Comme je me doutais que notre amendement de suppression ne serait pas adopté, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt la présentation de son amendement par M. Zocchetto.
M. Zocchetto a une qualité particulière : il a beaucoup travaillé sur les procédures rapides et il n'avait pas envisagé - pas plus que M. Béteille d'ailleurs - que l'on puisse étendre aux mineurs, même par accident, le champ de ces procédures rapides en raison de la spécificité de la justice des mineurs que j'ai évoquée tout à l'heure.
Il faut en revenir à ce qu'est le fondement de la composition pénale, à savoir un accord entre le parquet et le délinquant qui accepte ce qui lui est proposé.
Or, pour qu'il y ait accord et pour que cet accord ait un sens pour le mineur, pour qu'il lui serve à quelque chose, celui-ci doit bien évidemment être dans un âge de discernement.
Je conçois que l'on songe à étendre la procédure de la composition pénale aux mineurs âgés de seize à dix-huit ans. Mais l'étendre aux mineurs de treize à seize ans alors qu'il y a une telle évolution chez les jeunes entre ces différents âges serait méconnaître complètement la nature de la composition pénale et le rapport qui doit s'établir entre l'autorité judiciaire - le juge et le procureur au premier chef - et le mineur délinquant ! Comment discuter avec un mineur de cet âge-là de la sanction ou de la mesure qui va être prise ?
Certes, toutes les garanties sont prises, je le sais, monsieur le ministre, mais soyons concrets : voyez-vous le procureur demander à un mineur de cet âge s'il accepte ou non la mesure ? Est-ce l'idée que le mineur doit avoir de la justice : on négocie, on discute ? Cela n'a pas de sens !
Indépendamment de la simple question du discernement, une telle procédure n'est pas adaptée aux mineurs de treize à seize ans. J'incline en revanche à penser qu'elle est applicable aux mineurs entre seize et dix-huit ans, puisque l'adolescent est alors presque un jeune adulte.
Mais à un mineur de quatorze ans, garçon ou fille, va-t-on demander ce qu'il pense d'une telle mesure, s'il est prêt à l'accepter ? Va-t-on lui conseiller de consulter son avocat ? Quelle promotion !
Non ! Cette mesure est une erreur, et si toutefois elle devait être appliquée, ce qui à mon avis n'arrivera pas, on verrait alors que la seule raison d'être d'une telle initiative, c'est, comme toujours, la nécessité de faire du chiffre ! Il faut accélérer les procédures, donner toujours plus des réponses pénales, pouvoir justifier par des chiffres, devant la pression de l'opinion publique, que, là aussi, on est ferme, impitoyable, qu'on agit encore et toujours et que les statistiques en font foi.
C'est une très mauvaise démarche, qui méconnaît totalement ce que doit être le rapport fondamental de l'autorité judiciaire avec le mineur de treize à seize ans.