vous le savez, concerne non pas des mineurs, mais bien des majeurs, serait extrêmement ennuyeuse et n'aurait qu'un effet : faire exploser la délinquance !

Mais je ne vous ferai pas de procès d'intention, et je sais que tel n'est pas, en vérité, votre objectif. Simplement, de grâce ! ne déposez pas ce type d'amendements s'ils ne reflètent pas votre pensée. Ou alors, dites-le tout haut !

Cela étant dit, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 226, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant le chapitre VII, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Dans le troisième alinéa

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

II. Le dernier alinéa de l'article 144 du même code est abrogé.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je me doutais bien, monsieur le garde des sceaux, que vous alliez encore essayer de nous ridiculiser, mais qu'importe ! Nous défendons des idées auxquelles nous croyons. Je persisterai donc dans cette voie ! D'ailleurs, il ne s'agit pas pour nous de critiquer l'intervention du juge. Il s'agit de dénoncer la comparution immédiate, qui, chacun vous le dira, n'a pas les effets escomptés, tout particulièrement chez les jeunes. Ces propos ne méritaient donc pas d'être ridiculisés.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Madame la sénatrice, me permettez-vous de vous interrompre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. le garde des sceaux, avec l'autorisation de l'orateur.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Madame Borvo Cohen-Seat, que les choses soient claires : je ne me permettrais pas de ridiculiser qui que ce soit ; pour autant, j'essaie de pousser jusqu'à son terme la logique de l'amendement pour bien faire comprendre à tout le monde de quoi il s'agit.

Pour en revenir à la comparution immédiate, elle ne concerne que les adultes.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mais vous venez de parler des jeunes délinquants du 93 !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Mais on peut être jeune et avoir plus de 18 ans ! La comparution immédiate ne concerne pas les mineurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Arrêtez avec la Seine-Saint-Denis, monsieur le garde des sceaux ! Prenez une cité dans votre département, si cela existe...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pour en revenir à l'amendement n° 226, la loi du 15 juin 2000 permet au juge des libertés et de la détention, saisi par le juge d'instruction, de placer en détention provisoire une personne mise en examen pour un crime ou un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement.

Au 1er juillet 2006, la population carcérale métropolitaine comprenait 57 464 personnes, dont 17 465 prévenues, soit environ 30 %. Cette proportion est énorme, surtout si l'on souhaite véritablement appliquer les deux principes de notre droit qui veulent, d'une part, que la présomption d'innocence prévale ; d'autre part, que la détention provisoire reste exceptionnelle. Vous le constatez vous-même, nous sommes en pleine contradiction !

Le drame d'Outreau a servi de révélateur quant à l'utilisation trop souvent abusive de la détention provisoire. D'ailleurs, qu'aurait-on entendu si, à l'époque, le juge avait laissé les accusés d'Outreau en liberté ? Cela mériterait vraiment d'être précisé !

De telles situations, moins connues car de moindre ampleur et heureusement moins graves, sont vécues au quotidien.

Le niveau de la peine encourue - trois ans - concourt à une application plus forte que nécessaire de la détention provisoire. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement visant à permettre l'application de cette disposition seulement si la peine encourue en matière correctionnelle est d'une durée égale ou supérieure à cinq ans. Une telle proposition est d'ailleurs contenue dans une proposition de loi que nous avons nous-mêmes déposée le 18 avril dernier et qui vise à renforcer les droits de la défense.

La Commission nationale de suivi de la détention provisoire souligne, dans son rapport de 2005, que « le recours à la détention provisoire au niveau de l'instruction est revenu en 2002 et 2003 à un niveau sensiblement supérieur à celui de la décennie 1990 ». Elle indique aussi que, après une baisse enregistrée au cours de la période 2000-2002, « en 2003, la durée moyenne de détention provisoire augmente à nouveau ». Elle précise ainsi : « Pour l'année 2003, la durée moyenne globale est de 7, 1 mois, ce qui représente une augmentation sensible par rapport à 2002 - 6, 4 mois -, alors que cette durée moyenne était plutôt décroissante auparavant - 6, 6 mois en 1999. »

À l'évidence, les lois « sécuritaires » votées ces dernières années ont favorisé le recours à la détention provisoire, tant par leur philosophie poussant à l'enfermement que par un processus mécanique, avec l'aggravation des peines.

Vous qui aimez citer les dysfonctionnements de la justice dans le procès d'Outreau, vous feriez donc bien d'accepter cet amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La commission a déjà exprimé un avis défavorable sur cet amendement.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Madame Borvo Cohen-Seat, cet amendement n'est pas inintéressant. D'ailleurs, en préparant le projet de loi sur la réforme de la justice que je vous soumettrai dans quelques semaines, notamment la partie relative à la procédure pénale, nous avons beaucoup réfléchi sur l'opportunité de supprimer le trouble à l'ordre public parmi les motifs pouvant justifier une détention provisoire. S'il nous est apparu plus prudent de conserver ce motif pour les crimes et les délits, nous avons finalement souhaité empêcher que le trouble à l'ordre public puisse être invoqué pour décider du maintien en détention provisoire.

Autrement dit, sous cet angle, nous vous donnerons satisfaction.

Quant au quantum des peines pour le placement en détention, il a été fixé dans la loi Guigou du 15 juin 2000, que vous avez vous-même sans doute votée. Visiblement, vous avez évolué. Pour notre part, nous souhaitons en rester aux dispositions de cette loi.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

CHAPITRE VII

DISPOSITIONS TENDANT À PRÉVENIR LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 227, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 35, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi rédigé :

« Ils pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité des mineurs l'exigent, prononcer une peine à l'encontre des mineurs de treize à dix-huit ans en tenant compte de l'atténuation de leur responsabilité pénale, conformément aux dispositions des articles 20-2 à 20-9. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 228, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 35, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Le premier alinéa du I de l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi rédigé :

« Le mineur de treize ans ne peut être placé en garde à vue. Toutefois, à titre exceptionnel, le mineur de dix à treize ans contre lequel il existe des indices graves et concordants laissant présumer qu'il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'au moins sept ans d'emprisonnement peut, pour les nécessités de l'enquête, être retenu à la disposition d'un officier de police judiciaire avec l'accord préalable et sous le contrôle d'un magistrat du ministère public ou d'un juge d'instruction spécialisés dans la protection de l'enfance ou d'un juge des enfants, pour une durée que ce magistrat détermine et qui ne saurait excéder six heures. Cette retenue peut toutefois être prolongée à titre exceptionnel par décision motivée de ce magistrat pour une durée qui ne saurait non plus excéder six heures, après présentation devant lui du mineur, sauf si les circonstances rendent cette présentation impossible. Elle doit être strictement limitée au temps nécessaire à la déposition du mineur et à sa présentation devant le magistrat compétent ou à sa remise à l'une des personnes visées au II du présent article. »

II. Le VII de l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est abrogé.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 229, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 35, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Les quatrième, onzième et douzième alinéas de l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante sont abrogés.

II. Les treizième et quatorzième alinéas du même article sont ainsi rédigés :

« En matière criminelle, la détention provisoire des mineurs de treize ans à seize ans ne peut excéder un mois.

« La détention provisoire des mineurs de seize à dix-huit ans ne peut excéder trois mois. Toutefois, à l'expiration de ce délai, la détention peut être prolongée, à titre exceptionnel, pour une durée n'excédant pas trois mois, par une ordonnance rendue conformément aux dispositions du sixième alinéa de l'article 145 du code de procédure pénale et comportant, par référence aux 1° et 2° de l'article 144 du même code, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ; la prolongation ne peut être ordonnée qu'une seule fois. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

L'ordonnance du 2 février 1945 précitée est ainsi modifiée :

1° Après l'article 13, il est inséré un article 13-1 ainsi rédigé :

« Art. 13-1. - Les dispositions de l'article 399 du code de procédure pénale sont applicables aux audiences du tribunal pour enfants. » ;

2° L'article 14-2 est ainsi modifié :

a) Dans le I, les mots : « jugement à délai rapproché » sont remplacés par les mots : « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement » ;

b) Dans la première phrase du II :

1. Les mots : « jugement à délai rapproché » sont remplacés par les mots : « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement » ;

2. Les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « un an » ;

3. Les mots : « cinq ans » sont remplacés par les mots : « trois ans » ;

c) Dans la seconde phrase du II, les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de dix-huit mois » ;

d) Au III :

1. Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, il est procédé au jugement du mineur à la première audience du tribunal pour enfants qui suit sa présentation, sans que le délai de dix jours soit applicable, lorsque le mineur et son avocat y consentent expressément, sauf si les représentants légaux du mineur, dûment convoqués, font connaître leur opposition. » ;

2. Au dernier alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

J'avoue ne pas très bien comprendre pourquoi le Sénat a accepté d'appeler l'article 38 en priorité avant l'article 35. Mystère et boule de gomme, mais, puisqu'il en est ainsi, parlons de l'article 38 !

Avec la modification des règles concernant l'audiencement du tribunal pour enfants et la procédure de jugement à délai rapproché, cet article est emblématique de l'injonction faite à la justice de juger toujours plus et toujours plus vite. Ce ne sera pas sans conséquences sur les justiciables qui sont, en l'occurrence, des mineurs.

Alors que nombre de mesures adoptées depuis 2002 n'ont pas fait la preuve de leur utilité pratique et n'ont été que peu utilisées, le texte en rajoute encore. La procédure de jugement à délai rapproché a été créée il y a seulement quatre ans. Elle tendait déjà à s'aligner sur la comparution immédiate pour les majeurs.

Aujourd'hui, le projet de loi lui substitue « la présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement ». Vous ne savez plus quelles formules adoptées, monsieur le garde des sceaux, pour ne pas dire « comparution immédiate » !

La commission des lois souligne dans son rapport que « les vertus pédagogiques de la sanction tendent à s'estomper si la peine n'intervient pas dans le meilleurs délais après la commission de l'infraction ». Des jeunes attendent effectivement parfois plusieurs mois une audience de cabinet, et jusqu'à deux ans une audience devant le tribunal : est-ce dû à la lenteur structurelle des procédures et des audiencements ou au manque d'effectifs en juges des enfants et en greffiers ? Il faudrait que nous le sachions.

Nous avons entendu tout à l'heure le garde des sceaux - il n'était pas d'accord avec les jugements intempestifs du ministre de l'intérieur sur le tribunal de Bobigny - nous assurer que des efforts avaient été faits et qu'ils seraient poursuivis. Nous aimerions cependant connaître les raisons exactes de ces délais trop importants.

Est-ce le contenu du jugement ou la longue attente entre celui-ci et la mise en application concrète des mesures décidées, faute de moyens humains et matériels, qui pose un véritable problème ? Il faut bien souvent des mois pour qu'une sanction décidée par le juge soit mise en oeuvre. Parfois même, elle n'est jamais exécutée, faute de moyens.

Dans un rapport de février 2006, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, qui a été reçu au Sénat, épingle notre pays en soulignant que « la justice des mineurs est, à l'heure actuelle, défaillante dans sa prise en charge des mineurs délinquants aussi bien dans des brefs délais que sur le long terme ». Il souligne que l'évolution de la justice des mineurs ne pourra se faire sans une nouvelle dotation en moyens pour la justice et sans un renforcement des services de la protection judiciaire de la jeunesse, « qui sont les plus à même de rétablir la chaîne sociale rompue pour ces mineurs délinquants ».

L'ordonnance de 1945 était fondée sur l'idée que le juge devait essayer de comprendre le sens du passage à l'acte du mineur afin de le resituer dans son contexte et y répondre de la façon la plus juste. Un jugement rapide, ajouté à d'autres dispositions, efface la prise en compte de la personne du mineur. C'est d'ailleurs une volonté délibérée du Gouvernement puisque le texte prévoit - la commission des lois s'y oppose à juste titre - l'allongement de douze à dix-huit mois de la durée de validité des investigations concernant la personnalité du mineur.

Juger toujours plus vite ne pourra que se retourner contre les justiciables, en favorisant un amenuisement des droits de la défense et une nouvelle augmentation des incarcérations. Et rien de tout cela n'aidera les victimes en quoi que ce soit !

La commission d'enquête sénatoriale, dans ses propositions, n'avait pas estimé « réaliste » d'étendre aux mineurs la procédure de comparution immédiate. Il s'agit pourtant bien ici de cela.

Monsieur le président de la commission des lois, vous qui aimez citer le rapport de la commission d'enquête sénatoriale, voilà la démonstration que le Gouvernement ne garde de ce rapport, qui comprenait des idées intéressantes, même si d'autres l'étaient moins, que les plus négatives. Aucune des propositions positives que contenait le document, comme le renforcement important des moyens humains et matériels de la justice des mineurs, n'a été retenue, même s'agissant du nombre de juges des enfants.

La lecture tout à fait sélective des rapports parlementaires va, comme toujours, à l'encontre de l'intérêt des mineurs !

Je vous signale que la toute nouvelle Défenseure des enfants, Mme Dominique Versini, estime, dans un avis de septembre 2006, que la procédure de l'alinéa 2 de l'article 38 du projet de loi « paraît inadaptée pour les mineurs dans la mesure où cela pourrait aboutir à des jugements qui ne prendraient pas en compte la personnalité et l'évolution récentes du mineur.

« Il serait en effet dommageable que, dans le cadre d'une présentation immédiate devant le juge des enfants, des décisions lourdes d'avenir pour le mineur soient prises sur la base d'éléments de personnalité pouvant être anciens, d'enquêtes sociales pouvant remonter jusqu'à dix-huit mois ou en l'absence de parents convoqués mais non présents ce jour-là. »

Beaucoup de voix convergentes - je ne vous les cite pas toutes - nous incitent à ne pas accepter une mise en cause aussi grave de la justice des mineurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à mon grand regret, pour des raisons impératives, je n'ai pu prendre part à la discussion générale.

Au point de la discussion où nous en arrivons maintenant - la question si importante de la délinquance des mineurs -, je voulais rappeler à la Haute Assemblée les principes que nous ne devons jamais perdre de vue lorsqu'il s'agit de la justice des mineurs.

La considération majeure, qui est inscrite dans les conventions internationales comme, depuis 1945, dans nos textes, est que le mineur délinquant n'est pas un majeur délinquant en miniature. La situation est différente de celle dépeinte par les portraits du XVIIe siècle où l'on voit le petit garçon habillé comme son père : un enfant ou un adolescent n'est pas un adulte en réduction. Il évolue, il se transforme, et nous savons tous par expérience personnelle que l'adolescent de seize ans n'est plus le garçon de douze ans qu'il était, qu'il a changé et qu'il continuera à changer. C'est précisément pour cette raison que l'accent doit toujours être mis sur les principes d'éducation, de réinsertion, de transformation. Bref, la justice des mineurs doit obligatoirement s'engager en leur faveur.

Il ne s'agit pas que de considérations d'ordre général. Elles s'inscrivent - je le rappelle à la Haute Assemblée - au nombre des principes d'ordre constitutionnel. À deux reprises, le Conseil constitutionnel a été amené à statuer sur ce point. La dernière décision, fort récente puisqu'elle date du 2 mars 2004, concerne des textes dont nous avions débattu ici.

Le Conseil constitutionnel a rappelé à cette occasion que « l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge » - parce qu'ils n'ont pas le même niveau de responsabilité pénale que les majeurs, les mineurs doivent relever d'un traitement pénal différent - « comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées » - donc des juridictions et des procédures distinctes de celles qui sont prévues pour les majeurs - « ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du XXe siècle ».

Ce principe est le socle sur lequel nous devons nous fonder pour toute approche de la justice des mineurs. Il ne découle pas seulement d'un constat, il ne figure pas seulement dans les principes constitutionnels, il est aussi inscrit dans des conventions internationales.

J'en arrive à l'état de notre droit.

Je n'ai pas goûté, même s'il ne m'a pas surpris, le propos trop facile et la rhétorique du ministre de l'intérieur s'écriant que les adolescents de 1945 n'étaient pas ceux d'aujourd'hui. Et pour cause, ils sont aujourd'hui de vieux messieurs et de vieilles dames ! Mais il ne s'agit pas non plus du même texte. De même que le code civil n'est plus identique à ce qu'il était en 1804, de même l'ordonnance de 1945 dont nous parlons n'est pas restée inchangée. Tout au contraire, elle a subi tant de révisions que l'on n'arrive même plus à les dénombrer.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Pour certains, il y aurait eu vingt-trois révisions, pour d'autres, vingt-huit, pour d'autres encore, trente-trois. En tout cas, elle a fait l'objet de modifications incessantes, pratiquement chaque année. Souvenons-nous que nous avons eu l'occasion d'être saisis de projets de modification de cette ordonnance en 2002, en 2003 et en 2004 : ce sont bien des révisions annuelles.

Il s'agit donc toujours l'ordonnance de 1945 dans l'esprit mais certainement plus dans les dispositions. Ne perdons pas de vue toutefois ce qui en est l'inspiration fondamentale.

Pour finir, je voudrais faire une observation. Rien, mes chers collègues, rien n'est plus difficile que la mission du juge des mineurs ; rien ne nécessite plus de délicatesse, plus de compréhension, plus de fermeté, plus d'humanité. De toutes les tâches que la justice impose à ceux qui la servent, c'est certainement celle que, pour ma part, je considère comme à la fois la plus lourde, la plus difficile, et, quand elle est réussie, certainement la plus gratifiante.

Voilà pourquoi je tiens à dire ici combien j'ai été personnellement choqué par les propos du ministre de l'intérieur.

Je sais, monsieur le garde des sceaux, que vous avez tenu, au début de cette séance, à rappeler les efforts du tribunal de Bobigny. Reste qu'il n'appartient pas à un membre du Gouvernement qui n'a pas la responsabilité de la justice de stigmatiser publiquement des magistrats qui font, en conscience, tout ce qui est en leur pouvoir pour assumer une tâche si difficile. C'est indiscutablement, en droit, un manquement à la séparation des pouvoirs.

Je sais que les rapports entre garde des sceaux et ministre de l'intérieur ne sont pas toujours faciles.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

M. Robert Badinter. Il faut toujours se souvenir que la Chancellerie n'est pas l'antenne judiciaire de la place Beauvau !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 235 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 287 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guerry, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 235.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Pour aller dans le même sens que Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, je voudrais m'arrêter sur deux dispositions distinctes qui sont incluses dans cet article 38.

La première porte sur la tenue des audiences du tribunal pour enfants. Je souscris d'ailleurs tout à fait à ce que vient de dire notre collègue Robert Badinter. Désormais, ces audiences seraient organisées conjointement par le président du tribunal pour enfants et le procureur de la République.

Actuellement, comme le dit d'ailleurs le rapporteur, c'est le principe de concertation qui prévaut entre le juge des enfants et le procureur. Si cet article était adopté, le juge perdrait l'autonomie dont il dispose aujourd'hui pour organiser ses audiences. Or cette autonomie est indispensable : seul le juge peut estimer le temps dont il aura besoin pour examiner le dossier du mineur délinquant, délai qui varie nécessairement selon les cas qu'il aura à juger. Cet article s'inscrit dans une logique d'accélération des procédures, et il ne permettra plus au juge d'organiser ses audiences dans l'intérêt du mineur.

La seconde disposition sur laquelle je souhaite m'arrêter porte sur la procédure de présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement. Elle est aujourd'hui modifiée après avoir été créée, sous le nom de procédure de jugement à délai rapproché, par la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002, dite loi Perben I. Cette procédure est similaire à la comparution immédiate pour les majeurs, et se révélerait, si ce texte devait être adopté, plus sévère pour les mineurs que pour les majeurs.

Plusieurs arguments viennent étayer mon propos.

Tout d'abord, le champ d'application de cette procédure est étendu par l'abaissement des seuils de peine encourue permettant sa mise en oeuvre : le seuil passe de trois ans à un an en cas de flagrance, et de cinq ans à trois ans dans les autres cas.

Par ailleurs, le mineur peut renoncer au délai minimal de comparution de dix jours, ce qui autorise ainsi sa comparution immédiate devant le tribunal pour enfants, quoi que vous puissiez dire.

Le doute n'est plus permis : le Gouvernement propose ainsi une quasi-comparution immédiate. Et cette procédure est d'autant plus grave pour le mineur que, s'il l'accepte, il peut donner son accord sans avoir besoin de celui de ses représentants légaux. Un mineur ne saurait, même avec l'assistance de son avocat, prendre seul une décision aux conséquences aussi lourdes pour la défense de ses droits.

Enfin, aucune investigation sur les faits ne sera nécessaire et la durée de validité des renseignements dont doit disposer la juridiction pour utiliser valablement cette procédure est allongée, passant de douze à dix-huit mois.

Autant dire que la personnalité du mineur est loin de constituer la priorité dans cette procédure de comparution immédiate, l'objectif étant de juger toujours plus vite afin de lutter contre une prétendue impunité.

L'accélération continuelle de la réponse pénale se heurte toutefois aux délais de prise en charge éducative, prise en charge que réclament pourtant tant les mineurs que leurs parents.

Par ailleurs, cette accélération n'est pas neutre sur les réponses données : la compréhension et la personnalité du mineur s'effacent devant l'objectif de maintien de l'ordre public.

Cette procédure de comparution immédiate conduit en réalité à juger d'abord des faits tout en niant le parcours, la personnalité, ainsi que l'environnement social et familial du mineur.

La justice des mineurs est de plus en plus mécanique. Son rôle est pourtant de transformer une situation et non de juger des faits isolés.

Les amendements présentés par la commission ne changeront pas grand-chose sur le fond. Remplacer l'expression « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement » par celle de « présentation immédiate devant le tribunal pour enfants » et maintenir le délai actuel concernant les investigations sur le mineur ne modifient pas la logique d'accélération des procédures de jugement voulue par le Gouvernement.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposons à l'article 38, que nous jugeons particulièrement dangereux.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Catherine Tasca, pour présenter l'amendement n° 287.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous sommes tous ici également préoccupés - très inquiets même - au sujet de la délinquance des mineurs, comme nous sommes tous désireux, je pense, de trouver des moyens d'empêcher les mineurs de prendre la voie de la délinquance.

Si nous nous opposons à l'article 38, comme à l'ensemble de la philosophie de ce texte, c'est parce que les enfants, si différents soient-ils en 2006 de ce qu'ils étaient en 1945 et de ce qu'ils seront en 2055, restent des mineurs, comme l'a rappelé Robert Badinter.

Si nous devons les retenir sur la voie de la délinquance, ce n'est pas seulement afin d'assurer une meilleure sécurité de notre société, c'est aussi parce qu'il est du devoir des adultes de le faire, afin que ces enfants puissent devenir des citoyens aussi libres et responsables que possible. Nous devons les empêcher de se retrouver dans des situations qui les conduisent à la prison.

L'article 14-2 de l'ordonnance de 1945 relatif à la procédure de jugement à délai rapproché prévoit, s'agissant des mineurs de seize à dix-huit ans, que, « après avoir recueilli ses observations éventuelles et celles de son avocat, le procureur de la République informe le mineur qu'il est traduit devant le tribunal pour enfants pour y être jugé, à une audience dont il lui notifie la date et l'heure et qui doit avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni supérieur à un mois ».

Le projet de loi introduit un changement de vocabulaire dans l'ordonnance de 1945 : le jugement à délai rapproché, créé voilà à peine quatre ans, comme cela vient d'être rappelé, par la loi Perben I, devient « la présentation immédiate devant le juge pour enfants aux fins de jugement ».

Cette présentation immédiate est possible pour les infractions punies d'un an d'emprisonnement au lieu de trois ans en cas de flagrance, et de trois ans d'emprisonnement au lieu de cinq ans dans les autres cas.

Par ailleurs, le texte prévoit que le délai de dix jours peut ne pas être respecté si le mineur et son avocat y consentent, sauf si les représentants légaux font connaître leur opposition.

Il est donc bien proposé l'instauration d'une quasi-comparution immédiate des mineurs. Il n'est pas inutile de rappeler, à titre de comparaison, que la comparution immédiate peut être utilisée pour les majeurs lorsque la peine encourue est d'au moins deux ans et, en cas de flagrance, d'au moins six mois.

On le voit, l'exigence fondamentale de l'ordonnance de 1945 - la situation des mineurs doit faire l'objet d'une approche personnalisée par la justice - est totalement reniée. Le texte compromet gravement la prise en compte de la spécificité de l'âge et de l'état de mineur. C'est l'une des raisons de fond pour lesquelles nous y sommes opposés.

Ainsi, le fait de porter de douze à dix-huit mois l'ancienneté des renseignements de personnalité dont doit préalablement disposer la juridiction pour utiliser valablement cette procédure montre que la spécificité du développement du mineur au cours de l'enfance et de l'adolescence, jusqu'à son entrée dans l'âge adulte, n'est pas prise en compte dans ce texte.

C'est en effet aberrant, monsieur le garde des sceaux, lorsque l'on connaît l'importance que peuvent avoir ces renseignements, ainsi que la connaissance approfondie du milieu dans lequel l'enfant grandit, de considérer que des informations recueillies il y a dix-huit mois seront de même qualité et auront le même poids que celles qui, aux termes du texte précédent, devaient dater de moins de douze mois.

Cette procédure de comparution immédiate, qui répond au souci que vous avez de sanctionner rapidement, ne peut pas être fondée - nous le répétons et nous le répéterons sans cesse - sur la négation de l'état de mineur.

Par ailleurs, le projet de loi crée dans l'ordonnance de 1945 un article 13-1 qui prévoit que les dispositions de l'article 399 du code de procédure pénale relatif à la fixation du nombre de jours des audiences correctionnelles sont applicables aux audiences du tribunal pour enfants. Là encore, cette mesure fait de l'enfant un petit adulte pour lequel il n'y a pas à choisir de voies et moyens différents.

Cette disposition va encore accentuer la pression des parquets sur le fonctionnement des tribunaux pour enfants. Les préoccupations d'ordre public risquent ainsi de prendre le pas sur les considérations éducatives. C'est tout l'équilibre de l'ordonnance de 1945 qui est ainsi compromis.

Je le répète, nous sommes en désaccord avec vous sur les deux approches qui guident votre texte : d'une part, la négation de la spécificité de la minorité et, d'autre part, la confusion permanente qui est faite entre délinquance et récidive.

