Séance en hémicycle du 19 décembre 2023 à 14h30

Résumé de la séance

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Sommaire

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Mathieu Darnaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (projet n° 219, rapport n° 220).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances pour 2024 que nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture s’inscrit dans la droite ligne des objectifs que nous avons fixés dans la loi de programmation des finances publiques pour 2023 à 2027.

Nous sommes sur une ligne de crête.

Mme Christine Lavarde s ’ en amuse .

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Nous devons atteindre ces objectifs sans dégrader notre trajectoire, en maîtrisant nos finances publiques et en poursuivant une politique de justice fiscale et de lutte contre la fraude.

En première lecture, ici, au Sénat, ces grandes orientations ont été confortées. En effet, malgré des points de désaccord sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir, vous avez voté pour un budget qui confirme le chemin que nous souhaitons emprunter.

Sur la maîtrise de la dépense publique, d’abord, la trajectoire que nous nous sommes fixée établit un déficit public à 4, 4 % pour 2024. C’est une nouvelle étape importante qui doit nous permettre de repasser sous la barre des 3 % de déficit en 2027. Nous avons ici un point d’accord : la maîtrise des finances publiques est une priorité.

Nous réaliserons cet objectif, car nous ferons des économies. Les dépenses de l’État baisseront en 2024 : 14 milliards d’euros seront économisés grâce à la sortie des dispositifs de crise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Ce ne sont pas des économies, c’est de l’affichage !

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Par ailleurs, 350 millions d’euros seront économisés sur la politique de l’emploi grâce à la réduction du chômage et 500 millions d’euros en améliorant l’efficience de la politique de formation professionnelle et de l’apprentissage.

Ces économies sont ciblées. Nous ne souhaitons pas faire de grands coups de rabot dans la dépense publique, …

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

… qui auraient un effet contre-productif sur la croissance, l’emploi et qui pourrait finalement amoindrir nos recettes.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Nous réaliserons cet objectif sans augmenter les impôts.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

C’est notre ligne directrice depuis 2017. Cette politique fonctionne et nous permet d’atteindre les résultats économiques que nous avons aujourd’hui. Nous ne changerons pas de cap, car il produit des résultats. La réforme reste et restera le moteur de notre politique de maîtrise des finances publiques.

Nous nous sommes également accordés sur le financement de la transition écologique. Dans ce projet de loi de finances, 10 milliards d’euros supplémentaires seront consacrés à la rénovation des logements et des bâtiments publics, à l’énergie décarbonée, au verdissement du parc automobile.

Vous avez également soutenu le principe des budgets verts pour les collectivités territoriales et les opérateurs, et inscrit la possibilité de calculer la part de dette dédiée à l’investissement dans la transition écologique. Je suis convaincu que nous ne parviendrons à respecter notre trajectoire en matière de réduction des émissions que si nous nous dotons de boussoles communes. Il s’agit d’une avancée majeure.

Vous avez été favorables à des choix politiques ambitieux pour accompagner la transition écologique : la sortie progressive du gazole non routier (GNR), la taxe sur les gestionnaires d’infrastructures de transport les plus polluantes, le malus sur les véhicules polluants, l’accompagnement du nouveau modèle agricole.

En ce qui concerne la poursuite de notre politique de l’offre, vous avez aussi souhaité garder nos grandes orientations en faveur de l’emploi, de la production et de la croissance. En 2024, nous poursuivrons donc la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Nous créerons aussi un nouveau crédit d’impôt en faveur de l’industrie verte.

Nous nous sommes également retrouvés sur le soutien dans nos services publics : l’augmentation du budget de l’éducation nationale, pour le porter à un niveau historique ; l’augmentation du budget de nos armées pour qu’elles puissent faire face aux défis stratégiques que nous connaissons ; l’augmentation du budget de la justice pour renforcer l’accès au droit et augmenter le nombre de places en prison.

Vous avez aussi souhaité valider les grandes orientations de justice fiscale comme le « pilier II », qui permettra une imposition minimale des sociétés à 15 % dès le 1er janvier 2024.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Et la Fifa, c’est de la justice fiscale ? Allô ?

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Cette mesure, prise à l’échelle de l’OCDE, représente une avancée majeure dans la lutte contre le dumping fiscal.

La France a été leader dans cette initiative. Nous pouvons collectivement nous réjouir de cette mesure.

Vous avez aussi voté l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, qui est une mesure forte de soutien au pouvoir d’achat des ménages. Cette mesure représente un manque à gagner de 6 milliards d’euros pour l’État et bénéficiera directement à 18 millions de foyers dans notre pays.

La justice fiscale passe également par la lutte contre la fraude.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

C’est un enjeu de cohésion sociale. Sur le sujet, vous avez adopté les très nombreuses mesures présentes dans ce texte visant à lutter contre toutes les fraudes.

Par le renforcement des moyens d’abord : ce sont 250 agents supplémentaires qui seront dédiés à la lutte contre la fraude à la direction générale des finances publiques (DGFiP). Nous renforçons aussi les techniques d’enquête sur internet avec, notamment, la permission d’accéder aux contenus publics et d’enquêter sous pseudonyme. Nous renforçons la lutte contre les nouveaux types de fraudes en ligne.

Nous renforçons aussi les sanctions contre les fraudeurs avec une sanction administrative balai pour la fraude aux aides publiques et une nouvelle sanction d’indignité fiscale.

Ces grandes orientations ont donc fait l’objet d’accords avec vous, mais vous avez aussi fait de très nombreuses propositions, que nous avons débattues longuement.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Le président de la commission des finances, le rapporteur général, les 49 rapporteurs spéciaux, les 76 rapporteurs pour avis et plus globalement l’ensemble des sénateurs ont proposé, en première lecture, 3 760 amendements que nous avons examinés pendant 150 heures de débats. Vous avez adopté au total 663 amendements.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Ces amendements traduisent parfois des désaccords entre le Sénat et le Gouvernement. Ils traduisent aussi une volonté que le Sénat a eue d’enrichir le texte proposé par le Gouvernement.

Contrairement à ce que j’ai pu entendre, nous avons écouté et retenu les amendements qui représentaient des points d’accord importants.

Vives p rotestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Thomas Dossus s ’ en amuse.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Le texte qui vous est soumis aujourd’hui est riche des débats qui ont eu lieu au Sénat.

Le Sénat a validé les grandes orientations du texte sur le financement de la transition écologique, la poursuite de la politique de l’offre, l’investissement dans les services publics prioritaires comme l’éducation nationale. Le Sénat a adopté 663 amendements. Le texte voté par le 49.3 en reprend plus de 120.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

C’est un record historique !

Nous avons retenu des amendements transpartisans défendus par la plupart des groupes, comme le prolongement de la garantie sur l’évolution de la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux (DPEL) des communes nouvelles, mesure que je sais très chère à Françoise Gatel, ou le gel de la trajectoire de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en outre-mer en 2024.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Je citerai également parmi les amendements transpartisans l’augmentation de l’objectif d’incorporation d’énergies renouvelables dans les gazoles pour le calcul de la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports (Tiruert).

Nous avons également retenu des amendements de la majorité sénatoriale et du rapporteur général, comme le principe d’une taxe sur les plateformes de streaming, …

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

… grande avancée attendue, grâce au dialogue, ici, au Sénat.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Je pense aussi à l’aménagement des conditions d’éligibilité des fonds de capital investissement au dispositif d’apport-cession, dispositif défendu par Christine Lavarde, ou à l’aide aux départements du Nord et du Pas-de-Calais,

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Non, vous ne l’avez pas maintenu dans le texte !

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Nous avons aussi retenu des amendements du groupe Socialiste, Écologiste et Républicains, comme l’ajustement soutenu par Thierry Cozic des règles de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) en cas de fusion d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou la suppression du critère de potentiel financier dans le DPEL pour le soutien aux élus locaux, mesure défendue notamment par Éric Kerrouche.

Du groupe Union Centriste, nous avons retenu le dégrèvement en faveur des logements ayant fait l’objet de travaux de réhabilitation « seconde vie », la mise en place d’un fonds de compensation perte de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), défendue par le sénateur Bonneau, la bonification de 20 % de la fraction péréquation de la dotation de solidarité rurale (DSR) des communes classées France Ruralités Revitalisation (FRR) du sénateur Delcros.

Pour le groupe RDPI, nous avons retenu l’exonération des aides versées aux entreprises touchées par la crise de l’eau à Mayotte, et le soutien au Département de Mayotte et au syndicat de gestion de l’eau, défendus par le sénateur Soilihi.

Pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, nous avons retenu la suppression de la redevance d’eau dans le calcul du coefficient d’intégration fiscale des communautés de communes, proposition défendue par la présidente Cukierman.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, nous avons retenu le doublement du montant des amendes prononcées par l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), mesure proposée par la sénatrice Senée.

Pour le groupe Les Indépendants, nous avons retenu le renforcement de l’assouplissement des règles de lien des taux d’impôts locaux du sénateur Capus.

Je pourrais continuer

Vives exclamations sur toutes les travées.

Vives exclamations .

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

… et citer les mesures anti-abus…

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

… sur les dons de sommes d’argent en nue-propriété et sur la TVA pour les locations de biens meublés du groupe RDPI et du sénateur Rambaud.

Je citerai aussi les 2 millions d’euros au bénéfice des épiceries solidaires portés par le président Mouiller, la sénatrice Micouleau, la sénatrice Canalès et le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Je citerai également les 1 million d’euros pour la lutte contre les scolytes qui menacent nos forêts, demande de la sénatrice Loisier.

Parce que nous connaissons votre expertise sur le sujet des collectivités, nous avons aussi avancé sur les sujets suivants : l’ajustement des règles de la Tascom en cas de fusion d’EPCI ; la neutralisation à 100 % de la réforme de l’effort fiscal en 2024, demande des sénateurs Sautarel et Cukierman ; la création de 15 équivalents temps plein (ETP) pour le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) afin de soutenir les collectivités dans leurs projets d’investissement, notamment dans la transition écologique, demande du sénateur Capo-Canellas.

Ces avancées proviennent des travaux de tous les groupes du Sénat. Nous les avons étudiées avec sérieux et avons adopté celles qui contribuaient à la réussite des objectifs que nous avons fixés. Nous avons dialogué, écouté.

Malgré cela, force est de constater que nous avons eu des points de désaccord qui ont animé nos débats en première lecture.

Ah ! sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

D’abord, et ce n’est pas un petit différend, nous ne sommes pas d’accord avec la suppression de plusieurs missions dans la seconde partie du texte – « Cohésion des territoires », « Plan de relance », « Immigration, asile et intégration », « Administration générale et territoriale de l’État » – et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». Le déficit ramené à 3 % à l’issue de la première lecture au Sénat était un trompe-l’œil.

Vous avez considéré comme insuffisants les efforts de ce gouvernement en faveur des collectivités territoriales.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Sur les recettes comme sur les dépenses, nous avons des désaccords.

Vous avez souhaité augmenter les recettes allouées aux collectivités de 3 milliards d’euros supplémentaires en première partie et de 200 millions d’euros lors de l’examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cette augmentation s’ajoute aux 1, 15 milliard d’euros prévu dans le texte du Gouvernement.

Nous devons cibler le soutien aux collectivités. Il faut soutenir celles qui sont en difficulté et permettre à celles qui se portent bien de contribuer, à la hauteur de leurs moyens, à nos efforts de maîtrise de la dépense publique et aux besoins d’investissement.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Sur le bouclier énergétique, nous avons également souhaité modifier le texte du Sénat. Si la sortie des dispositifs exceptionnels sur l’électricité est légitime, un retour à la situation d’avant-crise, du jour au lendemain, serait trop brutal. Nous avons opté pour une sortie progressive des boucliers, je m’en suis expliqué.

Le dispositif que vous avez proposé a permis d’enrichir le texte pour aboutir à la version de compromis que nous vous proposons aujourd’hui. L’augmentation que nous prévoyons, plafonnée à 10 %, est déjà un effort important demandé aux Français.

Je souhaite que le texte qui vous est finalement présenté en nouvelle lecture, enrichi par le travail du Sénat, puisse vous convaincre que nous avons su écouter, dialoguer…

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

… et enrichir le texte. Cette méthode est et restera la mienne.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous examinons en nouvelle lecture le projet de loi de finances pour 2024, après l’usage, une nouvelle fois, de la procédure de l’article 49.3 à l’Assemblée nationale.

Comme vous le savez, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie mardi dernier, n’a pas abouti. Au-delà de nos divergences sur de nombreux articles du projet de loi, c’est bien d’après moi notre opposition sur le fait d’engager - ce que vous ne voulez pas en l’espèce - le redressement des finances de notre pays qui a rendu impossible tout accord avec l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Malheureusement, à l’issue de ce nouvel usage du 49.3, pour la vingt-deuxième fois, le texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale ne fait qu’aggraver la situation.

Les dépenses nettes du budget général sont en hausse de 700 millions d’euros par rapport au texte initial de septembre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Monsieur le ministre, où sont les économies supplémentaires annoncées par le Gouvernement ?

Au total, le déficit est de 146, 9 milliards d’euros, aggravé de 2, 4 milliards d’euros supplémentaires par rapport au texte initial.

Pas un centime des 7 milliards d’euros d’économies votées par notre assemblée, monsieur le ministre, n’a été repris par le Gouvernement !

La baisse d’impôt sur les tarifs de l’électricité reste non ciblée, elle bénéficiera donc prioritairement à ceux qui en ont le moins besoin.

Les aides à l’apprentissage sont conservées, y compris les aides exceptionnelles pour les grandes entreprises embauchant des apprentis hautement diplômés. Aucun effort n’est prévu pour l’audiovisuel public alors que vous-même, monsieur le ministre, annonciez dans La Tribune que ce secteur devrait faire des efforts. Vous réintégrez même toutes les surbudgétisations supprimées par le Sénat.

C’est donc ce même gouvernement qui demande à l’envi au Parlement de faire des économies, à défaut de savoir les proposer lui-même, qui ne les reprend pas quand le Parlement les vote !

C’est un jeu de dupes, monsieur le ministre, qui décrédibilise le monde politique en général et donc la démocratie, en plus de nuire gravement aux finances publiques de notre pays.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Vous n’avez finalement repris du Sénat que les quelques dispositifs que vous aviez vous-même transmis aux sénateurs pour les faire adopter avec avis favorable

M. le ministre délégué le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

, et qui ne reflètent aucunement les 150 heures de débats sérieux, constructifs et responsables que nous avons eues au sein de notre assemblée. À ce propos, qu’il me soit permis de remercier l’ensemble de mes collègues !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub et M. Thomas Dossus applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Vous nous dites, monsieur le ministre, que la « taxe streaming », qui figure dans le texte, est un apport du Sénat. Mais alors, pourquoi ne pas avoir repris le dispositif défendu dans les amendements identiques, qui rassemblaient largement le Sénat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Vous avez poussé la provocation jusqu’à vouloir procéder à trois pages de réécriture d’un nouvel amendement, comme pour mieux appuyer sur un dispositif sur lequel vous aviez rendu un avis défavorable ?

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

J’ai dit « sagesse » !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Le peu qu’il reste des apports du Sénat ne relève même pas de la compétence du ministère de l’économie et des finances, mais relève de celui des collectivités territoriales. Ce sont, notamment, les aménagements au dispositif des zones France Ruralités Revitalisation, prévus à l’article 7 du projet de loi, sujet qui était piloté par la ministre Dominique Faure.

