Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 21 septembre 2006 à 15h00
Prévention de la délinquance — Article 38

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Pour aller dans le même sens que Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, je voudrais m'arrêter sur deux dispositions distinctes qui sont incluses dans cet article 38.

La première porte sur la tenue des audiences du tribunal pour enfants. Je souscris d'ailleurs tout à fait à ce que vient de dire notre collègue Robert Badinter. Désormais, ces audiences seraient organisées conjointement par le président du tribunal pour enfants et le procureur de la République.

Actuellement, comme le dit d'ailleurs le rapporteur, c'est le principe de concertation qui prévaut entre le juge des enfants et le procureur. Si cet article était adopté, le juge perdrait l'autonomie dont il dispose aujourd'hui pour organiser ses audiences. Or cette autonomie est indispensable : seul le juge peut estimer le temps dont il aura besoin pour examiner le dossier du mineur délinquant, délai qui varie nécessairement selon les cas qu'il aura à juger. Cet article s'inscrit dans une logique d'accélération des procédures, et il ne permettra plus au juge d'organiser ses audiences dans l'intérêt du mineur.

La seconde disposition sur laquelle je souhaite m'arrêter porte sur la procédure de présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement. Elle est aujourd'hui modifiée après avoir été créée, sous le nom de procédure de jugement à délai rapproché, par la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002, dite loi Perben I. Cette procédure est similaire à la comparution immédiate pour les majeurs, et se révélerait, si ce texte devait être adopté, plus sévère pour les mineurs que pour les majeurs.

Plusieurs arguments viennent étayer mon propos.

Tout d'abord, le champ d'application de cette procédure est étendu par l'abaissement des seuils de peine encourue permettant sa mise en oeuvre : le seuil passe de trois ans à un an en cas de flagrance, et de cinq ans à trois ans dans les autres cas.

Par ailleurs, le mineur peut renoncer au délai minimal de comparution de dix jours, ce qui autorise ainsi sa comparution immédiate devant le tribunal pour enfants, quoi que vous puissiez dire.

Le doute n'est plus permis : le Gouvernement propose ainsi une quasi-comparution immédiate. Et cette procédure est d'autant plus grave pour le mineur que, s'il l'accepte, il peut donner son accord sans avoir besoin de celui de ses représentants légaux. Un mineur ne saurait, même avec l'assistance de son avocat, prendre seul une décision aux conséquences aussi lourdes pour la défense de ses droits.

Enfin, aucune investigation sur les faits ne sera nécessaire et la durée de validité des renseignements dont doit disposer la juridiction pour utiliser valablement cette procédure est allongée, passant de douze à dix-huit mois.

Autant dire que la personnalité du mineur est loin de constituer la priorité dans cette procédure de comparution immédiate, l'objectif étant de juger toujours plus vite afin de lutter contre une prétendue impunité.

L'accélération continuelle de la réponse pénale se heurte toutefois aux délais de prise en charge éducative, prise en charge que réclament pourtant tant les mineurs que leurs parents.

Par ailleurs, cette accélération n'est pas neutre sur les réponses données : la compréhension et la personnalité du mineur s'effacent devant l'objectif de maintien de l'ordre public.

Cette procédure de comparution immédiate conduit en réalité à juger d'abord des faits tout en niant le parcours, la personnalité, ainsi que l'environnement social et familial du mineur.

La justice des mineurs est de plus en plus mécanique. Son rôle est pourtant de transformer une situation et non de juger des faits isolés.

Les amendements présentés par la commission ne changeront pas grand-chose sur le fond. Remplacer l'expression « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement » par celle de « présentation immédiate devant le tribunal pour enfants » et maintenir le délai actuel concernant les investigations sur le mineur ne modifient pas la logique d'accélération des procédures de jugement voulue par le Gouvernement.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposons à l'article 38, que nous jugeons particulièrement dangereux.

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