Nous voulons prévenir la délinquance. Le traitement de la récidive est un autre sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 234, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le 2° de cet article :

2° - L'article 14-2 est abrogé.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cet amendement vise à remettre en cause le rapprochement insidieux, mais réel, réalisé entre la justice des mineurs et celle des majeurs. En effet, la procédure de jugement à délai rapproché entre tout à fait dans cette logique.

Pourtant, il était considéré depuis 1945 que la responsabilité pénale d'un mineur devait être atténuée par rapport à celle d'un adulte et que les sanctions pénales pouvant être prononcées à l'encontre des enfants devaient avant tout être éducatives.

Mais la loi Perben I de 2002 a atténué la différence de traitement pénal entre les enfants et les adultes : elle a créé les centres éducatifs fermés, qui s'apparentent fortement à une prison, institué des sanctions éducatives dès l'âge de dix ans et la procédure de jugement à délai rapproché.

En étendant le champ d'application de la procédure de jugement à délai rapproché, le présent projet de loi achève de détruire la spécificité de la justice des mineurs ; je n'y reviens pas, nous en avons déjà longuement parlé.

La France, me semble-t-il, tourne ainsi le dos à ses engagements européens et internationaux, qui prévoient que le traitement pénal des affaires concernant des mineurs doit être effectué par des instances et selon une procédure spécialisées. Or, la procédure de jugement à délai rapproché est similaire, dans son mécanisme et dans son esprit, à la procédure de comparution immédiate.

Si les majeurs ont déjà bien du mal à se défendre dans des conditions normales dans le cadre de cette procédure, la situation sera bien pire lorsqu'il s'agira de mineurs.

Nous souhaitons donc que la procédure de jugement à délai rapproché ne puisse plus être appliquée aux mineurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 61, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après les mots :

remplacés par les mots :

rédiger comme suit la fin du a du 2° de cet article :

« présentation immédiate devant le tribunal pour enfants »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement vise à remplacer l'expression « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement » par la formulation « présentation immédiate devant le tribunal pour enfants ».

En effet, comme l'ont dit plusieurs des personnalités que la commission a auditionnées, la formulation proposée dans le projet de loi est source de malentendus. Elle peut laisser sous-entendre que le jugement interviendrait en audience de cabinet du juge des enfants. Or tel n'est pas le cas. Le jugement dans le cadre de cette procédure doit toujours être rendu par le tribunal pour enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 62, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après les mots :

remplacés par les mots :

rédiger comme suit la fin du 1 du b du 2° de cet article :

« présentation immédiate devant le tribunal pour enfants » ;

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement précédent.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 63 est présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 124 rectifié est présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le c du 2° de cet article.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 63.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Il nous semble nécessaire de maintenir le droit existant concernant les investigations sur la personnalité du mineur.

En l'état actuel du droit, le jugement à délai rapproché n'est possible que si des investigations sur la personnalité du mineur ont été effectuées dans le cadre d'une procédure antérieure datant de moins d'un an.

Dans le projet de loi, ce délai est porté à dix-huit mois. Une telle durée paraît excessive, compte tenu de l'évolution possible de la personnalité du mineur dans cet intervalle et du fait que dix-huit mois représentent parfois une partie non négligeable de la vie de l'enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. François Zocchetto, pour présenter l'amendement n° 124 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

S'il est des prévenus qui ne doivent pas attendre des mois, voire des années avant de comparaître devant le tribunal, ce sont bien les prévenus mineurs. Nous avons déjà décrit à de nombreuses occasions tous les désavantages et les effets négatifs résultant de la présentation d'un jeune devant un tribunal six mois, douze mois, dix-huit mois, parfois plus, après les faits.

Je pense que la procédure de comparution immédiate devant le tribunal, et non pas devant le juge des enfants d'ailleurs - à cet égard, je suis favorable à l'amendement n° 61 de la commission - est une bonne démarche.

Sur ce sujet, nous n'avançons pas de façon aveugle. Nous avons une double référence. Tout d'abord, la procédure de comparution à délai rapproché existe déjà pour les mineurs depuis un certain temps. Ensuite, la procédure de comparution immédiate existe depuis des années. Elle a d'ailleurs été instituée et complétée sur l'initiative de gouvernements d'inspirations politiques les plus variées. Il y a tout lieu, me semble-t-il, de se féliciter de ce dispositif, qui, en outre, doit âtre réservé aux mineurs de seize à dix-huit ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je souhaite tout d'abord dire à Mme Borvo Cohen-Seat qu'il ne faut voir aucune arrière-pensée ou intention malicieuse derrière la demande de priorité de la commission. C'est une simple question de coordination. En effet, l'article 35 évoque la procédure de présentation immédiate devant le juge des enfants, procédure instituée par l'article 38. Telle est la seule raison de cette demande de priorité.

La commission est bien évidemment défavorable aux amendements de suppression n° 235 et 287. Je suis totalement d'accord avec les arguments développés à l'instant même par notre collègue François Zocchetto. Comme l'ont relevé différents intervenants, les modifications ne concernent que les quantum de peines encourues et la possibilité pour le mineur d'être jugé à la première audience du tribunal pour enfants qui suit sa présentation au procureur de la République, sans que le délai de dix jours soit applicable, et ce à une double condition, particulièrement sécurisante : l'accord exprès du mineur et de son avocat et l'absence d'opposition de ses représentants légaux.

L'amendement n° 234 tend à supprimer la procédure du jugement à délai rapproché créé par la loi Perben I. La commission y est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements du groupe socialiste et du groupe CRC et un avis favorable sur les amendements de la commission et de M. Zocchetto. Je vais expliquer pourquoi.

Je souhaite tout d'abord affirmer le respect par ce texte de l'ordonnance de 1945. Je rappelle que cette ordonnance prévoit trois spécificités s'agissant de la justice des mineurs.

La première spécificité, c'est la primauté de l'éducatif. Or je rappelle que ce texte prévoit des mesures d'activités de jour ainsi que, à travers la composition pénale, des mesures d'ordre éducatif.

La deuxième spécificité fondamentale de l'ordonnance de 1945, c'est l'excuse de minorité, c'est-à-dire que sont divisées par deux l'ensemble des peines applicables aux mineurs.

Enfin, la troisième spécificité de cette ordonnance, qui est incontournable, c'est le principe de justice spécifique aux mineurs. Le projet de loi ne supprime pas les tribunaux pour enfants, tout le monde l'aura observé !

Les trois spécificités de l'ordonnance sont donc respectées. On peut s'opposer au texte par idéologie, mais tant qu'il respecte ces trois principes - primauté de l'éducatif, excuse de minorité et spécificité de juridiction -, il reste dans l'esprit des pères de l'ordonnance de 1945.

Je rappellerai aussi que l'ordonnance de 1945, si l'on excepte l'exposé des motifs, a été modifiée une trentaine de fois - vingt-trois selon la commission des lois, trente-deux ou trente-trois d'après M. Badinter.

Pour en revenir à l'article 38, je rappellerai que l'audiencement conjoint, donc siège-parquet, existe déjà pour les majeurs. Dans nombre de juridictions, il existe également déjà pour les mineurs ; je pense aux convocations par officier de police judiciaire, les COPJ, qui sont de plus en plus utilisés dans les tribunaux pour mineurs. Bref, il ne s'agit jamais que de mettre les faits en harmonie avec le droit ; l'existant est simplement généralisé.

S'agissant de la présentation immédiate devant une juridiction pour mineurs, nouveauté de ce texte, la commission des lois a voulu préciser que le mineur est présenté devant le tribunal des enfants. Elle a sans doute raison, puisque le principe, pour les mineurs, est que le parquet saisisse la juridiction, qu'ils soient d'abord présentés devant le juge des enfants, lequel peut décider soit la détention provisoire soit le contrôle judiciaire, et qu'ensuite ils comparaissent devant le tribunal pour enfants. Je me rallie donc à la formulation de la commission, puisque ce n'était pas aussi clairement exprimé dans le projet de loi.

En fait, il s'agit de respecter la spécificité de la justice pour enfants et, en même temps, d'aller vite.

Si nous voulons que la loi ait un aspect éducatif, madame Tasca, il faut que le jeune puisse faire la différence entre ce qui est défendu et ce qui est permis, ce qui constitue une faute et ce qui est licite. Or, je le répète, plus on attend, plus ces notions deviennent floues pour le jeune prévenu. De ce point de vue, la rapidité de la décision judiciaire est pédagogique.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Vous ne pouvez pas dire le contraire, sauf à prétendre que l'on ne respecte pas l'ordonnance de 1945, quand je tends à démontrer le contraire.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

La présentation immédiate ne peut concerner que les réitérants, en accord avec l'intéressé, son avocat et, pour les mineurs, les parents. Cette procédure va effectivement plus loin que la présentation à délai rapproché, déjà modifiée par la loi et qui avait été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans une décision du 29 août 2002. Cette nouvelle procédure est, elle aussi, conforme à la Constitution puisque l'accord du mineur et de ses représentants est requis.

Tant l'audiencement à délai rapproché que la présentation immédiate devant une juridiction pour enfants ont un sens pédagogique, puisqu'ils font en sorte que le jeune puisse être présenté, avec son accord, dès la première audience utile d'un tribunal pour enfant. Si le jeune n'est pas d'accord, il retombe dans le droit commun et est renvoyé devant la juridiction dans un délai de dix jours à un mois, comme c'est le cas actuellement.

Cette procédure ne constitue pas une révolution, elle est extrêmement respectueuse de la volonté des parties, mais elle tend à aller plus vite pour être pédagogique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 235 et 287.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le garde des sceaux, monsieur Zocchetto, il ne suffit pas de répéter qu'il est préférable de juger les mineurs immédiatement, et ce avec leur accord, puisque, justement, les éducateurs et les juges que j'ai entendus sur ce sujet m'ont expliqué que les mineurs souhaitent être jugés tout de suite pour être débarrassés ! Cet argument va donc à l'encontre de votre démonstration.

La spécificité de la justice des mineurs tient précisément au fait de prévoir d'abord une prise en charge - occupons-nous plutôt de lui donner les moyens nécessaires -, prise en charge au terme de laquelle le jugement intervient, lorsque le mineur est capable de comprendre et d'admettre qu'il a commis un délit.

Vous nous dites le contraire ! Eh pourtant, les petits délinquants ancrés dans leur délinquance, comme vous dites, sont bien contents d'être jugés en comparution immédiate, ils sont débarrassés : s'ils bénéficient de sursis, c'est terminé ; s'ils font une courte peine de prison, qui, comme chacun le sait, est éducative, ils en ressortent parfaitement rééduqués et ne commettent plus aucun délit !

Nous tenons beaucoup à ce principe spécifique de la justice des mineurs, et vous êtes en train de le remettre en cause, que vous le vouliez ou non !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le fait de dire que les mineurs d'aujourd'hui ne sont pas ceux de 1945 relève de propos de comptoir ! Aujourd'hui, rien n'est comme en 1945 : ni les mineurs, ni les majeurs, ni la société, ni tout le reste !

À l'époque, la plupart des jeunes travaillaient dès l'âge de quatorze ans. Aujourd'hui, beaucoup sont au chômage bien longtemps après avoir terminé leur formation. Évidemment, les jeunes de la bourgeoisie et des couches moyennes restent de plus en plus longtemps chez leurs parents ; ils sont pris en charge, même si cela ennuie quelquefois les parents ; ils n'ont pas trop de soucis. En revanche, les jeunes des milieux plus modestes connaissent de plus grandes difficultés, puisqu'ils n'arrivent pas à s'insérer dans le monde du travail.

En 1945, Mme Campinchi, qui avait présidé la commission issue du Conseil national de la Résistance chargée de préparer l'ordonnance de 1945, disait ceci : « Le développement continu de la délinquance juvénile est un des phénomènes les plus inquiétants de l'heure présente »... Elle poursuivait ainsi : « mais la France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains ».

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

M. Josselin de Rohan. Avec un « t », ç'aurait été encore mieux!

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C'était le vocabulaire de l'époque.

Aujourd'hui, au lieu de se demander comment faire pour prendre en charge un jeune délinquant - qui est un grand danger pour lui-même, pour la société et pour l'avenir -, pour qu'il n'aille pas en prison, pour qu'il ne recommence pas et puisse devenir un adulte, on le traite de voyou, de racaille !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

On stigmatise la jeunesse des quartiers populaires !

Décidément, nous ne sommes pas du tout dans le même état d'esprit qu'en 1945, voilà la différence !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Intervenez plutôt que de nous invectiver, monsieur Karoutchi !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Si j'interviens, c'est parce que je veux répondre à ce qui me paraît être, mon cher collègue Zocchetto, une erreur d'approximation.

Nous avons une procédure qui est déjà rapide, à délai rapproché. Rappelons qu'elle a été introduite récemment dans notre droit. Je rappelle aussi que ce texte a été discuté sur la base du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs, rédigé par M. Schosteck. Nous avions donc déjà une connaissance parfaite de l'état de la délinquance des mineurs.

Pourquoi nous sommes-nous tenus au délai rapproché sans aller jusqu'à la comparution immédiate ?

La raison est simple et semble pourtant méconnue : quand vous traitez de la justice des mineurs, et cela concerne particulièrement les magistrats, vous devez prendre en considération la possibilité d'évolution favorable du mineur dans le temps, de préférence à bref délai. C'est l'objectif que l'on se donne.

Il y a certes une frustration de la part des victimes quand la décision ne tombe pas, de la part du corps des policiers également quand ceux-ci ont le sentiment que rien ne s'est passé, je le sais bien. Mais vous ne pouvez pas, en matière de justice des mineurs, sortir du principe que j'ai évoqué, à savoir que ces derniers changent et que l'on veut qu'ils changent dans le bon sens.

C'est la raison pour laquelle il vaut mieux ne pas juger le mineur en comparution immédiate comme le majeur, simplement pour qu'il sente, si je puis dire, qu'il est sous l'oeil de la justice, qu'elle est présente, qu'elle l'amène à savoir ce qu'il doit faire, qu'il est pris en quelque sorte en considération. C'est son devenir qu'il forge lui-même, qu'il va jouer à l'audience. Lorsqu'il comparaîtra, on regardera ce qu'il a fait depuis qu'il a été présenté au procureur.

En revanche si, sous les pressions légitimes que j'évoquais tout à l'heure, mais qui ne mesurent pas la spécificité de ce droit, vous le présentez le soir même et qu'il reçoit une admonestation ou ce qui lui apparaît comme un rappel aux principes, il se dira : « C'est tout ? Pourquoi je changerais ! »

Il vaut donc mieux conserver ce délai, ce temps d'observation, de surveillance ; il vaut mieux qu'il sente que la justice prend en compte ce qu'il est en train de devenir. Je le répéterai toujours : c'est le devenir qui compte dans le cas de la justice des mineurs, et ce rapprochement avec la justice des majeurs n'est pas bon !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre délégué

Monsieur le président, je souhaiterais intervenir à propos de l'amendement n° 61, déposé par M. Jean-René Lecerf, au nom de la commission. Le Gouvernement préférerait la formulation suivante : « présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs ». La commission accepterait-elle de modifier en ce sens son amendement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Êtes-vous d'accord pour effectuer cette modification, monsieur le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Monsieur le président, dans la mesure où elle répond aux objections qui avaient été formulées par la commission, je pense pouvoir donner mon accord. Par coordination, il conviendra, bien sûr, de rectifier l'amendement n° 62, ainsi que l'amendement n° 54 à l'article 35.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis donc saisi d'un amendement n° 61 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :

Après les mots :

remplacés par les mots :

rédiger comme suit la fin du a du 2° de cet article :

« présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs »

Je suis également saisi d'un amendement n° 62 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :

Après les mots :

remplacés par les mots :

rédiger comme suit la fin du 1 du b du 2° de cet article :

« présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs » ;

Je mets aux voix les amendements identiques n° 235 et 287.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je mets aux voix l'article 38, modifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 229 :

Le Sénat a adopté.

L'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi modifiée :

1° Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 5, les mots : « jugement à délai rapproché » sont remplacés par les mots : « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement » ;

2° L'article 7-1 est ainsi rétabli :

« Art. 7-1. - Lorsque le procureur de la République fait application des dispositions de l'article 41-1 du code de procédure pénale à l'égard d'un mineur, les représentants légaux de celui-ci doivent être convoqués.

« Les mesures prévues aux 2° à 5° de l'article 41-1 requièrent l'accord des représentants légaux du mineur. La mesure prévue au 2° peut également consister dans l'accomplissement d'un stage de formation civique ou dans une consultation auprès d'un psychiatre ou d'un psychologue. Le procureur de la République fixe, le cas échéant, le montant des frais de stage pouvant être mis à la charge des représentants légaux du mineur. » ;

3° Après l'article 7-1 rétabli, il est créé un article 7-2 ainsi rédigé :

« Art. 7-2. - La procédure de composition pénale prévue par les articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale peut être appliquée aux mineurs âgés d'au moins treize ans lorsqu'elle apparaît adaptée à la personnalité de l'intéressé, dans les conditions prévues par le présent article.

« La proposition du procureur de la République doit être également faite aux représentants légaux du mineur et obtenir l'accord de ces derniers.

« L'accord du mineur et de ses représentants légaux doit être recueilli en présence d'un avocat désigné conformément au deuxième alinéa de l'article 4-1.

« Avant de valider la composition pénale, le juge des enfants peut soit d'office, soit à leur demande, procéder à l'audition du mineur ou de ses représentants légaux. Dans ce dernier cas, l'audition est de droit. Si ce magistrat rend une ordonnance ne validant pas la composition, la proposition devient caduque. La décision du juge des enfants, qui est notifiée à l'auteur des faits et à ses représentants légaux et, le cas échéant, à la victime, n'est pas susceptible de recours. Le procureur de la République met en mouvement l'action publique, sauf élément nouveau.

« Les mesures prévues par les 12° et 13° de l'article 41-2 du code de procédure pénale ne sont pas applicables.

« Les mesures suivantes peuvent également être proposées au mineur, par le procureur de la République, au titre de la composition pénale :

« 1° Accomplissement d'un stage de formation civique ;

« 2° Suivi de façon régulière d'une scolarité ou d'une formation professionnelle ;

« 3° Respect d'une décision antérieurement prononcée par le juge de placement dans une institution ou un établissement public ou privé d'éducation ou de formation professionnelle habilité ;

« 4° Consultation d'un psychiatre ou d'un psychologue ;

« 5° Exécution d'une mesure d'activité de jour.

« La durée d'exécution des mesures proposées aux mineurs ne peut excéder six mois. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je me demandais s'il était encore bien utile d'intervenir. Finalement, je le crois, car il faut toujours défendre ses convictions.

Toujours avec cette obsession d'une réponse « rapide et effective », pour employer les termes mêmes de la commission des lois, cet article participe une nouvelle fois au rapprochement dangereux entre justice des mineurs et justice des majeurs.

En effet, la mesure de composition pénale deviendrait applicable aux mineurs dès l'âge de treize ans. Quant à la « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement », quel que soit son intitulé, elle a été instaurée il y a seulement quatre ans, et vous venez déjà de la modifier !

Lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, en 2002, nous nous étions opposés à l'adoption de la composition pénale pour les majeurs. Nous nous y opposons a fortiori pour les mineurs.

À l'époque, nous avions fait valoir que cette disposition remettait en cause la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Dans le présent article, qui, je le rappelle, concerne les mineurs, aucune garantie n'est prévue afin que leur minorité soit prise en compte. Le seul élément envisagé, c'est la nécessité d'obtenir l'accord des représentants légaux de l'intéressé. C'est quand même le moins que l'on puisse faire !

Ainsi, rien n'est prévu pour l'association des professionnels de la protection judiciaire à une possible enquête de personnalité du mineur.

Quant au juge des enfants, son rôle se trouve singulièrement réduit, puisque sa seule mission sera de valider ou non par ordonnance la composition pénale. Il aura seulement la faculté d'auditionner le mineur ou ses représentants légaux. Pourtant, son rôle est normalement d'accompagner judiciairement l'évolution du mineur, en s'appuyant sur les personnels de l'action éducative qu'il désigne. Il est vrai que, dans votre conception, le juge des enfants est une institution inutile, qui devrait petit à petit disparaître.

La mesure de composition pénale n'entraîne pas une privation de liberté stricto sensu, mais elle ne constitue pas une véritable alternative aux poursuites, puisqu'elle emporte inscription au casier judiciaire. Elle demeure une véritable peine à l'encontre du mineur concerné : une de plus sur une palette déjà bien large !

En outre, cette disposition est pour le moins surprenante. En effet, les mineurs de moins de seize ans n'ont pas la capacité juridique de contracter. Dans ces conditions, comment la composition pénale pourrait-elle leur être applicable ?

Comme vous le voyez, à vouloir aller trop vite en besogne, que ce soit pour légiférer ou pour juger, on prend des risques, en l'occurrence au détriment des jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 230 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 284 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 230.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

À lire l'intitulé du chapitre VII, « Dispositions tendant à prévenir la délinquance des mineurs », on pourrait légitimement s'attendre à ce que celui-ci souligne la spécificité de la délinquance des très jeunes, laquelle est fondée à la fois sur son caractère marginal et sur la question de la responsabilité. Mais est-on réellement responsable de ses actes à treize ans ?

Au lieu de mettre en avant le caractère spécifique et délicat de la situation des mineurs délinquants, l'article 35 n'est là que pour gommer ces particularités et les différences de traitement qui caractérisaient les situations des mineurs et des majeurs dans l'ordonnance de 1945 à son origine. Cet article fait donc des mineurs et des très jeunes mineurs des délinquants comme les autres : délinquants avant tout et « sanctionnables » comme tous !

De plus, les auteurs du projet de loi semblent confondre les différents sens du mot « prévenir ». Si nous, nous considérons que dans le contexte de la délinquance « prévenir » signifie « empêcher d'arriver », M. le ministre de l'intérieur, pour sa part, lui donne le sens d'« informer au préalable afin de préparer la sanction en conséquence ». La preuve en est l'idée mise en avant dans le texte de « sanctions éducatives ». N'y a-t-il pas là une contradiction évidente entre l'ambition de prévention, qui passe effectivement par l'éducation, et la mise en place d'une politique répressive à l'égard des mineurs ?

Il semble logique de commencer par éduquer nos enfants afin de leur fournir les outils nécessaires à la compréhension de leurs actes et donc à l'élaboration de la notion de responsabilité justifiant une sanction, plutôt que de faire de la sanction la clé de l'éducation. D'autant que la sanction, qui peut parfois avoir des effets positifs lorsqu'elle est appliquée d'une manière intelligente, comporte souvent un effet pervers, à savoir la stigmatisation de l'individu sanctionné.

Dans l'article 35 du projet de loi, on trouve en effet des sanctions dont les effets marquants sur l'individu, tant socialement que psychologiquement, sont à craindre chez les très jeunes. Il s'agit notamment du placement dans une institution éducative habilitée ou de la consultation d'un psychiatre ainsi que de la fameuse « exécution d'une activité de jour », derrière laquelle semblent pouvoir se cacher mille et une choses ...

Il faut prendre en compte le fait que les jeunes qui font preuve de comportements déviants, voire violents, sont souvent des individus en mal d'avenir, en déshérence, tout simplement en mal de vivre. Quels meilleurs jours leur promettons-nous si nous leur supprimons toute possibilité d'intégration en les stigmatisant dès l'âge de treize ans ?

La répression dès cet âge nous paraissant inacceptable, nous pensons que M. Sarkozy se trompe de méthode, se trompe de siècle, voire tout simplement de système politique. Car, dans une démocratie moderne garantie par l'État de droit, la prévention ne peut céder son droit à la répression, qui plus est lorsqu'il s'agit de fragiliser la plus grande richesse de notre pays, à savoir sa jeunesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 284.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Avant d'expliquer pourquoi nous sommes opposés à l'application de la procédure de composition pénale aux mineurs de moins de treize ans, j'aimerais rappeler un certain nombre de principes régissant l'ordonnance de 1945.

Comme l'a souligné M. Badinter, cette ordonnance a été maintes fois modifiée. Et la version actuelle n'interdit nullement la répression, bien au contraire. Mais celle-ci doit s'exercer sous une forme particulière. En fait, son principe premier est l'éducation.

Ainsi, l'article 2 de l'ordonnance de 1945 - non le texte d'origine, mais la version en vigueur - dispose : « Le tribunal pour enfants et la Cour d'assises des mineurs prononceront, suivant les cas, les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation qui sembleront appropriées.

« Ils pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité des mineurs l'exigent, soit prononcer une sanction éducative à l'encontre des mineurs de dix à dix-huit ans, conformément aux dispositions de l'article 15-1, soit prononcer une peine à l'encontre des mineurs de treize à dix-huit ans en tenant compte de l'atténuation de leur responsabilité pénale, conformément aux dispositions des articles 20-2 à 20-9.

« Le tribunal pour enfants ne peut prononcer une peine d'emprisonnement, avec ou sans sursis, qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine. »

Tout tient dans les mots « ils pourront, cependant », qui fixent bien l'ordre des choses, y compris avec la loi Perben I.

À la lecture de ce texte, on comprend qu'affirmer que la priorité législative est éducative ne veut pas dire que la loi interdit la répression à l'encontre des mineurs. La loi fixe une orientation de base ; elle n'ignore pas l'intérêt d'une démarche d'autorité et répressive vis-à-vis des enfants.

Par ailleurs, je rappelle que les réformes successives ont accru de façon considérable l'éventail des peines. La loi Perben I a ainsi créé de nouvelles mesures, dites « sanctions éducatives », pouvant être prononcées à partir de l'âge de dix ans.

Fidèles à nos principes, nous sommes opposés pour des raisons de cohérence à l'application de la procédure de composition pénale aux mineurs de treize ans. Aucune garantie n'est en effet prévue par ce texte pour assurer la prise en compte de l'état de minorité du mis en cause, en dehors de la nécessité d'obtenir l'accord des représentants légaux.