Je citerai tout de même deux autres apports importants de notre assemblée : à l’article 5 duodecies, dit niche Airbnb, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

… vous avez repris le texte du Sénat, qui résulte du vote de plusieurs amendements identiques réduisant à 30 % l’abattement fiscal pour les locaux meublés de tourisme, sous un plafond de revenus de 15 000 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

La loi prévoira donc bien son application aux revenus perçus l’année prochaine. Rassurez-nous, monsieur le ministre : vous comptez bien appliquer la loi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

À l’article 15, qui crée la taxe additionnelle sur les autoroutes et les aéroports, je me réjouis que vous conserviez l’amendement de la commission qui affecte 100 millions d’euros de son produit aux communes et aux départements. Je vous indique, d’ailleurs, officiellement que je souhaite que la commission des finances, à l’origine de cette disposition, soit associée au décret d’application prévu par la loi pour déterminer les modalités de ce reversement.

Vous l’aurez compris, pour moi, les quelques « accords » trouvés sont des écrans de fumée qui masquent le fait que l’exécutif choisit de s’exonérer de toute validation parlementaire.

Il s’exonère de toute validation à l’Assemblée nationale par l’usage du 49.3, je le rappelle, sans aucun débat en séance publique, ce qui est nouveau par rapport à la pratique historique du 49.3, et n’est pas conforme à l’esprit de la Constitution.

M. André Reichardt renchérit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Il s’exonère aussi de toute validation au Sénat par l’absence de prise en compte de nos votes !

De fait, la réalité, c’est qu’aucun des principaux votes du Sénat n’est retenu ! On ne retrouve aucun des dispositifs fiscaux en faveur de la transmission de patrimoine et du logement. Le prêt à taux zéro (PTZ) n’est pas maintenu. Il n’y aura pas de ciblage des aides pour l’électricité – je l’ai évoqué –, pas de fonds d’urgence climatique pour les collectivités territoriales, pas de prise en compte des demandes du Sénat sur les dotations aux collectivités : la hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) reste à 100 millions d’euros, et l’aide d’urgence aux départements ne sera pas de 100 millions d’euros.

Pas un centime de quota carbone ne sera mis au service des autorités organisatrices de la mobilité de province.

On décèle même, en examinant précisément le 49.3, une volonté du Gouvernement de ne pas être constructif. En effet, monsieur le ministre, par le 49.3, vous revenez sur des dizaines d’avis favorables que vous avez vous-même émis, à ce banc, devant nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Encore une fois, quelle est la crédibilité de la parole politique et du Gouvernement dans ces conditions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Ce sont les propres engagements du Gouvernement qui sont reniés.

Je prends un exemple : la commission des finances, et le Sénat à sa suite, a appliqué la loi de programmation des finances publiques (LPFP), tout juste votée, pour borner à trois ans, soit jusqu’en 2026, les nouvelles niches fiscales. Pourtant, dans le 49.3, vous revenez sur la majorité de ces bornages, qui sont pourtant des engagements que vous avez vous-mêmes pris, à travers un autre 49.3 – sur la LPFP. C’est à n’y plus rien comprendre.

Ce non-respect des engagements pris est encore plus flagrant s’agissant de la trajectoire d’emplois du PLF, où l’objectif de stabilité de la LPFP est piétiné, autant que les amendements du Sénat qui visaient pourtant à produire un effort sur les emplois des opérateurs.

Enfin, et c’est un peu la cerise sur le gâteau, le texte du 49.3 pose d’importants problèmes constitutionnels.

En nouvelle lecture, le Gouvernement a introduit dans le texte des dispositions entières sans lien direct avec les dispositions encore en discussion, qui n’auront donc été examinées par aucune des assemblées : à l’article 5 quindecies, une réécriture globale du « dispositif Madelin » ; à l’article 16 quater A, une réforme de la taxe générale sur les activités polluantes d’une grande technicité, qui n’a rien à voir avec la TGAP en outre-mer, dont traitait l’article initialement ; à l’article 25 bis, une réforme jamais discutée de la compensation des compétences exercées par les régions en matière de formation professionnelle continue.

Par ailleurs, le Gouvernement se laisse de plus en plus de marges fiscales hors la vue du Parlement, en violation de la compétence fiscale du législateur. À l’article 11, vous vous autorisez à augmenter de 1, 9 milliard d’euros les accises sur le gaz payées par les ménages français. À l’article 16 sexies, vous déplafonnez complètement les tarifs de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers.

Enfin, comme je l’ai déjà évoqué lors de l’examen des articles non rattachés, vous réintroduisez l’article 44 sur les reports de crédits, qui supprime, sans justification précise, tout plafond de report de crédits pour désormais non pas 12 programmes, comme le prévoyait le texte initial, ni 37 programmes, comme dans le texte issu du premier 49.3, mais pour 43 programmes budgétaires distincts !

Je rappelle, monsieur le ministre, que la Lolf impose, pour ces reports, un plafond par programme et une justification précise ! C’est le principe même de l’annualité budgétaire, donc le principe même de l’autorisation parlementaire, qui est piétiné ici.

Je ne saurais finir ma présentation de cette nouvelle lecture sans évoquer la caricature que constitue l’article visant les fédérations internationales olympiques

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Tenez-vous bien, mes chers collègues : il est désormais acté que le Gouvernement réintroduit, dans le 49.3, le paradis fiscal pour la Fédération internationale de football association (Fifa).

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Excusez du peu : pas d’impôt sur les sociétés, pas de cotisation foncière des entreprises, pas d’impôt sur le revenu pour ses salariés… Tout cela au profit d’une organisation privée qui brasse des milliards d’euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Cette disposition, monsieur le ministre, n’a pas été votée à l’Assemblée nationale, ni en première ni en nouvelle lecture. Et je rappelle qu’elle a été supprimée ici, au Sénat, à l’unanimité.

Cette réintroduction par le Gouvernement n’est pas un manque de prise en compte du Parlement ; elle ne pose pas la question des éventuels apports du Sénat : c’est une véritable provocation, non seulement pour le Sénat, mais aussi pour les Français !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Cette décision est particulièrement grave, tant elle manque de mesure, d’équité et de justice.

Je vous pose la question, monsieur le ministre : pourquoi cet aveuglement coupable et cet acharnement forcené ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Guislain Cambier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En conclusion – il en faut bien une, monsieur le ministre -, vous ne serez pas étonné que la commission des finances ait proposé, ce matin, à une large majorité, d’opposer la question préalable, en nouvelle lecture, sur ce projet de loi de finances pour 2024.

Applaudissements sur les travées d u groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Christian Bilhac applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que dire après ce réquisitoire ?

Sans surprise, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 12 décembre dernier, n’a pu aboutir favorablement.

Comme l’a rappelé notre rapporteur général, un trop grand nombre d’articles restaient en discussion. Une nouvelle lecture n’a évidemment pas permis au Gouvernement d’avancer, et nous avons subi les conséquences d’une nouvelle mise en œuvre de l’article 49.3, qui a balayé d’un revers de main la quasi-totalité des apports du Sénat.

Monsieur le ministre, vous avez, tout à l’heure, pratiqué le name dropping. Cela peut faire plaisir, mais ne règle pas du tout la question ! Avouez qu’un ratio de 120 amendements sur 3 800 n’est pas très favorable…

Pour l’année prochaine, la prévision de déficit public demeure inchangée par rapport à la version du texte adoptée à l’issue de la première lecture du budget à l’Assemblée nationale, à savoir 4, 4 % du PIB. Malgré le retrait des mesures de crise, la dépense publique devrait, toutes sphères d’administration confondues, augmenter de plus de 100 milliards d’euros par rapport au niveau de 2022.

Nous aurions pourtant dû revenir à une plus juste appréciation des « ordres de grandeur ». Après le « quoi qu’il en coûte » et les montants astronomiques de concours publics déployés pour limiter l’impact des crises sanitaire et énergétique, les ajustements doivent, plus que jamais, être calibrés « au trébuchet », plutôt qu’au doigt mouillé.

Le Sénat vous a ainsi fait de nombreuses propositions d’économies, améliorant de 0, 3 point le solde public, compte non tenu, évidemment, du rejet de différentes missions budgétaires – nous sommes d’accord.

À cet égard, nous sommes nombreux, au sein du groupe Union Centriste, à déplorer le rejet des crédits de cinq missions cette année.

La préservation de nos ressources publiques comme le respect du principe d’égalité devant l’impôt appellent, de notre part, une rationalisation accrue des niches fiscales. Or plus de 40 % des articles de la première partie concernent des niches !

Nous avons formulé des propositions en ce sens.

Je m’arrêterai évidemment quelques instants sur la giganiche fiscale de la Fifa, que M. le rapporteur général a évoquée.

Les sénateurs de toutes les travées de cet hémicycle se sont unis pour supprimer l’article correspondant, qui est malgré tout revenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je rappelle tout de même que les recettes totales de la Fifa s’élevaient, en 2022, à 4, 6 milliards de dollars !

Alors que nous venons de parler d’égalité devant l’impôt, comment allons-nous expliquer aux infirmiers, aux enseignants et aux autres salariés de ce pays qu’ils doivent payer l’impôt, quand les salariés de la Fifa en seront exonérés ?

Nous verrons comment se présente la partie non lucrative…

Très franchement, je me demande, d’ailleurs, monsieur le ministre, si cette mesure survivra au contrôle du Conseil constitutionnel, tant il est vrai que la rupture d’égalité devant l’impôt semble ici une évidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

D’autres mesures, adoptées elles aussi à la quasi-unanimité du Sénat, auraient mérité une plus grande attention de la part du Gouvernement.

Je pense, par exemple, au maintien du PTZ pour un logement neuf sur l’ensemble du territoire, ou encore, toujours à l’article 6 du PLF, à la transformation de l’exonération de taxe foncière pour les logements sociaux en dégrèvement, afin de préserver les ressources fiscales locales malmenées.

Quelques motifs de satisfaction méritent soulignés.

Je pense ainsi à quelques mesures contre la fraude fiscale, sans que l’on ait touché à l’arbitrage des dividendes ou aux conventions fiscales internationales ; à la préservation, à l’article 7 du PLF, des améliorations apportées au bon fonctionnement du nouveau régime zoné d’exonérations fiscales et sociales France Ruralités Revitalisation, sur l’initiative de notre collègue Bernard Delcros ; à la suppression de la hausse de la redevance pour pollutions diffuses ainsi qu’à la suppression des tarifs planchers de la redevance pour irrigation dite « non gravitaire », malgré le rétablissement de l’article 16 ; au relèvement, à l’article 28 – toujours au bénéfice de nos agriculteurs –, du montant de taxe affectée aux chambres d’agriculture, conformément au souhait exprimé sur l’ensemble de ces travées ; à la majoration de 100 millions d’euros de la hausse de la DGF, afin de soutenir les collectivités locales les plus fragiles ; ou encore, sur l’initiative de Laurent Lafon et des membres de la commission de la culture, à l’instauration d’une taxe streaming ou à la revalorisation, à hauteur de 3, 7 millions d’euros, de la dotation versée par l’État aux scènes de musiques actuelles (Smac).

Comme je l’ai dit, compte tenu de l’échec de la CMP, nous voterons évidemment la motion.

Cependant, monsieur le ministre, je pense qu’il est très important de réfléchir aux conditions, absolument détestables, dans lesquelles nous travaillons sur le PLF. Certes, je comprends bien que nous soyons, comme toujours, contraints par le temps. Mais je rappelle que 3 800 amendements ont été déposés cette année ! Le Gouvernement n’y est pas pour grand-chose, mais je pense qu’il faudra vraiment travailler plus en amont pour l’année prochaine !

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Cela vaut pour le rapporteur général, pour le président de la commission des finances comme pour l’ensemble d’entre nous.

Je pense que nous pouvons progresser sur certains sujets. Je pense notamment à la fraude fiscale, sur laquelle vous avez montré beaucoup de bonne volonté et de bonnes intentions.

Compte tenu de l’état de notre situation budgétaire, je pense qu’il vaut mieux prendre l’argent dans la poche des voleurs que dans celle des contribuables.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UC. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l’ouverture de nos débats budgétaires, il y a un mois, j’avais résumé l’approche parlementaire du Gouvernement ainsi : « À l’Assemblée : taisez-vous. Au Sénat : cause toujours. »

J’aurais pu emprunter une formule plus récente du président Larcher, mais nous avons pour coutume de laisser la vulgarité à la porte de notre hémicycle…

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

À la lecture du texte issu du 49.3, il nous apparaît que cet adage a prévalu une nouvelle fois. Compte tenu de l’investissement de chacun des sénateurs et de chacune des sénatrices dans nos débats, on peut dire, au regard de leurs résultats réels, tangibles dans le budget, que l’effort parlementaire ne paie pas, ou qu’il paie très peu.

Rembobinons le mauvais film qu’est devenu le débat budgétaire dans notre République, au parlementarisme dit « rationalisé », même si « piétiné » conviendrait mieux.

Nous avons commencé à échanger ensemble, monsieur le ministre, lors des « dialogues de Bercy ». Vous nous aviez alors annoncé un budget historique pour la transition, avec un cap : le verdissement de notre fiscalité.

Je vous avais déjà fait part de nos doutes, tant les ordres de grandeur annoncés étaient loin de ce qui est attendu pour être à la hauteur de nos engagements, de nos trajectoires climatiques et des générations futures.

Vous aviez ouvert la porte aux débats parlementaires pour enrichir éventuellement cette trajectoire budgétaire historiquement verte.

Malgré 150 heures de débats en séance publique dans cet hémicycle, aucune ouverture n’a semblé possible sur le verdissement de notre fiscalité, que ce soit les propositions de fiscalité incitative ou la mise à contribution des comportements les plus polluants ou des plus aisés : tout a été balayé avec le mépris habituel.

Cependant, sur d’autres sujets, des dizaines d’amendements ont été adoptées, parfois de façon très large et transpartisane, sur des points essentiels.

Mais ce n’est pas le Parlement qui tient le stylo, et ce n’est pas le respect du débat parlementaire qui guide ce gouvernement. Nous sommes donc amenés, après ces heures de débats, à statuer sur un texte qui a largement balayé le travail de notre Haute Assemblée. Et, quand il ne l’a pas fait, quand, par miracle, un amendement transpartisan a survécu, cela nous est présenté comme un oubli à corriger !

Vous avez refusé de maintenir le prêt à taux zéro. Vous avez refusé de mieux cibler les aides sur l’énergie. Vous avez refusé de retravailler la dotation globale de fonctionnement des collectivités. Même la recherche de financements pour les transports publics n’a pas trouvé grâce à vos yeux ! L’égalité territoriale a été bafouée : la seule autorité organisatrice de la mobilité qui a pu se doter de ressources supplémentaires reste, une nouvelle fois, l’Île-de-France.

Nous saluons tout de même un progrès, objet d’un combat historique de certains des sénateurs de notre groupe : nous nous félicitons de la création d’un fonds de soutien de 250 millions d’euros pour accompagner, dans leur fonctionnement, les collectivités dotées d’un plan climat.

Enfin, la persévérance de mon collègue Ronan Dantec a fini par payer. Ce combat de longue haleine permettra à de nombreuses collectivités d’accélérer leurs projets. C’est un pas dans la bonne direction. Ne doutons pas que les prochaines années amèneront à amplifier le mouvement.

