Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à mon grand regret, pour des raisons impératives, je n'ai pu prendre part à la discussion générale.
Au point de la discussion où nous en arrivons maintenant - la question si importante de la délinquance des mineurs -, je voulais rappeler à la Haute Assemblée les principes que nous ne devons jamais perdre de vue lorsqu'il s'agit de la justice des mineurs.
La considération majeure, qui est inscrite dans les conventions internationales comme, depuis 1945, dans nos textes, est que le mineur délinquant n'est pas un majeur délinquant en miniature. La situation est différente de celle dépeinte par les portraits du XVIIe siècle où l'on voit le petit garçon habillé comme son père : un enfant ou un adolescent n'est pas un adulte en réduction. Il évolue, il se transforme, et nous savons tous par expérience personnelle que l'adolescent de seize ans n'est plus le garçon de douze ans qu'il était, qu'il a changé et qu'il continuera à changer. C'est précisément pour cette raison que l'accent doit toujours être mis sur les principes d'éducation, de réinsertion, de transformation. Bref, la justice des mineurs doit obligatoirement s'engager en leur faveur.
Il ne s'agit pas que de considérations d'ordre général. Elles s'inscrivent - je le rappelle à la Haute Assemblée - au nombre des principes d'ordre constitutionnel. À deux reprises, le Conseil constitutionnel a été amené à statuer sur ce point. La dernière décision, fort récente puisqu'elle date du 2 mars 2004, concerne des textes dont nous avions débattu ici.
Le Conseil constitutionnel a rappelé à cette occasion que « l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge » - parce qu'ils n'ont pas le même niveau de responsabilité pénale que les majeurs, les mineurs doivent relever d'un traitement pénal différent - « comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées » - donc des juridictions et des procédures distinctes de celles qui sont prévues pour les majeurs - « ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du XXe siècle ».
Ce principe est le socle sur lequel nous devons nous fonder pour toute approche de la justice des mineurs. Il ne découle pas seulement d'un constat, il ne figure pas seulement dans les principes constitutionnels, il est aussi inscrit dans des conventions internationales.
J'en arrive à l'état de notre droit.
Je n'ai pas goûté, même s'il ne m'a pas surpris, le propos trop facile et la rhétorique du ministre de l'intérieur s'écriant que les adolescents de 1945 n'étaient pas ceux d'aujourd'hui. Et pour cause, ils sont aujourd'hui de vieux messieurs et de vieilles dames ! Mais il ne s'agit pas non plus du même texte. De même que le code civil n'est plus identique à ce qu'il était en 1804, de même l'ordonnance de 1945 dont nous parlons n'est pas restée inchangée. Tout au contraire, elle a subi tant de révisions que l'on n'arrive même plus à les dénombrer.