Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, acquisition de compétences et de savoirs, découverte d’une nouvelle culture, apprentissage d’une langue étrangère : les apports d’une expérience à l’étranger dans le cadre d’un parcours de formation sont nombreux, tant pour l’employabilité que pour le développement personnel des jeunes.
Alors que 17 % des étudiants font un séjour à l’étranger au cours de leurs études, cela ne concerne que 2, 1 % des apprentis. Développer la mobilité internationale des apprentis était pourtant l’un des objectifs de la réforme de 2018 : depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les alternants ont en effet la possibilité de réaliser une mobilité à l’étranger pour une durée ne pouvant excéder un an. Leur contrat est alors « mis en veille », l’entreprise ou le centre de formation d’accueil étant alors seul responsable des conditions d’exécution du travail. Pour les mobilités de moins de quatre semaines, l’alternant peut toutefois être mis à disposition de la structure d’accueil à l’étranger, son contrat de travail continuant alors d’être exécuté.
Pour favoriser ces mobilités, chaque centre de formation d’apprentis doit désigner un référent mobilité, financé par les opérateurs de compétences, qui peuvent aussi prendre en charge des frais annexes engendrés par le séjour à l’étranger.
Les alternants sont aussi soutenus par des aides de l’Union européenne, dans le cadre du programme Erasmus+, ou encore des collectivités territoriales.
Pour autant, le développement de la mobilité des alternants n’a pas suivi la progression significative du nombre de contrats d’apprentissage, qui a dépassé le seuil de 800 000 en 2022. Quant à la durée moyenne de la mobilité, elle est estimée à quarante et un jours, la durée médiane s’élevant à dix-huit jours seulement.
Certes, la mobilité à l’étranger des alternants a été freinée par l’épidémie de covid-19, mais elle rencontre aussi de nombreux obstacles d’ordre plus structurel.
Le départ de l’alternant pour un séjour à l’étranger peut être coûteux pour son employeur et source de perturbations au sein de son entreprise. Surtout, le statut de l’alternant lors de sa mobilité n’est pas adapté à toutes les situations. La mise en veille du contrat permet à l’entreprise de lever ses obligations en termes de rémunération, mais les coûts et les contraintes sont reportés sur le CFA et sur l’apprenti, ce qui peut faire obstacle à la réalisation de projets de mobilité.
Les démarches administratives sont complexes ; je pense notamment aux obligations liées à la signature d’une convention entre l’alternant et les différentes parties impliquées dans la mobilité.
Les apprentis sont aussi freinés par le coût de la mobilité. En 2023, l’agence Erasmus+ n’a pu satisfaire que 53 % des demandes de soutien financier pour des mobilités internationales relevant du champ de l’enseignement professionnel. En outre, le soutien financier des opérateurs de compétences est très hétérogène et souvent insuffisant.
L’alternant n’a que rarement connaissance de la possibilité d’effectuer une mobilité à l’étranger et cette mobilité n’est pas aisément reconnue dans le cadre des certifications professionnelles. À ces difficultés s’ajoutent des barrières linguistiques et psychologiques auxquelles tous les jeunes apprenants font face pour s’engager dans un projet de séjour à l’étranger.
Afin de lever certains de ces freins juridiques et financiers, notre collègue député Sylvain Maillard a déposé la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
L’article 1er crée un droit d’option, laissant le choix entre mise en veille du contrat et mise à disposition de l’alternant lorsque ce dernier effectue une mobilité internationale. De plus, cette mise à disposition ne sera plus limitée aux séjours de moins de quatre semaines. Les alternants, employeurs et organismes de formation pourront ainsi retenir le régime le plus approprié à chaque situation.
Afin de simplifier les démarches lors de départs à l’étranger, l’article 2 supprime l’obligation pour les alternants de disposer d’une convention individuelle de mobilité avec l’organisme de formation qui les accueille, dans le cas où une convention de partenariat existerait déjà entre le CFA et ledit organisme.
L’article 2 bis a pour objet que les apprentis originaires d’un État membre de l’Union européenne effectuant une mobilité en France puissent déroger à la limite d’âge applicable à l’apprentissage.
Avec l’article 3, les opérateurs de compétences devront obligatoirement prendre en charge les frais correspondant aux cotisations sociales liées à la mobilité internationale des alternants.
L’article 3 bis A vise à procéder à la ratification de l’ordonnance du 22 décembre 2022 relative à l’apprentissage transfrontalier.
La commission a considéré que la proposition de loi lèvera certains freins à la mobilité des alternants. Elle l’a donc adoptée sans modification. Toutefois, nous avons considéré que, pour insuffler une véritable dynamique en faveur de la mobilité internationale des alternants, le texte devrait être assorti de mesures complémentaires.
D’abord, le financement des référents mobilité dans les CFA doit être conforté afin de professionnaliser le personnel. Il faut harmoniser les financements des Opco par voie réglementaire, comme s’y est engagé le Gouvernement, pour rendre les aides plus lisibles et plus accessibles à tous les apprentis.
Ensuite, la mobilité doit être promue auprès des alternants et des employeurs. Les TPE-PME doivent être accompagnées par les Opco et les employeurs publics davantage incités à soutenir ces échanges.
Enfin, la mobilité doit être valorisée et reconnue dans les diplômes et dans les certifications professionnelles.
En somme, la mobilité internationale des alternants nécessite une large mobilisation des pouvoirs publics et l’accompagnement renforcé des acteurs de l’apprentissage. La proposition de loi contribue à enclencher cette dynamique en levant certains freins. Aussi, au nom de la commission des affaires sociales, je vous invite à l’adopter.