Je vais conclure, monsieur le ministre, par un message de colère, cette colère qui monte dans un certain nombre de territoires et chez un certain nombre d’élus locaux.

Monsieur le ministre, le Gouvernement et l’État ne sont pas à la hauteur de leurs obligations en matière d’hébergement. Des milliers d’enfants – oui, des enfants ! – dorment toujours à la rue.

Nous avons voté ici, de manière transpartisane, 6 000 nouvelles places d’hébergement d’urgence. Mais, d’un trait de plume, en mauvais comptable, vous avez décidé de les annuler ! D’un trait de plume, vous avez décidé de laisser des gamins dormir dans des tentes.

Vous n’avez eu de cesse de rappeler à quel point la France renouait avec l’investissement et le retour de la richesse produite, à quel point les comptes se redressaient, à quel point nous sommes au rendez-vous de la compétition mondiale.

Mais que valent toutes ces paroles quand des gamins continuent de dormir à la rue ? Qui peut accepter cela ?

Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, ce trait de plume pèsera lourd dans votre bilan. Nous saurons vous le rappeler ! Vous serez désormais le comptable qui aura préféré laisser dormir des gamins à la rue pour rassurer les banquiers.

Nous ne voterons donc pas ce budget.

Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

C’est un peu excessif…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat budgétaire est un long chemin ! Le 49.3 en est le mur ultime.

Monsieur le ministre, par « solisme » budgétaire, vous vous employez à éliminer les volontés des parlementaires, jugés trop peu prompts à gérer les finances publiques – un comble quand la copie du Gouvernement prévoit 4, 4 % de déficit par rapport au PIB et un endettement record !

Plus qu’un « solisme », c’est une méthode et des choix hors sols qui vous conduisent à persister, face à l’unanimité du Sénat, à vouloir faire de la France un paradis fiscal pour les grandes fédérations sportives lucratives. Ces articles sont profondément contraires à l’esprit de Coubertin, à l’image de celui sur le chronométreur des jeux Olympiques et sur ses filiales, qui ne paieront pas d’impôt. L’important, c’est de participer, mais surtout pas au financement des services publics !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Le « solisme » budgétaire expose également à des « erreurs matérielles », pour reprendre les termes du conseiller d’un ou d’une ministre cité dans la presse. En cause, l’amendement de notre groupe, porté par notre collègue Ian Brossat, qui visait à remédier à une injustice majeure : le taux d’imposition était plus favorable aux logements loués à un touriste étranger pour quelques jours sur Airbnb qu’aux logements loués à un travailleur ou une travailleuse pour quelques années. L’objectif était d’y mettre un terme.

Sauf que le Gouvernement voulait supprimer cet amendement, à en croire la presse, où, toujours anonymement, quelqu’un a annoncé que l’article « sera modifié à l’occasion d’un prochain vecteur législatif, au plus tard dans le budget 2025 » et que « la disposition n’a pas vocation à s’appliquer dans l’intervalle ».

Imaginez un gouvernement qui fait fuiter dans la presse que le budget – la loi donc ! – ne s’appliquera pas… Ouvrons les yeux ! Ce budget, c’est celui pour 2024. La loi, c’est l’imposition des loueurs sur Airbnb. Tous les élus locaux la réclament, mais le Gouvernement prétend avoir raison contre tout le monde. Les seuls moments où il a raison, c’est quand il se trompe…

Notre taxe sur les rachats d’actions modestes, avec son taux de 2 % – soit 400 millions d’euros selon les projections de recettes –, irait trop loin pour le rapporteur général de l’Assemblée nationale, M. Jean René Cazeneuve.

Peu importe que les rachats d’actions aient doublé depuis 2019, pour dépasser aujourd’hui les 20 milliards d’euros. Peu importe que les États-Unis aient institué une telle taxe à 1 %, à compter du 1er janvier 2023.

Le rapporteur général botte en touche, en renvoyant au partage de la valeur, comme si une prime Macron de quelques centaines d’euros pouvait contrebalancer l’enrichissement indu de milliards d’actionnaires. Le « solisme » budgétaire fait fi des comparaisons internationales, dans un aveuglement coupable au service des plus riches.

Notre taxe sur le streaming musical et vidéo, fruit de l’initiative de notre collègue Fabien Gay et, pour sa part, retenue – tout arrive ! –, a été dévitalisée, son taux ayant été abaissé de 1, 75 % à 1, 2 %. Les multinationales du streaming en sont quittes pour une juste imposition et la déstructuration du monde de la création musicale…

Les collectivités pâtissent également de ce « solisme » budgétaire.

Ainsi, il n’y aura pas de fonds exceptionnels pour les collectivités en proie aux catastrophes climatiques.

Le fonds de sauvegarde pour la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) des départements est réduit à sa portion congrue – 53 millions d’euros supplémentaires. Il est déjà insuffisant en sortant du Sénat.

La DGF augmentera en dessous de l’inflation, conformément à la loi de programmation des finances publiques.

On le sait, les collectivités territoriales ne sont pas à la fête.

Nous continuerons de mener ces batailles, mais, en attendant la responsabilité démocratique, sur la méthode, et la responsabilité budgétaire, nous rejetterons ce budget pour 2024.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire n’a pas été conclusive et l’examen de ce projet de loi de finances pour 2024 est marqué du sceau du mépris : le mépris pour le travail du Sénat, pour ses 150 heures de débats calmes et respectueux, et pour l’examen de plus de 3 800 amendements qui ont été balayés d’un revers de la main.

Il revient à l’exécutif d’arbitrer, certes, mais il y a des limites…

L’exonération fiscale de la Fifa, rejetée à la quasi-unanimité des sénateurs, puis rétablie dans le texte, est emblématique de ce mépris. Lors de l’examen de l’amendement tendant à supprimer cette exonération, je vous avais dit, monsieur le ministre, que vous devriez vous demander, lorsque les groupes sont unanimes, si vous n’aviez pas tort…

Restent quelques amendements rescapés.

Pour ce qui concerne les recettes, le groupe RDSE doit se contenter du rehaussement du plafond de la taxe transférée aux chambres d’agriculture, …

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Ce n’est pas rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

… ainsi que de l’application à Saint-Pierre-et-Miquelon de la réglementation en matière d’assujettissement des entreprises au titre des contributions de formation professionnelle et d’alternance.

En seconde partie, beaucoup de dispositions utiles ont disparu, comme celles qui sont relatives, par exemple, à l’amélioration du logement des gendarmes, à la santé scolaire ou à la création d’une banque de ressources biologiques.

Dans le domaine de l’écologie, il nous reste la protection des cétacés

Sourires.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

… à défaut des 100 millions d’euros pour rénover le réseau ferroviaire ou du bénéfice du chèque énergie pour les habitants des HLM.

Ont été rayées de la carte des autorisations d’engagement de quelques millions d’euros supplémentaires pour l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », ou encore pour l’Institut national du cancer (Inca), la prévention de la maladie de Lyme, la maladie de Charcot. Par ailleurs, 2 millions d’euros ont été refusés à la nouvelle commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).

Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, je me contenterai de rappeler que le texte proposé supprime 1, 4 milliard d’euros par rapport à celui qu’a voté le Sénat.

Supprimés les votes du Sénat sur les dotations aux collectivités locales !

Supprimé le rétablissement du prêt à taux zéro pour le logement neuf à tout le territoire !

Supprimée l’aide d’urgence aux départements !

Supprimée la fraction des produits des quotas carbone pour les autorités organisatrices de la mobilité en province !

Supprimé le fonds d’urgence climatique pour les collectivités locales !

Vous avez même supprimé lors de votre arbitrage, monsieur le ministre, des amendements sur lesquels vous aviez émis un avis favorable !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

M. Christian Bilhac. Nous saluons, bien évidemment, le nouveau zonage France Ruralités Revitalisation, la prorogation de l’exonération fiscale et sociale sur les pourboires, la transposition de la directive européenne pour une imposition mondiale minimale des entreprises multinationales, ou encore l’amendement streaming visant à augmenter la taxe sur les services vidéo. Je n’oublie pas non plus le taux réduit de TVA sur les préservatifs !

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Mais ces quelques avancées sont autant de pièces jaunes jetées avec mépris à la représentation nationale.

Pour ne paraphraser personne, à l’Assemblée nationale, le recours à l’article 49.3 signifie : « Ferme ta gueule ! » ; au Sénat, on nous dit plutôt : « Cause toujours, mais je suis sourd ! »

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Ce texte aggrave le déficit de l’État de 2, 4 milliards d’euros. Et vous n’hésitez pas à bafouer le grand principe budgétaire de l’annualité, avec le report massif de crédits d’une année sur l’autre.

Dans le droit fil de sa position de principe, le groupe RDSE ne votera pas la motion tendant à opposer la question préalable qui va nous être soumise. Cela ne signifie pas, tant s’en faut, que le présent projet de loi de finances nous satisfait.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. - M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

Courage ! et sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, …

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe Les Républicains

Un sénateur du groupe Les Républicains. Jusqu’ici, ça va !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

M. Thani Mohamed Soilihi. … le Sénat a adopté la semaine dernière un texte dont notre groupe a déploré le déséquilibre.

Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Plusieurs missions ont été supprimées par la majorité sénatoriale : plus de politique du logement ; plus de crédits pour le sport l’année même des jeux Olympiques et Paralympiques ; plus de crédits pour la politique migratoire, alors que la droite sénatoriale a fait de sa radicalité en la matière un symbole politique au cours des derniers jours.

De la même manière, le volet fiscal du budget, après son examen au Sénat, comportait des réformes de grande ampleur, adoptées sans cohérence ni évaluation préalable, parfois avec le soutien de la majorité sénatoriale, parfois contre elle.

Dans ces conditions, le sort de ce budget en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale était écrit : il fallait rétablir les crédits des politiques publiques essentielles, corriger les mesures fiscales adoptées lorsque leurs objectifs s’avéraient incohérents entre eux, revenir à un budget qui puisse être exécuté et financer notre service public, quand le texte qui sortait du Sénat se contentait d’afficher des messages politiques, dont je ne conteste d’ailleurs pas la légitimité.

C’est ce travail de réécriture que le Gouvernement a fait en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. Je me félicite ainsi qu’ait été conservée dans ce texte l’exonération fiscale pour les entreprises mahoraises, que j’ai portée avec le soutien de mon groupe. Je pense également au soutien apporté aux chambres de commerce et d’industrie, amendement défendu par notre collègue Didier Rambaud.

Notre groupe déplore toutefois que nous ne puissions pas débattre de ce texte en nouvelle lecture. Aussi voterons-nous contre la motion de rejet qui nous sera soumise.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Dommage ! sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Briquet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sénatrice depuis 2020, j’ai bien compris que les marges de manœuvre des parlementaires étaient réduites sur les projets de loi, qui plus est sur ceux qui sont relatifs à nos finances publiques.

La révision constitutionnelle de 2008 n’a pas marqué la fin du parlementarisme rationalisé. L’initiative gouvernementale en matière de loi de finances demeure totale.

Pour autant, travailler sur le projet de loi de finances n’est jamais décevant. En passant des centaines d’heures en séance publique, en examinant des milliers d’amendements, je n’ai pas eu l’impression de perdre mon temps.

C’est le moment de l’année où les parlementaires débattent des orientations choisies par le Gouvernement pour notre pays. Monsieur le ministre, je ne vous cache pas que j’aurais préféré que celles-ci soient différentes…

Ce moment est donc aussi l’occasion pour nous, à gauche, de présenter nos propositions visant à rééquilibrer la fiscalité au bénéfice des classes populaires et moyennes, et à encourager, tant en recettes qu’en dépenses, la transition écologique.

Malgré ces conditions dégradées, le Sénat a constamment joué son rôle en permettant que se déroulent des débats qui n’avaient pas eu lieu à l’Assemblée nationale. Nous avons apporté des évolutions notables au texte, avec notamment l’amélioration du nouveau zonage France Ruralités Revitalisation.

Avec mes collègues socialistes, nous avons tiré la sonnette d’alarme sur certains sujets, comme la mise en place de budgets verts pour les collectivités. Nous avons aussi pointé les incohérences de l’exécutif.

La France est « à l’euro près » quand il s’agit de transformer une réduction d’impôt en crédit d’impôt pour tous les résidents d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Mais elle ne l’est pas pour le transport de chevaux, qui voit sa TVA réduite !

Mme Nathalie Goulet proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Briquet

En fin de compte, cette dernière mouture reste foncièrement injuste et en décalage avec les enjeux d’aujourd’hui.

Après trois semaines de débats au Sénat, le texte a été remanié selon le bon vouloir du Gouvernement, via un énième 49.3 à l’Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, je voudrais rappeler que la fonction première du Parlement, c’est de voter l’impôt. Et les parlementaires doivent rester au cœur de l’adoption de la législation fiscale.

Prenons l’exemple de l’article relatif à la Fifa. Celui-ci promet de multiples exonérations fiscales et sociales en cas d’installation de fédérations sportives internationales, dont certaines – il faut bien le dire – n’ont pas fait preuve d’une grande exemplarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Briquet

Cette mesure est symptomatique de la vision qu’a le Gouvernement du Parlement : cet article, absent du projet de loi de finances, a été intégré via le 49.3 en première lecture, puis supprimé au Sénat. Même en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, le rapporteur général n’a pas proposé de revenir sur sa suppression.

Pourtant, le Gouvernement a souhaité réintroduire cette mesure, qu’il juge certainement fondamentale…

Au-delà du fond, cette situation interroge sur le rôle du Parlement. L’exécutif va-t-il gouverner de cette manière jusqu’en 2027 ? La fiscalité n’est admissible que dans la mesure où elle est consentie par les parlementaires.

Cette attitude du Gouvernement à l’égard de la représentation nationale, reléguée au second plan, pose un problème démocratique. L’exécutif devrait donc faire plus attention à la place qu’il accorde au Parlement dans notre République.

La motion tendant à opposer la question préalable sera votée par le Sénat, et nous la voterons. Cette issue n’en est pas moins regrettable, mais elle relève de la seule et unique responsabilité du Gouvernement.

Applaudissements sur les travées du groupe SER. - M. Christian Bilhac applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos en posant une question toute simple : qui sait, ici, qu’à partir du 1er janvier prochain toutes les communes devront envoyer leur budget douze jours avant la date de convocation du conseil municipal ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Personne, sauf ceux qui étaient présents dans notre hémicycle ! Ce seul exemple illustre la différence entre une approche technocratique et une approche pragmatique.

Le Gouvernement a résolument choisi la première voie ; nous maintenons que la seconde est la seule qui peut réconcilier les citoyens avec la politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Telle est la philosophie qui nous a guidés dans la défense de nos amendements. C’est la raison pour laquelle le Sénat a rejeté à l’unanimité le « paradis fiscal » prévu pour la Fifa.

La semaine dernière, nous avons tous ici réfléchi à la façon d’améliorer le travail parlementaire. À cet égard, je vous soumets une idée toute simple : le Gouvernement n’a qu’à abandonner les soixante-dix jours de navette parlementaire ! En effet, deux jours pourraient suffire : l’un pour l’Assemblée nationale, et l’autre pour le Sénat !