Ainsi, le projet de loi n'envisage pas l'intervention obligatoire et préalable d'une enquête sur la personnalité du mineur, ne serait-ce que sous la forme d'une procédure de renseignement socio-judiciaire confiée à la protection judiciaire de la jeunesse, ce qui serait pourtant tout à fait conforme à l'esprit de l'ordonnance de 1945. Dès lors, le juge des enfants n'est plus chargé d'accompagner judiciairement l'évolution du mineur ; il se borne à un rôle d'homologation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 54 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après les mots :

remplacés par les mots :

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa () de cet article :

« présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs » ;

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 57, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 7-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, après les mots :

l'article 41-1

insérer les mots :

du code de procédure pénale

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 125 rectifié, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article 7-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, remplacer les mots :

treize ans

par les mots :

seize ans

La parole est à M. François Zocchetto.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Il y a quelques mois, Laurent Béteille et moi-même avons conduit une mission d'information au sein de la commission des lois sur les procédures accélérées de jugement. Nous avons abouti à la conclusion que la composition pénale était une bonne procédure. D'ailleurs, elle commence à s'étendre à tout le territoire. Ne restait que la préoccupation du manque d'homogénéité de son application en fonction des juridictions.

Cela dit, s'agissant de son application aux mineurs, je me suis demandé s'il ne serait pas opportun d'opérer une distinction entre les mineurs de seize à dix-huit ans et les mineurs de treize à seize ans : cette procédure est-elle adaptée à cette dernière catégorie ?

Pour produire tous ses effets, notamment ses effets pédagogiques, de telle sorte que les mêmes faits ne se reproduisent pas, la composition pénale exige du jeune concerné une capacité de discernement suffisante. Il faut qu'il mesure la portée de ses actes, comprenne la procédure, qui est assez rapide, et l'implication d'une acceptation de la sanction.

Mon autre préoccupation était de m'assurer que la composition pénale ne conduisait pas à un traitement trop administratif du dossier.

Lors d'une comparution devant un juge, a fortiori devant le tribunal pour enfant, se déroule toute une procédure assez lente, ce que certains regrettent parfois. Cependant, à ce moment-là, un échange peut avoir lieu entre les intervenants, voire un échange avec le juge, afin de s'assurer que le mineur, s'il n'a que treize ans, par exemple, comprend bien ce qui se passe.

Je souhaite donc être rassuré sur le fait que la composition pénale appliquée à des mineurs, et précisément à des mineurs de treize à seize ans - c'est-à-dire à des enfants ! - ne sera pas menée de façon trop administrative, trop rapide, ce qui risquerait de banaliser cette procédure.

Telle est l'interrogation qui m'a conduit à déposer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 55, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour insérer un article 7-2 dans l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 :

« Avant de valider la composition pénale, le juge des enfants peut, soit d'office, soit à leur demande, procéder à l'audition du mineur ou de ses représentants légaux. Dans ce cas, l'audition est de droit. La décision du juge des enfants est notifiée à l'auteur des faits et à ses représentants légaux et, le cas échéant, à la victime.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement tend à supprimer des mentions inutiles concernant la procédure applicable aux mineurs en matière de composition pénale puisqu'elles figurent de manière identique à l'article 41-2 et que le nouvel article 7-2 de l'ordonnance de 1945, créé par cet article 35, a vocation à déterminer les modalités spécifiques d'application de la composition pénale aux mineurs.

Il s'agit en fait d'un amendement de simplification.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 56, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Supprimer le cinquième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour insérer un article 7-2 dans l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Le projet de loi prévoit que les mesures de composition pénale applicables aux majeurs le sont aussi aux mineurs, à l'exception de deux d'entre elles : l'interdiction de sortie du territoire et le stage de citoyenneté.

L'exclusion de cette dernière mesure peut surprendre d'autant que d'autres mesures comme l'obligation de travailler au service d'une collectivité, inadaptée pour les mineurs de seize ans, ne sont pas explicitement écartées.

Il semble donc préférable, plutôt que d'entrer dans une logique de liste avec les risques d'oubli que cela comporte, de laisser au procureur de la République le soin de déterminer les mesures adaptées aux mineurs parmi celles figurant à l'article 41-2 du code de procédure pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 149, présenté par M. Demuynck, est ainsi libellé :

Compléter le huitième alinéa () du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article 7-2 de l'ordonnance n° 45 -174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante par les mots :

avec définition et validation d'objectifs scolaires et disciplinaires

La parole est à M. Christian Demuynck.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Le suivi régulier d'une scolarité ou d'une formation professionnelle ne saurait être une mesure suffisante si elle n'est assortie d'une définition d'objectifs avec le mineur, non seulement en termes de résultats, mais également en termes de comportement.

En effet, cette formation n'a de sens que si elle permet au mineur d'acquérir des connaissances et si ce dernier respecte les règles élémentaires de politesse à l'endroit de ses professeurs et de ses camarades.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 150, présenté par M. Demuynck, est ainsi libellé :

Compléter l'antépénultième alinéa () du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article 7-2 de l'ordonnance n° 45 -174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante par les mots :

clinicien habilité

La parole est à M. Christian Demuynck.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Un psychologue clinicien a une formation qui lui permet de soigner par psychothérapie. En revanche, toute personne qui a fait des études de psychologie peut prétendre au titre de psychologue.

Il convient de préciser que le psychologue consulté doit être habilité, c'est à dire reconnu pour son expertise et sa compétence à l'endroit des mineurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission est défavorable aux amendements n° 230 et 284, amendements de suppression de l'article.

Elle estime, pour sa part, que la composition pénale rendra possible une action pédagogique, grâce au temps laissé au délégué du procureur, qui pourra délivrer l'explicitation nécessaire au mineur.

En ce qui concerne l'amendement n° 125 rectifié, j'avoue que je souscris à bien des remarques faites par M. Zocchetto. Je partage sa volonté d'éviter la banalisation de la composition pénale appliquée aux mineurs, notamment aux mineurs de treize à seize ans.

En l'état actuel des choses, elle donnera au mineur la possibilité de bénéficier, d'une part, d'une alternative aux poursuites et, d'autre part, de l'action spécifique exercée par le délégué du procureur.

Ce dernier élément, à savoir la disponibilité en termes de temps du délégué du procureur, le caractère éducatif de son action et de l'explication qu'il délivrera, a particulièrement retenu notre attention.

C'est dans ces conditions que la commission des lois admet que la composition pénale puisse s'appliquer à des mineurs à partir de l'âge de treize ans.

Je tiens également à signaler qu'au cours des auditions auxquelles a procédé la commission, à diverses reprises, les personnalités entendues ont fait mention du caractère intéressant de cette composition pénale applicable aux mineurs de treize ans : ainsi, en matière de lutte contre la toxicomanie, il s'agit de la seule manière de pouvoir éluder les poursuites puisque, bien évidemment, l'ordonnance pénale n'est pas applicable.

Dans la mesure où les préoccupations de la commission des lois et celles du Gouvernement sont identiques aux vôtres, monsieur Zocchetto, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

J'en viens à l'amendement n° 149. La définition des objectifs scolaires doit, en principe, faire partie intégrante de l'obligation fixée dans le cadre de la composition pénale. Il me semble que la précision qu'il propose n'est pas absolument nécessaire. Je demande donc le retrait de cet amendement.

Quant à l'amendement n° 150, la précision qu'il contient présente un caractère indiscutablement réglementaire. C'est la raison pour laquelle la commission souhaite également son retrait.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Donner un avis sur toute une liasse d'amendements qui portent sur des sujets différents est toujours pour moi un exercice très difficile !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le garde des sceaux, c'est le règlement du Sénat qui le veut !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Peut-être le Sénat comprendra-t-il un jour que l'on peut procéder autrement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On s'y fait au bout d'un certain temps !

Sourires

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Personnellement, je crois que je ne m'y ferai jamais ! J'ai vraiment du mal.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Nous aussi, et je vous remercie de votre observation, monsieur le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Cela dit, le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques de suppression n° 230 et 284.

Il est en effet important de garder cette présentation à délai rapproché. En la supprimant, c'est grosso modo tout l'esprit du projet de loi que vous voulez remettre en cause !

Puis-je également vous faire observer, mesdames, messieurs les sénateurs, que, par définition, la composition pénale ne débouchera pas sur l'envoi du jeune en prison ? Tout au plus, il peut lui être recommandé des stages de sensibilisation aux produits stupéfiants, par exemple. Est-ce cela que vous voulez supprimer ?

Je pense que vous vous faites une mauvaise idée de cet article. Vous pensez qu'il s'agit d'une procédure répressive alors qu'en fait elle est éducative. Si ce que vous croyez était vrai, nous serions d'accord avec votre proposition. Mais j'abandonne l'idée de vous convaincre !...

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 54 tel qu'il a été rectifié, c'est-à-dire à la présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs, formulation qui englobe sous la même dénomination la présentation au juge des enfants et la présentation devant le tribunal pour enfants.

Je suis également favorable à l'amendement n° 57 de coordination.

En ce qui concerne l'amendement n° 125 rectifié, monsieur Zocchetto, il me semble que vous vous voulez en rajouter - si vous me passez l'expression !

Vous proposez en effet que la procédure de composition pénale soit limitée aux mineurs âgés d'au moins seize ans et qu'elle ne s'applique pas aux mineurs de treize à seize ans. Cela implique qu'il s'agit pour vous d'une procédure répressive !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Or cette procédure à une visée pédagogique. Pourquoi dès lors ne pas l'appliquer dès treize ans ?

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Il serait dommage, monsieur le sénateur, de ne pas faire profiter les mineurs de treize à seize ans de la composition pénale, qui constitue une alternative aux poursuites. C'est pour moi une chance qui leur est offerte.

Par ailleurs, je rappelle que la procédure prévoit des garanties, qu'elle ne remet pas en cause le rôle du juge des enfants, que celui-ci est l'autorité qui valide la mesure de composition pénale proposée par le procureur de la République. Bref, toutes les garanties constitutionnelles sont prises.

En conséquence, monsieur Zocchetto, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. N'ayez aucune inquiétude : cette forme de justice acceptée qu'est la composition pénale est plus un progrès qu'une régression !

Le Gouvernement est favorable aux amendements n° 55 et 56.

En ce qui concerne l'amendement n° 150, monsieur Demuynck, il me semble que vous en rajoutez également !

Il faudrait, selon vous, qu'au titre de la composition pénale non seulement les mineurs suivent des cours mais qu'en plus ils obtiennent de bons résultats !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ils devraient faire Polytechnique, comme ça on serait tranquille !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Ce serait plus sévère que ce qui est demandé aux majeurs !

Je serais donc heureux, monsieur le sénateur, que vous acceptiez de retirer cet amendement.

Quant à l'amendement n° 150, il vise à établir une liste de thérapeutes. Le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur le principe de la liberté de choix d'un médecin ou d'un thérapeute. Il a donc émis un avis défavorable.

Pour conclure, monsieur le président, je souhaite dire un mot sur l'amendement n° 151, qui a été retiré avant la séance.

M. Demuynck s'était inspiré pour rédiger cet amendement d'un programme australien qui impose aux jeunes délinquants la réparation du véhicule volé et endommagé.

L'idée est géniale, monsieur le sénateur, mais je crains qu'elle ne soit pas tout à fait transposable en France !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Certes, mais j'aspire à ce qu'un jour la mise en place d'un tel programme soit possible dans notre pays ! Je vous remercie donc, monsieur Demuynck, d'avoir lancé une telle proposition.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur l'amendement n° 125 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Comme je me doutais que notre amendement de suppression ne serait pas adopté, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt la présentation de son amendement par M. Zocchetto.

M. Zocchetto a une qualité particulière : il a beaucoup travaillé sur les procédures rapides et il n'avait pas envisagé - pas plus que M. Béteille d'ailleurs - que l'on puisse étendre aux mineurs, même par accident, le champ de ces procédures rapides en raison de la spécificité de la justice des mineurs que j'ai évoquée tout à l'heure.

Il faut en revenir à ce qu'est le fondement de la composition pénale, à savoir un accord entre le parquet et le délinquant qui accepte ce qui lui est proposé.

Or, pour qu'il y ait accord et pour que cet accord ait un sens pour le mineur, pour qu'il lui serve à quelque chose, celui-ci doit bien évidemment être dans un âge de discernement.

Je conçois que l'on songe à étendre la procédure de la composition pénale aux mineurs âgés de seize à dix-huit ans. Mais l'étendre aux mineurs de treize à seize ans alors qu'il y a une telle évolution chez les jeunes entre ces différents âges serait méconnaître complètement la nature de la composition pénale et le rapport qui doit s'établir entre l'autorité judiciaire - le juge et le procureur au premier chef - et le mineur délinquant ! Comment discuter avec un mineur de cet âge-là de la sanction ou de la mesure qui va être prise ?

Certes, toutes les garanties sont prises, je le sais, monsieur le ministre, mais soyons concrets : voyez-vous le procureur demander à un mineur de cet âge s'il accepte ou non la mesure ? Est-ce l'idée que le mineur doit avoir de la justice : on négocie, on discute ? Cela n'a pas de sens !

Indépendamment de la simple question du discernement, une telle procédure n'est pas adaptée aux mineurs de treize à seize ans. J'incline en revanche à penser qu'elle est applicable aux mineurs entre seize et dix-huit ans, puisque l'adolescent est alors presque un jeune adulte.

Mais à un mineur de quatorze ans, garçon ou fille, va-t-on demander ce qu'il pense d'une telle mesure, s'il est prêt à l'accepter ? Va-t-on lui conseiller de consulter son avocat ? Quelle promotion !

Non ! Cette mesure est une erreur, et si toutefois elle devait être appliquée, ce qui à mon avis n'arrivera pas, on verrait alors que la seule raison d'être d'une telle initiative, c'est, comme toujours, la nécessité de faire du chiffre ! Il faut accélérer les procédures, donner toujours plus des réponses pénales, pouvoir justifier par des chiffres, devant la pression de l'opinion publique, que, là aussi, on est ferme, impitoyable, qu'on agit encore et toujours et que les statistiques en font foi.

C'est une très mauvaise démarche, qui méconnaît totalement ce que doit être le rapport fondamental de l'autorité judiciaire avec le mineur de treize à seize ans.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Monsieur Badinter, j'ai l'impression que nous ne parlons vraiment pas du tout des mêmes choses.

Permettez-moi tout d'abord de vous dire que vous avez été très français dans votre approche : vous rappelez des principes, vous posez des abstractions, mais jamais vous ne parlez de problèmes concrets.

Je vais donc évoquer ces problèmes concrets, ce qui permettra peut-être au Sénat de se faire une idée précise de ce dont nous parlons et, j'en suis convaincu, à M. Zocchetto de retirer son amendement. Dans le cas contraire, cela signifierait que nous ne sommes vraiment pas fabriqués les uns et les autres de la même manière !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Qu'est-ce donc, concrètement, que la composition pénale pour les jeunes de treize à seize ans ?

Premier exemple, le stage de sensibilisation aux produits stupéfiants. Monsieur Badinter, êtes-vous opposé à ce qu'un jeune de quatorze ans puisse être envoyé faire un tel stage ? À quatorze ans - j'en prends à témoin le Sénat - est-on ou non capable de comprendre ce qu'est un stage de sensibilisation aux produits stupéfiants ?

Deuxième exemple, la consultation d'un psychologue. Monsieur Badinter, monsieur Zocchetto, êtes-vous opposés à ce qu'un jeune de treize ans puisse être envoyé consulter un psychologue ? Est-ce vraiment, pour le Sénat, une forme de répression insupportable ? Cet enfant de treize ans est-il trop jeune pour aller voir un psychologue ?

Troisième exemple, la réparation du dommage. Doit-on considérer qu'un jeune de treize ans n'a pas assez de conscience morale pour accepter de réparer un dommage, alors que la loi prévoit déjà cette réparation depuis plusieurs années ? En d'autres termes, à treize ans, on n'a pas de conscience morale, donc pas de conscience de faire mal, donc on ne fait rien de mal et, partant, on n'a rien à réparer ?

Non, vraiment, venir au renfort de M. Zocchetto en avançant que l'on est trop jeune à treize ans pour l'une quelconque des mesures que je viens de prendre en exemple, c'est faire de la politique, mais ce n'est absolument pas traiter les problèmes de fond qui se posent !

Qu'est-ce que la composition pénale sinon la recherche d'une réponse adaptée à la situation dans laquelle se trouve un enfant, un jeune, un mineur ? Et vous voulez nous faire croire que c'est une mesure répressive, méchante, cruelle, réactionnaire ! §

Eh bien, non ! Il s'agit d'une mesure éducative appropriée, proportionnée. J'aimerais en convaincre le Sénat. C'est la raison pour laquelle je me suis permis de revenir sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je pense qu'un malentendu s'est instauré dans la discussion.

Tout d'abord, je rappelle que, à la suite d'une mission de plusieurs mois, j'ai cosigné un rapport de la commission des lois du Sénat dans lequel nous disions tout le bien que nous pensions de la composition pénale. Par conséquent, il n'y a aucune ambiguïté sur ce point, monsieur le garde des sceaux.

Ensuite, concernant les mineurs de seize à dix-huit ans, je considère qu'il n'y a pas non plus matière à discussions.

S'agissant des mineurs de treize à seize ans, mon amendement est en quelque sorte un amendement d'appel.

Il a pour objet de demander au garde des sceaux de préciser les mesures qu'il entend concrètement mettre en place, par exemple au moyen d'une circulaire d'application, de manière que la composition pénale puisse produire plus d'effets positifs que négatifs.

Je voyais plusieurs effets négatifs possibles : l'absence de discernement de l'enfant en question ou un traitement trop administratif, banalisant la procédure, qui, pour aller jusqu'au bout de ma pensée, pourrait conduire à des sanctions inadaptées, peut-être moins fermes que nécessaire, même si, dans mon esprit, il s'agira le plus souvent de sanctions à caractère pédagogique. En tout état de cause, un traitement trop rapide, trop bureaucratique ne permet pas de prononcer des sanctions adéquates.

Monsieur le garde des sceaux, les procureurs recevront-ils des instructions pour désigner des délégués ayant une parfaite connaissance des spécificités des enfants de treize à seize ans ?

Pourra-t-on les inciter aussi à prendre, le cas échéant, un peu plus de temps afin d'être certains qu'il y a bien discernement, comme vous l'avez fait, par exemple, dans la circulaire concernant les procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ?

J'estime que tout un accompagnement est nécessaire, par voie de circulaire, afin que cette composition pénale soit correctement appliquée aux enfants de treize à seize ans. Tel est le sens de mon amendement.

Si M. le garde des sceaux peut me confirmer que des précisions seront apportées en ce sens

M. le garde des sceaux opine

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis donc saisi d'un amendement n° 125 rectifié bis, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste, et ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article 7-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, remplacer les mots :

treize ans

par les mots :

seize ans

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

M. le garde des sceaux s'obstine à confondre les procédures et les mesures.

Ce ne sont pas les mesures que nous mettons en cause, ce sont les procédures et le fait que l'on se rapproche de la justice des majeurs.

Toutefois, il est clair que nous avons, en ce qui concerne les mesures, un certain nombre d'inquiétudes pour l'avenir. Il sera en effet très facile, à partir du moment où la procédure que vous proposez sera appliquée, d'aggraver les mesures...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

... et d'en faire ce que vous voudrez dans un texte de loi qui ne manquera pas d'apparaître dans quelques mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Dans l'éventail des mesures à proposer dans le cadre de la composition pénale figurent des innovations particulièrement intéressantes : avec un tel amendement, elles seraient interdites aux juges.

M. le garde des sceaux citait tout à l'heure la consultation d'un psychologue ; on peut y ajouter le suivi régulier d'une scolarité ou d'une formation professionnelle.

Avec l'amendement, le juge ne pourra pas faire ce type de proposition, contrairement au procureur ou au délégué du procureur. Cela m'apparaît pourtant comme une chance supplémentaire donnée aux jeunes.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Si l'on est de bonne foi !

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Monsieur le garde des sceaux, j'apprécie très modérément la manière dont vous me répondez, surtout eu égard à l'importance du problème que constitue la jeunesse délinquante.

Dans le cadre d'une composition pénale, on ne va pas exiger des jeunes qu'ils aient de très bons résultats scolaires, qu'ils deviennent bacheliers, qu'ils intègrent l'ENA ou Polytechnique. On pourra simplement leur demander de savoir lire, écrire et compter, leur assigner des objectifs extrêmement précis. Il en ira de même en matière de comportement. Lorsque des jeunes ne sont pas capables de dire bonjour ou qu'ils insultent ceux qui les encadrent, il faut pouvoir leur expliquer que leur comportement est inadapté. Tel est l'objet de l'amendement n° 149.

Je le retire, tout en soulignant une nouvelle fois que la manière dont vous m'avez répondu, monsieur le garde des sceaux, est inacceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 149 est retiré.

Monsieur Demuynck, l'amendement n° 150 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

En ce qui concerne l'amendement n° 150, c'est la même chose.

Vous nous dites, monsieur le garde des sceaux, que l'on choisira le médecin que l'on souhaite. Certainement ! Mais il vaudrait mieux préciser dans la loi que ce sont des cliniciens, des psychologues, qui connaissent bien les problèmes de l'enfance.

Cela étant, je retire mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 150 est retiré.

Je mets aux voix l'article 35, modifié.

L'article 35 est.

L'article 8 de l'ordonnance du 2 février 1945 précitée est ainsi modifié :

1° Le sixième alinéa est complété par les mots : « ou prescrira une mesure d'activité de jour dans les conditions définies à l'article 16 ter » ;

2° Après le 6°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

«  Soit prescrire une mesure d'activité de jour dans les conditions définies à l'article 16 ter. » ;

3° Après le dix-septième alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les mesures prévues aux 3° et 4° ne peuvent être seules ordonnées si elles ont déjà été prononcées à l'égard du mineur pour une infraction identique ou assimilée au regard des règles de la récidive commise moins d'un an avant la commission de la nouvelle infraction. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 231, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Alors que le juge dispose déjà d'une large palette de formes de « placement », l'article 36 lui donne la possibilité de prescrire une « mesure d'activité de jour ».

À l'heure actuelle, les activités de jour ne font pas l'objet d'une décision judiciaire. Celles qui sont mises en oeuvre le sont par les services de la protection judiciaire de la jeunesse dans le cadre de la « reconstruction », de l'insertion du jeune, dans le cadre d'un parcours vers la sortie de la délinquance, donc dans une démarche d'adhésion et d'éducation.

Vous nous proposez par cet article de gommer cet aspect éducatif de suivi, en transformant l'activité de jour en sanction édictée par le juge.

En effet, si ce texte est voté, les activités de jour seront encadrées par le juge et deviendront des injonctions.

Une fois de plus, vous entretenez la confusion entre la sanction et l'éducation.

De plus, si le jeune ne respecte pas l'obligation de participer à l'activité de jour décidée par le juge, il entrera dans un « parcours » d'aggravation des sanctions qui seront prononcées à son encontre, parcours pouvant aller jusqu'à l'incarcération pure et simple, via le centre éducatif fermé notamment, puis, le cas échéant, la détention provisoire.

Cet article illustre la logique du texte, qui fait prévaloir sur toute autre considération la garantie de l'ordre public.

Dans ce contexte, les personnels de la PJJ sont priés de travailler plus sur l'aménagement et l'application de la peine que sur l'éducatif, le préventif. Ainsi, on demande aux travailleurs sociaux d'avoir de plus en plus de certitude sur l'absence de risques de récidive, ce qui induit une mise à l'écart des publics les plus en difficulté. Mais la prévention n'est évidemment pas, nous l'avons démontré, l'objectif de ce texte.

Par ailleurs, rien n'est dit dans l'article 36 sur les moyens qui seront mis en oeuvre pour cette nouvelle sanction : quel suivi, et avec quels travailleurs sociaux ?

Nous aimerions que le flou entretenu sur ces points soit levé, que des précisions nous soient données.

J'ajoute que faire du travail une contrainte est pour le moins contre-productif, surtout dans une société où de trop nombreux jeunes constituent souvent la troisième génération de chômeurs de la famille

Quant au 3° de l'article, il confirme, s'il en était besoin, qu'à l'instar d'autres dispositions de ce projet de loi il s'agit plus ici de lutter contre la récidive que de prévenir le premier acte.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 36.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 58, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. Au début du deuxième alinéa () de cet article, remplacer le mot :

sixième

par le mot :

cinquième

II. Au début de l'avant-dernier alinéa () de cet article, remplacer le mot :

dix-septième

par le mot :

seizième

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 123 rectifié est présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF.

L'amendement n° 285 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le 3° de cet article.

La parole est à M. François Zocchetto, pour présenter l'amendement n° 123 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M'étant replongé, depuis le dépôt de cet amendement, dans le rapport de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs, je me suis aperçu que la mesure proposée au 3° de l'article 36 figurait parmi les recommandations émises par notre mission. Elle avait été formulée sur la base de constatations et d'un raisonnement auxquels j'adhère. Je retire donc cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 123 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Catherine Tasca, pour présenter l'amendement n° 285.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous proposons de supprimer le 3° de l'article 36, car ce paragraphe, qui complète l'article 8 de l'ordonnance de 1945, prévoit que l'admonestation ou la remise aux parents ne pourront plus être seules ordonnées, si elles ont été déjà prononcées pour une infraction identique ou assimilée commise moins d'un an avant la commission de la nouvelle infraction.

C'est toujours la même démarche.

Cette mesure marque, une fois de plus, la difficulté du Gouvernement à admettre la spécificité du traitement de la délinquance des mineurs.

Dans la panoplie des mesures envisagées à l'égard du mineur, l'admonestation, comme la remise aux parents, n'a de sens que par rapport à l'âge du délinquant. Il n'y a aucune raison de priver le juge de sa liberté d'appréciation. Si le juge se trouve face à un mineur ayant récidivé dans le délai d'un an, c'est à lui d'apprécier s'il doit recourir encore à l'admonestation.

Ce texte nie la spécificité du public mineur et rogne sur la liberté d'appréciation du magistrat. Il tend, de surcroît, à introduire une sorte d'automaticité dans la conception de la justice pour les enfants.

En l'occurrence, il ne s'agit pas d'un permis à points, monsieur le garde des sceaux; il s'agit de savoir si l'admonestation, dans le parcours de l'enfant délinquant, à ce moment précis de son évolution, peut ou non avoir un sens et une efficacité.

