Je me demandais s'il était encore bien utile d'intervenir. Finalement, je le crois, car il faut toujours défendre ses convictions.
Toujours avec cette obsession d'une réponse « rapide et effective », pour employer les termes mêmes de la commission des lois, cet article participe une nouvelle fois au rapprochement dangereux entre justice des mineurs et justice des majeurs.
En effet, la mesure de composition pénale deviendrait applicable aux mineurs dès l'âge de treize ans. Quant à la « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement », quel que soit son intitulé, elle a été instaurée il y a seulement quatre ans, et vous venez déjà de la modifier !
Lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, en 2002, nous nous étions opposés à l'adoption de la composition pénale pour les majeurs. Nous nous y opposons a fortiori pour les mineurs.
À l'époque, nous avions fait valoir que cette disposition remettait en cause la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
Dans le présent article, qui, je le rappelle, concerne les mineurs, aucune garantie n'est prévue afin que leur minorité soit prise en compte. Le seul élément envisagé, c'est la nécessité d'obtenir l'accord des représentants légaux de l'intéressé. C'est quand même le moins que l'on puisse faire !
Ainsi, rien n'est prévu pour l'association des professionnels de la protection judiciaire à une possible enquête de personnalité du mineur.
Quant au juge des enfants, son rôle se trouve singulièrement réduit, puisque sa seule mission sera de valider ou non par ordonnance la composition pénale. Il aura seulement la faculté d'auditionner le mineur ou ses représentants légaux. Pourtant, son rôle est normalement d'accompagner judiciairement l'évolution du mineur, en s'appuyant sur les personnels de l'action éducative qu'il désigne. Il est vrai que, dans votre conception, le juge des enfants est une institution inutile, qui devrait petit à petit disparaître.
La mesure de composition pénale n'entraîne pas une privation de liberté stricto sensu, mais elle ne constitue pas une véritable alternative aux poursuites, puisqu'elle emporte inscription au casier judiciaire. Elle demeure une véritable peine à l'encontre du mineur concerné : une de plus sur une palette déjà bien large !
En outre, cette disposition est pour le moins surprenante. En effet, les mineurs de moins de seize ans n'ont pas la capacité juridique de contracter. Dans ces conditions, comment la composition pénale pourrait-elle leur être applicable ?
Comme vous le voyez, à vouloir aller trop vite en besogne, que ce soit pour légiférer ou pour juger, on prend des risques, en l'occurrence au détriment des jeunes.