Le Gouvernement pourrait ainsi utiliser à son profit la soixantaine de jours supplémentaires pour finaliser la rédaction de tous les articles et envoyer le tout au Conseil d’État afin qu’il donne son analyse. Pourquoi pas, après tout, puisque le rôle de l’Assemblée nationale et du Sénat se limite à une simple discussion générale ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Même les amendements mettant en conformité le projet de loi de finances pour 2024 avec la loi de programmation des finances publiques ont été supprimés !

Ce projet de loi de finances s’affranchit d’une loi que la majorité a elle-même écrite, grâce au recours au 49.3 il y a quelques semaines. Ce texte foule aux pieds le Parlement ! J’ajoute même, et je regrette de devoir vous le dire, qu’il vous humilie, monsieur le ministre, puisque vous aviez donné un avis favorable sur certains de nos amendements.

M. Bruno Belin acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Les mesures de bon sens ou de simplification ? Balayées, sans que les propos du ministre au banc aient vraiment permis d’en comprendre la raison ! Je considère, pour ma part, qu’elles avaient pour unique défaut de ne pas avoir été présentées par la majorité présidentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Je pense notamment ici au non-assujettissement des locaux d’enseignement privé sous contrat à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Le ministre de l’éducation nationale, ancien ministre chargé des comptes publics, y est pourtant favorable.

Rien n’a été repris de ce qu’a proposé le Sénat, ou bien uniquement des amendements puisés à bonne source, c’est-à-dire auprès du Gouvernement.

Une exception notable : la définition des zones FRR. Heureusement, d’ailleurs ! Car cette disposition préparée pendant dix-huit mois par la ministre Dominique Faure - on aurait pu en douter au vu du léger flottement auquel on a assisté pendant la discussion en séance §- a nécessité une nouvelle concertation entre tous les groupes du Sénat, jusqu’à la dernière minute, pour déboucher sur une rédaction adoptée à l’unanimité.

Des amendements de la commission des finances ou du groupe Les Républicains, on ne trouve que des traces.

L’article 5 vicies A instaurant une taxe sur le streaming, porté notamment par un amendement du rapporteur général et par un amendement identique du président de la commission de la culture, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

… a été supprimé au profit de l’article 5 vicies B, qui a été réécrit : ce n’est pas le texte du Sénat !

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Le Gouvernement a partiellement entendu la demande d’application du principe « qui paie décide » en matière d’exonération de taxe foncière sur le foncier bâti.

L’exonération, introduite à l’article 27 sexies, portant sur les logements individuels sera à la discrétion des communes ; en revanche, celle qui est prévue par l’article 6, qui porte sur les logements sociaux, sera obligatoire.

Certes, l’État a bien introduit un prélèvement sur recettes (PSR) complémentaire pour dédommager les communes. Mais pour combien de temps ? Quelle est la garantie de ce PSR dans la durée ? Chat échaudé…

En effet, une exonération accordée en 2024 a une durée de quinze ans. Par ailleurs, il ne vous aura pas échappé que les membres de l’association des maires du Val-de-Marne (AM 94) avaient justement défilé la semaine dernière pour protester contre cette disposition.

Sur l’exonération de TGAP dans les outre-mer, la rédaction finalement retenue est bien éloignée des ambitions sénatoriales : l’article devient une réforme complète de la taxe.

Il en est de même pour la résidence secondaire des Français résidant à l’étranger. Le Gouvernement a retenu, à l’occasion du recours à l’article 49.3, l’amendement du groupe RDPI relatif à une simple résidence de repli, là où le groupe LR visait une résidence d’attache.

En fait, le Gouvernement peut porter au crédit du groupe LR seulement trois mesures, qui sont certes importantes pour les secteurs concernés, mais qui ne vont pas révolutionner la fiscalité française.

Il s’agit de : l’aménagement des conditions d’éligibilité des fonds de capital investissement au dispositif d’apport-cession – un amendement également porté par le groupe Les Indépendants – ; la déduction de la TVA concernant les véhicules de transport de chevaux – un amendement défendu aussi par le groupe Union Centriste – ; enfin, des mesures d’ajustement de l’écotaxe alsacienne, via un amendement porté par tous les sénateurs alsaciens.

Je n’ai pas retenu dans cette courte liste la minirévolution de l’alignement du régime fiscal des locations de meublés de tourisme sur celui du régime du microfoncier pour locations nues. Nous avons bien compris qu’il s’agissait d’une erreur, après les multiples doublons de la première navette.

C’est dommage, car c’est finalement la seule mesure de ce projet de loi de finances en faveur du logement. Toutes les autres dispositions votées sur l’initiative de la majorité sénatoriale ont, elles aussi, été supprimées : l’exonération temporaire de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) sur les dons pour l’acquisition et la construction d’une résidence principale, ou pour des travaux de rénovation énergétique ; le remplacement de l’impôt sur la fortune immobilière par un impôt sur la fortune improductive ; le rétablissement du recentrage du prêt à taux zéro dans le logement neuf.

Pourtant, monsieur le ministre, le secteur du logement va très mal : 150 000 emplois sont en jeu et la baisse annuelle des ventes n’a jamais été aussi forte en dix ans. Or vous ne faites rien !

Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a jeté, hier, une nouvelle pierre dans la mare : il dénonce une fiscalité du logement incohérente et inégalitaire, et plaide pour une simplification radicale. Pour autant, il ne me semble pas que ces questions soient traitées dans la future loi relative au logement, tant le périmètre de celle-ci se réduit au fil des jours.

Des 7 milliards d’euros d’économies proposées par le Sénat, là encore, il ne reste rien. Pourtant, il ne s’agissait pas de coups de rabot à l’aveugle, contrairement à ce que vous avez dit, de façon caricaturale, monsieur le ministre !

M. le rapporteur général de la commission des finances acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Pis encore, le déficit de l’État est encore dégradé de 2, 5 milliards d’euros, principalement du fait d’une augmentation de la dépense publique de près de 2 milliards. Dans le même temps, les recettes fiscales sont augmentées via le relèvement, par arrêté, des accises sur le gaz et l’électricité. Or vous l’avez caché aux Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Certes, vous l’avez dit dans notre hémicycle, monsieur le ministre, mais combien de personnes suivent nos débats ? Cette hausse pèsera de manière uniforme sur le budget de tous les ménages, là où le Sénat avait proposé une mesure différenciée pour soutenir les plus fragiles.

Encore tout à l’heure, vous avez osé, monsieur le ministre, évoquer la justice fiscale…

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Mais vos mesures ne relèvent pas de la justice fiscale !

En 2022, nous étions le pays le plus taxé de l’OCDE, loin devant le deuxième : les recettes fiscales représentaient 46, 1 % du PIB.

Je crains que cette révision à la hausse du déficit ne soit qu’une hypothèse basse, car le Gouvernement n’a pas modifié son hypothèse de croissance, alors même que les dernières estimations de l’OCDE ou de la Banque de France s’écartent de la cible.

Ce projet de loi de finances devait marquer le retour au sérieux budgétaire. C’est complètement raté !

Je ne peux manquer de rappeler que le ministre Bruno Le Maire…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il est où ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

… appelait, le 9 octobre dernier, les députés de la majorité à trouver 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires.

Pour conclure, je relève, monsieur le ministre, que vous vous donnez tous les moyens de ne pas revenir devant le Parlement. Le relèvement des reports de crédits de 43 programmes budgétaires, au-delà de ce que permet la Lolf, est un déni du parlementarisme. Un de plus…

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera pour la motion de rejet qui nous est présentée et se mettra dès demain au travail pour contrôler l’action du Gouvernement, seule prérogative encore à la main des sénateurs.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - M. Christian Bilhac et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne dans cet hémicycle ne souhaite priver l’État de son budget. C’est une évidence, mais il me semble nécessaire de la rappeler à ce stade du débat.

Le Gouvernement a engagé sa responsabilité pour faire adopter le projet de loi de finances pour 2024. C’était malheureusement la seule issue afin de doter l’État d’un budget. Notre groupe soutient évidemment cette volonté de faire adopter le projet de loi de finances pour cette année. À dire vrai, le contraire serait inquiétant…

Toutefois, cette volonté ne doit pas dévaloriser les débats parlementaires. On l’a vu avec le projet de loi sur l’immigration, c’est grâce au débat parlementaire que le texte a été enrichi.

Exclamations sur des travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Au long de l’examen du projet de loi de finances, nous avons eu de nombreux débats, durant près de 150 heures, qui ont également permis d’enrichir le texte, à l’aide de plusieurs mesures fortes, notamment pour les collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Il y a plusieurs façons d’enrichir un texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

La commission des finances a également été force de proposition pour réaliser des économies importantes et améliorer les comptes publics.

Je constate que beaucoup de ces propositions, pour ne pas dire une large majorité d’entre elles, n’ont pas été retenues dans le texte adopté en nouvelle lecture.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Je pense notamment à la mission « Travail et emploi », dont j’ai eu l’honneur de rapporter les crédits avec ma collègue Ghislaine Senée. Nous avions proposé d’économiser 600 millions d’euros cette année, …

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

… en révisant les critères d’attribution des aides exceptionnelles à l’apprentissage dans les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises pour les bac+3, ainsi que le rapporteur général l’a rappelé.

J’espère que cette proposition, qui n’a pas été retenue, pourra au moins déboucher sur une concertation, puis les années prochaines aboutir à un meilleur ciblage des aides, et donc à une meilleure pertinence de la dépense publique.

En conséquence, la situation de nos comptes publics demeure particulièrement dégradée. Le déficit est redescendu à 4, 4 % du PIB ; c’est une bonne chose. Ce ratio est en phase avec la loi de programmation des finances publiques, comme le ministre l’a rappelé, mais il est encore loin de nos engagements européens.

Il ne s’agit pas de se soumettre à un supposé diktat bruxellois ; il s’agit de tenir la parole de la France vis-à-vis de nos partenaires européens. Il y va de notre crédibilité.

De même, la dette publique reste à un niveau trop élevé, à 110 % du PIB. Là encore, ce ratio est en phase avec la loi de programmation, mais non avec nos engagements européens. Réduire le poids de la dette est essentiel pour garantir la pérennité de notre modèle social. La croissance n’y suffira pas, il faudra également réduire les dépenses publiques.

MM. Pascal Savoldelli et Éric Bocquet soupirent.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Notre groupe continuera de suivre cette même ligne : il faut réduire les dépenses publiques pour réduire la dette et préserver notre souveraineté économique.

Monsieur le ministre, le Gouvernement aurait sans doute pu intégrer au texte définitif davantage de propositions du Sénat. Mais je reconnais aussi que vous avez su conserver quelques points intéressants.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Vous l’avez dit, vous avez conservé 120 amendements, …

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

… notamment, comme l’a rappelé Christine Lavarde, au sujet du zonage du dispositif France Ruralités Revitalisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Vous avez aussi conservé des amendements – j’y suis particulièrement sensible –, au sujet de la rénovation du patrimoine religieux, et de l’intégration des communes nouvelles à la souscription voulue par le Président de la République…

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

… et suggérée par nos collègues Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon, qui avaient rendu un rapport sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Je m’étais mobilisé avec mes collègues sénateurs Stéphane Piednoir, Grégory Blanc et Corinne Bourcier pour avancer sur cette proposition.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris : traditionnellement, notre groupe ne vote pas les questions préalables – ici, on ne parle pas de motion de rejet, madame Lavarde… -, parce que nous considérons qu’il ne faut pas se priver d’un débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Je suis saisi, par M. Husson, au nom de la commission, d’une motion n° I-1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat ;

Considérant que les sous-jacents macroéconomiques sur lesquels repose le projet de loi de finances pour 2024 ne sont pas suffisamment réalistes, en particulier la prévision de croissance de 1, 4 % du produit intérieur brut (PIB) pour 2024, deux fois plus élevée que celle du consensus des économistes, et qui sous-estime fortement l’effet du relèvement historique des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) ;

Considérant qu’aucun effort de maîtrise de la dépense publique n’est proposé dans le texte renvoyé en nouvelle lecture, qui présente un déficit de l’État dégradé de 2, 4 milliards d’euros supplémentaires par rapport au texte initial, maintenant la France à des niveaux de déficits historiques, proches ou au-delà de 150 milliards d’euros par an, contre en moyenne 90 milliards d’euros par an avant 2020 ;

Considérant que, dans ce contexte, le Gouvernement, dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, n’a pourtant repris aucune des économies votées par le Sénat, qui totalisaient plus de sept milliards d’euros et permettaient d’engager le redressement des comptes publics de la France : ciblage des baisses d’impôt sur l’électricité, aides à l’apprentissage, réforme de l’audiovisuel public, aide au développement ou encore aide médicale d’État ;

Considérant ainsi que le Gouvernement n’a pas pris la mesure de l’effort à faire et des priorités d’action à fixer malgré la hausse des taux directeurs et l’accroissement massif de la charge de la dette qu’elle entraîne et entraînera dans les années à venir ;

Considérant qu’à l’heure où les autres pays de l’Union européenne ont, dans leur très grande majorité, engagé le nécessaire rétablissement de leurs comptes publics après la période de crise qui s’est achevée, la France est désormais identifiée comme faisant partie des pays de l’Union qui se signalent par leur mauvaise gestion budgétaire, caractérisée par les déficits et la dette publics parmi les plus élevés des États membres ;

Considérant que le seul apport significatif du Sénat, conservé par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en nouvelle lecture en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution est l’article 7 du présent projet de loi, pour sa partie relative à la création des zones « France ruralités revitalisation » ;

Considérant que le Gouvernement est, à l’inverse, revenu sur la quasi-totalité des apports du Sénat, y compris ceux pour lesquels il avait rendu un avis favorable en séance publique et ceux qui ne faisaient que traduire les engagements pris par ce même Gouvernement et votés dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ;

Considérant en particulier que le Gouvernement ne retient aucun des dispositifs fiscaux votés par le Sénat en faveur de la transmission de patrimoine et du logement, qu’il ne maintient pas le prêt à taux zéro (PTZ) en l’état sur tout le territoire, qu’il ne cible pas les aides pour l’électricité, qu’il supprime le fonds d’urgence climatique pour les collectivités territoriales, qu’il ne prend pas en compte les votes du Sénat sur les dotations aux collectivités territoriales, en particulier la dotation globale de fonctionnement (DGF) et l’aide d’urgence aux départements, et que, enfin, aucune fraction du produit de la mise aux enchères des quotas carbone ne viendra financer les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de province, dont le financement reste dans l’impasse ;

Considérant en conséquence, malgré la multiplication des déclarations du Gouvernement enjoignant les parlementaires à lui proposer des économies budgétaires, le peu de cas que celui-ci fait des plus de 150 heures de débat en séance publique au Sénat et des votes de notre assemblée, qui s’ajoute à l’absence quasi totale de discussion du présent projet de loi de finances par l’Assemblée nationale en séance publique ;

Considérant en particulier que cette procédure budgétaire dégradée conduit le Gouvernement à maintenir dans son texte, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, l’article 3 sexvicies, qui prévoit de très larges exonérations fiscales pour les fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique, alors même que le Sénat, seule assemblée ayant été en mesure de se prononcer sur cet article, l’a supprimé à l’unanimité, et que l’Assemblée nationale n’a jamais pu en débattre, et qu’il apparaît extrêmement fragile au regard des impératifs constitutionnels d’égalité devant l’impôt, l’avantage ainsi procuré apparaissant injustifiable ;

Considérant, de manière générale, la mauvaise qualité du texte transmis, qui présentait déjà en première lecture un nombre important de scories, d’erreurs et de doublons et qui comporte en nouvelle lecture de nouvelles incohérences, sur lesquelles le Gouvernement annonce d’ores et déjà qu’il compte revenir alors que le texte est encore en discussion ;

Considérant la persistance de pratiques de mauvaise gestion budgétaire qui portent préjudice à l’autorisation parlementaire, notamment les surbudgétisations récurrentes, auxquelles il n’est pas mis fin, la pratique des reports de crédits, qui n’est pas conforme à la loi organique relative aux lois de finances, ou encore la multiplication des articles transférant au profit de l’exécutif le pouvoir fiscal dévolu au Parlement ;

Considérant, enfin, au regard de ce qui précède, que l’examen en nouvelle lecture par le Sénat de l’ensemble des articles restant en discussion du projet de loi de finances pour 2024 ne conduirait vraisemblablement pas à faire évoluer le texte ;

Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture n° 219 (2023-2024).

