Avant d'expliquer pourquoi nous sommes opposés à l'application de la procédure de composition pénale aux mineurs de moins de treize ans, j'aimerais rappeler un certain nombre de principes régissant l'ordonnance de 1945.
Comme l'a souligné M. Badinter, cette ordonnance a été maintes fois modifiée. Et la version actuelle n'interdit nullement la répression, bien au contraire. Mais celle-ci doit s'exercer sous une forme particulière. En fait, son principe premier est l'éducation.
Ainsi, l'article 2 de l'ordonnance de 1945 - non le texte d'origine, mais la version en vigueur - dispose : « Le tribunal pour enfants et la Cour d'assises des mineurs prononceront, suivant les cas, les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation qui sembleront appropriées.
« Ils pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité des mineurs l'exigent, soit prononcer une sanction éducative à l'encontre des mineurs de dix à dix-huit ans, conformément aux dispositions de l'article 15-1, soit prononcer une peine à l'encontre des mineurs de treize à dix-huit ans en tenant compte de l'atténuation de leur responsabilité pénale, conformément aux dispositions des articles 20-2 à 20-9.
« Le tribunal pour enfants ne peut prononcer une peine d'emprisonnement, avec ou sans sursis, qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine. »
Tout tient dans les mots « ils pourront, cependant », qui fixent bien l'ordre des choses, y compris avec la loi Perben I.
À la lecture de ce texte, on comprend qu'affirmer que la priorité législative est éducative ne veut pas dire que la loi interdit la répression à l'encontre des mineurs. La loi fixe une orientation de base ; elle n'ignore pas l'intérêt d'une démarche d'autorité et répressive vis-à-vis des enfants.
Par ailleurs, je rappelle que les réformes successives ont accru de façon considérable l'éventail des peines. La loi Perben I a ainsi créé de nouvelles mesures, dites « sanctions éducatives », pouvant être prononcées à partir de l'âge de dix ans.
Fidèles à nos principes, nous sommes opposés pour des raisons de cohérence à l'application de la procédure de composition pénale aux mineurs de treize ans. Aucune garantie n'est en effet prévue par ce texte pour assurer la prise en compte de l'état de minorité du mis en cause, en dehors de la nécessité d'obtenir l'accord des représentants légaux.
Ainsi, le projet de loi n'envisage pas l'intervention obligatoire et préalable d'une enquête sur la personnalité du mineur, ne serait-ce que sous la forme d'une procédure de renseignement socio-judiciaire confiée à la protection judiciaire de la jeunesse, ce qui serait pourtant tout à fait conforme à l'esprit de l'ordonnance de 1945. Dès lors, le juge des enfants n'est plus chargé d'accompagner judiciairement l'évolution du mineur ; il se borne à un rôle d'homologation.