Ce n'est pas à la loi de dicter au juge combien de fois, dans quels cas et comment il doit recourir à l'admonestation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

S'agissant de l'amendement n° 231, qui a été présenté par nos collègues communistes, j'évoquerai simplement ce qui concerne l'institution de la mesure d'activité de jour.

J'ignore qui ici porte des verres déformants

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

À cet égard, si l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante était modifiée dans le sens que nous proposons, son article 16 ter disposerait alors ceci : « La mesure d'activité de jour consiste en la participation du mineur à des activités d'insertion professionnelle ou scolaire soit auprès d'une personne morale de droit public soit auprès d'une personne morale de droit privé exerçant une mission de service public ou d'une association habilitée à organiser de telles activités, soit au sein du service de la protection judiciaire de la jeunesse auquel il est confié. » Pour ma part, je ne vois pas là l'ombre de l'ébauche de l'esquisse d'une sanction.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

S'agissant de l'amendement n° 285, qui vise à supprimer la limitation du nombre d'admonestations ou de remises à parents, permettez-moi de mentionner quelques chiffres.

En 2004, sur 41 141 condamnations en matière délictuelle, 20 700 mesures éducatives ont été prononcées, dont 13 620 admonestations et 5 184 remises à parents.

À ce sujet, je me permets de faire part d'une remarque qui a été formulée par un certain nombre de maires de toutes tendances politiques lors des auditions auxquelles nous avons procédé. Selon ces édiles, le rappel à la loi, la remise à parents et l'admonestation sont devenus des sujets d'histoires drôles dans les quartiers ! En effet, la répétition de tels avertissements pose la question de leur efficacité et, au-delà, celle de crédibilité de la justice, ce qui est un sujet important pour chacune et chacun d'entre nous.

En outre, la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs présidée par M. Jean-Pierre Schosteck, et dont notre collègue Jean-Claude Carle était le rapporteur, avait également suggéré une telle mesure, mais dans le sens d'une moins grande clémence, puisque la commission d'enquête préconisait l'interdiction à titre définitif, et non pas enfermée de le délai d'une année, des avertissements en cas d'infraction identique à celle qui avait donné lieu à la première admonestation ou à la première remise à parents.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Monsieur le président, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 231, et je m'en expliquerai avec d'autant plus de brièveté que, de toute manière, comme je le constate ici, quels que soient les efforts déployés, on ne nous croit pas.

Lorsque nous disons que nous préconisons non pas la répression, mais la formation et la pédagogie, ...

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

... on ne nous croit pas.

Pourtant, ainsi que M. le rapporteur vient de le préciser, une mesure d'activité de jour relève de la formation professionnelle ou de la formation par alternance. Il s'agit donc d'un dispositif totalement orienté vers l'insertion professionnelle. Mais, apparemment, vous n'en voulez pas. Fort bien, mais je ne comprends pas pourquoi !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Non, madame, je ne fais pas semblant : sincèrement, je ne comprends pas votre attitude. Pourtant, nous y gagnerions tous, et le débat démocratique en premier lieu, si chacun faisait preuve d'honnêteté intellectuelle.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Si vos électeurs voyaient ce que vous faites, ils seraient scandalisés. Êtes-vous réellement opposée à la formation et à l'insertion professionnelles ?

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est pourtant l'impression que vous donnez en demandant la suppression de cet article.

Mme Éliane Assassi proteste.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Pour ma part, il m'est arrivé plus souvent qu'à mon tour de siéger dans l'opposition. Je n'ai jamais adopté un tel comportement.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

C'est une simple question de bon sens.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Votre attitude me choque, et même si chacun a le droit de penser ce qu'il veut, votre méthode d'opposition ne me paraît pas bonne.

D'ailleurs, je sais que vous comprenez le dispositif en question aussi bien que moi ; je n'ai aucun doute quant à vos capacités. Mais, sincèrement, vous ne faites pas preuve d'honnêteté intellectuelle. Enfin, chacun fait ce qu'il entend !

Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement de coordination de M. le rapporteur.

En outre, je remercie M. Zocchetto d'avoir pris en compte les observations de la commission d'enquête présidée par M. Jean-Pierre Schosteck.

Sur l'admonestation, permettez-moi de prendre un exemple, afin que les Français comprennent bien de quoi il s'agit.

Soit un jeune qui, six mois après avoir reçu, pour un vol, une admonestation de la part d'un magistrat, commet de nouveau le même délit. Nous ne souhaitons pas qu'il y ait une deuxième admonestation dans ce cas. En revanche, dans l'hypothèse où ce jeune commettrait une nouvelle infraction, mais de nature différente, par exemple une escroquerie, il pourrait alors recevoir une nouvelle admonestation.

Et vous trouvez réellement cela trop sévère, trop répressif ? Allons, soyons sérieux ! Deux vols de suite et il faudrait répéter l'admonestation ? Eh bien, non ! Ce n'est pas souhaitable, mais la possibilité demeure lorsqu'il s'agit de deux délits différents.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Comment pouvez-vous véritablement trouver cela excessif ? Soyez honnêtes.

Quoi qu'il en soit, je me réjouis que le Sénat adopte le dispositif que nous proposons.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

En conséquence, l'amendement n° 285 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 36, modifié.

L'article 36 est adopté.

L'ordonnance du 2 février 1945 précitée est ainsi modifiée :

1° Le quatrième alinéa () du II de l'article 10-2 est complété par les mots : « ou respecter les conditions d'un placement dans un établissement permettant la mise en oeuvre de programmes à caractère éducatif et civique. » ;

2° Après le cinquième alinéa du II du même article, sont insérés les alinéas suivants :

« Accomplir un stage de formation civique ;

«  Suivre de façon régulière une scolarité ou une formation professionnelle jusqu'à sa majorité. » ;

3° Les deux premiers alinéas du III sont remplacés par les dispositions suivantes :

« En matière correctionnelle, les mineurs âgés de moins de seize ans ne peuvent être placés sous contrôle judiciaire que dans l'un des cas suivants :

« 1° Si la peine d'emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans et que le mineur a déjà fait l'objet d'une ou plusieurs mesures éducatives prononcées en application des dispositions des articles 8, 10, 15, 16 et 16 bis ou d'une condamnation à une sanction éducative ou à une peine ;

« 2° Si la peine d'emprisonnement encourue est supérieure ou égale à sept ans.

« Si le contrôle judiciaire comporte l'obligation de respecter les conditions d'un placement conformément aux dispositions du 2° du II, dans un centre éducatif fermé prévu à l'article 33, le non-respect de cette obligation pourra entraîner le placement du mineur en détention provisoire.

« Dans les autres cas, le mineur est informé qu'en cas de non-respect des obligations lui ayant été imposées, le contrôle judiciaire pourra être modifié pour prévoir son placement dans un centre éducatif fermé, placement dont le non-respect pourra entraîner sa mise en détention provisoire. » ;

4° Au troisième alinéa de l'article 12, les mots : « au titre des articles 8-2 et 14-2 », sont remplacés par les mots : « au titre des articles 7-2, 8-2 et 14-2 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 232 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 286 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 232.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Forte de mes convictions, je continue !

L'article 37 vise à étendre une nouvelle fois les possibilités de contrôle judiciaire et, corrélativement, de détention provisoire.

Sous prétexte de diversifier les mesures pouvant être proposées par le juge, le projet de loi prévoit la possibilité de placement dans « établissement permettant la mise en oeuvre de programmes à caractère éducatif et civique ». Comme le souligne la commission des lois dans son rapport, de telles structures n'existent pas et restent à créer.

Dans ces conditions, il serait pour le moins légitime que les parlementaires que nous sommes disposent d'informations un peu plus précises quant à ce projet du Gouvernement, en particulier sur l'échéancier, le fonctionnement et les moyens dont bénéficieront ces nouveaux établissements.

À cet égard, rien que depuis le mois de janvier de cette année, les centres de placement immédiat, les CPI, ou foyers de Montpellier, de la Rochelle, de Mulhouse, du Havre, de Maisons-Alfort ou encore d'Aubervilliers ont été fermés !

L'article 37 tend également à étendre les conditions d'application du contrôle judiciaire aux mineurs âgés de treize ans à seize ans passibles d'une peine de sept ans d'emprisonnement minimum, même dans le cas où le jeune concerné n'aurait pas fait l'objet de mesures éducatives antérieures.

Une fois de plus, vous voulez nous faire adopter une disposition en rupture avec l'esprit de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, puisqu'il ne serait plus tenu compte de la spécificité inhérente au fait d'être jeune.

Là encore, il s'agit d'aller vite en besogne pour sanctionner le jeune, et en aucun cas de faire de la prévention !

Toujours selon les termes de l'article 37, le mineur de moins de seize ans ne respectant pas les obligations qui lui ont été imposées pourra voir les modalités de son contrôle judiciaire modifiées et être placé en centre éducatif fermé. Et, s'il ne respecte pas les conditions de son placement en centre fermé, il pourra être mis en détention provisoire. C'est donc un véritable chantage à la détention que cet article tend à instituer, un chantage particulièrement grave, puisqu'il concerne les enfants âgés de moins de seize ans !

Ne vous en déplaise, on confond ici une nouvelle fois éducation et sanction. En effet, le contrôle du respect des obligations devient une fin en soi, alors qu'il ne peut être qu'un espace d'adhésion et de négociation visant la possibilité d'un changement. Le fait de solliciter l'adhésion à la mesure pénale dans une certaine relation de confiance et celui de s'arrêter sur les circonstances du passage à l'acte ne sont plus reconnus comme des objectifs à part entière.

Il faut cesser de réprimer toujours plus les mineurs et - je le redis - faire le pari de leur sortie de la délinquance, le pari de leur avenir, en y consacrant les moyens et le temps nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Catherine Tasca, pour présenter l'amendement n° 286.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Le contrôle judiciaire constitue normalement une alternative à la détention provisoire. Contrairement à cette dernière, il n'avait jamais fait l'objet de dispositions dérogatoires au droit des mineurs et pouvait s'appliquer sans restriction dès l'âge de treize ans.

Toutefois, le juge ne pouvait pas sanctionner la transgression des obligations imposées au mineur de seize ans par un placement en détention provisoire, puisque la loi l'interdisait, excepté en matière criminelle.

La loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, dite « loi Perben I », a donc doublement innové, d'une part, en assortissant le contrôle judiciaire de dispositions spécifiques aux mineurs, d'autre part, en créant les centres éducatifs fermés où pourront être assignés les mineurs faisant l'objet d'un contrôle judiciaire.

Les mineurs de treize ans à seize ans qui ne respectent pas le contrôle judiciaire, c'est-à-dire le placement dans un centre éducatif fermé, qui encourent un emprisonnement correctionnel égal ou supérieur à cinq ans et qui ont déjà fait l'objet d'une mesure éducative, c'est-à-dire d'une condamnation à une mesure éducative ou à une peine, peuvent donc être placés en détention provisoire dans un établissement pénitentiaire.

Le contrôle judiciaire ne se substitue donc pas à la détention provisoire et il ne constitue pas une troisième voie entre la liberté et la détention. En effet, il est déjà l'enfermement.

Le présent projet de loi vise à élargir les cas de figure où des mineurs de moins de seize ans pourront être provisoirement placés en prison en dehors de la commission d'actes criminels. À cette fin, il tend à élargir le domaine du contrôle judiciaire, qui était auparavant encadré dans des conditions strictes pour les mineurs âgés de treize ans à seize ans, en le rendant désormais possible dès que la peine encourue est égale à sept ans d'emprisonnement. Rappelons-le, cela englobe tous les vols commis en réunion dans les transports collectifs de voyageurs !

Une telle disposition montre la volonté du Gouvernement d'aligner une fois de plus la justice des mineurs sur celle des majeurs.

Surtout, à l'exception de cas très exceptionnels, les enfants de treize ans à seize ans en attente de jugement n'ont pas leur place, selon nous, dans un établissement pénitentiaire. C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article.

J'y insiste, monsieur le garde des sceaux, car nous assistons effectivement à une sorte de dialogue de sourds. Selon nous, la logique pénale des majeurs ne peut ni ne doit être appliquée au public des mineurs.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Mais ce n'est pas ce que nous faisons !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

C'est exactement ce que vous faites, monsieur le garde des sceaux !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

C'est faux ! Nous n'avons jamais fait cela !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Allons ! Ne nous faites pas de procès d'intention !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 152, présenté par M. Demuynck, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa () du texte proposé par le 2° de cet article pour modifier l'article 10-2 de l'ordonnance n° 45 -174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante par les mots :

avec définition et validation d'objectifs scolaires et disciplinaires

La parole est à M. Christian Demuynck.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Cet amendement, similaire à l'amendement n° 149, est défendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 59, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Compléter le cinquième alinéa du 3° de cet article par les mots :

conformément aux dispositions de l'article 11-2

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 60, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Avant le dernier alinéa () de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au premier alinéa de l'article 11-2, les mots : « aux dispositions du III de l'article 10-2 » sont remplacés par les mots : « aux dispositions du quatrième alinéa du III de l'article 10-2 ».

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n° 232 et 286 ainsi que sur l'amendement n° 152 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

J'avoue avoir quelques difficultés à comprendre les argumentations développées par nos collègues communistes et socialistes, notamment lorsqu'ils demandent la suppression des dispositions visant à diversifier les obligations applicables aux mineurs de treize ans à seize ans.

En l'état actuel du droit, la seule mesure applicable à ces mineurs en matière de contrôle judiciaire est le placement en centre éducatif fermé.

Or le projet de loi laisse aux juges la possibilité de choisir parmi les mesures de contrôle judiciaire actuellement applicables aux mineurs de seize ans à dix-huit ans. Le choix serait donc plus beaucoup plus vaste.

Je le rappelle, la disposition vise à répondre aux préoccupations qui avaient déjà été exprimées par le Sénat en 2002, à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice. Il avait alors paru tout à fait paradoxal à notre assemblée que les mineurs de treize à seize ans ne puissent être placés sous contrôle judiciaire que dans un centre éducatif fermé, alors que les mineurs de seize à dix-huit ans pouvaient, quant à eux, continuer de remplir les obligations de leur contrôle judiciaire dans un foyer traditionnel, un centre éducatif renforcé ou un centre de placement immédiat.

Pourquoi le régime juridique applicable aux plus jeunes serait-il plus sévère que celui qui est applicable aux plus âgés ? De ce point de vue, le projet de loi vise à corriger ce qui nous est apparu comme un défaut. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques n° 232 et 286.

S'agissant de l'amendement n° 152, nous ne pouvons que souscrire aux objectifs affichés. Je pense d'ailleurs que chacun tentera de faire en sorte que de telles dispositions entrent en vigueur lors de l'adoption de ce projet de loi ; cela devrait d'ailleurs déjà être le cas aujourd'hui. Cependant, mon cher collègue, les mesures que vous suggérez ne relèvent pas, me semble-t-il, du domaine législatif. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Sur les amendements n° 232 et 286, je serai bref puisque nous ne nous comprenons pas : l'avis du Gouvernement est défavorable.

Monsieur Demuynck, même si nous souscrivons à l'objectif que vous poursuivez, nous ne pouvons accepter votre amendement n° 152, qui tend à apporter une précision relevant manifestement du domaine réglementaire, ainsi que M. le rapporteur l'a fait observer.

En revanche le Gouvernement est favorable aux amendements n° 59 et 60.

Je dirai simplement, pour résumer le fond de cet article, qu'il s'agit de créer un contrôle judiciaire pour les mineurs âgés de treize ans à seize ans, contrôle qui n'existe pas aujourd'hui. Aujourd'hui, si un mineur commet un délit sexuel, par exemple, il ne peut pas être mis en prison parce qu'il a moins de seize ans et il ne peut pas non plus faire l'objet d'un contrôle judiciaire. Avec cet article, nous comblons une lacune de la loi.

Et qui nous a soufflé cette idée ? Je vous le donne en mille : les juges des enfants ! C'est à leur demande que nous avons rédigé cet article. Les défenseurs des juges des enfants, qui sont nombreux sur ces travées, doivent donc mettre un point d'honneur à le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 232 et 286.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Effectivement, monsieur le ministre, nous ne nous comprenons pas ! Ce qui est terrible pour nous, c'est que nous n'avons d'autre choix qu'être soit idiots soit intellectuellement malhonnêtes !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Malheureusement pour vous, nous ne sommes pas les seuls à défendre les positions que nous défendons !

Ainsi, Mme Versini, nouvelle Défenseure des enfants, et qui fut il n'y a pas si longtemps membre d'un gouvernement soutenu par votre majorité, qualifie justement les dispositions de l'article 37, 3°, alinéa 3, de « peu compatibles avec la convention internationale des droits de l'enfant. ». Cet article, explique-t-elle, « prévoit la possibilité de placer en détention provisoire avant jugement des mineurs âgés de treize à seize ans suspectés d'avoir commis des délits, dès lors qu'ils n'auraient pas observé certaines dispositions d'un contrôle judiciaire et, plus particulièrement, les conditions d'un placement dans un centre éducatif fermé ». Elle poursuit : « Alors que les inconvénients et les dangers de la détention avant tout jugement ont été très régulièrement soulignés, il est préoccupant d'envisager d'accroître les possibilités de placement en détention provisoire, fût-ce pour une courte période, de mineurs âgés de treize à seize ans avant tout jugement sur leur culpabilité. »

Ce qui nous réconforte, c'est que nous ne sommes pas toujours les seuls à être soit idiots soit intellectuellement malhonnêtes !

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 37 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 295 rectifié, présenté par MM. Carle, Garrec et Hérisson, est ainsi libellé :

Après l'article 37, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'ordonnance du 2 février 1945 précitée est ainsi modifiée :

1° Le neuvième alinéa de l'article 11 est ainsi rédigé :

« La détention provisoire est effectuée dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs. Les mineurs âgés de treize à seize ans ne peuvent être placés en détention que dans des établissements garantissant la présence d'éducateurs dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.

2° Le dernier alinéa de l'article 20-2 est ainsi rédigé :

« L'emprisonnement est subi par les mineurs dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs dans les conditions définies par décret en Conseil d'État. »

3° Avant l'article 33, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. ... - Les établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs sont destinés à recevoir exclusivement des mineurs placés en détention provisoire ou subissant une peine d'emprisonnement. Ces établissements assurent la présence d'éducateurs afin d'assurer la continuité de la prise en charge éducative du mineur en vue de sa réinsertion durable dans la société. Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article.

II. - Les dispositions du I ci-dessus entreront en vigueur cinq ans après la promulgation de la présente loi.

La parole est à M. Jean-Claude Carle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La loi d'orientation et de programmation pour la justice, adoptée lors de la session extraordinaire de 2002, avait solennellement garanti le principe de la détention des mineurs dans des établissements spécialisés ou, à défaut, dans des quartiers isolés, reprenant ainsi une des propositions de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur. Vous le voyez, madame Borvo, le Gouvernement prend aussi des mesures positives et cette commission, contrairement à ce que vous avez affirmé, n'a pas formulé que des propositions négatives.

Ce principe a donné une impulsion bienvenue aux programmes immobiliers puisque ces établissements d'un nouveau type devraient abriter 400 places à l'horizon 2007. Parallèlement, des établissements indignes de notre pays ont été fermés ; je pense, en particulier, à celui de Lyon.

Il reste que 1 700 mineurs se trouvent actuellement incarcérés. Il convient donc d'adresser un signal fort à la société sur l'effort qu'elle doit entreprendre pour améliorer les conditions de détention des mineurs incarcérés et, surtout, éviter la promiscuité avec les détenus majeurs.

C'est la raison pour laquelle, compte tenu des contraintes, un délai est prévu pour permettre à l'État d'élaborer un plan quinquennal afin que notre pays dispose enfin d'une capacité d'accueil pénitentiaire des mineurs digne de lui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement tend à prévoir l'obligation d'incarcérer les mineurs dans des établissements pénitentiaires spécifiques.

La construction de sept établissements pénitentiaires pour mineurs disposant chacun de 60 places est déjà prévue. La première ouverture d'établissement doit intervenir en décembre prochain près de Lyon et la dernière en octobre 2007. Le nombre de places ainsi créées, 420, ne permettrait donc pas de respecter cette nouvelle obligation. Je pense cependant que le nombre de mineurs incarcérés est nettement inférieur à 1 700. M. le ministre nous en dira peut-être plus tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

De plus, il ne paraît pas opportun de prévoir l'incarcération de tous les mineurs au sein de ces structures, notamment lorsqu'ils se trouvent en détention provisoire, une telle mesure ayant pour effet de les éloigner, parfois considérablement, de leur famille.

En outre, tous les quartiers « mineurs » des maisons d'arrêt bénéficient dorénavant de l'intervention continue d'éducateurs de la PJJ auprès des mineurs incarcérés, ce qui permet d'assurer un réel suivi et de préparer leur sortie. Deux éducateurs interviennent dans les quartiers « mineurs » à petits effectifs, trois dans ceux comptant dix-huit à vingt-cinq mineurs et six dans les doubles quartiers pour mineurs.

Pour toutes ces raisons, je demande à notre collègue Jean-Claude Carle de bien vouloir retirer son amendement.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

M. le rapporteur vient de donner des éléments sur les établissements pour mineurs et, puisqu'il m'interrogeait sur le nombre de mineurs en détention aujourd'hui, je peux lui répondre qu'ils sont 629...

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

... et, si cela peut intéresser l'opposition, je signale qu'ils étaient trois cents de plus il y a quatre ans. Autrement dit, les mineurs en détention sont moins nombreux aujourd'hui que sous le gouvernement de M. Jospin : c'est un paradoxe qui vaut d'être souligné !

Monsieur le sénateur, vous cherchez à fixer un cadre précis au régime de détention des mineurs. Sachez que la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a posé deux principes : celui de l'intervention continue des éducateurs, même en détention, et la création des établissements pour mineurs.

Je voudrais aussi indiquer que la rédaction de deux décrets est en cours, définissant un même régime de détention pour les mineurs, qu'ils soient détenus dans un établissement pour mineurs ou dans un quartier « mineurs », car un certain nombre de ceux-ci vont être conservés afin que le territoire soit convenablement « maillé ». Cela étant, j'espère bien que, à terme, nous n'aurons que des établissements pour mineurs et qu'il n'y aura plus de quartiers « mineurs ».

Je vous serais donc obligé, monsieur Carle, de bien vouloir retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 295 rectifié est retiré.

L'amendement n° 298 rectifié bis, présenté par MM. Carle, Garrec et Hérisson, est ainsi libellé :

Après l'article 37, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A. - L'article 12-1 de l'ordonnance du 2 février 1945 précitée est ainsi rédigé :

Art. 12-1. - I. En cas de contravention ou de délit prévu par les articles 311-1 à 311-4 et 322-1 à 322-3 du code pénal, le procureur de la République propose au mineur qui n'a jamais été poursuivi et n'a pas déjà fait l'objet d'une telle mesure une mesure ou une activité d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ou dans l'intérêt de la collectivité.

Toute mesure ou activité d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ne peut être ordonnée qu'avec l'accord de celle-ci. Le procureur de la République recueille l'accord préalable du mineur et des titulaires de l'autorité parentale. Le procès-verbal constatant cet accord est joint à la procédure.

La mise en oeuvre de la mesure est confiée à la maison de la réparation la plus proche du domicile du mineur.

L'exécution de la mesure dans le délai prescrit éteint l'action publique. En cas de non-exécution de la mesure en raison du comportement du mineur, le procureur apprécie la suite à donner à la procédure.

II.- Hors le cas mentionné au I, le procureur de la République, la juridiction chargée de l'instruction de l'affaire ou la juridiction de jugement ont la faculté de proposer au mineur une mesure ou une activité d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ou dans l'intérêt de la collectivité.

Toute mesure ou activité d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ne peut être ordonnée qu'avec l'accord de celle-ci. Lorsque cette mesure ou cette activité est proposée avant l'engagement des poursuites, le procureur de la République recueille l'accord préalable du mineur et des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale. Le procès-verbal constatant cet accord est joint à la procédure.

La juridiction d'instruction procède selon les mêmes modalités.

Lorsque la mesure ou l'activité d'aide ou de réparation est prononcée par jugement, la juridiction recueille les observations préalables du mineur et des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale.

La mise en oeuvre de la mesure ou de l'activité est confiée à la maison de la réparation la plus proche du domicile du mineur.

III.- Les maisons de la réparation sont des établissements publics ou privés, habilités conjointement par le ministère de la justice et le maire dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État, chargés de mettre en oeuvre les mesures ou activités d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ou dans l'intérêt de la collectivité proposées aux mineurs. La création d'une maison de la réparation est obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants.

B.- Les dispositions du présent article entreront en vigueur le 1er juillet 2008.

La parole est à M. Jean-Claude Carle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Ayant consulté le bulletin des commissions, je sais déjà que, là encore, on va me demander de retirer cet amendement. Je vais néanmoins tenter ma chance car, monsieur le ministre, je crois profondément que ma proposition nous permettrait d'accomplir de grands progrès dans le traitement de la délinquance des mineurs.

En effet, cet amendement vise à étendre très substantiellement l'utilisation d'une mesure créée en 1993 et dont on ne parle pratiquement jamais, mais qui est éminemment intéressante, à savoir la mesure de réparation.

La réparation n'est pas un stage de citoyenneté ni un travail d'intérêt général, c'est une mesure prise en relation directe avec le délit commis et même, si c'est possible, en relation directe avec la victime. Elle relève de ce qu'on appelle la justice « restaurative » parce qu'elle doit permettre, au moins en partie, de rétablir la situation qui a été dégradée par le comportement du mineur. Par exemple, un adolescent qui arrache son sac à une vieille dame devra rendre service à cette personne pendant quelques semaines en faisant ses courses ou, si la victime n'est pas d'accord, aller aider les personnels d'un établissement pour personnes âgées.

Lors des déplacements à l'étranger de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs, nous avons vu cette mesure mise en oeuvre de manière très systématique, aux Pays-Bas par exemple. Dans ce pays, la plupart des mineurs qui commettent une infraction pour la première fois se voient proposer une mesure de réparation. Ils sont confiés à une structure, appelée bureau Halt, gérée et financée à la fois par l'État et les communes, qui est chargée de définir la mesure de réparation et d'en exercer le suivi. Chaque commune d'une certaine importance dispose d'un bureau Halt.