La parole est à M. le rapporteur général, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Pour l’essentiel, j’ai déjà développé le contenu de cette motion et dit quel était l’état d’esprit qui nous anime lors de ma prise de parole durant la discussion générale.

Dès lors, monsieur le ministre, je souhaite simplement rappeler quelques données, que certains de nos collègues ont parfois reprises.

Nous vous alertons : vous avez la responsabilité des finances de notre pays, en tandem avec un grand absent, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Nous en avons une certaine habitude…

Les chiffres du Fonds monétaire international (FMI) prévoient qu’en matière de déficit public, la France sera classée au dix-neuvième rang sur vingt dans la zone euro. Nous ne pouvons ni nous en réjouir ni en tirer une gloire particulière.

En ce qui concerne la dette, monsieur le ministre, seuls deux pays de la zone euro sont derrière la France : la Grèce et l’Italie. Mais ces deux pays sont en train de remonter la pente, alors nos comptes continuent à se dégrader.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Monsieur le ministre, votre majorité est à ce jour la plus dépensière depuis bien longtemps.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

En raison de la crise !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mais la crise, monsieur le ministre, concerne tous les pays ! Je vous réponds directement, afin d’aider les équipes rédigeant les comptes rendus, que je remercie.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Les prévisions retenues par le Gouvernement tablent sur une croissance de 1, 4 %, mais le consensus des économistes se rejoint autour d’une croissance pour moitié inférieure, autour de 0, 7 %. La Banque de France, quant à elle, prévoit une croissance de 0, 9 %. Je souhaite que le Gouvernement ait raison, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que la dynamique s’émousse.

Monsieur le ministre, votre ministre de tutelle est donc absent, mais il nous a souvent invités à dialoguer. Lors des assises des finances publiques au mois de juin dernier, puis lors des dialogues de Bercy qui se tiennent depuis deux ans, les moyens de réaliser 1 milliard d’euros d’économies ont été proposés.

Ici, au Sénat, nous pensons que dialoguer à l’extérieur du Parlement peut servir à dessiner un fond de carte sympathique, mais reste quelque peu inutile. Je vous le dis, monsieur le ministre, il faut arrêter : que de temps perdu pour si peu de constructions !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Le débat doit avoir lieu avec les élus, au Parlement. Profitez du temps d’échange dont vous disposez à l’Assemblée nationale pour engager un dialogue ! Au Sénat, nous avons fait « carton plein » pour ce qui est de la durée des débats, mais le résultat nous semble bien décevant !

Monsieur le ministre, je me souviens que lors de ma première prise de parole dans l’examen de ce projet de loi de finances pour 2024, je nous avais alertés en nous rappelant à notre responsabilité particulière, due au fait que nous serions la seule chambre à procéder à l’examen du projet de loi de finances pour 2024.

Monsieur le ministre, je vous avais également rappelé cette responsabilité particulière lors des explications de vote sur l’ensemble du texte, renforcée eu égard à nos échanges sereins, constructifs, et à l’ambiance de travail que nous avons partagée.

Ce que je trouve éminemment regrettable, c’est le signal que le Gouvernement envoie. Notre collègue Christian Bilhac parlait d’une forme de mépris du Gouvernement envers la représentation nationale, mais il me semble qu’il y a aussi une forme de mépris à l’égard des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Les Français commencent à considérer que vos manières de procéder sont relativement critiquables et dangereuses.

Enfin, monsieur le ministre, je conclurai en indiquant que, lors de cette séquence budgétaire, deux interventions que la Première ministre a faites en dehors du débat budgétaire devant le Parlement m’ont posé problème.

Tout d’abord, elle a annoncé que les départements allaient recevoir une dotation supplémentaire – une onction - de 53 millions d’euros, sans que l’on en connaisse précisément les détails, et sans que ces fonds soient repris dans le projet de loi de finances.

Ensuite, après avoir reçu les Jeunes Agriculteurs et la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), elle a annoncé sur le parvis de Matignon la suppression de certains dispositifs, en renonçant notamment à la hausse de la redevance pour pollution diffuse.

Monsieur le ministre, cela me pose un problème : lorsque j’avais proposé de renoncer à cette hausse en supprimant l’article 16 du projet de loi, que n’avais-je entendu de votre part ? Pas d’écoute ; vous déclariez avoir des préoccupations écologiques ; que nenni !

J’avais tout de même insisté sur le manque de concertation avec les élus locaux. Vous avez tenu des propos relativement accusateurs, bien que sympathiques, à mon endroit. Vous demanderez à la Première ministre ce qu’elle en pense, puisque vos critiques peuvent s’appliquer à elle, comme elle a décidé, en dehors du Parlement, de renoncer à cette hausse. En tout cas, il me semble que cela témoigne d’une certaine forme de cacophonie au sein du Gouvernement.

Voilà, monsieur le ministre, les éléments que je souhaitais rappeler en complément de ceux que j’ai invoqués tout à l’heure, et qui nous conduisent à défendre cette motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Christian Bilhac applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Naturellement, cela ne vous surprendra pas, l’avis sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je sais que cela engendre une grande déception dans ces travées…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Sans refaire le débat, je voudrais vous demander comment, dans les délais auxquels nous sommes contraints, enrichir un texte. La veille de son examen, plus de 3 700 amendements avaient été déposés sur ce texte.

Je ne partage pas totalement votre avis, monsieur le rapporteur général, au sujet des dialogues de Bercy. J’aurais aimé vous y retrouver…

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Aucun soupçon, monsieur le rapporteur général ! Nous aurions pu continuer à avancer comme nous l’avons fait.

Les dialogues de Bercy ont été utiles, car nous avons repris des amendements issus de propositions faites par des députés et des sénateurs.

La grande difficulté, monsieur le rapporteur général, c’est que l’on ne peut pas restreindre nos échanges à ces quelques jours passés dans l’hémicycle, alors que 3 700 amendements ont été déposés. C’est tout simplement impossible !

Je vous l’ai indiqué, y compris en aparté, monsieur le rapporteur général : je suis favorable à ce qu’un travail soit mené très en amont de la discussion budgétaire au Parlement, pour que l’on puisse, en fonction des propositions du président de la commission des finances et du rapporteur général, se concentrer sur certains sujets. Sinon, la discussion est matériellement impossible !

J’en suis convaincu, il y a parfois des dispositions utiles contenues dans les milliers d’amendements sur lesquels j’émets un avis défavorable, mais il est matériellement impossible de construire des solutions au moyen de ce flot d’amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

C’est pourtant le travail de la démocratie !

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Je vous le redis, monsieur le rapporteur général, je suis favorable à ce que l’on se voie beaucoup plus tôt autour de sujets sur lesquels la commission des finances a travaillé, afin d’avancer.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

À l’inverse, avec ce nombre d’amendements, il est très compliqué de faire un travail de qualité qui ne soit pas frustrant.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

C’est la vérité !

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Un contraste saisissant se fait jour. Le Gouvernement écrit le projet de loi sur l’immigration sous la dictée des membres du parti Les Républicains, …

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

… mais le groupe politique des Républicains au Sénat se fait balader.

Dans les considérants de la motion, je lis les mots « après la période qui s’est achevée ». Mais ce diagnostic ne parle pas aux gens ! Ils et elles le savent pour le vivre, la crise est installée, et elle est angoissante.

Cette motion tendant à opposer la question préalable marque une forme d’impuissance du Sénat à peser sur la procédure budgétaire, face, il est vrai, à l’aveuglement du Gouvernement.

Elle témoigne de l’incapacité de la majorité sénatoriale à construire un budget alternatif crédible. Brandir le totem du déficit est en totale contradiction avec votre comportement et avec les amendements que vous avez adoptés.

Toutes les mesures proposant des recettes nouvelles ont reçu un avis défavorable dans cet hémicycle.

Accroissement de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ? Non ! Mise à contribution des profits indus ? Non ! Accroissement de la taxe sur les transactions financières ? Non ! Taxe sur les rachats d’actions ? Non !

L’ensemble des mesures d’économies adoptées ne compensent pas la hausse de vos dépenses. Vous prétendiez que, dans le budget issu du Sénat, le solde budgétaire serait amélioré de 0, 2 point de PIB, soit 5, 5 milliards d’euros. Mais non !

C’est l’adoption de votre amendement de suppression du programme 369 « Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 » qui a permis cette amélioration, pour 6, 5 milliards d’euros. En gros, un jeu de passe-passe gouvernemental a débouché sur un jeu de dupes.

M. le rapporteur général agite le doigt en signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

La prorogation des niches fiscales coûte très cher aux finances publiques. Une modeste restriction des aides à l’apprentissage mise à part, les profits des entreprises ne seront partagés en 2024 ni avec leurs salariés ni avec le reste de la population.

Nous nous abstiendrons sur cette motion, car il faut mettre fin au simulacre de la procédure budgétaire menée sous le joug du 49.3 !

Mes chers collègues, la droite sénatoriale ne résout rien en rejetant ce texte bien trop tard. Lorsque nous proposions une motion de rejet préalable au début de l’examen du texte, vous vous berciez d’illusions et feigniez d’oublier que le Gouvernement réglerait ce budget tout seul ! Le retour à la réalité est brutal : membres des Républicains et du Gouvernement, ensemble, vous aggravez la dette et le déficit.

Je vous le demande : qui en profitera ? Prêteurs et profiteurs !

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE -K. - Mme Émilienne Poumirol applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Je mets aux voix la motion n° I-1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances.

Je rappelle également que le Gouvernement a émis un avis défavorable.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 108 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi de finances pour 2024 est rejeté.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP. – Huées sur des travées des groupes SER et GEST. – M. Thomas Dossus s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinquante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l’apprentissage » (proposition n° 598 [2022-2023], texte de la commission n° 197, rapport n° 196).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

(Conforme)

Le code du travail est ainsi modifié :

A. – L ’ article L. 6222 -42 est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ni la moitié de la durée totale du contrat » ;

b) Le deuxième alinéa est supprimé ;

2° Le II est ainsi modifié :

a) Les cinq premiers alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« II. – Par dérogation à l ’ article L. 6221 -1 et au second alinéa de l ’ article L. 6222 -4, les conditions de mise en œuvre de la mobilité de l ’ apprenti à l ’ étranger sont prévues par une convention conclue entre les parties au contrat d ’ apprentissage, le centre de formation d ’ apprentis en France et la structure ou, le cas échéant, les structures d ’ accueil à l ’ étranger.

« La convention prévoit que la mobilité est réalisée dans les conditions suivantes :

« 1° Soit dans le cadre d ’ une mise en veille du contrat.

« Dans ce cas, la structure d ’ accueil à l ’ étranger est seule responsable des conditions d ’ exécution du travail de l ’ apprenti, telles qu ’ elles sont déterminées par les dispositions légales et les stipulations conventionnelles en vigueur dans l ’ État d ’ accueil, notamment pour ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail, à la rémunération, à la durée du travail, au repos hebdomadaire et aux jours fériés. » ;

b) Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation au premier alinéa du présent II, les conditions de mise en œuvre de la mobilité de l ’ apprenti à l ’ étranger, lorsqu ’ elle est effectuée en entreprise, peuvent être prévues par une convention conclue entre les parties au contrat d ’ apprentissage et le centre de formation d ’ apprentis en France lorsqu ’ il est établi que l ’ apprenti bénéficie, conformément aux engagements pris par l ’ employeur de l ’ État d ’ accueil, de garanties, notamment en termes d ’ organisation de la mobilité et de conditions d ’ accueil, équivalentes à celles dont il aurait bénéficié en application de la convention conclue sur le fondement du même premier alinéa. La liste de ces garanties est fixée par voie réglementaire ;

« 2° Soit dans le cadre d ’ une mise à disposition de l ’ apprenti auprès de la structure d ’ accueil à l ’ étranger. » ;

B. – L ’ article L. 6325 -25 est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ni la moitié de la durée totale du contrat » ;

b) La seconde phrase du deuxième alinéa est supprimée ;

2° Le II est ainsi modifié :

a) Les cinq premiers alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« II. – Les conditions de mise en œuvre de la mobilité du bénéficiaire du contrat de professionnalisation à l ’ étranger sont prévues par une convention conclue entre les parties au contrat de professionnalisation, l ’ organisme de formation en France et la structure ou, le cas échéant, les structures d ’ accueil à l ’ étranger.

« La convention prévoit que la mobilité est réalisée dans les conditions suivantes :

« 1° Soit dans le cadre d ’ une mise en veille du contrat.

« Dans ce cas, la structure d ’ accueil à l ’ étranger est seule responsable des conditions d ’ exécution du travail du bénéficiaire du contrat de professionnalisation, telles qu ’ elles sont déterminées par les dispositions légales et les stipulations conventionnelles en vigueur dans l ’ État d ’ accueil, notamment pour ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail, à la rémunération, à la durée du travail, au repos hebdomadaire et aux jours fériés. » ;

b) L ’ avant -dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation au premier alinéa du présent II, les conditions de mise en œuvre de la mobilité du bénéficiaire du contrat de professionnalisation à l ’ étranger, lorsqu ’ elle est effectuée en entreprise, peuvent être prévues par une convention conclue entre les parties au contrat de professionnalisation et l ’ organisme de formation en France lorsqu ’ il est établi que le bénéficiaire dudit contrat bénéficie, conformément aux engagements pris par l ’ employeur de l ’ État d ’ accueil, de garanties, notamment en termes d ’ organisation de la mobilité et de conditions d ’ accueil, équivalentes à celles dont il aurait bénéficié en application de la convention conclue sur le fondement du même premier alinéa. La liste de ces garanties est fixée par voie réglementaire ;

« 2° Soit dans le cadre d ’ une mise à disposition du bénéficiaire du contrat de professionnalisation auprès de la structure d ’ accueil à l ’ étranger. »

(Conforme)

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le III de l ’ article L. 6222 -42 est ainsi rédigé :

« III. – Par dérogation au premier alinéa du II du présent article, lorsque la mobilité se déroule dans un organisme de formation d ’ accueil établi dans ou hors de l ’ Union européenne avec lequel le centre de formation d ’ apprentis français ou l ’ une des structures mentionnées aux articles L. 6232 -1 ou L. 6233 -1 a conclu une convention de partenariat, la convention organisant la mobilité peut être conclue entre l ’ apprenti, l ’ employeur en France et le centre de formation d ’ apprentis français. » ;

2° Le III de l ’ article L. 6325 -25 est ainsi rédigé :

« III. – Par dérogation au premier alinéa du II du présent article, lorsque la mobilité se déroule dans un organisme de formation d ’ accueil établi dans ou hors de l ’ Union européenne avec lequel l ’ organisme de formation français ou toute structure chargée de la mise en œuvre de tout ou partie des enseignements généraux professionnels et technologiques du contrat de professionnalisation a conclu une convention de partenariat, la convention organisant la mobilité peut être conclue entre le bénéficiaire du contrat de professionnalisation, l ’ employeur en France et l ’ organisme de formation français. »

(Conforme)

L ’ article L. 6222 -43 du code du travail est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° Le premier alinéa de l ’ article L. 6222 -1, relatif à la limite d ’ âge pour débuter un apprentissage. »

(Conforme)

La sixième partie code du travail est ainsi modifiée :

1° L ’ article L. 6222 -44 est ainsi rédigé :

« Art. L. 6222-44. – Les modalités de mise en œuvre de la présente section, notamment le contenu des relations conventionnelles, sont fixées par décret en Conseil d ’ État. » ;

2° Le dernier alinéa du II de l ’ article L. 6325 -25 est supprimé ;

3° La section 7 du chapitre V du titre II du livre III est complétée par un article L. 6325 -25 -1 ainsi rédigé :

« Art. L. 6325-25-1. – Les modalités de mise en œuvre de l ’ article L. 6325 -25, notamment le contenu des relations conventionnelles, sont fixées par décret en Conseil d ’ État. » ;

4° L ’ article L. 6332 -14 est ainsi modifié :

a) Au 3° du I, après le mot : « restauration, », sont insérés les mots : « ainsi que, le cas échéant, les frais correspondant aux cotisations sociales liées à une mobilité hors du territoire national, » ;

b) Au 3° du II, les mots : « y compris ceux correspondant aux cotisations sociales » sont supprimés.

