À lire l'intitulé du chapitre VII, « Dispositions tendant à prévenir la délinquance des mineurs », on pourrait légitimement s'attendre à ce que celui-ci souligne la spécificité de la délinquance des très jeunes, laquelle est fondée à la fois sur son caractère marginal et sur la question de la responsabilité. Mais est-on réellement responsable de ses actes à treize ans ?
Au lieu de mettre en avant le caractère spécifique et délicat de la situation des mineurs délinquants, l'article 35 n'est là que pour gommer ces particularités et les différences de traitement qui caractérisaient les situations des mineurs et des majeurs dans l'ordonnance de 1945 à son origine. Cet article fait donc des mineurs et des très jeunes mineurs des délinquants comme les autres : délinquants avant tout et « sanctionnables » comme tous !
De plus, les auteurs du projet de loi semblent confondre les différents sens du mot « prévenir ». Si nous, nous considérons que dans le contexte de la délinquance « prévenir » signifie « empêcher d'arriver », M. le ministre de l'intérieur, pour sa part, lui donne le sens d'« informer au préalable afin de préparer la sanction en conséquence ». La preuve en est l'idée mise en avant dans le texte de « sanctions éducatives ». N'y a-t-il pas là une contradiction évidente entre l'ambition de prévention, qui passe effectivement par l'éducation, et la mise en place d'une politique répressive à l'égard des mineurs ?
Il semble logique de commencer par éduquer nos enfants afin de leur fournir les outils nécessaires à la compréhension de leurs actes et donc à l'élaboration de la notion de responsabilité justifiant une sanction, plutôt que de faire de la sanction la clé de l'éducation. D'autant que la sanction, qui peut parfois avoir des effets positifs lorsqu'elle est appliquée d'une manière intelligente, comporte souvent un effet pervers, à savoir la stigmatisation de l'individu sanctionné.
Dans l'article 35 du projet de loi, on trouve en effet des sanctions dont les effets marquants sur l'individu, tant socialement que psychologiquement, sont à craindre chez les très jeunes. Il s'agit notamment du placement dans une institution éducative habilitée ou de la consultation d'un psychiatre ainsi que de la fameuse « exécution d'une activité de jour », derrière laquelle semblent pouvoir se cacher mille et une choses ...
Il faut prendre en compte le fait que les jeunes qui font preuve de comportements déviants, voire violents, sont souvent des individus en mal d'avenir, en déshérence, tout simplement en mal de vivre. Quels meilleurs jours leur promettons-nous si nous leur supprimons toute possibilité d'intégration en les stigmatisant dès l'âge de treize ans ?
La répression dès cet âge nous paraissant inacceptable, nous pensons que M. Sarkozy se trompe de méthode, se trompe de siècle, voire tout simplement de système politique. Car, dans une démocratie moderne garantie par l'État de droit, la prévention ne peut céder son droit à la répression, qui plus est lorsqu'il s'agit de fragiliser la plus grande richesse de notre pays, à savoir sa jeunesse.