Chez nous, la mesure de réparation est possible, mais facultative, à tous les stades de la procédure, de sorte qu'elle n'est utilisée que de manière limitée. Je propose la mise en oeuvre systématique de cette mesure pour les primo-délinquants : je suis persuadé que c'est le moyen le plus efficace pour éviter que ces jeunes aient à nouveau affaire à la justice.

Mon amendement vise donc à rendre obligatoire cette mesure pour les mineurs qui commettent leur première infraction. Corrélativement, des « maisons de la réparation » devraient être créées dans les communes de plus de 10 000 habitants pour permettre d'organiser et de suivre ces mesures de réparation. Bien entendu, il convient de différer l'entrée en vigueur de ce dispositif pour prendre en compte les contraintes de sa mise en oeuvre.

Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de devancer les objections que je vais sans doute entendre de votre part dans un instant.

Vous m'opposerez les principes de la procédure pénale, celui de l'opportunité des poursuites en particulier. Mais la mesure que je propose interviendrait avant que le procureur ait statué sur l'opportunité des poursuites. En cas d'échec de la mesure, le procureur retrouverait toute sa liberté de poursuivre ou non.

Par ailleurs, à ma connaissance, l'opportunité des poursuites n'est pas un principe constitutionnel et nous y avons déjà apporté bien des tempéraments. Par exemple, lorsque les mesures alternatives aux poursuites échouent, le code de procédure pénale prévoit que, sauf élément nouveau, le procureur met en oeuvre une composition pénale ou engage des poursuites. Je ne crois donc pas que mon amendement, qui ne concernerait que les primo-délinquants, porte atteinte à ces règles essentielles.

La deuxième objection portera certainement sur le coût et la lourdeur du dispositif. Je ne conteste pas ce coût ni ces difficultés d'organisation. Oui, une mesure de réparation est plus coûteuse et plus lourde qu'un rappel à la loi, une admonestation, un avertissement solennel du procureur de la République, une remise à parents ou une dispense de peine. Mais en revanche, une mesure de réparation est moins coûteuse et moins lourde qu'une place en prison ou dans un centre éducatif fermé.

Mes chers collègues, je vous rappelle que notre taux de réponse pénale à la délinquance des mineurs atteint 85, 5 %, mais que 40 % des mesures et des sanctions sont des admonestations, des remises à parents et des dispenses de peine.

J'ai la faiblesse de penser que la réparation, qui est une mesure compréhensible par la victime, par la société et surtout par le mineur lui-même, a une efficacité tout autre dans la prévention de la récidive qu'un avertissement solennel ou une admonestation.

La question est simplement de savoir, monsieur le ministre, si nous aimons assez nos enfants pour nous donner les moyens d'éviter qu'un trop grand nombre d'entre eux ne s'enfoncent dans la spirale de la délinquance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Notre collègue Jean-Claude Carle a raison au moins sur deux points : d'une part, la réparation est une excellente mesure qu'il faut en effet encourager et, d'autre part, nous avons tout intérêt à multiplier les références de droit comparé et à aller étudier dans les pays voisins les mesures qui ont parfaitement réussi.

Cependant, il a lui-même développé les objections que soulève son amendement. L'obligation, pour le procureur de la République, de proposer au mineur cette mesure paraît effectivement peu compatible avec les principes de notre droit pénal, qu'il s'agisse de l'opportunité des poursuites ou de la faculté laissée au magistrat de choisir la mesure qui lui paraît la plus adaptée à la personnalité du délinquant.

En outre, il a évoqué le coût d'une telle mesure ainsi que son caractère contraignant pour les communes de plus de 10 000 habitants dans lesquelles il souhaiterait que ces « maisons de la réparation » deviennent obligatoires. La portée de ces arguments est incontestable et la commission demande le retrait de l'amendement.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Je pense que le Sénat a été intéressé par les propos de M. Jean-Claude Carle, car il est bon d'insister sur l'utilité de la mesure de réparation. Je dirai simplement, pour le consoler de l'avis défavorable que je vais donner, qu'il a au moins une cause de satisfaction : la réparation n'a cessé de se développer depuis sa création.

Actuellement, la réparation est possible à tous les stades de la procédure, d'où l'intérêt de ne pas l'encadrer strictement par ce texte. Plutôt que de prévoir dans la loi une application obligatoire de la réparation pour certaines catégories d'infractions seulement, laissons à la juridiction, qui est sans doute l'instance de décision la mieux placée, la faculté d'apprécier à quel stade le mineur peut exécuter une mesure de réparation.

Je rappelle que la réparation peut prendre de multiples formes. Pensez à un jeune qui a provoqué un accident de la circulation en conduisant sans permis : la réparation peut alors consister en un stage de brancardier dans un service d'urgence. Quelqu'un qui harcèlerait les services de police ou les services de la protection civile au téléphone pourrait travailler quelque temps dans le standard téléphonique d'un commissariat ou d'une gendarmerie pour comprendre combien le déclenchement des secours à tort est néfaste, en fin de compte, pour toute la société. Je mentionnerai encore le nettoyage des tags imposé à ceux qui en couvrent les murs.

Ce sont là des exemples de réparations auxquelles la justice a de plus en plus recours.

Quant à la création d'une structure spéciale, je crains - et c'est un euphémisme - qu'elle ne soit fort coûteuse.

Je vous rappelle, monsieur Carle, que vous pouvez d'ores et déjà compter sur les municipalités et les associations. Si ces dernières sont en nombre insuffisant, on peut toujours en créer d'autres afin de mettre en place ce type de réparations et ainsi donner corps à la philosophie que vous avez soutenue à juste titre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Tout au long de ce débat, j'ai déposé plusieurs amendements. Certains ont été adoptés et j'ai accepté d'en retirer d'autres.

En l'occurrence, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous me posez un cas de conscience, car je suis profondément convaincu du bien-fondé de cette mesure.

Certes, la réparation existe déjà. Mais je crois qu'il faut lui donner une nouvelle impulsion et une autre dimension, car elle permet d'apporter à la victime une réponse rapide. Trop souvent, en effet, la victime ne sait pas ce qu'il est advenu du délinquant qui l'a agressée, lui a volé son sac, a dégradé la façade de sa maison, etc.

Pour que cette mesure soit comprise et efficace, elle doit être en relation avec le délit qui a été commis.

Je crois aussi que ma proposition aurait le mérite d'apporter une réponse à la société. Beaucoup de nos concitoyens pensent en effet que notre justice des mineurs est laxiste. Or elle n'est pas laxiste : elle est seulement trop erratique et trop lente.

En outre, cette mesure permettrait de désengorger les tribunaux puisqu'elle concerne uniquement les délits encadrés et les primo-délinquants. Les juges pour enfants pourraient ainsi se consacrer à des délits plus graves.

Enfin, elle empêcherait les mineurs de s'enfoncer, de s'ancrer dans la délinquance.

J'ai bien compris les contraintes qu'entraînerait l'adoption de mon amendement, et je n'y suis pas insensible.

Avant de prendre ma décision, je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, si vous comptez envoyer ma proposition dans les oubliettes de la Chancellerie ou si vous pensez, dans les semaines qui viennent, commander une étude sur ce sujet pour tenter de définir les conditions de la mise en place d'un dispositif de ce type.

Je sais d'ailleurs que vous allez prochainement nous présenter un texte qui nous permettra éventuellement de revenir sur cette question.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

M. Carle a raison d'insister sur ce sujet.

Je communique au Sénat, qui en sera peut-être surpris, le chiffre des condamnations pénales de mineurs délinquants. Actuellement, 80 000 jeunes par an sont présentés à un juge pour enfants et 28 000 jeunes sont condamnés à une réparation pénale. Certes, 30 000 condamnations environ sur 80 000 cas, ce n'est pas massif, mais la proportion n'est tout de même pas négligeable ! Nous ne faisons donc pas preuve d'une si grande faiblesse, même si on peut toujours faire mieux.

Par ailleurs, la protection judiciaire de la jeunesse va subventionner cette année des associations qui mettent en place des réparations pénales. C'est une manière, convenez-en, monsieur le sénateur, d'encourager le recours à ce dispositif.

Enfin, je vous promets que dans une circulaire prochaine, j'insisterai sur la réparation pénale, en m'appuyant d'ailleurs sur la volonté qui se manifeste au Sénat à l'occasion de ce débat. Je peux vous assurer que cette alerte lancée auprès des juridictions ne fera qu'augmenter le nombre des réparations pénales, qui est au demeurant loin d'être ridicule, d'autant qu'il a enregistré au cours de la période récente une progression significative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, je sais qu'à l'instar du personnage principal de l'excellent roman dont vous êtes l'auteur, vous êtes un homme de parole.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 298 rectifié bis est retiré.

Je rappelle que l'article 38 a été examiné en priorité.

L'ordonnance du 2 février 1945 précitée est ainsi modifiée :

1° Après le 5° de l'article 15, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

«  Mesure d'activité de jour. » ;

2° Après le septième alinéa de l'article 15-1, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

«  Mesure deplacement pour une durée d'un mois dans une institution ou un établissement public ou privé d'éducation habilité permettant la mise en oeuvre d'un travail psychologique, éducatif et social portant sur les faits commis et situé en dehors du lieu de résidence habituel ;

«  Exécution de travaux scolaires ;

« Avertissement mentionné au 5° de l'article 16 ;

« 10° Placement dans un établissement scolaire doté d'un internat pour une durée correspondant à une année scolaire avec autorisation pour le mineur de rentrer dans sa famille lors des fins de semaine et des vacances scolaires. » ;

3° L'article 16 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

«  Avertissement solennel.

«  Mesure d'activité de jour. » ;

4° Après l'article 16 bis, il est créé un article 16 ter ainsi rédigé :

« Art. 16 ter. - La mesure d'activité de jour consiste en la participation du mineur à des activités d'insertion professionnelle ou scolaire soit auprès d'une personne morale de droit public soit auprès d'une personne morale de droit privé exerçant une mission de service public ou d'une association habilitées à organiser de telles activités, soit au sein du service de la protection judiciaire de la jeunesse auquel il est confié.

« Cette mesure peut être ordonnée par le juge des enfants ou par le tribunal pour enfants à l'égard d'un mineur en matière correctionnelle.

« Lorsqu'il prononce une mesure d'activité de jour, le juge des enfants ou le tribunal pour enfants en fixe la durée qui ne peut excéder douze mois et ses modalités d'exercice. Il désigne la personne morale de droit public ou de droit privé, l'association ou le service auquel le mineur est confié.

« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application de la mesure d'activité de jour.

« Il détermine, notamment, les conditions dans lesquelles :

« 1° Le juge des enfants établit, après avis du ministère public et consultation de tout organisme public compétent en matière de prévention de la délinquance des mineurs, la liste des activités dont la découverte ou auxquelles l'initiation sont susceptibles d'être proposées dans son ressort ;

« 2° La mesure d'activité de jour doit se concilier avec les obligations scolaires ;

« 3° Sont habilitées les personnes morales et les associations mentionnées au premier alinéa. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 236, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

L'article 39 crée de nouvelles sanctions éducatives à l'égard des mineurs en modifiant l'ordonnance du 2 février 1945.

Cette multiplication de nouvelles dispositions nous laisse particulièrement dubitatifs, alors même qu'une palette de mesures concernant les mineurs existe déjà. Il est donc inutile d'en ajouter, d'autant que les mesures existantes ne sont guère appliquées, essentiellement faute de moyens.

Avant de légiférer à nouveau dans le domaine de la justice des mineurs, il aurait été utile aux parlementaires de disposer à la fois d'un bilan précis et d'une évaluation de l'effet des lois votées depuis 2002. Je pense notamment à la loi Perben I, qui a modifié en profondeur l'ordonnance de 1945 dans le sens d'une plus grande répression des jeunes, au travers notamment du jugement à délai rapproché pour les mineurs de treize à dix-huit ans.

Et voilà que s'ajoutent à cet arsenal juridique des mesures nouvelles concernant les mineurs âgés de moins de dix ans, de treize ans et de plus de treize ans ! Comment voulez-vous, dans ces conditions, rendre la législation applicable aux mineurs intelligible, sinon aux élus communistes, tout au moins aux justiciables ?

Vous l'aurez compris, nous sommes opposés à cet article qui tend à modifier l'ordonnance de 1945, en dehors de toute réflexion de fond, alors que ce sujet aurait mérité à lui seul un grand et véritable débat national. Nous considérons pour notre part que le chapitre VII, prétendument dédié à la prévention de la délinquance, aurait dû faire l'objet d'un texte à part.

Je tiens à souligner que le principal défaut de l'ordonnance de 1945 ne tient ni à son supposé laxisme, ni à son inadéquation avec les formes actuelles de la délinquance juvénile, ni même à son décalage avec la société d'aujourd'hui, mais bel et bien au manque de moyens inhérent à la justice des mineurs. Celui-ci empêche la mise en oeuvre effective des dispositifs prévus par cette ordonnance, qui conserve aujourd'hui encore toute sa pertinence et sa modernité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 64, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. - Compléter le deuxième alinéa du 1° de cet article par les mots :

, dans les conditions définies à l'article 16 ter

II. - Dans le quatrième alinéa du 2° de cet article, remplacer les mots :

mentionné au 5° de l'article 16

par les mots :

solennel

III. - Compléter le troisième alinéa du 3° de cet article par les mots :

, dans les conditions définies à l'article 16 ter »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 153, présenté par M. Demuynck, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa () du texte proposé par le 2° de cet article pour modifier l'article 15-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, remplacer les mots :

d'un mois

par les mots :

comprise entre un et six mois, appréciée selon la gravité des faits

La parole est à M. Christian Demuynck.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

La mise en oeuvre d'un travail psychologique, éducatif et social peut, selon les faits commis et le mineur concerné, nécessiter une durée bien plus longue qu'un mois de placement. En effet, il s'agit là d'un travail de fond et, dans bien des cas, la période d'un mois ne permettrait pas de l'accomplir jusqu'à son terme. Ce travail restant inachevé, la récidive serait alors quasiment inéluctable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 288, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le 2° de cet article pour le 7° de l'article 15-1 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, remplacer les mots :

d'un mois

par les mots :

laissée à l'appréciation du juge et qui ne peut excéder six mois

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Nous n'avons pas déposé sur cet article d'amendement de suppression. Nous aurions pu le faire pour les raisons que nous avons déjà indiquées et qui ont été reprises tout à l'heure par notre collègue communiste.

Nous avons préféré tester la validité de l'argumentation développée par M. le ministre, qui nous accuse de ne pas comprendre le caractère éducatif de ces mesures. Or il nous semble que l'une au moins de celles qui figurent dans cet article n'est guère éducative.

Je rappelle que l'article 39 tend à élargir l'éventail des mesures destinées aux mineurs de treize ans. Nous pourrions discuter, entre autres, du bien-fondé de la mesure d'activité de jour, mais je crois bon d'insister sur la « mesure de placement pour une durée d'un mois dans une institution ou un établissement public ou privé d'éducation habilité permettant la mise en oeuvre d'un travail psychologique, éducatif et social portant sur les faits commis et situés en dehors du lieu de résidence habituel ».

Il est difficile de croire qu'un tel travail pourra être mené à bien en un mois et qu'il ne s'agit pas là d'une mesure de correction, surtout quand il est précisé que ce travail devra être réalisé en dehors du lieu de résidence habituel.

Notre amendement tend à permettre au juge de prononcer une mesure vraiment éducative à l'encontre du mineur : au lieu d'une durée d'un mois, qui correspond à une mesure de correction, nous proposons de laisser à l'appréciation du juge le choix de la durée de cette mesure, dans la limite de six mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

S'agissant de l'amendement n° 236, je répondrai par une lapalissade : les sanctions éducatives ont un but éducatif. À ce titre, elles me paraissent donc avoir leur place dans un texte sur la prévention de la délinquance.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Vous avez raison d'insister !

M. le rapporteur sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Évidemment, puisque nous sommes idiots, nous ne comprenons pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Quant à la mesure d'activité de jour, elle paraît particulièrement adaptée à des mineurs déscolarisés, qui pourront ainsi suivre des activités d'insertion professionnelle ou scolaire.

La commission est donc évidemment défavorable à la suppression de cet article.

Quant aux amendements n° 64 et 153, qui ont en fait le même objet, j'en comprends d'autant mieux l'esprit que j'avais eu, dans un premier temps, la même intention que leurs auteurs. Mais j'ai changé d'avis à la suite des auditions.

En effet, tant les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse que les juges des enfants que j'ai entendus m'ont dit : « N'oubliez pas qu'il s'agit là d'enfants qui peuvent n'avoir que dix ans seulement. Or, pour un enfant de dix ans, la durée d'un mois pendant laquelle il est séparé totalement de son milieu est particulièrement longue. Aller au-delà, ce serait enfreindre une sorte de principe de proportionnalité. »

Ces professionnels m'ont convaincu et la commission des lois a bien voulu me suivre. L'avis est donc également défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

N'essayant plus de convaincre à ce stade de la discussion, je rappellerai seulement le contenu de l'article 39.

J'ai déjà expliqué que la mesure d'activité de jour visait à l'insertion professionnelle du mineur concerné.

Cet article prévoit quatre nouvelles sanctions éducatives : il s'agit bien de sanctions. Nous proposons, par exemple, l'éloignement du mineur de son domicile pendant un mois. Dans son amendement n 153, M. Demuynck préconise quant à lui une durée de six mois.

Prenons le cas d'un enfant de dix, douze ou treize ans particulièrement turbulent, qui « pourrit », disons le mot, la vie d'un quartier. Il arrive un moment où l'on ne peut régler le problème qu'en sortant le mineur de son milieu. On le place donc pendant un mois dans une institution ou dans un foyer afin de provoquer chez lui un choc psychologique.

Vous pouvez considérer, monsieur Peyronnet, qu'il s'agit là d'une mesure horriblement répressive. Mais, si vous avez été père de famille, vous vous souvenez peut-être d'avoir placé un fils en pension parce qu'il était insupportable ; et puis, tout à coup, il s'est remis à travailler.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

C'est d'ailleurs prévu dans le texte : on pourra aussi recommander l'internat. Mais le terme « répression » me paraît tout à fait excessif.

Il s'agit en fait de trouver des sanctions éducatives aussi variées que possible et de les appliquer aux enfants les plus jeunes.

Avec l'avertissement solennel, dans le cadre d'une audience, on ne se contentera pas de morigéner l'enfant, ce qui n'emporte pas beaucoup de conséquences, à en croire les jeunes eux-mêmes. En effet, il nous semble qu'un avertissement, fût-il sans frais, sera plus efficace que les admonestations que nous connaissons déjà.

Il me semble que l'énumération des dispositions de cet article suffit à en justifier l'existence et explique les raisons qui me conduisent à demander le rejet de l'amendement n° 236.

Je suis évidemment favorable à l'amendement de précision déposé par M. le rapporteur.

Je demande à M. Demuynck de bien vouloir retirer son amendement n° 153, car un placement dans un foyer pour une durée de six mois, au lieu d'un mois, me paraît un peu long s'agissant d'un enfant âgé, par exemple, de dix ans.

Sur l'amendement n° 288 de M. Peyronnet, l'avis est défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Non, monsieur le président, je m'en remets aux arguments de M. le rapporteur et retire cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 153 est retiré.

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote sur l'amendement n° 288.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Pour ma part, je ne me rallie ni aux arguments de M. le rapporteur ni à ceux de M. le ministre.

Contrairement à M. Demuynck, je ne préconise pas de fixer à six mois la durée du placement : je propose de laisser le juge décider en son âme et conscience, après avoir examiné le cas social et psychologique particulier, si la mesure doit durer un mois, un mois et demi, deux mois ou trois mois. C'est tout de même beaucoup plus libéral que ce que prévoit le texte !

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 39 est adopté.

Après le troisième alinéa de l'article 20-7 de l'ordonnance du 2 février 1945 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'ajournement du prononcé de la mesure éducative ou de la peine est ordonné, le tribunal pour enfants peut ordonner au mineur d'accomplir une mesure d'activité de jour. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 237, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous allons continuer à ne pas nous comprendre, mais cela ne fait rien...

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

C'est bien d'en être consciente !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un jour peut-être, qui sait ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ce qui est sûr, c'est que votre mesure d'activité de jour, destinée aux enfants de treize à dix-huit ans, va s'ajouter aux autres dispositifs déjà prévus : le placement dans un établissement public ou privé, une mesure de liberté surveillée préjudicielle, ou une mesure d'aide ou de réparation.

Entre parenthèses, monsieur le garde des sceaux, vous avez donné quelques précisions sur les mesures de réparation. C'est une bonne nouvelle, car nous entendons sans cesse qu'il ne se passe rien après que les jeunes ont eu une admonestation : on les laisse simplement dans la nature ! Mais, s'il n'y a pas plus de mesures de réparation, c'est peut-être parce qu'on ne sait pas très bien comment faire pour les appliquer !

Le problème, avec cette mesure d'activité de jour, c'est qu'elle risque d'entraîner une confusion avec les activités d'insertion de la PJJ. Ce qui rejoint un problème plus général, contre lequel nous essayons de vous mettre en garde, en soulignant combien il est préjudiciable de confondre sanction et éducation.

Évidemment, vous ne le comprenez pas puisque, pour vous, sanction égale éducation, à moins que ce ne soit éducation égale sanction... On n'a pas très bien compris !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Vous avouez que vous n'avez pas très bien compris !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Alors que les mesures d'activité de jour proposées par la protection de la jeunesse constituent actuellement un élément permettant la reconstruction des jeunes en difficulté, celle qui est définie à l'article 39 devient une sanction. Décidée par le tribunal, elle prend en effet un caractère contraignant.

Ce texte signe un changement important des missions de la PJJ et un changement de philosophie quant à l'insertion des jeunes. Ce qui est en cause, c'est l'insertion, la rééducation par le travail. Votre approche est dangereuse pour des jeunes qui, pour la plupart, en sont à leur première approche du monde du travail.

On peut s'interroger sur les moyens dont vous disposerez pour mettre en oeuvre ces mesures d'activité de jour tant, on le sait, il est difficile d'obtenir des employeurs qu'ils veuillent bien accueillir des jeunes sous mesure judiciaire.

Je doute que cette disposition - dont les modalités d'application seront déterminées par un décret en Conseil d'État, sans qu'on sache quand - soit applicable, voire appliquée un jour.

Votre défiance vis-à-vis de la protection judiciaire de la jeunesse vous amène à faire adopter des dispositions législatives sans consulter les professionnels concernés, sans faire le bilan du dispositif existant, sans procéder à des études d'impact des mesures que vous proposez, sans débloquer les moyens indispensables à leur mise en oeuvre. Tout cela pour pouvoir dire ensuite que la justice ne fait pas son boulot et que les mesures très intéressantes que vous préconisez ne sont pas suivies d'effet ! CQFD : il vous faut en prendre encore d'autres pour pouvoir dire que vous faites quelque chose !

Ignoreriez-vous que, lorsque le juge des enfants ordonne une mesure éducative, il faut des mois pour obtenir le premier rendez-vous entre le jeune et l'éducateur ?

Il serait souhaitable que vous nous entendiez un petit peu pour éviter de poursuivre cette inflation législative dépourvue d'effets pratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 65, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de cet article par les mots :

dans les conditions définies à l'article 16 ter

La parole est à M. le rapporteur pour défendre cet amendement et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 237.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

L'amendement n° 65 est un amendement de précision.

La commission est défavorable à l'amendement n° 237. Le projet de loi manifeste une telle défiance à l'égard de la protection judiciaire de la jeunesse que la mesure éducative de jour consiste, je l'ai dit tout à l'heure, en la participation du mineur à des activités d'insertion professionnelle ou scolaire qui peuvent être confiées... aux services de la PJJ !

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Non seulement nous ne sommes pas compétents mais, de plus, nous sommes masochistes !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Je vais encore contredire Mme la présidente du groupe CRC. Elle y est habituée, à défaut de s'y faire...

Cette disposition, qui l'a inventée, madame Borvo ? La protection judiciaire de la jeunesse ! Non contents de prendre son avis, nous lui empruntons son idée ! Cela annihile totalement l'argumentaire que vous avez soutenu.

Ce moyen nouveau est un extraordinaire avantage puisqu'il permet au tribunal pour enfants de se prononcer sur la culpabilité et de renvoyer à une audience ultérieure le prononcé de la sanction.

Avec cette formule très intéressante, il s'agit de dire à l'enfant reconnu coupable qu'il va suivre un stage d'insertion professionnelle et que, s'il s'y conduit bien - et le juge pourra éventuellement fixer une durée, ce qui permettrait de rejoindre un peu l'objectif de M. Demuynck -, il ne subira pas la sanction qu'il mérite. Tel est le sens de cet article.

Si vous préférez la pénalisation systématique en le punissant tout de suite, évidemment, vous êtes contre cet article. Si vous préférez substituer à la sanction la possibilité d'une insertion professionnelle, vous ne pouvez que l'adopter.

Je sais que c'est un dialogue de sourds parce que vous prétendez que nous disons tout le contraire de ce que nous faisons ! Il n'en reste pas moins que ce qui est proposé, c'est de l'insertion professionnelle à la place d'une sanction. Libre à vous de crier à la répression !

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 237 et favorable à l'amendement n° 65.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 40 est adopté.

Au premier alinéa de l'article 33 de l'ordonnance du 2 février 1945 précitée, après les mots : « sursis avec mise à l'épreuve », sont insérés les mots : « ou d'un placement extérieur. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 238, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L'article 41 clôt le chapitre VII, prétendument dédié à la prévention de la délinquance des mineurs, de la plus détestable des façons : il tend à systématiser l'enfermement des jeunes délinquants en dissimulant, derrière l'innocente expression de « placement extérieur », le spectre du centre éducatif fermé, ou CEF.

Certes, il existe un moment où l'enfermement peut être utile, mais il doit rester l'exception, comme le préconise d'ailleurs la convention internationale des droits de l'enfant, à laquelle la France a souscrit. En effet, je le précise d'emblée, tant il est parfois difficile de se comprendre, l'enfermement et l'éloignement, ce n'est pas la même chose.