(Conforme)

L ’ ordonnance n° 2022 -1607 du 22 décembre 2022 relative à l ’ apprentissage transfrontalier est ratifiée.

(Conforme)

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les bourses et les aides financières destinées aux apprentis souhaitant effectuer une mobilité à l ’ étranger. Ce rapport examine également les perspectives en matière d ’ harmonisation des dispositifs de soutien financier et d ’ augmentation des aides financières pour la mobilité des apprentis à l ’ étranger.

(Conforme)

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la bonne désignation d ’ un référent mobilité au sein de chaque centre de formation d ’ apprentis.

(Suppression conforme)

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au Gouvernement, puis à la rapporteure de la commission, pendant sept minutes, et, enfin, à un représentant par groupe pendant cinq minutes.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Carole Grandjean

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici au terme de l’examen d’un texte législatif très attendu, tant des acteurs de l’apprentissage que des jeunes, nombreux, qui se forment par la voie de l’alternance dans notre pays.

Cette proposition de loi est de celles qui offrent à nos concitoyens l’opportunité et la capacité de s’enrichir de cultures et de compétences diverses. Elle est de celles qui, de manière très concrète, au sein des États membres, réalisent pour notre jeunesse la promesse d’une Union européenne libre et fondée sur la découverte et le partage.

À l’heure où les nationalismes dangereux et des replis nationaux qui menacent l’essence même de l’Union et entraînent avec eux les espoirs de paix et de liberté de toute une génération, il est plus que jamais essentiel d’œuvrer pour multiplier les opportunités d’échanges entre nos pays.

Beaucoup a été fait depuis 2018 pour rendre concrète et accessible la promesse européenne de mobilité pour nos « apprenants ». Ainsi avons-nous pris deux décisions fortes, inscrites dans la loi, et qui ont permis d’enclencher une dynamique historique en matière de formation à l’étranger.

La première a consisté à obliger tous les centres de formation d’apprentis (CFA) à se doter d’un référent mobilité. Le rôle de ce dernier est clair : il s’agit d’accompagner les apprentis dans la définition et la réalisation de leur projet, aider à la constitution des dossiers, organiser les financements et multiplier les partenariats partout dans le monde.

La seconde a consisté à aider au financement des parcours de mobilité, en garantissant aux CFA le financement des référents mobilité, mais également en orientant les fonds dédiés à l’alternance des opérateurs de compétences vers les frais liés à la mobilité.

On a enregistré environ 25 000 mobilités l’an dernier, contre 7 800 observées chaque année auparavant ; ce sont autant de parcours favorisant l’employabilité de ces jeunes et renforçant leurs capacités linguistiques et leur chance de se créer un réseau international.

Nous devons néanmoins aller plus loin dans l’accès à la mobilité et le Président de la République a une ambition forte en la matière : faire en sorte que la moitié d’une classe d’âge puisse avoir passé, avant ses 25 ans, au moins six mois à l’étranger.

Si le volet normatif est essentiel pour parvenir à simplifier et à mieux soutenir les périodes de formation à l’étranger, des efforts sont également faits en amont pour mieux promouvoir la mobilité auprès des jeunes, mais également des entreprises.

Nous professionnalisons le réseau des référents mobilité dans les CFA ; nous travaillons également avec un réseau d’acteurs engagés, comme Erasmus+ ou l’association Euro App Mobility, pour promouvoir la mobilité internationale et favoriser les échanges dans le cadre d’un espace européen de l’apprentissage en construction. Nous avons donc renouvelé cette année pour trois ans notre soutien à cette association de l’ancien ministre Jean Arthuis, afin de promouvoir auprès des jeunes et des entreprises la mobilité, de préfigurer un espace européen numérique de l’apprentissage, plateforme recensant les offres de formation et d’emploi en mobilité, et d’accompagner les CFA et leurs référents mobilité.

Nous travaillons également en lien avec les opérateurs de compétences, interfaces privilégiées des entreprises auprès desquelles, dans le cadre des conventions d’objectifs et de moyens renouvelées cette année, nous allons promouvoir la mobilité.

Bref, vous l’aurez compris, cette proposition de loi s’inscrit dans un continuum de projets et d’initiatives portées par le Gouvernement et les acteurs de l’apprentissage, et qui doivent permettre de lever les derniers freins au développement de la mobilité internationale des apprentis.

L’article 1er du texte favorise les mobilités de plus de quatre semaines, tout en sécurisant le parcours à l’étranger des jeunes Français. Une des causes de non-recours au dispositif de mobilité réside dans la suspension du contrat de travail ; ce n’est jamais une chose anodine, puisque cela prive le jeune de sa rémunération et de la protection sociale attachée à son contrat d’apprentissage.

À cela s’ajoutent des lourdeurs administratives importantes, tant pour l’employeur que pour l’apprenti et son CFA. Ce manque de souplesse dans la gestion du contrat d’apprentissage doit être corrigé ; c’est ce que l’on fait au travers de ce texte, qui permet de mettre en veille le contrat d’apprentissage, y compris pour les mobilités longues. Il en résultera une meilleure sécurisation de la situation des apprentis, qui pourront conserver leur rémunération et leur protection sociale.

L’article 2 simplifie l’environnement conventionnel et administratif de la mobilité, qui est, nous le savons, une charge importante pour les référents mobilité des CFA ainsi qu’un frein au développement des partenariats. Le droit en vigueur fait obligation à l’école étrangère de signer une convention individuelle de mobilité pour chaque apprenti qu’elle accueille, alors même que, dans la très vaste majorité des cas, une convention-cadre de coopération existe.

Outre l’allongement des délais de constitution des dossiers, cela représente un frein évident pour les écoles étrangères, qui sont contraintes de signer des conventions en langue étrangère et assises sur un droit qui n’est pas le leur. Ainsi, de manière pragmatique, la présente proposition de loi tend à dispenser l’école étrangère de la conclusion de conventions individuelles lorsqu’une convention-cadre la lie déjà au CFA français.

Ensuite, si nous souhaitons développer les mobilités longues, nous devons également adopter le point de vue de l’employeur, pour qui il n’est jamais anodin de laisser partir son apprenti pendant une longue période. Afin de limiter l’effet que cela peut avoir pour l’entreprise, nous devons faciliter les échanges et la réciprocité, afin que, lorsqu’un employeur français autorise son apprenti à partir, il puisse en retour accueillir un apprenti étranger.

L’Union européenne est fondée sur le principe de réciprocité et c’est sur le fondement de ce principe que la présente proposition de loi affranchit les apprentis étrangers de la limite française de 29 ans. En effet, dans certains pays, l’apprentissage n’est pas réservé aux jeunes, à l’instar de ce qui se passe en Allemagne, où il n’existe pas de limite d’âge pour bénéficier de cette voie de formation. Ainsi à tout âge, un apprenti allemand pourra être accueilli en mobilité dans nos entreprises.

L’article 3 garantit la prise en charge obligatoire par les opérateurs de compétences (Opco) des frais de sécurité sociale engagés par le CFA ou par l’apprenti, dans le cadre d’une mobilité. Il s’agit là de la correction d’une véritable inégalité entre les apprentis, qui sont trop nombreux à renoncer à partir en raison des coûts parfois très élevés de protection sociale à l’étranger. En rendant obligatoire la prise en charge de ces frais, vous libérerez les apprentis et leur famille du poids financier que peut constituer une telle protection et corrigerez ainsi une inégalité dans l’accès à la mobilité.

Cet article permettra en outre d’œuvrer, par voie réglementaire, en faveur d’une plus grande harmonisation des pratiques des Opco en matière de prise en charge des frais de transport, de restauration et d’hébergement à l’étranger.

La présente proposition permet enfin de ratifier l’ordonnance relative à l’apprentissage transfrontalier, qui est essentiel pour constituer autour de notre pays un espace privilégié européen de l’apprentissage, tout en créant de nouvelles possibilités de partenariats pour nos territoires ultramarins, avec les pays d’Amérique du Nord, de la façade orientale de l’Amérique du Sud, de l’Afrique australe ou des pays du pourtour de l’océan Indien.

Naturellement, le Gouvernement répondra avec diligence aux demandes de rapport exprimées par le texte.

Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soutient ce texte pragmatique, qui s’attache point par point à répondre aux freins constatés par les acteurs.

Je tiens à remercier chaleureusement les membres de la Haute Assemblée qui ont participé en commission à un débat utile autour de cette proposition de loi ; je salue en particulier votre rapporteure, Mme la sénatrice Demas, pour son travail important d’auditions, qui a permis d’éclairer et d’objectiver son travail.

Je le dis avec conviction : ce texte technique est avant tout une preuve d’attachement à l’Union européenne et à ses valeurs. Il traduit notre proposition pour l’Europe et pour ses jeunes citoyens. Il naît de la conviction que les voyages forment la jeunesse, mais également ses compétences et son autonomie. Il traduit notre ferme volonté d’encourager une nouvelle génération de Français à être mue, à rebours des nationalismes inutiles et des replis malheureux, par un esprit de partage et de liberté, fondé sur l’expérience professionnelle et les savoir-faire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais pouvoir compter sur votre soutien, vous qui croyez en l’Europe et à ses vertus pour nos jeunes, pour voter cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Demas

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, acquisition de compétences et de savoirs, découverte d’une nouvelle culture, apprentissage d’une langue étrangère : les apports d’une expérience à l’étranger dans le cadre d’un parcours de formation sont nombreux, tant pour l’employabilité que pour le développement personnel des jeunes.

Alors que 17 % des étudiants font un séjour à l’étranger au cours de leurs études, cela ne concerne que 2, 1 % des apprentis. Développer la mobilité internationale des apprentis était pourtant l’un des objectifs de la réforme de 2018 : depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les alternants ont en effet la possibilité de réaliser une mobilité à l’étranger pour une durée ne pouvant excéder un an. Leur contrat est alors « mis en veille », l’entreprise ou le centre de formation d’accueil étant alors seul responsable des conditions d’exécution du travail. Pour les mobilités de moins de quatre semaines, l’alternant peut toutefois être mis à disposition de la structure d’accueil à l’étranger, son contrat de travail continuant alors d’être exécuté.

Pour favoriser ces mobilités, chaque centre de formation d’apprentis doit désigner un référent mobilité, financé par les opérateurs de compétences, qui peuvent aussi prendre en charge des frais annexes engendrés par le séjour à l’étranger.

Les alternants sont aussi soutenus par des aides de l’Union européenne, dans le cadre du programme Erasmus+, ou encore des collectivités territoriales.

Pour autant, le développement de la mobilité des alternants n’a pas suivi la progression significative du nombre de contrats d’apprentissage, qui a dépassé le seuil de 800 000 en 2022. Quant à la durée moyenne de la mobilité, elle est estimée à quarante et un jours, la durée médiane s’élevant à dix-huit jours seulement.

Certes, la mobilité à l’étranger des alternants a été freinée par l’épidémie de covid-19, mais elle rencontre aussi de nombreux obstacles d’ordre plus structurel.

Le départ de l’alternant pour un séjour à l’étranger peut être coûteux pour son employeur et source de perturbations au sein de son entreprise. Surtout, le statut de l’alternant lors de sa mobilité n’est pas adapté à toutes les situations. La mise en veille du contrat permet à l’entreprise de lever ses obligations en termes de rémunération, mais les coûts et les contraintes sont reportés sur le CFA et sur l’apprenti, ce qui peut faire obstacle à la réalisation de projets de mobilité.

Les démarches administratives sont complexes ; je pense notamment aux obligations liées à la signature d’une convention entre l’alternant et les différentes parties impliquées dans la mobilité.

Les apprentis sont aussi freinés par le coût de la mobilité. En 2023, l’agence Erasmus+ n’a pu satisfaire que 53 % des demandes de soutien financier pour des mobilités internationales relevant du champ de l’enseignement professionnel. En outre, le soutien financier des opérateurs de compétences est très hétérogène et souvent insuffisant.

L’alternant n’a que rarement connaissance de la possibilité d’effectuer une mobilité à l’étranger et cette mobilité n’est pas aisément reconnue dans le cadre des certifications professionnelles. À ces difficultés s’ajoutent des barrières linguistiques et psychologiques auxquelles tous les jeunes apprenants font face pour s’engager dans un projet de séjour à l’étranger.

Afin de lever certains de ces freins juridiques et financiers, notre collègue député Sylvain Maillard a déposé la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

L’article 1er crée un droit d’option, laissant le choix entre mise en veille du contrat et mise à disposition de l’alternant lorsque ce dernier effectue une mobilité internationale. De plus, cette mise à disposition ne sera plus limitée aux séjours de moins de quatre semaines. Les alternants, employeurs et organismes de formation pourront ainsi retenir le régime le plus approprié à chaque situation.

Afin de simplifier les démarches lors de départs à l’étranger, l’article 2 supprime l’obligation pour les alternants de disposer d’une convention individuelle de mobilité avec l’organisme de formation qui les accueille, dans le cas où une convention de partenariat existerait déjà entre le CFA et ledit organisme.

L’article 2 bis a pour objet que les apprentis originaires d’un État membre de l’Union européenne effectuant une mobilité en France puissent déroger à la limite d’âge applicable à l’apprentissage.

Avec l’article 3, les opérateurs de compétences devront obligatoirement prendre en charge les frais correspondant aux cotisations sociales liées à la mobilité internationale des alternants.

L’article 3 bis A vise à procéder à la ratification de l’ordonnance du 22 décembre 2022 relative à l’apprentissage transfrontalier.

La commission a considéré que la proposition de loi lèvera certains freins à la mobilité des alternants. Elle l’a donc adoptée sans modification. Toutefois, nous avons considéré que, pour insuffler une véritable dynamique en faveur de la mobilité internationale des alternants, le texte devrait être assorti de mesures complémentaires.

