Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 21 septembre 2006 à 15h00
Prévention de la délinquance — Articles additionnels avant le chapitre vii, amendements 226 15 2000

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Pour en revenir à l'amendement n° 226, la loi du 15 juin 2000 permet au juge des libertés et de la détention, saisi par le juge d'instruction, de placer en détention provisoire une personne mise en examen pour un crime ou un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement.

Au 1er juillet 2006, la population carcérale métropolitaine comprenait 57 464 personnes, dont 17 465 prévenues, soit environ 30 %. Cette proportion est énorme, surtout si l'on souhaite véritablement appliquer les deux principes de notre droit qui veulent, d'une part, que la présomption d'innocence prévale ; d'autre part, que la détention provisoire reste exceptionnelle. Vous le constatez vous-même, nous sommes en pleine contradiction !

Le drame d'Outreau a servi de révélateur quant à l'utilisation trop souvent abusive de la détention provisoire. D'ailleurs, qu'aurait-on entendu si, à l'époque, le juge avait laissé les accusés d'Outreau en liberté ? Cela mériterait vraiment d'être précisé !

De telles situations, moins connues car de moindre ampleur et heureusement moins graves, sont vécues au quotidien.

Le niveau de la peine encourue - trois ans - concourt à une application plus forte que nécessaire de la détention provisoire. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement visant à permettre l'application de cette disposition seulement si la peine encourue en matière correctionnelle est d'une durée égale ou supérieure à cinq ans. Une telle proposition est d'ailleurs contenue dans une proposition de loi que nous avons nous-mêmes déposée le 18 avril dernier et qui vise à renforcer les droits de la défense.

La Commission nationale de suivi de la détention provisoire souligne, dans son rapport de 2005, que « le recours à la détention provisoire au niveau de l'instruction est revenu en 2002 et 2003 à un niveau sensiblement supérieur à celui de la décennie 1990 ». Elle indique aussi que, après une baisse enregistrée au cours de la période 2000-2002, « en 2003, la durée moyenne de détention provisoire augmente à nouveau ». Elle précise ainsi : « Pour l'année 2003, la durée moyenne globale est de 7, 1 mois, ce qui représente une augmentation sensible par rapport à 2002 - 6, 4 mois -, alors que cette durée moyenne était plutôt décroissante auparavant - 6, 6 mois en 1999. »

À l'évidence, les lois « sécuritaires » votées ces dernières années ont favorisé le recours à la détention provisoire, tant par leur philosophie poussant à l'enfermement que par un processus mécanique, avec l'aggravation des peines.

Vous qui aimez citer les dysfonctionnements de la justice dans le procès d'Outreau, vous feriez donc bien d'accepter cet amendement !

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