L'enfermement est la pire des solutions pour un mineur dans la mesure où l'éducatif suppose l'espoir, le choix, et, donc, une part de liberté. Or, de l'avis même des travailleurs de la PJJ, lesquels, me soutiendrez-vous, vous ont dit le contraire, « les CEF remettent fondamentalement en cause le sens de [leur] métier et mettent fin à la mission éducative de la PJJ ».

Leur connaissance indéniable de la vie des jeunes dans ces centres les oblige, d'une part, à considérer leurs critiques avec le plus grand intérêt, et, d'autre part, à se concerter avec eux lors de l'élaboration de tout projet éducatif ou préventif en termes de délinquance.

Dans les centres fermés, toutes les dimensions intrinsèques à l'éducation - définition des limites, remise en cause du monde des adultes, transgression des interdits - sont occultées et l'obligation, pour l'adolescent, de faire telle ou telle activité n'a, selon les éducateurs, qu'un « caractère occupationnel ».

Il s'agit d'éviter tout dérapage sur le moment, sans élaborer de cheminement dans la durée ni d'accompagnement individualisé. Ainsi, d'après les premiers bilans établis sur l'activité des CEF, l'évaluation de l'environnement social et familial, de même que l'approche du mineur à travers son histoire ne sont pas investis ou le sont peu. Cela est dû notamment à la mauvaise circulation de l'information entre professionnels intervenant antérieurement et le CEF.

La méthode éducative choisie est donc celle du comportementalisme puisqu'elle repose sur le conditionnement de l'individu et la négation de sa singularité et de sa souffrance. Or, comme chacun le sait, les thèses comportementalistes vous plaisent énormément...

Comment peut-on penser que, dans un lieu clos, à l'écart du monde réel, avec de telles rigidités et contraintes, et avec le mépris de leur histoire, des jeunes puissent réparer et reconstruire ce qui leur a fait défaut dans leur éducation ?

De plus, la perspective du jeune délinquant doit être de sortir de la délinquance, et non pas seulement de sortir de l'enfermement.

Or, le premier bilan des CEF, dont nous fait part la commission des lois dans son rapport, fait apparaître « un manque de relais à la sortie, susceptible d'hypothéquer les fragiles progrès réalisés en CEF», ce qui est quand même ennuyeux !

De même, la démarche d'élaboration d'un projet individuel pour chaque mineur, telle qu'elle est exigée par la loi du 2 janvier 2002, n'est pas intégrée dans la plupart des centres. La perspective d'avenir est donc absente de cette mesure à vocation « éducative » ; à preuve, la forte propension au suicide durant et après les périodes d'enfermement. Mais ce n'est là qu'un premier bilan : doit-on le laisser s'alourdir au fil du temps ?

À tout cela s'ajoute le danger que constitue le rassemblement dans un même lieu de jeunes délinquants au comportement violent, danger qu'en son temps, dans les années soixante-dix, le garde des sceaux Alain Peyrefitte avait bien perçu puisqu'il fit fermer les structures d'enfermement existantes, considérées alors comme de véritables « cocottes-minute ».

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Cela n'a rien à voir !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pourquoi cela aurait-il changé aujourd'hui ? L'expérience nous montre d'ailleurs que non !

De la même manière, l'article 41 semble passer outre le risque de récidive important qui naît de la concentration de jeunes et moins jeunes délinquants dans des conditions d'incarcération dégradées.

Cela m'amène à un dernier point justifiant la suppression de cet article : la question du financement. En effet, il a été estimé, dans le premier bilan des CEF, que le prix d'une journée de prise en charge d'un individu dans un CEF s'élevait à 550 euros. Au 1er septembre 2006, 133 des 166 places disponibles étaient déjà occupées. Or on nous propose dans cet article de systématiser l'enfermement.

De deux choses l'une : soit le nombre de places risque de se révéler très vite insuffisant, compte tenu de la logique actuelle de répression, ce qui entraînera une dégradation des conditions de vie des mineurs enfermés ; soit l'augmentation du nombre de places disponibles risque de nécessiter l'abaissement du coût de la journée et, donc, d'entraîner une dégradation des conditions d'incarcération.

Voilà les raisons pour lesquelles, conformément à ce que nous avons dit dès l'origine, nous sommes vraiment hostiles aux CEF.

Monsieur le ministre, vous nous avez affirmé que le nombre de mineurs en prison avait diminué. C'est vrai, il a baissé, semble-t-il, de 21 % entre juillet 2002 et juillet 2006, et il y avait, d'après vos services, 711 mineurs incarcérés en juillet 2006. Mais, dans le même temps, 642 jeunes sont passés dans les CEF. Autrement dit, le nombre de mineurs soumis à l'enfermement a augmenté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 66, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

A la fin de cet article, remplacer les mots :

placement extérieur

par les mots :

placement à l'extérieur

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 238.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

L'amendement n° 66 est rédactionnel.

La commission est défavorable à l'amendement n° 238. J'avoue d'ailleurs être très surpris. J'ai eu l'occasion, moi aussi, de rencontrer des éducateurs de la PJJ. Mais nous ne voyons apparemment pas les mêmes ! J'ai même eu avec eux un débat télévisé sur le thème des centres éducatifs fermés. Je dois à la vérité de dire que l'opinion exprimée par eux était beaucoup moins tranchée, beaucoup plus nuancée que celle, très manichéenne, qu'a rapportée Mme Borvo.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous sommes idiots, de mauvaise foi et, maintenant, manichéens !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je me permets de rappeler que, dans un rapport qui n'était pas particulièrement indulgent pour le système pénitentiaire de notre pays, M. Gil-Robles, alors commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, avait relevé le caractère particulièrement intéressant et utile des centres éducatifs fermés.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pour remplacer la prison ! Ici, ils s'y ajoutent ! C'est autre chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

En l'espèce que propose le projet de loi, si ce n'est le remplacement de la prison par le CEF ?

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Voilà !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Il s'agit de faire en sorte que des mineurs qui auraient dû être incarcérés soient placés en centre éducatif fermé où ils peuvent continuer l'action éducative qui a été amorcée.

Je pense qu'en voulant supprimer cet article vous retirez une chance à ces mineurs d'une continuité éducative, et vous les envoyez directement en prison.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je vais tenter de m'expliquer. Ma propre patience fait mon admiration : c'est déjà magnifique !

Sourires

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Madame Borvo, actuellement, un mineur peut aller en CEF dans trois cas : sursis avec mise à l'épreuve, contrôle judiciaire, libération conditionnelle.

L'article 41 prévoit précisément que, par souci de continuité éducative, les mineurs seront placés en CEF au lieu d'être mis en prison. Or, je le rappelle pour la énième fois, les CEF sont exactement le contraire des prisons : ce sont des lieux de pédagogie à haute dose.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Les jeunes, loin d'y être « laissés tranquilles », passent d'une activité ludique à une activité professionnelle, d'un suivi par un psychologue ou par un psychiatre à un tête-à-tête avec un éducateur qui les aident à bâtir un projet de vie. Hors les huit ou neuf heures par nuit pendant lesquelles ils dorment, tout leur temps est consacré à faire sortir le meilleur d'eux-mêmes.

Dès lors, considérer les CEF comme des prisons n'est rien de moins que choquant !

D'ailleurs, comme le faisait observer le rapporteur, même M. Gil-Robles, qui a « épinglé » les prisons françaises - à tort, d'ailleurs, car il n'a pas pris en considération les effets des décisions de la nouvelle majorité au Parlement en matière de détention, en particulier la construction de 13 000 places et la rénovation de 5 000 autres -, a dit des CEF qu'ils étaient une idée originale et remarquable.

Faites-nous donc l'honneur, madame Borvo, de ne pas les confondre avec des prisons !

Cependant, si vous souhaitez que les jeunes restent en prison au lieu d'aller dans ces centres éminemment éducatifs, votez donc votre amendement !

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 41 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

CHAPITRE VIII

DISPOSITIONS ORGANISANT LA SANCTION - RÉPARATION ET LE TRAVAIL D'INTÉRÊT GÉNÉRAL

I. - Dans la première phrase de l'article 131-8 du code pénal, les mots : « personne morale de droit public ou d'une association habilitée », sont remplacés par les mots : « soit d'une personne morale de droit public, soit d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées ».

II. - Au septième alinéa de l'article 41-2 du code de procédure pénale, après le mot : « collectivité », sont insérés les mots : « , notamment au sein d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées, ».

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je souhaite, monsieur le ministre, attirer votre attention sur le fondement des nouvelles dispositions de cet article, à savoir l'inadéquation entre les offres et les demandes en matière de travaux d'intérêt général, travaux qui étaient jusqu'à présent effectués au profit des personnes morales de droit public ou des associations habilitées à les mettre en oeuvre.

S'il peut apparaître souhaitable et même équitable d'élargir cette possibilité aux personnes morales de droit privé dès lors qu'elles seraient chargées d'une mission de service public, je crains néanmoins que l'analyse du terrain n'ait méconnu quelques réalités.

Il convient en premier lieu de souligner la vraie capacité des communes rurales à accueillir des jeunes astreints à effectuer un travail d'intérêt général en leur apportant un encadrement porteur et un suivi personnalisé, ces jeunes étant épaulés à la fois par un adjoint et par un employé.

À cela s'ajoute le fait que les intéressés, issus la plupart du temps de milieux urbains, se trouvent de fait délocalisés vers des communes rurales, donc placés dans un environnement différent, voire inconnu, de nature à créer une « rupture » salutaire et pour le moins intéressante.

Il va sans dire, enfin, que la plupart de ces communes, qui disposent souvent de peu de moyens financiers, sont plutôt favorables à un tel dispositif.

Le vrai problème qui se pose, et qui expliquerait que les offres faites par les communes rurales soient acceptées en trop petit nombre, réside dans les transports, les intéressés ne disposant pas des moyens de locomotion nécessaires pour se rendre dans ces communes.

Face à ce problème, deux solutions pourraient être envisagées : soit responsabiliser les parents en leur demandant de conduire les jeunes sur le lieu, ce qui peut apparaître comme une gageure dans certains contextes ; soit permettre un financement du coût engendré par un tel transport.

M. le rapporteur ayant lui-même déposé un amendement tendant à insérer, après l'article 2, un article additionnel qui vise à créer un fonds pour la prévention de la délinquance destiné à financer la réalisation d'actions dans le cadre des instances territoriales de prévention de la délinquance, rien ne s'opposerait au financement de ce coût par ce fonds. On éviterait ainsi de pénaliser les communes rurales et, réciproquement, ceux qui pourraient utilement trouver à se reconstruire au sein d'un milieu adapté.

J'espère, monsieur le ministre, vous avoir sensibilisé à une difficulté à laquelle il est sans doute possible de remédier.

L'article 42 est adopté.

I. - Après le huitième alinéa de l'article 131-3 du code pénal, il est ajouté un 8° ainsi rédigé :

«  La sanction-réparation. »

II. - Après l'article 131-8 du même code, il est inséré un article 131-8-1 ainsi rédigé :

« Art. 131-8-1. - Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prononcer, à la place ou en même temps que la peine d'emprisonnement, la peine de sanction-réparation.

« La sanction-réparation consiste dans l'obligation pour le condamné de procéder dans le délai et selon les modalités fixés par la juridiction, à l'indemnisation du préjudice de la victime.

« Avec l'accord de la victime et du prévenu, cette réparation peut être exécutée en nature.

« L'exécution de la réparation est constatée par le procureur de la République ou son délégué.

« Lorsqu'elle prononce la peine de sanction-réparation, la juridiction fixe la durée maximum de l'emprisonnement, qui ne peut excéder six mois, ou le montant maximum de l'amende, qui ne peut excéder 15 000 €, dont le juge de l'application des peines pourra ordonner la mise à exécution en tout ou partie, dans les conditions prévues par l'article 712-6 du code de procédure pénale, si le condamné ne respecte pas l'obligation de réparation. Le président de la juridiction en avertit le condamné après le prononcé de la décision. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 239, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L'article 43 crée une nouvelle peine correctionnelle, la « sanction-réparation ».

Cette disposition viendrait « combler une évidente lacune de notre droit pénal et de notre procédure pénale », peut-on lire dans l'exposé des motifs du projet de loi.

Le code pénal prévoit sept peines correctionnelles : l'emprisonnement, l'amende, le jour-amende, le stage de citoyenneté, le travail d'intérêt général, les peines privatives ou restrictives de droits prévues à l'article 131-6 et les peines complémentaires prévues à l'article 131-10.

À quel besoin répond la création d'une huitième peine ? L'objectif serait d'assurer la réparation du dommage, mais l'objectif d'une peine est, justement, d'assurer cette réparation, en plus de sanctionner l'auteur du dommage.

Laissez-moi vous lire la définition que donne du mot« peine » le Petit Robert : « Sanction appliquée à titre de punition ou de réparation pour une action jugée répréhensible. »

Avec sept peines correctionnelles et plus de 12 000 infractions recensées dans le code pénal, comment affirmer aujourd'hui que notre droit pénal et notre procédure pénale comportent encore des lacunes ?

Néanmoins, l'article 43 se situe dans une logique qui n'est pas neutre, celle qui est largement défendue par le ministre de l'intérieur : faire de la victime l'élément central du procès pénal.

Le procès pénal s'articule autour de deux entités : la société, dont l'ordre a été troublé et qui est incarnée par le ministère public, et l'auteur présumé de l'infraction. Les victimes ne sont nullement écartées du procès, contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire, puisqu'elles peuvent se constituer partie civile.

Loin de nous, donc, l'idée d'écarter la réparation du dommage causé à la victime ; tel n'est pas mon propos en l'espèce. En revanche, je crois nécessaire de dénoncer l'utilisation qui est faite, de manière abusive, de la souffrance des victimes, prétexte à toutes les aggravations de peine que nous constatons depuis quatre ans.

La création de cette nouvelle peine correctionnelle est donc purement une mesure d'affichage, destinée à faire croire que le sort des victimes sera enfin pris en compte. C'est faire preuve de défiance vis-à-vis de l'autorité judiciaire, qui se soucie des victimes bien plus que vous ne le donnez à croire.

En revanche, force est de constater que, faute de moyens, la justice rencontre des difficultés pour faire appliquer les peines prononcées. L'exposé des motifs lui-même évoque des difficultés d'ordre juridique ou technique, mais également des difficultés liées à l'insuffisance de postes offerts afin de pouvoir mettre en oeuvre de manière satisfaisante le travail d'intérêt général.

Ne nous trompons donc pas d'objectif : il serait certainement plus utile de donner à la justice les moyens de faire appliquer les peines prononcées plutôt que d'en créer de nouvelles. Tel est le sens de notre amendement de suppression de l'article 43.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 289, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 131-8-1 du code pénal, remplacer les mots :

ou en même temps que

par le mot :

de

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Cet amendement vise à éviter que la sanction-réparation ne se cumule avec la peine d'emprisonnement. Il ne nous paraît en effet pas très convenable que cette nouvelle peine ne soit pas considérée comme une peine alternative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

L'extension de la réparation du droit des mineurs au droit des majeurs nous paraît une bonne chose, de même que l'attention portée à la victime. L'obligation pour le condamné de procéder à l'indemnisation de la victime revêt à la fois un caractère de sanction et un caractère pédagogique.

Lorsque la réparation sera effectuée en nature - par exemple, la reconstruction de ce qui a été démoli -, ce caractère pédagogique sera encore plus évident et les liens qui pourront se tisser entre la victime et le délinquant, permettant à celui-ci de constater l'importance du traumatisme qu'il a causé, seront peut-être un élément déterminant pour éviter la récidive.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Avant d'en venir aux amendements à l'article 43, je souhaite répondre à Mme Troendle, qui a défendu, avec talent et conviction, le développement des travaux d'intérêt général en milieu rural.

Mme Troendle a pleinement raison, et je suis convaincu que l'extension des TIG que l'on permet aujourd'hui en les faisant sortir du seul domaine public pour leur ouvrir le domaine privé d'intérêt général, par exemple les HLM, peut incontestablement concerner le milieu rural.

Cette extension permettra sans doute aux TIG de quitter le périmètre de la mairie, périmètre qui, en milieu rural se réduit, en général au cantonnier, à qui on a souvent, avec plus ou moins de succès, tenté d'adjoindre un « TIG ».

On voit à quelles nouvelles utilisations l'extension des TIG aux associations, par exemple aux associations chargées de gérer les jardins des HLM de la commune, pourra donner lieu, ce qui permettra peut-être d'offrir à ces jeunes sous main de justice la chance de trouver un travail.

J'en profite d'ailleurs pour donner des nouvelles du parrainage des jeunes sous main de justice que j'ai lancé : cette opération a relativement bien marché, particulièrement chez les chefs cuisiniers.

J'avais pris comme parrain un grand chef français, Pierre Gagnaire, qui a écrit à tous les chefs étoilés de France. Il est étonnant de constater à quel point ces derniers ont joué le jeu en prenant en stage des jeunes sous main de justice recommandés par la protection judiciaire de la jeunesse, qui s'est bien sûr attachée à choisir les personnes qui convenaient le mieux à des restaurants gastronomiques. Le succès de l'opération est notamment attesté par le fait que, aujourd'hui, nombre de ces jeunes sont non plus en stage mais en apprentissage : autrement dit, ils sont sauvés ! Demain, vous verrez, certains de ces jeunes qui étaient hier sous main de justice seront eux-mêmes devenus des chefs étoilés installés chez eux, et c'est extraordinaire.

Je crois beaucoup à l'insertion par ce biais, mais encore faut-il que la société s'y prête, et vous avez raison, madame Troendle, de mettre l'accent sur la capacité que peut avoir celle-ci, à travers les TIG, à assimiler et à transformer ces jeunes qui, en fait, veulent avoir un but dans la vie et réussir.

J'en viens à cet article 43 qui institue la peine de sanction-réparation, ce qui m'amène, monsieur Carle, à me tourner vers vous : c'est un article que vous appelez de vos voeux.

Il est clair que toute victime souhaite être remboursée, et tel est l'objet de cet article dont on ne peut, je crois, que se féliciter. Une de vos collègues, membre du parti communiste, récemment victime d'un acte de vandalisme - on lui a brisé sa vitre et elle a été volée -, a d'ailleurs demandé, par le truchement de son avocat, non pas une peine, je le reconnais, mais le remboursement.

En outre, cet article permet au juge des enfants, lorsqu'il y a réparation, de ne pas prononcer de sanction. Que peut-on rêver de mieux ? Les auteurs des amendements - y compris, curieusement, les auteurs de l'amendement de suppression ! - auront retrouvé là l'esprit qu'ils défendent, à savoir l'éducation plutôt que la sanction, et j'espère les avoir maintenant convaincus, afin que le Sénat vote à l'unanimité ce bel article instituant la peine de sanction-réparation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été dit par Mme Troendle. Toute extension du travail d'intérêt général est bienvenue et, notamment en milieu rural, il faut trouver les moyens de le développer.

Après tout, je suis - et cela souligne mon grand âge - le père du travail d'intérêt général, que j'ai fait introduire dans le code pénal en 1983, avec, je tiens à le rappeler, une coopération très constructive de M. Philippe Séguin.

Cela étant dit, monsieur le garde des sceaux, je souhaite vous interroger à propos d'un point qui a été à la source de certains problèmes dans l'application du travail d'intérêt général.

Dans cet article 43 instituant la sanction-réparation, on peut lire qu'« avec l'accord de la victime et du prévenu, cette réparation peut être exécutée en nature ». Clairement, cela signifie que l'auteur du dommage va être amené à le réparer.

Toutefois, il convient de faire attention, car la question s'est posée, notamment aux maires, et ce de façon très complexe, en matière de travail d'intérêt général.

Ainsi, s'il arrive un accident à celui qui est en train d'effectuer cette réparation, qui va devoir porter le fardeau de l'indemnisation ou de la garantie, voire de l'accident du travail ? Il est très difficile de répondre à cette question. En effet, puisqu'il s'agit d'une sanction, cette responsabilité reviendra-t-elle à l'administration judiciaire, ou - nous nous devons d'évoquer ce cas - à la personne qui donne des instructions en matière de travail et qui pourrait être la victime ou son préposé ?

Il s'agit donc là d'une question complexe et je souhaiterais, monsieur le garde des sceaux, que vous puissiez nous apporter des éclaircissements sur ce point. Je le répète, pour ma part, je ne vois que des avantages au système de la sanction-réparation. Mais vous pouvez mesurer vous-même la complexité du réel et les problèmes que cela peut susciter. Éclairez-nous donc à cet égard !

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Je vais tenter de répondre à M. Badinter, qui soulève une vraie question. Un élu local le sait, on ne peut employer une personne telle que celle qu'il a mentionnée, même de façon bénévole. Cela n'est donc pas possible. Vous avez raison d'insister sur ce point, monsieur Badinter, et de prévenir les élus à travers votre intervention.

Le système ne peut fonctionner, j'en veux pour preuve ma propre expérience, qu'à travers une association, qui, elle-même, aura pris la précaution d'être assurée pour son personnel, et non pas directement, c'est bien évident.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 43 est adopté.

I. - Au 2° de l'article 41- 1 du code de procédure pénale, après les mots : « d'un stage de citoyenneté », sont insérés les mots : « d'un stage de responsabilité parentale ou d'un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants ».

II. - Le code pénal est ainsi modifié :

1° Après le dernier alinéa de l'article 131- 16, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

«  L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1 du code pénal. » ;

2° L'article 131- 35- 1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après les mots : « sécurité routière », sont insérés les mots : « ou un stage de responsabilité parentale » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « du stage » sont remplacés par les mots : « de ces stages » ;

3° L'article 222- 45 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1. » ;

4° Après le 4° de l'article 223- 18, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 4° ter L'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1. » ;

5° L'article 224- 9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

«  S'il s'agit des crimes visés à la section I du présent chapitre, l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1. » ;

6° L'article 225- 20 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

«  L'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1. » ;

7° L'article 227- 29 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

«  L'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1. » ;

8° L'article 321- 9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 10° L'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1. »

III. - Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa de l'article L. 3353- 4 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les personnes coupables des infractions prévues à l'alinéa précédent encourent également les peines complémentaires de :

« 1° Retrait de l'autorité parentale ;

« 2° Obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1 du code pénal. » ;

2° L'article L. 3355- 3 est ainsi modifié :

Après les mots : « cinq ans au plus », sont ajoutés les mots : « ainsi que l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1 du code pénal » ;

3° Le deuxième alinéa de l'article L 3819- 11 est complété par les mots : « et l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1 du code pénal. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 240, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen- Seat, Mathon- Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous abordons l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale. Ce dispositif confond manifestement le registre de l'éducatif et celui du répressif.

Soit le parent commet une infraction, cas prévu par cet article 44 - atteinte volontaire à l'intégrité de la personne, agression sexuelle ou trafic de stupéfiants -, il relève alors du droit pénal et doit être condamné à une amende ou une peine de prison, le code pénal disposant d'ailleurs qu'il peut déjà, à titre de peine complémentaire, être orienté vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, voire être obligé d'accomplir un stage dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel. Soit le parent est dépassé par le comportement de son enfant et il doit alors relever de l'assistance éducative.

Mais le condamner à un stage de responsabilité parentale, de surcroît à ses frais, dans le cas où il aurait commis une infraction nous paraît incohérent et contre-productif et, je le répète, semble confondre deux champs d'action opposés.

En effet, la parentalité ne se construit pas du seul fait d'une transmission d'informations, encore moins à travers le conditionnement, la contrainte ou le suivi individualisé pendant un temps limité.

Ce stage s'apparente ainsi à des injonctions schématiques et moralisatrices, qui transformeraient, en quelques cours, de « mauvais parents » en « bons parents » ! La parentalité, beaucoup le savent ici, n'est pas un métier, terme auquel renvoie implicitement celui de stage, ou un ensemble de compétences rationnellement acquises.

Telles sont les raisons qui nous conduisent à rejeter fermement le dispositif proposé dans l'article 44.

L'amendement n° 67, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit le 2° du II de cet article :

2° Le premier alinéa de l'article 131- 35- 1 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu'elle est encourue à titre de peine complémentaire, l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants ou un stage de responsabilité parentale est exécutée dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la condamnation est définitive.

« La juridiction précise si le stage est exécuté aux frais du condamné. Le stage de sensibilisation à la sécurité routière est toujours exécuté aux frais du condamné. »

II. - Avant le 1° du III de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° L'article L 3353- 3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes coupables des infractions prévues à cet article encourent également la peine complémentaire d'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1 du code pénal. »

III. - Supprimer le 2° du III de cet article.

IV. - Rédiger comme suit le 3° du III de cet article :

3° Après les mots :

« alinéa précédent »,

la fin du second alinéa de l'article L. 3819- 11 est ainsi rédigée :

« encourent également les peines complémentaires de retrait de l'autorité parentale et l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1 du code pénal. »

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 240.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

L'amendement n° 67 tend à réintroduire la mention du stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, par coordination avec la suppression opérée à l'article 33 du projet de loi, tout en laissant à la juridiction le soin de préciser si le stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de stupéfiants ou le stage de responsabilité parentale doit être effectué aux frais de l'intéressé. Sur ce point, Mme Assassi a donc en partie satisfaction.

Cet amendement a également pour objet de prévoir l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale en cas de vente ou d'offre de boissons alcoolisées à des mineurs de moins de seize ans, tout en supprimant cette peine pour les autres infractions à la réglementation sur les débits de boissons sans rapport avec les mineurs.

Enfin, cet amendement a pour but de viser le retrait, et non la déchéance, de l'autorité parentale s'agissant de Mayotte, par coordination avec le droit commun.

Quant à l'amendement n° 240, la commission émet un avis défavorable, car il est incompatible avec celui que je viens de présenté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Le groupe CRC arrive encore à me surprendre. (Murmures sur les travées du groupe CRC.) J'avoue, en effet, être impressionné !

Je tiens à indiquer au Sénat qu'il s'agit ici de prévoir des stages de responsabilité parentale pour les parents dont les enfants commettraient un certain nombre de délits, je pense notamment à des atteintes aux biens - ce sont souvent des cas difficiles.