D’abord, le financement des référents mobilité dans les CFA doit être conforté afin de professionnaliser le personnel. Il faut harmoniser les financements des Opco par voie réglementaire, comme s’y est engagé le Gouvernement, pour rendre les aides plus lisibles et plus accessibles à tous les apprentis.

Ensuite, la mobilité doit être promue auprès des alternants et des employeurs. Les TPE-PME doivent être accompagnées par les Opco et les employeurs publics davantage incités à soutenir ces échanges.

Enfin, la mobilité doit être valorisée et reconnue dans les diplômes et dans les certifications professionnelles.

En somme, la mobilité internationale des alternants nécessite une large mobilisation des pouvoirs publics et l’accompagnement renforcé des acteurs de l’apprentissage. La proposition de loi contribue à enclencher cette dynamique en levant certains freins. Aussi, au nom de la commission des affaires sociales, je vous invite à l’adopter.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi de notre collègue député Sylvain Maillard pose le socle d’une grande ambition portée par le Président de la République : faire en sorte que la moitié d’une classe d’âge ait passé, avant ses 25 ans, au moins six mois dans un autre pays européen.

D’une certaine manière, cet objectif est dans l’esprit même d’Erasmus, dont le nom provient du moine humaniste et théologien néerlandais Érasme, qui a voyagé à travers l’Europe pour s’enrichir des différentes cultures et pour développer l’Humanisme. Trente-six ans après sa création, ce programme a fait ses preuves avec plus de 600 000 étudiants français bénéficiaires entre 2014 et 2020.

Si Erasmus est bel et bien une réussite aux yeux d’une majorité de notre jeunesse, seule une certaine partie d’entre elle profite en réalité de ce succès. Malgré les évolutions et l’ouverture du programme à des publics variés, notamment aux alternants, un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) publié en décembre 2022, Le développement de la mobilité européenne des apprentis, a dressé un constat alarmant.

En effet, l’Igas estime à 7 820 le nombre d’apprentis ayant effectué une mobilité entre 2018 et 2019, soit 2, 1 % d’entre eux, un total bien loin des autres catégories ; pour les étudiants, les chiffres avoisinent les 17 %. Et pour cause ! De nombreux obstacles juridiques, financiers ou académiques viennent freiner la mobilité européenne et internationale des apprentis de notre pays.

Face à ce constat, nous devons agir pour faciliter les échanges. Telle est l’ambition défendue au travers de cette proposition de loi. Celle-ci vise à lever un certain nombre d’obstacles.

Je pense à l’article 1er, qui crée un droit d’option entre mise en veille du contrat et mise à disposition de l’alternant, lorsque ce dernier effectue une mobilité internationale. La mise à disposition de l’alternant ne sera par conséquent plus limitée à un séjour de moins de quatre semaines ; la condition de durée d’exécution du contrat en France d’au moins six mois sera supprimée. Cette mesure permettra aux alternants, aux employeurs et aux organismes de formation de retenir le régime le plus approprié à chaque situation.

Je pense également à l’article 2 qui permettra aux centres de formation d’apprentis de conclure une convention de partenariat avec l’organisme d’accueil à l’étranger.

Je n’oublie pas l’article 2 bis, qui supprime la limite d’âge fixée à 29 ans, ou l’article 3 bis A, qui vise à ratifier l’ordonnance relative à l’apprentissage transfrontalier.

Mes chers collègues, les voyages forment la jeunesse. Par conséquent, afin de permettre aux apprentis de notre pays d’accéder plus facilement à une formation européenne, le groupe RDPI votera avec enthousiasme ce texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de la proposition de loi visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l’apprentissage ». Son spectre est extrêmement large. En effet, elle a trait à toutes les formes d’alternance, qu’elles relèvent des contrats d’apprentissage ou de professionnalisation. Elle s’applique aussi bien aux élèves qui ont obtenu le certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou le bac qu’aux étudiants de niveau bac +5 ou au-delà.

D’abord, cette proposition de loi a pour objet de favoriser l’augmentation du nombre d’alternants engagés dans un projet de mobilité Erasmus+.

Ensuite, elle vise à augmenter la durée des séjours des alternants qui partent se former théoriquement ou pratiquement dans un pays de l’Union européenne.

Enfin, elle tend à faire converger les prises en charge financières par les opérateurs de compétences. À cet effet, elle rend obligatoire la compensation des coûts liés aux cotisations sociales pour les alternants dont une partie du contrat avec leur entreprise a été mise en veille. De fait, les intéressés ne bénéficient plus des avantages du salariat français.

Pour ce faire, les dispositifs proposés dans le texte adopté à l’Assemblée nationale tendent à lever des contraintes administratives dissuasives pour les parties prenantes, en France ou à l’étranger. Pragmatique, la proposition de loi s’inscrit dans le cadre d’une démarche plus globale de la part du Gouvernement : promouvoir le développement de l’alternance en France en faisant le choix de la libéralisation.

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a illustré cette démarche. Elle a par exemple supprimé la régulation par la région de la carte des formations et libéralisé l’ouverture des centres de formation des alternants.

Nous insistions à l’époque des débats sur le fait que le développement de l’apprentissage ne devait pas se faire au détriment de la qualité du contrôle ou de l’accompagnement des alternants, ce que laissait craindre une telle libéralisation. Comme nous le soulignions alors, confier aux branches la responsabilité de l’apprentissage à la place des régions, supprimer la régulation par la carte des formations et libéraliser l’ouverture des CFA représentaient autant de facteurs de fragilisation du système et de mise en concurrence des acteurs de l’alternance.

Le bilan que tire la Cour des comptes de ces efforts du Gouvernement, dans son rapport de juillet 2023 Recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l ’ apprentissage, est mitigé : « La libéralisation du cadre de la formation professionnelle des salariés et de l’alternance par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les incitations au recours à l’apprentissage et au compte personnel de formation et l’absence de limite posée au financement de ces deux dispositifs sont à l’origine d’une très forte dynamique de la dépense. »

La Cour des comptes précise également : « Cette dynamique n’est pas prioritairement orientée vers la réponse aux besoins des populations les moins qualifiées, qui sont pourtant celles qui en tireraient le plus grand bénéfice. »

Le rapport sénatorial du 29 juin 2022, France compétences face à une crise de croissance, pointe quant à lui la soutenabilité de la réforme. Dans une logique de guichet, cette dernière endette un établissement public à caractère administratif, France Compétences, pour que l’alternance soit développée indépendamment du niveau réel de financement par les entreprises.

Pour revenir au présent texte, nos craintes relatives à libéralisation de l’apprentissage valent aussi quand l’alternance s’inscrit dans un projet européen, ce qui est le cas ici.

Nous sommes par exemple inquiets à l’idée que les alternants soient laissés dans une relative solitude lorsque leur contrat est mis en veille par l’entreprise dès lors qu’ils sont impliqués dans un projet de mobilité de plus de quatre semaines. Le présent texte tend à corriger ce problème en offrant un autre choix aux alternants et à ceux qui les accompagnent.

Le développement des contrats de mise à disposition nous semble une solution bénéfique, même si elle se comprend tout particulièrement, voire surtout, pour les grands groupes. En effet, les filiales à l’étranger leur permettent déjà d’accueillir des alternants de manière simplifiée.

Indépendamment de ces considérations, nous reconnaissons la portée essentiellement technique de la présente proposition de loi, dont l’objet est de faciliter le déploiement de projets pour les parties prenantes de l’Erasmus de l’alternance. Les solutions mises en avant nous semblent cohérentes.

Nous espérons que la demande de « rapport sur les bourses et les aides financières destinées aux apprentis souhaitant effectuer une mobilité à l’étranger », figurant à l’article 3 bis, sera bien suivie d’effet.

Mme la ministre déléguée acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Comme Mme la ministre m’a bien écoutée, je pense que ce sera le cas…

Nous voterons donc en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi déjà de vous remercier, madame le rapporteur, pour cet excellent travail sur un sujet d’importance. Pour votre premier texte, vous vous inscrivez dans l’histoire de la mobilité internationale des alternants, ouverte - il faut le mettre en avant, même si vous l’avez cité - par notre collègue député européen Jean Arthuis. Le cadre juridique de cette politique a été créé dans la loi du 29 mars 2018 par Alain Milon, que nous saluons.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

En effet, l’intéressé avait permis à l’époque l’introduction d’un article additionnel, inspiré des recommandations formulées par Jean Arthuis dans son rapport Erasmus Pro : lever les freins à la mobilité des apprentis en Europe. Cet article visait à définir un cadre incitatif pour que toutes les parties – apprentis, entreprises, centres de formation – profitent des opportunités offertes à l’échelle européenne par le programme Erasmus Pro. Il représentait la première pierre de tout un édifice !

Je remercie également Michel Forissier, …

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

… ancien sénateur du Rhône, pour lequel j’ai une pensée. Il avait aménagé le dispositif au travers de la loi du 5 septembre 2018 afin d’en étendre la portée et d’en faciliter le déploiement. Ce texte représentait la deuxième pierre de l’édifice !

Nous avons trouvé encourageantes de telles fondations : l’agence Erasmus+ a estimé que, en 2018-2019, 6 870 alternants ont été soutenus par le programme pour effectuer un séjour à l’étranger contre 5 300 en 2016-2017, soit une hausse de plus de 30 % en deux ans.

Cela étant, des progrès restaient à accomplir. L’Igas avait constaté que la mobilité des apprentis restait essentiellement une mobilité de court terme et qu’elle demeurait très au-dessous de la mobilité des apprenants de l’enseignement supérieur, estimée à 16 % ou 17 %.

Il ressort également de vos travaux, madame le rapporteur, que le développement des mobilités des alternants n’a pas suivi l’augmentation significative du nombre de contrats d’apprentissage, lesquels sont passés de 321 000 en 2018 à 842 000 à la fin de septembre 2023. Vos travaux permettront donc de lever d’autres freins : juridiques, administratifs et académiques. Vous apportez une troisième pierre à l’édifice, ce dont nous vous en remercions. Bien entendu, notre groupe ira dans le sens du développement de l’apprentissage, que vous proposez.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Je profite néanmoins du temps qui m’est imparti pour vous interpeller, madame le ministre. Une fois les pierres posées et les freins levés, encore faut-il trouver comment financer l’apprentissage ! Nous rencontrons en la matière – vous le savez – plusieurs difficultés majeures.

Premièrement, l’équilibre financier de France Compétences nous préoccupe. Nous avons fait des propositions à ce sujet dans l’hémicycle lors de l’examen du projet de loi de finances. Elles n’ont pas été retenues par le Gouvernement dans le texte issu du 49.3. Nous souhaitons que le problème soit définitivement résolu.

Deuxièmement, Catherine Di Folco, avec qui je m’en suis entretenu tout à l’heure, a posé la question de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale.

Troisièmement, l’équilibre de l’Unédic – nous en avons parlé – est un véritable sujet : une partie de sa dette est liée aux travailleurs frontaliers. L’article 3 bis, qui vise à ratifier l’ordonnance du 22 décembre 2022 relative à l’apprentissage transfrontalier, creusera nécessairement, même si c’est de peu, cette dette. En tout état de cause, l’audition menée dans le cadre de la commission des affaires sociales ne nous a pas apporté d’informations pour disposer d’une appréciation financière. Nous attendons donc un certain nombre d’éclaircissements en la matière.

Il restera donc important, madame le ministre, d’éclairer le Parlement sur ces points. Nous serons ainsi véritablement satisfaits tout comme, dès lors que cette loi sera votée, nous serons tous fiers de soutenir l’apprentissage en France et hors de nos frontières, auquel nous croyons. Je remercie enfin notre rapporteur pour son travail.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Élisabeth Doineau et Véronique Guillotin applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Médevielle

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les expériences sont ce qui nous forge. À tout âge, peut-être encore davantage lorsque l’on est jeune, la découverte, l’inconnu et l’apprentissage au sens large façonnent notre esprit. Les expériences à l’étranger en sont le meilleur exemple. Nous connaissons tous un jeune qu’une mobilité Erasmus a changé et a contribué à faire grandir.

Ce programme est un succès. Il a permis aux 10 millions d’Européens qui en ont bénéficié depuis sa création de développer leurs compétences linguistiques, de découvrir une autre culture, de gagner en autonomie et d’apprendre d’autres savoir-faire professionnels. Tout cela favorise évidemment l’emploi des jeunes.

La réforme de l’apprentissage, issue de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, a été une première pierre en faveur de la mobilité internationale des alternants. Or les freins demeurent encore trop nombreux, si bien que seuls 2 % des apprentis auraient effectué une mobilité en 2019, contre plus de 17 % des étudiants de l’enseignement supérieur.

Pourtant, l’apprentissage a connu une évolution formidable durant le dernier quinquennat : le nombre de contrats est passé de 320 000 en 2018 à plus de 800 000 en 2022. Cette dynamique a largement contribué à la diminution du taux de chômage.

En effet, l’apprentissage est un atout fabuleux qui permet de concilier la découverte du monde professionnel avec la poursuite des enseignements. Terminer ses études en ayant déjà acquis une véritable expérience professionnelle est une force qui facilite indiscutablement l’insertion sur le marché du travail.

Il nous faut évidemment continuer à soutenir ce dispositif. Le soutien à l’apprentissage passe notamment par le développement de la mobilité, qui contribue à renforcer l’attractivité des formations. Dès lors, par cette proposition de loi, nous prenons acte d’un certain nombre de freins.

Le premier frein est la mise à disposition. Actuellement, lors d’une mobilité, qui ne peut excéder un an, le contrat d’alternance est mis en veille. Dans ce cas, l’employeur est alors libéré de toutes ses obligations, notamment en matière de rémunération, ce qui peut faire peser des incertitudes sur l’apprenti et sur son CFA. Une mise à disposition, qui permet le maintien de l’exécution du contrat de travail avec l’employeur français, est seulement possible pour une durée maximum de quatre semaines.

Le deuxième frein est d’ordre financier, car les opérateurs de compétences ne prennent pas tous en charge de la même façon les frais liés à une mobilité. Ce soutien demeure très souvent insuffisant.

Le troisième frein est la méconnaissance par les alternants eux-mêmes de la possibilité d’effectuer un séjour à l’étranger.

Cette proposition de loi lèvera ces difficultés. Premièrement, elle a pour objet d’offrir un droit d’option entre la mise en veille du contrat et la mise à disposition, en supprimant la limite de quatre semaines. Cette suppression accordera plus de flexibilité aux alternants. Le texte supprime également la condition de durée minimum de six mois pour effectuer une mobilité grâce à un contrat d’apprentissage.

Deuxièmement, la proposition de loi permet aux CFA de conclure des conventions de partenariat avec les organismes de formation étrangers et supprime ainsi l’obligation de conventions individuelles pour les apprentis. Cette mesure de simplification et d’allégement administratifs va évidemment dans le bon sens.

Enfin, le présent texte concourt à l’harmonisation de la prise en charge des frais par les opérateurs de compétences en rendant obligatoire la prise en charge des frais correspondant aux cotisations sociales liées à la mobilité.

Sans doute serait-il nécessaire de procéder à une véritable harmonisation entre les Opco. Avec cette proposition de loi, nous n’en franchissons pas moins un premier pas, qui a toute son importance.

