Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le titre-restaurant fait, me semble-t-il, l’unanimité.
J’ai eu l’occasion de le constater : tous les acteurs concernés – les salariés, les employeurs, les restaurateurs et les commerçants – le plébiscitent, et c’est bien la raison pour laquelle il faut le moderniser, le dépoussiérer. C’est la moindre des choses que l’on peut faire pour une invention qui date de 1967 !
Pour autant, le titre-restaurant a su s’adapter aux crises exceptionnelles que nous avons traversées. Je pense en particulier au confinement, qui a conduit à doubler le plafond quotidien d’utilisation du titre, de telle sorte que celui-ci a été porté de 19 euros à 38 euros ; il est ensuite revenu à 19 euros, puis il a été fixé à 25 euros, cette fois de manière pérenne.
Son usage a également évolué en raison de la forte inflation de ces derniers mois. En effet, durant l’été 2022, le Sénat a voté, sur l’initiative de votre collègue Frédérique Puissat, une mesure visant à assouplir exceptionnellement le cadre d’utilisation des titres-restaurant, afin d’autoriser l’achat de produits alimentaires non directement consommables dans la grande distribution.
Ce coup de pouce a incontestablement été bénéfique pour de nombreux salariés français, en particulier les plus précaires. Il a été utile aussi pour de nombreux Français qui ont préféré, grâce à cette souplesse, se cuisiner des plats chez eux pour les apporter le lendemain sur leur lieu de travail ou, tout simplement, pour déjeuner chez eux, en télétravail.
Cette mesure était limitée dans le temps, jusqu’au 31 décembre 2023, afin de répondre à une conjoncture particulière.
Or, dans la mesure où les prix des produits alimentaires demeurent élevés, même si l’inflation commence à refluer, il apparaît de bon sens de prolonger ce dispositif, et le Gouvernement répond favorablement à cette demande.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, les députés se sont interrogés sur le caractère temporaire de ce report : pourquoi ne pas inscrire dans la loi cet usage une bonne fois pour toutes, de manière pérenne ?
Tout d’abord, parce que nous devons écouter les corps intermédiaires, qui, je le rappelle, financent avec l’État le titre-restaurant. Or ces derniers y sont opposés. Je pense en particulier aux représentants des partenaires sociaux qui siègent à la Commission nationale des titres-restaurant (CNTR) : le Medef, la CPME et l’U2P, du côté des employeurs, et la CFDT, la CGT, FO et la CFE-CGC, du côté des salariés.
Ensuite, parce qu’une telle évolution du titre-restaurant nécessite un travail et une concertation plus approfondis. C’est pourquoi cette question est débattue avec les parties prenantes, dans le cadre de la réforme structurelle du titre-restaurant que j’ai annoncée. Cette réforme, que nous mènerons en 2024, fera l’objet d’un projet de loi, dans le cadre duquel nous pourrons évoquer, entre autres, la réforme du périmètre d’usage de ce titre.
Comme je l’ai annoncé, l’épine dorsale de cette réforme sera la dématérialisation du titre-restaurant. Celle-ci aura un triple effet.
Tout d’abord, elle entraînera une baisse des frais de gestion : en effet, ceux-ci sont aujourd’hui élevés pour les restaurateurs, en raison notamment du renvoi postal des titres papier aux émetteurs. Par ailleurs, la dématérialisation donnera la possibilité à de nouveaux acteurs d’entrer plus facilement sur le marché. Si elle est totale, elle accélérera une évolution qui est attendue par nos restaurateurs.
Ensuite, elle permettra de sécuriser le système, en facilitant la lutte contre les fraudes dues à la circulation de faux titres.
Enfin, cette réforme sera aussi l’occasion de réfléchir à la question de l’usage solidaire du titre-restaurant – comment s’assurer qu’il puisse toujours financer une partie de l’aide aux plus démunis ? –, ainsi qu’à celle de son usage social, car n’oublions pas qu’il a été inventé pour permettre aux salariés de s’alimenter correctement.
En attendant cette réforme structurelle, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi répond à une attente forte des Français à court terme, dont vous avez vraisemblablement, je n’en doute pas, saisi la nécessité.