Intervention de Robert Badinter

Réunion du 21 septembre 2006 à 15h00
Prévention de la délinquance — Article 38

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Si j'interviens, c'est parce que je veux répondre à ce qui me paraît être, mon cher collègue Zocchetto, une erreur d'approximation.

Nous avons une procédure qui est déjà rapide, à délai rapproché. Rappelons qu'elle a été introduite récemment dans notre droit. Je rappelle aussi que ce texte a été discuté sur la base du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs, rédigé par M. Schosteck. Nous avions donc déjà une connaissance parfaite de l'état de la délinquance des mineurs.

Pourquoi nous sommes-nous tenus au délai rapproché sans aller jusqu'à la comparution immédiate ?

La raison est simple et semble pourtant méconnue : quand vous traitez de la justice des mineurs, et cela concerne particulièrement les magistrats, vous devez prendre en considération la possibilité d'évolution favorable du mineur dans le temps, de préférence à bref délai. C'est l'objectif que l'on se donne.

Il y a certes une frustration de la part des victimes quand la décision ne tombe pas, de la part du corps des policiers également quand ceux-ci ont le sentiment que rien ne s'est passé, je le sais bien. Mais vous ne pouvez pas, en matière de justice des mineurs, sortir du principe que j'ai évoqué, à savoir que ces derniers changent et que l'on veut qu'ils changent dans le bon sens.

C'est la raison pour laquelle il vaut mieux ne pas juger le mineur en comparution immédiate comme le majeur, simplement pour qu'il sente, si je puis dire, qu'il est sous l'oeil de la justice, qu'elle est présente, qu'elle l'amène à savoir ce qu'il doit faire, qu'il est pris en quelque sorte en considération. C'est son devenir qu'il forge lui-même, qu'il va jouer à l'audience. Lorsqu'il comparaîtra, on regardera ce qu'il a fait depuis qu'il a été présenté au procureur.

En revanche si, sous les pressions légitimes que j'évoquais tout à l'heure, mais qui ne mesurent pas la spécificité de ce droit, vous le présentez le soir même et qu'il reçoit une admonestation ou ce qui lui apparaît comme un rappel aux principes, il se dira : « C'est tout ? Pourquoi je changerais ! »

Il vaut donc mieux conserver ce délai, ce temps d'observation, de surveillance ; il vaut mieux qu'il sente que la justice prend en compte ce qu'il est en train de devenir. Je le répéterai toujours : c'est le devenir qui compte dans le cas de la justice des mineurs, et ce rapprochement avec la justice des majeurs n'est pas bon !

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