Cette peine serait encourue, par exemple, pour les infractions de violence, de mise en danger délibérée, de séquestration ou d'exploitation de la mendicité, lorsqu'elles seront commises sur un mineur par ses parents, ainsi que pour tous les délits d'atteinte au mineur et à sa famille, tel l'abandon de famille, etc.

Par conséquent, le juge choisira entre cette peine de stage de responsabilité parentale - dont certains peuvent considérer qu'il reste très abstrait -, une peine de prison et l'amende.

Ceux qui se prononcent pour la suppression de cet article préfèrent la prison ou l'amende alors que ceux qui en souhaitent le maintien considèrent qu'une peine de stage de responsabilité parentale est préférable.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Non, madame Assassi, c'est la vérité ! Et c'est pourquoi je disais que vous arrivez encore à me surprendre.

Concernant l'amendement n° 67, le Gouvernement émet un avis favorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 44 est adopté.

Au deuxième alinéa de l'article 375- 2 du code civil, après les mots : « ordinaire ou spécialisé », sont ajoutés les mots : « le cas échéant, sous régime de l'internat ». -

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 307, présenté par MM. Goujon et Carle, est ainsi libellé :

Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 727 du code de procédure pénale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. ... - Aux fins d'assurer la sûreté publique, la prévention des infractions pénales, la sécurité et le bon ordre des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé habilités à recevoir des détenus, les communications téléphoniques que les personnes détenues ont été autorisées à passer peuvent, à l'exception de celles avec leur avocat, être écoutées, enregistrées et interrompues par l'administration pénitentiaire sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent, dans des conditions et selon les modalités qui sont précisées par décret.

« Les détenus ainsi que leurs correspondants sont informés du fait que les conversations téléphoniques peuvent être écoutées, enregistrées et interrompues.

« Les enregistrements qui ne sont suivis d'aucune transmission à l'autorité judiciaire en application de l'article 40 ne peuvent être conservés au delà d'un délai de trois mois. »

La parole est à M. Jean-Claude Carle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Par cet amendement, mon collègue Philippe Goujon et moi-même souhaitons résoudre un problème dont nous avons été saisis à de nombreuses reprises.

En effet, la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par voie de télécommunication ne règle pas le cas des correspondances téléphoniques émises par les personnes incarcérées.

Or, dans la mesure où les détenus peuvent être autorisés à téléphoner à des correspondants extérieurs, il est, me semble-t-il, indispensable que l'administration puisse, pour des motifs de bon ordre et de sécurité des établissements pénitentiaires ainsi que de prévention des infractions pénales, contrôler ces communications, à l'exception, bien sûr, de celles qui sont adressées aux avocats.

L'écoute et l'enregistrement de ces conversations doivent reposer sur un fondement législatif approprié, qui, aux termes de la jurisprudence européenne, doit être suffisamment clair et accessible.

Enfin, l'enregistrement, qui rend effectif le contrôle des échanges téléphoniques, permet de s'assurer du contenu de certaines conversations, notamment de celles qui ont lieu en langue étrangère. Il permet, en outre, de constituer des éléments de preuve, dans le cadre de la procédure prévue par l'article 40, alinéa 2, du code de procédure pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Le dispositif qui nous est ici proposé apparaît utile et présente toutes les garanties indispensables, à savoir l'interdiction de l'écoute des communications entre le détenu et son avocat, l'information du détenu sur le fait que ses communications peuvent être écoutées, ainsi que la limitation à trois mois de la durée de conservation des enregistrements.

La commission est donc favorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

M. Carle disait tout à l'heure qu'il avait une chance inégale avec ses amendements. Eh bien, cette fois, il a tiré le bon numéro ! Le Gouvernement émet un avis très favorable.

En effet, cet amendement, qui est excellent, renforce utilement la sécurité juridique du contrôle des conversations téléphoniques des détenus, tout en prévoyant la protection des conversations entre un détenu et son avocat.

En d'autres termes, cet amendement est particulièrement équilibré, bienvenu et il améliore la sécurité juridique des écoutes téléphoniques dans les centres de détention.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 45.

I. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L'article L. 2213- 18 est complété par les dispositions suivantes :

« Ils constatent également les contraventions mentionnées au livre VI deuxième partie du code pénal, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, dès lors qu'elles ne nécessitent pas de leur part d'actes d'enquête et à l'exclusion de celles réprimant des atteintes à l'intégrité des personnes. » ;

2° L'article L. 2213- 19 est complété par les dispositions suivantes :

« Pour l'exercice des attributions fixées au dernier alinéa de l'article L. 2213- 18 du code général des collectivités territoriales, les gardes champêtres agissent en application des dispositions du 3° de l'article 21 du code de procédure pénale. » ;

3° L'article L. 2512- 16 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après les mots : « pris en application de l'article L. 2512- 13 », sont insérés les mots : « ainsi que celles relatives aux permis de stationnement sur la voie publique » ;

b) Au troisième alinéa, les mots : « aux arrêtés du maire de Paris relatifs à la police de la conservation dans les dépendances domaniales incorporées au domaine public de la commune de Paris » sont remplacés par les mots : « ayant commis les infractions visées aux deux alinéas précédents. »

II. - La loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer est ainsi modifiée :

1° L'article 21 est ainsi rédigé :

« Art. 21. - Est puni d'une peine de six mois d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 € le fait pour toute personne :

« 1° De modifier ou déplacer sans autorisation et de dégrader ou de déranger la voie ferrée, les talus, clôtures, barrières, bâtiments et ouvrages d'art, les installations de production, de transport et de distribution d'énergie ainsi que les appareils et le matériel de toute nature servant à l'exploitation ;

« 2° De jeter ou déposer un matériau ou un objet quelconque sur les lignes de transport ou de distribution d'énergie ;

« 3° D'empêcher le fonctionnement des signaux ou appareils quelconques et de manoeuvrer sans en avoir mission ceux qui ne sont pas à la disposition du public ;

« 4° De troubler ou entraver, par des signaux faits en dehors du service ou de toute autre façon, la mise en marche ou la circulation des trains ;

« 5° De pénétrer, circuler ou stationner sans autorisation régulière dans les parties de la voie ferrée ou de ses dépendances qui ne sont pas affectées à la circulation publique, d'y introduire des animaux ou d'y laisser introduire ceux dont elle est responsable, d'y faire circuler ou stationner un véhicule étranger au service, d'y jeter ou déposer des matériaux ou objets quelconques, d'entrer dans l'enceinte du chemin de fer ou d'en sortir par d'autres issues que celles affectées à cet usage ;

« 6° De laisser stationner sur les parties d'une voie publique suivie ou traversée à niveau par une voie ferrée, des voitures ou des animaux, d'y jeter ou déposer des matériaux ou objets quelconques, de faire suivre les rails de la voie ferrée par des véhicules étrangers au service ;

« 7° De laisser subsister, après une mise en demeure de les supprimer faite par le représentant de l'État, toutes installations lumineuses, et notamment toute publicité lumineuse au moyen d'affiches, enseignes ou panneaux lumineux ou réfléchissants, lorsqu'elles sont de nature à créer un danger pour la circulation des convois en raison de la gêne qu'elles apportent pour l'observation des signaux par les agents du chemin de fer. » ;

2° L'article 23 est ainsi modifié :

a) En tête du texte actuel, il est inséré le numéro « I » ;

b) Au premier alinéa du I, les mots : « l'article 529- 4 du code de procédure pénale » sont remplacés par les mots : « le II du présent article » ;

c) Il est ajouté un paragraphe II ainsi rédigé :

« II. - Outre les pouvoirs qu'ils tiennent de l'article 529- 4 du code de procédure pénale, les agents mentionnés au I sont habilités à relever l'identité des auteurs d'infractions mentionnées à ce I pour l'établissement des procès-verbaux y afférents.

« Si le contrevenant refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, les agents de l'exploitant en avisent sans délai et par tout moyen tout officier de police judiciaire territorialement compétent. Sur l'ordre de ce dernier, les agents de l'exploitant peuvent être autorisés à retenir l'auteur de l'infraction le temps strictement nécessaire à l'arrivée de l'officier de police judiciaire ou, le cas échéant, à le conduire sur le champ devant lui.

« Lorsque l'officier de police judiciaire décide de procéder à une vérification d'identité, dans les conditions prévues à l'article 78- 3 du code de procédure pénale, le délai prévu au troisième alinéa de cet article court à compter du relevé d'identité. » ;

3° L'article 23- 2 est ainsi modifié :

a) La dernière phrase du premier alinéa est supprimée ;

b) Après le premier alinéa, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :

« En cas de refus d'obtempérer, les agents spécialement désignés par l'exploitant peuvent contraindre l'intéressé à descendre du véhicule et, en tant que de besoin, requérir l'assistance de la force publique.

« Ils informent de cette mesure, sans délai et par tout moyen, un officier de police judiciaire territorialement compétent. »

III. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après le septième alinéa de l'article 21, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les gardes champêtres, lorsqu'ils agissent pour l'exercice des attributions fixées au II de l'article L. 2213- 18 du code général des collectivités territoriales ; »

2° Le septième alinéa de l'article 44- 1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ces dispositions s'appliquent également aux contraventions de même nature que les gardes champêtres sont habilités à constater par procès-verbal conformément aux dispositions de l'article L. 2213- 18 du code général des collectivités territoriales. » ;

3° Au premier alinéa du II de l'article 529- 4, les mots : « et uniquement lorsqu'ils procèdent au contrôle de l'existence et de la validité des titres de transport des voyageurs » sont supprimés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 233, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen- Seat, Mathon- Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Fischer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je ne m'attarderai pas plus que nécessaire sur l'extension des prérogatives accordées aux gardes champêtres en matière de police judiciaire.

Nous sommes très sceptiques quant à toute extension des pouvoirs de police à des agents de police municipale ou aux gardes champêtres.

En effet, cela risquerait d'accroître la confusion dans l'esprit de nos concitoyens, qui ne peuvent déjà quasiment plus faire la différence entre policiers municipaux et policiers nationaux.

Désormais, des contraventions pourraient donc être constatées par la police nationale, la police municipale et les gardes champêtres.

Cette extension des pouvoirs de police à des personnes n'appartenant pas à la police nationale est, à nos yeux, difficilement acceptable dans un État de droit.

Par ailleurs, le paragraphe II, qui traite de l'adaptation de la législation relative à la police des chemins de fer, cache en fait des dispositions particulièrement dangereuses, qui concernent notamment les actions syndicales.

Ainsi, toute personne qui dégrade la voie ferrée, y jette ou y dépose un matériau ou un objet, entrave la circulation des trains, circule ou stationne sur la voie ferrée, encourt une peine de six mois d'emprisonnement et une amende de 3 750 euros.

Cet article crée donc un délit d'occupation des infrastructures de transport, clairement destiné à réprimer les actions syndicales qui se déroulent sur les voies ferrées ; je pense en particulier à ce qui s'est passé lors de la crise du CPE.

Ce n'est pas la première fois que le Gouvernement tente, par un moyen plus ou moins détourné, de s'attaquer à la liberté syndicale et à la liberté de manifester.

Je prendrai l'exemple de la loi Perben II. Aux termes de celle-ci, est inscrite sur la liste des crimes et infractions retenus par l'article 706- 73 du code de procédure pénale la destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée, incrimination susceptible d'être retenue pour certaines actions syndicales.

Il s'agit là ni plus ni moins que de ce que nous appelons la criminalisation de l'action syndicale, voire de l'action des élus eux-mêmes. En effet, nous avons pu constater, lorsque nous nous opposons à des expulsions dans des quartiers très populaires tels que les Minguettes, que des dépôts de plaintes visent notamment les élus concernés.

Dans ces conditions, le paragraphe II de l'article 46 porte une nouvelle atteinte à la liberté syndicale et à la liberté de manifester.

Enfin, ce même paragraphe II prévoit qu'en cas de refus d'obtempérer à l'injonction de descendre du véhicule de transport de voyageurs, les agents spécialement désignés par l'exploitant pourraient contraindre l'intéressé à descendre du véhicule et, en tant que de besoin, requérir l'assistance de la force publique.

Cette disposition rejoint celle qui figure dans le paragraphe I, puisque, selon nous, elle donne des pouvoirs exorbitants, en matière de contrainte physique exercée sur un individu, à des personnels qui, théoriquement, ne disposent pas de pouvoirs de police.

Dès lors, l'ensemble des dispositions de l'article 46 semblent totalement disproportionnées et créent une ramification inquiétante de personnes disposant de pouvoirs de police, alors qu'elles n'ont aucune légitimité à cet égard.

Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 313, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus- Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud- Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le I, le 2° et le 3° du II et le III de cet article.

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Nous proposons de ne conserver de l'article 46 que le 1° du paragraphe II qui tend à réécrire l'article 21 de la loi du 15 juillet 1845, ce qui prouve, soit dit en passant, que des textes antérieurs à la fameuse ordonnance de 1945 sont encore appliqués.

Il convient d'assurer la sécurité physique des passagers, ce qui suppose également de préserver les matériels. À cet égard, il ne nous a pas semblé choquant de sanctionner plus sévèrement toute action qui porte atteinte aux dispositions concernant l'intégrité des voies ferrées, de leurs accessoires et dépendances, donc de tout ce qui peut freiner, gêner ou rendre dangereuse la circulation des trains.

En revanche, les autres dispositions ne nous ont pas paru pertinentes.

S'agissant en particulier des mesures relatives à la police des chemins de fer, il est proposé de donner un pouvoir de contrainte aux agents spécialement habilités par l'exploitant pour expulser une personne du train sans nécessairement requérir l'assistance de la force publique.

Il nous semble qu'il y a là un risque de dérives qui peuvent se révéler dangereuses. Je rappelle qu'une structure, la SUGE, la surveillance générale de la SNCF, intervient déjà dans ce domaine, pour le compte de la SNCF, et qu'il est arrivé à la commission nationale de déontologie de la sécurité d'être saisie de manquements à ladite déontologie de la part de ses agents. Par conséquent, il convient d'être extrêmement prudent en la matière.

Enfin, il ne nous semble pas souhaitable d'étendre les pouvoirs des gardes champêtres, disposition qui s'inscrit d'ailleurs dans la logique de l'extension des pouvoirs des maires. Nous ne voulons pas non plus que les gardes champêtres acquièrent la qualité d'agents de police judiciaire adjoints.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 68, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le 1° du I de cet article pour compléter l'article L. 2213-18 du code général des collectivités territoriales, supprimer les mots :

deuxième partie

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 73, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans cet article, remplacer (trois fois) les mots :

gardes champêtres

par les mots :

agents de police rurale

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 72 qui vise à substituer à l'appellation de « gardes champêtres » celle d'« agents de police rurale ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 69, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Au début du deuxième alinéa (b) du 3° du I de cet article, remplacer les mots :

Au troisième alinéa

par les mots :

Au deuxième alinéa

et les mots :

visées aux deux alinéas précédents

par les mots :

visées au premier alinéa

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 70, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa () du texte proposé par le 1° du II de cet article pour l'article 21 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, remplacer les mots :

et de manoeuvrer

par les mots :

ou de manoeuvrer

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Il s'agit d'un amendement de cohérence, mais qui a son utilité.

En effet, l'article 46 du projet de loi tend à sanctionner les personnes qui gêneraient le fonctionnement des signaux ou des appareils de toute nature de la SNCF.

Dans la rédaction actuelle de l'article, seraient punis ceux qui « empêcheraient ce fonctionnement et manoeuvreraient sans en avoir mission les matériels qui ne sont pas à la disposition du public ». Nous souhaitons substituer ici un « ou » au « et », car il me semble que l'une et l'autre de ces attitudes sont éminemment regrettables.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 169, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Supprimer les 2° et 3° du II de cet article.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 71, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa du III de cet article, remplacer la référence :

au II

par les mots :

au dernier alinéa

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 72, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

IV - Dans tous les textes législatifs, les mots : « gardes champêtres » sont remplacés par les mots : « agents de police rurale »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement a pour objet de transformer les gardes champêtres en agents de police rurale.

Ce changement de nom paraît opportun au regard des compétences sans cesse accrues des gardes champêtres. Cette dénomination historique semble aujourd'hui quelque peu désuète et laisse perdurer une image dépassée de ces agents, dont les missions et les pouvoirs les rapprochent de plus en plus des policiers municipaux.

Toutefois, - je dois à la vérité de l'indiquer - depuis que cet amendement a été connu, les différentes fédérations de gardes champêtres ont réagi, pour ainsi dire, en ordre très dispersé.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Quel est l'avis de la commission sur les amendements de suppression n° 233 et 313 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements. Il me semble tout à fait opportun de reconnaître à la police des chemins de fer des pouvoirs plus importants.

S'agissant de l'amendement n° 313, je signale à nos collègues communistes que l'association des maires ruraux, dont nous avons reçus les représentants, était très favorable à ce que les gardes champêtres voient leurs pouvoirs progressivement alignés sur ceux des policiers municipaux et acquièrent, notamment, le statut d'agents de police judiciaire adjoints.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

L'article 46 du projet de loi tend à accroître les pouvoirs des gardes champêtres et des agents de la police des chemins de fer.

Les gardes champêtres auront essentiellement le pouvoir de constater des incivilités. Quant aux agents de la SNCF et de la RATP, ils pourront sanctionner toute personne troublant la sécurité et la tranquillité, contraindre un voyageur à descendre d'un train et relever son identité.

Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, votre commission des lois souhaite changer le nom des gardes champêtres. C'est chez elle un véritable réflexe

Sourires

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

En effet, d'une part, je crois qu'il ne faut pas modifier cette dénomination sans avoir demandé leur avis aux intéressés et, d'autre part, je m'interroge sur la nécessité d'établir un tel parallèle entre les gardes champêtres et la police.

Monsieur le rapporteur, n'est-ce pas trop marquer ce parallèle que d'employer, comme vous le proposez, l'expression « police rurale » ? Plutôt que de donner spontanément son accord, le Gouvernement préférerait réunir un groupe de travail sur l'évolution des missions de ces agents.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements n° 233 et71.

Enfin, il demande le retrait des amendements n° 72 et73, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Non, monsieur le président, je les retire, car ils étaient plutôt des amendements d'appel. En tant que rapporteur de ce projet de loi, je m'étais seulement engagé à ce que le débat le plus large ait lieu, ce qui a été le cas. Toutefois, je suis tout à fait conscient que la réflexion sur cette question n'est pas encore mûre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Les amendements n° 72 et 73 sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement n° 233.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 46 est adopté.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Monsieur le président, je souhaiterais une brève suspension de séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur le garde des sceaux.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.

Les dispositions de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer sont applicables à tous les transports publics de personnes ou de marchandises guidés le long de leur parcours en site propre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 74, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Après l'article 27 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, il est inséré un article 28 ainsi rédigé :

« Art. 28. - Les dispositions de la présente loi sont applicables à tous les transports publics de personnes ou de marchandises guidés le long de leur parcours en site propre. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Dans un souci de clarté et d'intelligibilité de la loi, il est préférable d'insérer les dispositions de l'article 47 dans la loi du 15 juillet 1845.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

Les dispositions du I de l'article 17 de la présente loi sont applicables aux documents offerts au public après sa publication.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 75, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Les dispositions du I de l'article 17 de la présente loi sont applicables aux documents répondant aux caractéristiques techniques citées au premier alinéa de l'article 32 de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 mis à la disposition du public six mois après la publication de la présente loi.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement vise à laisser aux éditeurs et distributeurs de documents à caractère pornographique ou violent le temps nécessaire pour respecter leurs nouvelles obligations en matière de signalétique et d'autorégulation.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

L'article L. 2542-1 du code général des collectivités territoriales est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 2542-1. - Les dispositions du titre Ier du livre II de la présente partie sont applicables aux communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin à l'exception de celles des articles L. 2212-1, L. 2212-2, L. 2212-3, L. 2212-4, L. 2213-6, L. 2213-7, L. 2213-8, L. 2213-9, L. 2213-21, L. 2213-26, L. 2213-27, L. 2214-3, L. 2214-4, L. 2215-1 et L. 2215-4. » -

Adopté.

I. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L'article L. 2573-1 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art L. 2573-1. - Les articles L. 2211-1 et L. 2211-4 sont applicables aux communes de Mayotte. » ;

2° L'article L. 5832-13 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi rédigé :

« I. - Les articles L. 5211-56, L. 5211-58 et L. 5211-60 sont applicables à Mayotte. » ;

b) Au II, les mots : « L'article L. 5211-57 est applicable » sont remplacés par les mots : « Les articles L. 5211-57 et L. 5211-59 sont applicables. »

II. - Le code des communes de la Nouvelle-Calédonie est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 131-1, il est inséré un article L. 131-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 131-1-1. - Sous réserve des pouvoirs de l'autorité judiciaire et des compétences du représentant de l'État ainsi que des collectivités publiques et des établissements et organismes intéressés, le maire anime, sur le territoire de sa commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en oeuvre.

« Dans les communes de plus de 10 000 habitants, il préside un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance mis en place dans des conditions fixées par décret. » ;

2° Après l'article L. 131-2, il est inséré un article L. 131-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 131-2-1. - Lorsque des faits sont susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques, le maire ou son représentant peut procéder verbalement à l'endroit de leur auteur au rappel des dispositions qui s'imposent à celui-ci pour se conformer à l'ordre et à la tranquillité publics.

« Le rappel à l'ordre d'un mineur intervient, dans la mesure du possible, en présence de ses parents ou de ses représentants légaux. » ;

3° L'article L. 132-2 est complété par les dispositions suivantes :

« Ils constatent également les contraventions mentionnées au livre VI du code pénal, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, dès lors qu'elles ne nécessitent pas de leur part d'actes d'enquête et à l'exclusion de celles réprimant des atteintes à l'intégrité des personnes. » ;

4° L'article L. 132-3 est complété par les dispositions suivantes :

« Pour l'exercice des attributions fixées au dernier alinéa de l'article L. 132-2, les gardes champêtres agissent en application des dispositions du 3° de l'article 21 du code de procédure pénale. »

III. - Le code des communes applicable à la Polynésie française est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 131-1, il est inséré un article L. 131-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 131-1-1. - Sous réserve des pouvoirs de l'autorité judiciaire et des compétences du représentant de l'État ainsi que des collectivités publiques et des établissements et organismes intéressés, le maire anime, sur le territoire de sa commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en oeuvre.

« Dans les communes de plus de 10 000 habitants, il préside le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance mis en place dans des conditions fixées par décret. » ;

2° Après l'article L. 131-2, il est inséré un article L. 131-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 131-2-1. - Lorsque des faits sont susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques, le maire ou son représentant peut procéder verbalement à l'endroit de leur auteur au rappel des dispositions qui s'imposent à celui-ci pour se conformer à l'ordre et à la tranquillité publics.

« Le rappel à l'ordre d'un mineur intervient, dans la mesure du possible, en présence de ses parents ou de ses représentants légaux. » ;

3° L'article L. 132-2 est complété par les dispositions suivantes :

« Ils constatent également les contraventions mentionnées au livre VI du code pénal, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, dès lors qu'elles ne nécessitent pas de leur part d'actes d'enquête et à l'exclusion de celles réprimant des atteintes à l'intégrité des personnes. » ;

4° Après l'article L. 132-2, est inséré un article L. 132-2-1 ainsi rédigé :

« Art L. 132-2-1. - Les gardes champêtres sont au nombre des agents mentionnés au 3° de l'article 15 du code de procédure pénale.

« Ils exercent leurs fonctions dans les conditions prévues aux articles 15, 22 à 25 et 27 du même code. » -

Adopté.

I. - Le 6° de l'article 1er, l'article 2, le 2° de l'article 4, les articles 8, 9, 11, 13, le I de l'article 17, l'article 48 et le I de l'article 50 de la présente loi sont applicables à Mayotte.

II. - Le 1° de l'article 4, les articles 9, 12, 13, 15 à 17, 25 à 44, 48 et le II de l'article 50 de la présente loi sont applicables en Nouvelle-Calédonie.

III. - Le 1° de l'article 4, les articles 9, 12, 13, 15 à 17, 25 à 44, 48 et le III de l'article 50 de la présente loi sont applicables en Polynésie française.

IV. - Le 1° de l'article 4, les articles 9, 12, 13, 15 à 17, 25 à 44 et 48 de la présente loi sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 76, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. - Au début du I de cet article, supprimer les mots :

Le 6° de l'article 1er,

II. - Dans ce même paragraphe, remplacer les mots :

, l'article 48 et le I de l'article 50

par les mots :

et l'article 48

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 77, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans le II de cet article, remplacer les références :

, 48 et le II de l'article 50

par la référence :

et 48

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 78, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans le III de cet article, remplacer les références :

, 48 et le III de l'article 50

par la référence :

et 48

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 51 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Nous sommes parvenus au terme de l'examen de ce projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

Je commencerai par saluer, au nom de mon groupe, l'important travail de M. le rapporteur, Jean-René Lecerf. Sa tâche n'était pas facile, tant cette matière est complexe, et les interprétations peuvent très vite devenir caricaturales. Il a su éviter ce piège. Avec le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, il a procédé à de nombreuses auditions. C'est pourquoi je crois, monsieur le garde des sceaux, que ses avis et ses propositions ont contribué à enrichir ce texte.

En proposant une vision globale de la question, ce projet de loi marque une rupture dans notre approche de la délinquance, sur le fond comme sur la méthode.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Sur le fond, car, au-delà des formules prétendument de gauche sur le « tout-éducatif » ou prétendument de droite sur le « tout-répressif », ce texte conjugue éducation et sanction. Nous sortons enfin, mes chers collègues, de ce mauvais discours, qui, depuis des décennies, oppose prévention et sanction. Oui, nous retrouvons la valeur éducative de la sanction, en particulier à destination des mineurs.

En effet, j'ai eu l'occasion de le préciser au cours de la discussion générale, au nom de quel principe et de quelle morale refuserions-nous de donner à des jeunes des références de comportement que ni leur famille ni l'école n'ont pu leur transmettre ?

J'en viens à la méthode, car ce texte est également novateur. Il expérimente, en effet, une nouvelle méthode, et prévoit des objectifs complémentaires des précédents, qui ont pour objet de prévenir la délinquance en amont afin de prendre le mal à la source et d'éviter le glissement progressif vers une délinquance qui ne doit être en aucun cas une fatalité sociale.

Cette politique s'articule, monsieur le garde des sceaux, autour de deux notions clés : la proximité et le partenariat.

S'agissant de la proximité, le maire est placé au coeur du dispositif de prévention de la délinquance. La majorité sénatoriale plaide depuis bien longtemps pour le renforcement du rôle du maire. Nous ne pouvons que nous en satisfaire, car - ne nous y trompons pas - c'est vers celui-ci que se tournent nos concitoyens dès qu'un problème surgit dans leur vie quotidienne.

Il est donc essentiel de confier au maire ce rôle de pivot, car c'est lui qui se trouve au bon échelon pour garantir la proximité qu'un autre chef d'exécutif ne saurait avoir et qui peut coordonner toutes les politiques locales de prévention des comportements délictueux, lorsqu'il est encore temps de le faire.

Le maire est le dernier rempart que j'évoquais dans la discussion générale, lorsque les trois cercles qui structurent notre société sont défaillants : la famille, l'école, le tissu associatif. Il est donc juste qu'il intervienne en tant que chef d'orchestre. Pour cela, il ne peut être seul : le partenariat est nécessaire.

Cette coopération doit se développer non seulement avec le préfet, le procureur, les responsables locaux de la police et de la gendarmerie, les chefs d'établissement scolaire, mais également avec les partenaires sociaux et le président du conseil général, à propos duquel ce texte rappelle qu'il est le garant de l'action sociale à l'échelon départemental.

La réussite de la prévention reposera sur la parfaite circulation de l'information et sur la totale collaboration de tous les acteurs entre eux.

À travers les décrets et les circulaires, le Gouvernement devra donner des consignes claires en la matière. Nous faisons confiance à M. le ministre de l'intérieur pour assurer cette coordination, ainsi qu'il y est déjà parvenu par le passé s'agissant des services de la police et de ceux de la gendarmerie.

Nous nous réjouissons donc de ce projet de loi, qui ressort enrichi par le travail accompli par le rapporteur, par le président de la commission des lois, ainsi que par le président-rapporteur de la commission des affaires sociales, M. About. Certes, nous n'avons pas toujours été d'accord avec Nicolas About, mais nous avons souvent trouvé des points de convergence en adoptant des rédactions de compromis, par exemple sur l'article 5, ou en nous ralliant à certaines de ses propositions. Je veux voir dans cette démarche l'esprit même du travail qui règne dans notre Haute Assemblée.

Ce texte a déjà été abondamment amélioré par nos travaux, alors que nous n'en sommes qu'à la première lecture. Nous l'adopterons donc avec enthousiasme et en ayant foi, notamment, dans l'action des maires pour assumer les missions que nous leur confions aujourd'hui.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

La prévention de la délinquance est un sujet extrêmement vaste et complexe, la richesse des débats qui nous ont occupés pendant ces deux semaines en témoigne. Pas moins d'une dizaine de codes ont été modifiés par les mesures que nous avons votées : code général des collectivités territoriales, code pénal, code de la santé publique, code de l'action sociale et des familles, code de l'éducation...

Nous ne pouvons donc que nous féliciter du choix d'aborder ce dossier particulièrement complexe de manière globale et transversale, par le biais de ce projet de loi. Cette approche permettra certainement de rendre les dispositifs existants, comme ceux qui auront été créés, plus opérationnels que si on les adaptait au coup par coup et indépendamment les uns des autres.

Cependant, cette approche transversale présente quelques risques. D'abord, celui de l'amalgame, par exemple quand on semble assimiler les jeunes issus des familles en difficultés à des délinquants en puissance. Ensuite, le risque de la confusion entre les responsabilités des uns et des autres, notamment lorsqu'il s'agit de confier au maire des fonctions, à propos desquelles on peut se demander si elles ne relèvent pas plutôt de la compétence des présidents de conseils généraux - nous avons eu à ce sujet un long débat sur lequel je ne reviens pas. Enfin, le risque de revenir, à l'occasion de la discussion de ce texte, sur des dispositions qui ont déjà été débattues au cours des derniers mois par notre assemblée et qui, nous semble-t-il, avaient déjà été tranchées dans le cadre d'autres textes.

C'est notamment pour éviter ces écueils que le groupe de l'UC-UDF a déposé un certain nombre d'amendements. Je me réjouis que les débats que nous avons eus aient généralement permis - parfois, non sans difficulté - de clarifier et de préciser les dispositions essentielles du projet de loi, de telle sorte qu'aucune ambiguïté ne subsiste dans leur mise en oeuvre.

Au-delà de ces évolutions, dont je ne peux que me réjouir, je dois faire remarquer que nous restons quelque peu sceptiques sur l'intérêt de certaines dispositions introduites par ce texte. Je pense par exemple au conseil pour les droits et devoirs des familles, dont on peut se demander si la création a réellement clarifié les systèmes existants ou si, au contraire, elle ne les a pas compliqués. Je pense également à la possibilité que le coordonnateur de la commune soit désigné comme tuteur aux prestations familiales : il n'est pas certain que ce soit une situation idéale. Je pense encore à l'inscription dans le texte - j'ai beaucoup insisté sur ce point - du rappel à l'ordre, que les maires pratiquent déjà sans avoir recours à un texte législatif.

Il n'en reste pas moins que ce texte ambitieux n'atteindra son plein effet que si tous les acteurs concernés - ils sont nombreux - jouent réellement le jeu et si des moyens suffisants sont consacrés à la mise en oeuvre des nouveaux dispositifs qu'il comprend.

Le projet de loi, dans sa version initiale, était muet sur ce plan. Je me réjouis donc que, sur l'initiative du rapporteur, ait été créé un fonds interministériel pour la prévention de la délinquance. Encore faudra-t-il, monsieur le ministre, veiller à ce que les moyens qui seront alloués à ce fonds ne le soient pas au détriment d'autres structures. Je pense par exemple aux crédits qui sont aujourd'hui consacrés à la politique de la ville.

Ce projet de loi est donc encore perfectible, malgré l'excellent travail qui a été accompli sous la houlette du rapporteur, dont je veux souligner la pertinence des propositions qu'il a soumises, ainsi que sous celle du rapporteur pour avis, Nicolas About. La navette parlementaire permettra certainement d'améliorer encore ce texte.

Au terme de cet examen en première lecture, la grande majorité des membres du groupe de l'UC-UDF votera en faveur de ce texte, les autres s'abstiendront.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Je veux m'associer aux félicitations qui ont été adressées au rapporteur, Jean-René Lecerf, pour le travail de titan qu'il a accompli afin que nous puissions débattre de ce texte délicat et difficile.

Le combat contre la délinquance doit être permanent, puisque la « délinquance zéro » ne saurait exister ! Il nous faut donc sans cesse adapter nos outils, qu'ils soient répressifs ou préventifs, aux évolutions d'un phénomène que notre société n'entend plus tolérer.

Face aux nouvelles formes de l'insécurité, de l'incivilité et de la délinquance, la réponse de nos politiques publiques doit comporter une forte dimension préventive assortie d'une dimension répressive dissuasive.

Ce projet de loi relatif à la prévention de la délinquance poursuit cet objectif essentiel en appréhendant la notion de prévention dans une dimension élargie. D'une part, il aborde des domaines aussi divers que la famille, la santé publique, l'éducation, l'action sociale, les collectivités territoriales ou encore l'urbanisme. D'autre part, il fait intervenir une multiplicité d'intervenants et d'acteurs.

Ce n'est que de cette façon que nous parviendrons à enrayer le sentiment d'insécurité qui se nourrit, pour une large part, d'une confrontation quotidienne aux incivilités.

Dans ces conditions, si la lutte contre la délinquance passe en grande partie par la sanction et par l'application des dispositions du code pénal, on comprend que la lutte contre les incivilités passe d'abord par l'éducation, par la responsabilisation et par la prévention.

Ce projet de loi offre donc des outils adaptés puisqu'ils sont fondés à la fois sur la sanction et sur la prévention, pour empêcher la production de l'insécurité.

En simplifiant les procédures et en rassemblant tous les acteurs, qu'il s'agisse de l'administration, des travailleurs sociaux, des magistrats, des élus, de l'éducation nationale, des associations, ce texte permettra de responsabiliser des mineurs incivils et prédélinquants de plus en plus jeunes, et de les insérer au plus vite dans la société.

Avec ce texte, il n'est pas question de stigmatiser ou d'accuser par anticipation telle ou telle catégorie sociale ou bien tel ou tel quartier.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

C'est bien parce que l'on ne naît pas délinquant, mais qu'on le devient que ce projet de loi tient compte d'une réalité complexe, dans la mesure où il repose sur un premier acte avéré de violence et de délinquance.

Ainsi, le rappel à l'ordre auquel pourra procéder le maire, pivot du nouveau dispositif, suppose un acte illégal préalable et bien réel.

Les travaux des commissions des lois et des affaires sociales, les débats au sein de notre hémicycle et, plus encore, l'adoption de nombreux amendements par la Haute Assemblée auront permis d'améliorer très sensiblement le texte, en précisant et en encadrant nombre des dispositifs que celui-ci prévoit. Je n'en citerai que quelques-uns parmi les plus significatifs.

L'article 1er précise désormais la nature de l'articulation des actions de prévention de la délinquance entre, d'une part, la mission de coordination du maire, et, d'autre part, les compétences du département en matière d'action sociale.

Par ailleurs, nous avons décidé de créer un fonds pour la prévention de la délinquance destiné à financer la réalisation d'actions dans le cadre des instances territoriales qui interviennent en matière de prévention de la délinquance.

Quant au sujet, controversé, du partage de l'information et du secret partagé entre les professionnels de l'action sociale et le maire, le Sénat a une fois de plus apporté son expertise de représentant des collectivités locales, en réécrivant l'article 5 du projet de loi.

Désormais, les deux exécutifs que sont le maire et le président du conseil général disposeront d'une information conjointe, dans la mesure où celle-ci est strictement nécessaire à l'exercice de leurs compétences d'action sociale.

De plus, nous pouvons nous réjouir que le Sénat ait précisé clairement les dispositions entourant le choix du coordonnateur : il sera désigné par le maire, après accord de l'autorité dont il relève et consultation du président du conseil général.

En outre, après un débat très poussé et fort intéressant, notre assemblée a limité l'application de cet article 5 aux seuls domaines d'action sanitaire, sociale et éducative de la commune.

Enfin, les membres du groupe du RDSE sont très satisfaits que l'amendement qu'ils ont présenté ait été adopté par le Sénat. Cette disposition permettra de sanctionner toute personne qui s'abstiendrait de dénoncer la disparition inquiétante d'un mineur.

Mes chers collègues, la majorité des sénateurs du groupe du RDSE approuve le projet de loi modifié par la Haute Assemblée et s'apprête, par son vote, à lui apporter son soutien.

Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Au terme de nos débats, je confirme que les membres du groupe CRC voteront contre le présent projet de loi...

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je n'ai jamais soutenu que notre position étonnerait tel ou tel, mon cher collègue !

L'intitulé de ce projet de loi, « prévention de la délinquance », est pour le moins usurpateur. Ce texte procède essentiellement à des raccourcis, à des amalgames douteux et dangereux entre pauvres et délinquants, entre maladie mentale et délinquance, entre difficultés d'ordre social, familial, économique, scolaire, affectif vécues par les jeunes et délinquance, et, désormais, entre gens du voyage et délinquants.

En réalité, il a uniquement pour objet de mettre en place un système autoritaire. Pour ce faire, il instaure un contrôle social à tous les niveaux de notre société. Tous les acteurs doivent y collaborer, à commencer par les travailleurs sociaux, auxquels on impose de partager le secret professionnel, et le maire, à qui on demande d'être à la fois shérif, procureur, juge, travailleur social, éducateur, policier, sans toutefois lui donner les moyens d'assumer l'ensemble de ces tâches.

Vous confondez sciemment éducation et menace, coordination et délation. Votre texte est fondé sur la défiance généralisée : d'abord, à l'égard des parents, en particulier des pauvres, qui seraient démissionnaires ; ensuite, à l'égard de certaines catégories professionnelles jugées incompétentes, comme les personnels du secteur social, médico-social, éducatif, ainsi que ceux de la protection judiciaire de la jeunesse ; enfin, à l'égard des juges des enfants, considérés comme étant trop laxistes envers les mineurs, car ils ne prononcent pas assez de peines de prison ferme.

Ce faisant, ce texte remet en cause le fondement des politiques de prévention, menées depuis des décennies, par les acteurs sociaux, les départements, les communes, les services de l'État, les caisses d'allocations familiales.

Si ce système pèche, c'est uniquement par manque de moyens adéquats, et non pas, comme on voudrait le faire croire à l'opinion publique, par incompétence, laxisme, corporatisme, que sais-je encore ?

Loin de permettre d'obtenir un quelconque résultat en termes de prévention - mais était-ce réellement une priorité ? -, ce texte, d'une part, rencontrera de graves difficultés d'application et, d'autre part, aboutira à des confusions inquiétantes entre différentes institutions, qu'il s'agisse du conseil général, du maire, de la justice ou de l'éducation nationale.

Nous estimons, et nous ne sommes pas les seuls, que rien ne justifiait la présentation au Parlement d'un tel projet de loi. C'est un texte idéologique

M. le garde des sceaux s'esclaffe

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

À ce sujet, depuis ce matin, chacun d'entre nous peut - enfin ! - disposer de l'intégralité de la note du préfet de Seine-Saint-Denis. Je remarque d'ailleurs que les préoccupations de ce préfet sont partagées par vingt-huit de ses collègues. Il indique - cette mention n'apparaissait pas dans le fameux article du Monde, et on peut se demander pourquoi - qu'«au-delà de ces aspects de traitement de la sécurité, il paraît fondamental de maintenir, voire de renforcer, les mesures gouvernementales en matière d'urbanisme, d'emploi et d'éducation ». Je partage tout à fait ces propos - dont personne ne parle - car, sur le fond, il s'agit bien de cela, mais vous n'avez pas voulu en débattre, mes chers collègues.

La population de la Seine-Saint-Denis, comme beaucoup de nos concitoyens demeurant en dehors de ce département, est en souffrance. Elle souffre du chômage, de la précarité, du manque de logements sociaux, de moyens insuffisants, voire en régression pour l'école, elle souffre de la fermeture de services publics de proximité. Elle souffre de l'insécurité à son égard comme vis-à-vis de ses biens.

Des moyens considérables doivent donc être débloqués pour inverser la tendance. C'est d'ailleurs ce qu'ont reconnu, contrairement au ministre de l'intérieur qui s'est contenté de stigmatiser les populations, le Premier ministre et le Président de la République, le premier, comme je l'ai dit ce matin, lors d'une rencontre avec les parlementaires de Seine-Saint-Denis, toutes formations politiques confondues, le 15 novembre dernier, lors des violences de l'automne, et le second, dans la réponse qu'il a faite à un courrier du président du conseil général, ce dernier réclamant justement lesdits moyens.

Mais un dénominateur commun doit être relevé : ces hommes politiques sont venus, ils ont écouté les habitants, ils ont « saupoudré », et puis plus rien jusqu'à hier. Hier, ils sont revenus, ils écoutent. Quelle sera la suite ?

Même si je n'en partage pas tous les points, notamment l'amalgame fait entre jeunes, délinquants, immigrés et islamisme, cette note, j'ose le dire, me ravit.

Tout cela me donne l'occasion de réitérer ma demande, et celle de mes camarades élus de la Seine-Saint-Denis d'un plan d'urgence pour ce département, élaboré lors d'une table ronde à laquelle seraient invités tous les partenaires politiques, économiques et sociaux du département et où l'on pourrait débattre de la fameuse question des moyens humains et financiers qu'il serait nécessaire de dégager pour répondre à l'urgence sociale.

En tenant ces propos, je ne m'éloigne pas du présent projet de loi. La délinquance puise ses racines non pas dans le ventre des mamans, mais bien dans les souffrances infligées par la société.

Mais ce texte a pour seul objet la réorganisation de la société à la sauce libérale, à rebours des fondamentaux mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Vous voulez mettre en place votre projet de société, caractérisé par la fameuse rupture, avec l'appui indéfectible du MEDEF.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que nous rejetions un texte d'ordre sécuritaire, dont le caractère fourre-tout a été renforcé par l'adoption d'amendements émanant de la majorité sénatoriale et portant notamment sur la législation des chiens dangereux ou sur les gens du voyage, ce qui, je dois l'avouer, n'est pas sans nous rappeler une certaine loi pour la sécurité intérieure datant de 2003, qui stigmatisait déjà les classes populaires dangereuses.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Les membres du groupe socialiste ne voteront pas en faveur de ce projet de loi, ce qui ne surprendra personne.

Nous avons travaillé, nous gardant de toute obstruction. Nous avons présenté un certain nombre de dispositions afin d'essayer d'améliorer le texte, en ce qui concerne notamment le financement, l'aspect institutionnel, l'interministériel qui devrait être piloté par un secrétaire général placé auprès du Premier ministre. Ces propositions n'ont pas été retenues. Il en fut de même s'agissant de la clarification des rôles entre les différents intervenants de terrain que sont le maire et le président du conseil général. Si certains ont porté une attention limitée à notre travail, cela n'a pas été votre cas, monsieur le garde des sceaux. Finalement, le résultat est médiocre, pour ne pas dire à peu près nul, en ce qui concerne nos propositions.

Le présent projet de loi est un texte répressif, et non un texte de prévention. Il essaie de corriger l'échec de la politique menée depuis 2002, marquée néanmoins par une autosatisfaction constante, fondée sur des chiffres discutables. En effet, tant que ne seront pas prises en compte les infractions qui figurent dans les mains courantes, nous ne connaîtrons pas la réalité de la délinquance dans notre pays.

Deux événements ont confirmé notre analyse. Le premier, dramatique, s'est déroulé dans l'Essonne. Il s'agit de l'attaque, dans des conditions épouvantables, de deux CRS. Ces fonctionnaires de police ont fait leur devoir, ils ont obéi aux ordres, même si la méthode retenue n'était sans doute pas la bonne. Le second événement, c'est la note du préfet de Seine-Saint-Denis, qui vient d'être longuement évoquée et, à cet égard, j'approuve l'analyse faite par Mme Assassi.

Le ministre de l'intérieur a répondu en se défaussant en particulier sur la justice. Cela dénote un dysfonctionnement grave de l'État. Pour sa part, M. le garde des sceaux a dit que la justice faisait son travail, notamment à Bobigny.

Les réactions des plus hauts magistrats sont éloquentes. Ainsi, le président de la Cour de cassation parle d'atteinte à l'indépendance de la justice. M. Jacquemin, secrétaire général du syndicat de la magistrature, dénonce le fait que la seule réponse à la question de la délinquance soit la répression et l'emprisonnement. Selon M. Regnard, membre de l'union syndicale des magistrats, « on connaît la détestation totale qu'a M. Sarkozy des magistrats ». M. Bouvier, au nom du Conseil supérieur de la magistrature, dénonce les atteintes à la séparation des pouvoirs. M. Jeannin, président du tribunal de grande instance de Bobigny, déplore le mépris du travail des magistrats. Je pourrais encore citer la déclaration du président de la cour d'appel de Paris.

En faisant part de ces réactions, je suis dans le sujet. En effet, lors de votre intervention dans la discussion générale, monsieur le garde des sceaux, vous dit que ce projet de loi apportait une réponse globale aux différents acteurs de la prévention de la délinquance.

Or, ça commence mal. En effet, si vous vous mettez à dos l'ensemble de la magistrature, comment pourrez-vous atteindre à la fois vos propres objectifs, qui sont des objectifs de répression, et les nôtres, qui sont plutôt des objectifs de prévention ?

Dans tous les cas, la justice se trouve vent debout contre le ministre de l'intérieur, qui a parlé de « démission de la justice ». Qui, en l'occurrence, devrait démissionner ?

Par ailleurs, vous ne nous avez pas du tout convaincus concernant le rôle que vous assignez au maire. Je persiste à dire que vous le transformez plus ou moins en procureur, en premier maillon de la chaîne judiciaire, ce qui lui fera perdre l'autorité morale, l'aura dont il bénéficie actuellement auprès de ses concitoyens et qui lui permet de faire régner la justice et le droit dans des conditions certes incertaines mais efficaces.

Concernant la justice des mineurs, vous ne nous avez pas convaincus non plus. Il s'agit non pas de simples mesures, mais d'une véritable procédure. Le fait que, désormais, la justice des mineurs se rapproche de celle des majeurs pour s'y fondre presque n'est pas, pour nous, convenable du point de vue de la philosophie qui doit entourer la façon dont sont réprimés les délits des mineurs - il faut bien les réprimer ! - et ne peut nous satisfaire.

J'ajoute que l'absence totale de moyens alloués à la justice est criante : vous prévoyez que de jeunes mineurs pourront aller faire un stage d'un mois - ils vont s'y relayer sur un rythme rapide ! - dans des institutions qui n'existent pas encore. Avec quels moyens allez-vous en financer la création, le fonctionnement ? J'ai dit ce que j'en pensais, mais vous avez maintenu ce projet. Il ne s'agit là que d'intentions et nullement de mesures concrètes.

C'est un texte de méfiance, comme l'a dit Mme Assassi, à l'égard de familles, de jeunes, de groupes sociaux entiers considérés comme potentiellement délinquants, les malades mentaux, les toxicomanes, etc.

C'est un texte détestable et inutile.

De plus, il ne sera pas appliqué. Car, monsieur le garde des sceaux, je ne vois pas très bien comment la première lecture à l'Assemblée nationale, puis la deuxième lecture dans chaque assemblée et, probablement, la commission mixte paritaire pourraient avoir lieu d'ici au début de l'année prochaine. Quel calendrier prévoyez-vous ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous remercier en mon nom propre mais aussi au nom du M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, et de tous les ministres qui se sont succédé au banc du Gouvernement, M. Xavier Bertrand, M. Philippe Bas, M. Brice Hortefeux et M. Christian Estrosi. L'ensemble des ministères concernés sont, je crois, parvenus à présenter au Sénat un texte équilibré entre prévention et répression : un examen attentif montre que - dans la partie qui relève de mon ministère, en tout cas - les mesures tendant à la répression sont très nettement moins nombreuses que la palette renouvelée des mesures qui concernent la prévention, la formation et l'alternative à toute forme répressive.

Cela n'a pas été toujours bien perçu au cours débat. Sans doute ai-je manqué de clarté - je vous prie de m'en excuser - puisque, souvent, quand je présentais un amendement, on sentait que je n'étais pas compris.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Je remercie tous les membres de la Haute Assemblée qui ont participé à ce débat important.

Pour prouver que certains sont un peu pessimistes, je tiens à faire un petit rappel au sujet des amendements qui ont été adoptés.

(Exclamations sur les travées du groupe CRC) quand seulement deux du Gouvernement l'ont été, soit trois fois plus pour son groupe !

Sourires

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

Quant au groupe CRC, - bravo ! madame Assassi - un de ses amendements a été adopté.

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Pascal Clément, garde des sceaux

M. Peyronnet prétend que le groupe socialiste n'a pas été entendu : or, six de ses amendements ont été adoptés §

M. le rapporteur est champion toutes catégories, puisqu'un peu plus de soixante amendements de la commission ont été adoptés. Je veux de le remercier tout particulièrement, ainsi que M. le président Hyest : grâce aux auditions auxquelles ils ont procédé et au travail approfondi qu'ils ont conduit pendant des semaines, le texte a incontestablement été enrichi. Je félicite aussi les administrateurs de la commission des lois.

Nous nous reverrons pour la deuxième lecture, dans quelques semaines, rassurez-vous ! et nous pourrons - je l'espère ! - adopter définitivement ce texte dans l'intérêt des justiciables et des Français.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

M. le Président du Sénat a reçu de M. le Président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 20 septembre 2006, par M. le Premier ministre, en application de l'article 54 de la Constitution, de l'accord de Londres du 17 octobre 2000 relatif au dépôt des brevets européens.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 20 septembre 2006, l'informant de l'adoption définitive des textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :

COM (2004) 279 final 2577 : Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (refonte).

Adoption définitive le 5 juillet 2006.

COM (2004) 496 final 2661 : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'institution d'un groupement européen de coopération transfrontalière (GECT).

Adoption définitive le 5 juillet 2006.

COM (2005) 47 final 2840 : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les droits des personnes à mobilité réduite lorsqu'elles font des voyages aériens.

Adoption définitive le 05 juillet 2006.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel au traité entre la République française, le Royaume d'Espagne, la République italienne, la République portugaise portant statut de l'EUROFOR.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 487, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et l'Uruguay. Proposition de règlement du Conseil concernant la mise en oeuvre de l'accord conclu par la CE à l'issue des négociations menées dans le cadre du paragraphe 6 de l'article XXIV du GATT de 1994, et complétant l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3240 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la communication de statistiques sur les captures nominales des États membres se livrant à la pêche dans l'Atlantique du Nord-Est.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3241 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'ai reçu de M. André Trillard un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne relative aux obligations de service national en cas de double nationalité, ainsi qu'à l'échange de lettres franco-tunisien du 17 juin 1982 relatif à cette convention (324, 2005-2006).

Le rapport sera imprimé sous le n° 484 et distribué.

J'ai reçu de M. Daniel Goulet un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la mise à disposition d'un immeuble à des fins de coopération culturelle (448, 2005-2006).

Le rapport sera imprimé sous le n° 485 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Mes chers collègues, je constate que le Sénat a épuisé son ordre du jour pour la session extraordinaire.

Mais l'Assemblée nationale n'a pas terminé ses travaux.

Dans ces conditions, le Sénat voudra sans doute s'ajourner.

M. le président prendra acte de la clôture de la session extraordinaire par voie d'une communication publiée au Journal officiel.

En application de l'article 28 de la Constitution, la session ordinaire commence le premier jour ouvrable du mois d'octobre.

La conférence des présidents, qui se réunira le mercredi 27 septembre pour régler l'ordre du jour du début de la session ordinaire 2006-2007, fixera la date de la première séance de notre session ordinaire.

Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures vingt.