L’apprentissage est une force ; Erasmus est une chance. Il est absolument indispensable de concilier les deux pour l’avenir professionnel de nos jeunes.

Cette proposition de loi contient des avancées pratiques et pertinentes, qui contribueront au développement de la mobilité internationale des alternants. Les élus du groupe Les Indépendants en soutiennent pleinement l’esprit.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Bernard Buis et Michel Masset applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis de débattre de cette proposition de loi visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un Erasmus de l’apprentissage.

Comme vous le savez, Jean Arthuis n’y est pas étranger : je suis donc d’autant plus heureuse de m’exprimer à cette tribune ! §Notre ancien collègue a mené un combat acharné, non seulement pour la reconnaissance et le développement de l’alternance, mais aussi en faveur des idéaux européens, qui me sont chers également.

Je tiens à remercier le président de notre commission, Philippe Mouiller, et notre rapporteure, Patricia Demas, qui a travaillé avec rigueur et sensibilité.

En 2017, dans son discours à la Sorbonne, le Président de la République a affiché cette ambition : que, d’ici à 2024, la moitié d’une classe d’âge ait passé « au moins six mois dans un autre pays européen ».

À ce titre, les alternants ne doivent pas être oubliés. C’est indispensable de les prendre en compte pour atteindre l’objectif fixé : ces jeunes doivent eux aussi bénéficier des programmes de mobilité.

Le programme d’échanges européen Erasmus+ a évalué à 10 000 le nombre d’alternants en mobilité en 2022, quand la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) dénombrait 837 000 nouveaux contrats d’apprentissage. Pis, selon le rapport de notre collègue député Sylvain Maillard, seuls 933 alternants sont partis plus d’un mois hors de France en six ans ; la marge de progression est donc immense.

Le présent texte a pour objectif de lever certains freins d’ordre juridique et financier au développement de la mobilité internationale des alternants. Il répond aux attentes de ces jeunes apprentis en suivant trois grands axes : le dynamisme, la flexibilité et la simplification des procédures.

Tout d’abord, cette proposition de loi mise sur le dynamisme.

Une formation à l’étranger permettra à ces jeunes de développer de nouvelles aptitudes, qu’ils pourront mettre en avant pour entrer plus facilement sur le marché du travail. Rappelons que 60 % des jeunes issus d’un lycée professionnel sont sans emploi six mois après la fin de leurs études. Ce chiffre m’a particulièrement émue.

Le dynamisme étudiant que propose ce texte répond pleinement aux prérogatives chères à l’Union européenne, autour de la mobilité. Permettons à ces jeunes d’en profiter ; ceux-là mêmes pour qui les institutions européennes semblent parfois si lointaines, voire dénuées d’intérêt. Notre responsabilité est de leur prouver que l’Europe appartient à tous. J’ajoute que les référents mobilité accompagneront opportunément les jeunes apprentis.

Ensuite, le présent texte est gage de flexibilité.

Facilitons pour les apprentis, leurs entreprises et les établissements de formation les modalités de séjour à l’étranger. Offrons-leur les outils administratifs et juridiques pour y parvenir.

Cette proposition de loi crée un droit d’option entre la mise en veille du contrat et la mise à disposition de l’alternant : si l’entreprise souhaite garder l’étudiant sous son égide, elle pourra signer une mise à disposition à cette fin.

Qu’elle soit financière, sociale ou même professionnelle, la sécurité qui en résultera poussera un peu plus ces jeunes à suivre un cursus à l’étranger. Nous favoriserons ainsi le sentiment d’un destin commun européen.

Enfin, la simplification est omniprésente dans ce texte et elle ne signifie pas « déconvention », loin de là.

Cette proposition de loi supprime l’obligation pour les alternants en mobilité internationale de conclure une convention individuelle de mobilité avec l’organisme de formation qui les accueille, dès lors qu’une convention de partenariat existe entre le CFA et ledit organisme.

Cette mesure aidera à réduire la charge administrative des CFA. En outre, elle les encouragera à nouer des partenariats avec des organismes de formation à l’étranger. En ce sens, le présent texte simplifie les modalités de conventionnement tout en assurant une véritable protection pour nos jeunes.

Mes chers collègues, cette proposition de loi rend prioritaires les enjeux de la démocratisation de la mobilité. Elle complète le texte de 2018 tout en levant certains freins.

Il s’agit là d’une véritable avancée politique en faveur de nos apprentis. Saisissons la chance qui nous est offerte ! Les membres du groupe Union Centriste voteront sans réserve cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne SOUYRIS

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue cette proposition de loi, qui tend vers une meilleure application du principe fondateur de l’égalité républicaine.

Le programme Erasmus est l’un des plus grands succès de l’Union européenne. Il a déjà bénéficié à plus de 13 millions de jeunes ; mais, malheureusement, il reste inégalitaire.

Alors que les apprentis regroupent environ 28, 5 % des étudiants et des étudiantes de France, ils et elles ne représentent que 10 % des jeunes bénéficiant d’Erasmus.

Le présent texte lève certains des freins administratifs qui nuisent au développement de la mobilité internationale des apprentis : c’est sans aucun doute une bonne chose.

Parce qu’ils croient en l’Europe et parce que le programme Erasmus permet aux jeunes de vivre ensemble au-delà de leurs cultures, les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires soutiennent le présent texte. Mais, si ce dernier va dans le bon sens, il doit s’accompagner d’un soutien financier renforcé aux étudiantes et aux étudiants.

Je l’ai dit hier et je le répète : nous avons défendu la semaine dernière une proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l’instauration d’une allocation autonomie universelle d’études.

Ce texte n’a pas eu le succès que nous attendions, avec son auteure Monique de Marco et les organisations étudiantes. Mais il nous a permis d’exprimer une préoccupation commune quant à l’augmentation de la précarité des jeunes, que ce soit au sein de la commission des affaires sociales ou encore – je le crois – de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et, maintenant, du sport.

Il est apparu clairement que le Sénat devait continuer à travailler sur ce sujet, je l’espère dans le cadre d’une mission d’information. Le Gouvernement doit lui aussi remettre l’ouvrage sur le métier ; j’en veux pour preuve le peu de réponses apportées sur ce sujet par Mme Retailleau.

La précarité touche les étudiantes et les étudiants, y compris au titre des mobilités internationales. De fait, les séjours longs à l’étranger s’adressent principalement aux plus favorisés.

Je salue la demande de rapport formulée à l’article 3 bis afin de dresser un état des lieux des bourses. Cette disposition a été introduite sur l’initiative du groupe écologiste de l’Assemblée ; et, faisant une exception à la règle, Mme la rapporteure, que je salue, l’a conservée dans le texte de la commission.

S’il nous parvient, comme je l’espère, ce rapport nous permettra d’y voir plus clair quant aux aides financières destinées aux apprentis souhaitant effectuer une mobilité à l’étranger.

Force est de le constater : pour que tous les étudiants et toutes les étudiantes puissent se former à l’étranger, il faut aussi augmenter les bourses de mobilité. Sinon, nous exclurons de facto les trois quarts d’entre eux.

Madame la ministre, j’espère que vous entendrez cet appel. Qui sait ? Peut-être le Gouvernement aura-t-il la bonne idée de transférer les 160 millions d’euros du service national universel (SNU) aux bourses de mobilité Erasmus+ ? Ces crédits seraient bien plus raisonnablement employés ainsi.

En résumé, si nous déplorons l’absence de mesures à même de déployer un fort soutien financier, le présent texte facilitera la mobilité internationale des alternants en levant un certain nombre de freins administratifs.

Le programme Erasmus est une chance ; nous devons faire en sorte que tous les jeunes puissent en bénéficier, quelles que soient leurs conditions socio-économiques.

Comme l’a dit Mme Doineau, la marge de progression est immense. Il serait bon que tous les étudiants et tous les apprentis français puissent passer au moins un an à l’étranger avant de commencer à travailler. C’est ce que pratiquent nombre de nos voisins européens. Par ces temps de repli où nous vivons, ce serait tout simplement salutaire !

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

La parole est à Mme Silvana Silvani, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Debut de section - PermalienPhoto de Silvana SILVANI

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureuse de débattre avec vous d’un projet européen qui, selon moi, est des plus positifs, car il permet d’échapper à la logique de marché de l’Union européenne : il s’agit bien sûr du dispositif Erasmus.

Outil d’émancipation, de coopération et de brassage culturel, ce programme est aux antipodes des négociations menées aujourd’hui même par la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’immigration.

Aussi cette proposition de loi pour un Erasmus de l’apprentissage, déposée par un membre de la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale, me met-elle profondément mal à l’aise.

Nous en débattons alors que, de l’aveu d’une députée du même groupe parlementaire que l’auteur de ce texte, l’exécutif s’emploierait à « offrir un plateau d’argent » à l’extrême droite.

Parmi ces mesures, citons l’exigence du dépôt préalable d’une « caution retour » pour les étudiants désireux de poursuivre leurs études en France.

Dénoncé fermement par France universités dans un communiqué paru il y a deux jours, le dépôt d’une telle caution condamnerait les étudiants hors de l’Union européenne à se détourner de la France pour poursuivre leurs projets de formation. L’accueil d’étudiants internationaux dans les cursus scientifiques ou d’ingénierie est pourtant indispensable au développement industriel de la France.

Le Gouvernement accroît pour nos apprentis les moyens de se former à l’étranger tout en restreignant pour les jeunes étrangers les possibilités d’étudier en France : ce « en même temps » est une contradiction profonde, qui nous éloigne de la tradition d’ouverture de la France en matière d’accueil d’étudiants internationaux. Il va à l’encontre de l’esprit de coopération culturelle et scientifique qui distingue le programme Erasmus lui-même.

En outre, le rôle que le Gouvernement attribue à l’apprentissage doit être examiné à l’aune des réformes à l’œuvre pour démanteler l’enseignement professionnel public.

Fruit d’un raisonnement utilitariste, ces réformes ont subordonné les enseignements généraux aux stricts besoins professionnels et, plus globalement, le lycée professionnel aux besoins des décideurs locaux et du patronat.

La réforme Attal de la voie professionnelle ne fait que calquer la filière professionnelle tout entière sur le modèle des CFA, qui sont au service des entreprises. Elle orchestre l’orientation de jeunes de 15 ans vers les métiers les plus pénibles et les moins valorisés de ce pays en les rémunérant 2, 80 euros de l’heure…

Cette proposition de loi a bel et bien un mérite : favoriser l’égalité d’accès à Erasmus entre les alternants, d’une part, et, de l’autre, les étudiants de l’enseignement supérieur. Toutefois, nous ne sommes pas dupes.

Le présent texte ne saurait cacher la réforme de la voie professionnelle, qui cautionne la ségrégation sociale et accentue la polarisation de notre pays : on trouve, d’un côté, des exécutants souvent mal payés, aux conditions de travail difficiles ; et, de l’autre, des métiers exigeant des études supérieures toujours moins accessibles, lesquelles seraient même d’emblée réservées aux classes les plus aisées.

Enfin, je souhaite vous faire part des grandes réserves que m’inspire la logique du « tout-apprentissage », du CFA au bac+5.

Le coût de cette politique pour les finances publiques est proprement abyssal. On a ainsi mobilisé 5, 9 milliards d’euros pour France Compétences en 2022.

Elle n’est que peu favorable aux jeunes, puisque près d’un tiers des contrats d’apprentissage se terminent avant leur terme et que près d’un quart desdits contrats se soldent par un abandon définitif sans diplôme.

J’ajoute qu’elle reproduit les inégalités du marché du travail. Comme le pointe le sociologue Gilles Moreau, l’apprentissage accueille toujours aussi peu de filles – ces dernières ne représentent que 30 % des effectifs d’apprentis – et ne concerne que très peu d’enfants issus de l’immigration.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi.

Bien entendu, nous sommes totalement favorables à la mobilité de nos jeunes, en Europe ou ailleurs. Mais, à nos yeux, la véritable urgence est de renforcer les enseignements de la voie professionnelle, notamment les langues : un tel effort serait on ne peut plus pertinent avant d’envoyer nos jeunes en formation à l’étranger.

De plus, nous sommes favorables à une allocation d’autonomie pour les étudiants et apprentis. Proposé par nos collègues du groupe écologiste, ce dispositif sera plus efficace pour favoriser les séjours internationaux qu’un mécanisme complexe censé lever les freins à la mobilité des apprenants.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, infatigable défenseur de la mobilité longue des apprentis en Europe, Jean Arthuis aime à rappeler que les apprentis doivent, eux aussi, pouvoir parler une autre langue que leur langue maternelle, aller à la rencontre du monde, découvrir d’autres cultures et développer une capacité d’adaptation, ainsi qu’une plus grande indépendance.

Créé en 1987, le programme Erasmus est certainement l’un des grands symboles de la construction européenne. Depuis trente-six ans, il a permis à des millions de jeunes Européens de partir dans un autre pays d’Europe pour y effectuer des études ou un stage. Dans ce cadre, près de 600 000 étudiants partent à l’étranger chaque année : c’est indéniablement un succès.

En revanche, bien qu’ils puissent théoriquement accéder à ce programme depuis 1995, les apprentis sont bien trop peu nombreux à en bénéficier, et nous savons pourquoi.

Tout d’abord, la mobilité internationale des alternants se heurte à des obstacles juridiques : pour ce qui concerne les contrats d’apprentissage, il existe autant de législations que de pays européens.

Ensuite, les freins sont d’ordre financier : au-delà de quatre semaines, l’apprenti perd son salaire. Dans ces conditions, il peut difficilement assurer son autonomie.

Par ailleurs, ils sont académiques : on déplore un manque de reconnaissance des acquis dans les établissements d’accueil à l’étranger.

Enfin, ils sont psychologiques : les jeunes dont il s’agit sont souvent inquiets de partir dans un pays dont ils ne maîtrisent pas la langue.

Le présent texte vise à lever un certain nombre de ces obstacles pour favoriser les mobilités longues, qui sont sans aucun doute les plus bénéfiques. C’est une très bonne chose.

Grâce à une immersion de plusieurs mois, les apprentis découvrent d’autres cultures, se donnent la possibilité de maîtriser une autre langue, acquièrent une certaine maturité et prennent confiance en eux.

Pour reprendre les mots de Thierry Marx, la mobilité internationale « offre aux jeunes une clé sur le monde ». Au-delà de l’expérience humaine, elle leur permet de développer des compétences transversales, des savoir-faire et des savoir-être utiles dans de nombreux métiers.

Il n’y a pas si longtemps, l’apprentissage était encore considéré en France comme une voie de garage ; et, bien qu’il ait fait ses preuves, il pâtit encore trop souvent d’une mauvaise image, même s’il faut saluer une nette amélioration.

Cette filière a toujours été le chemin de l’excellence de l’art. Elle a toujours été un véritable tremplin vers l’emploi.

Donner à ces jeunes les moyens de partir à l’étranger, c’est leur permettre d’acquérir une valeur ajoutée indéniable.

Comme le rappelle l’inspection générale des affaires sociales dans son rapport de décembre 2022, le cadre juridique de la loi du 5 septembre 2018 a très fortement limité les mobilités supérieures à quatre semaines. En effet, au terme de cette période, l’apprenti cesse d’être rémunéré : il ne peut donc plus compter que sur ses propres ressources. À l’inverse, en Allemagne ou au Danemark, l’apprenti ne subit pas de perte de salaire. Cette situation est d’autant plus regrettable que les apprentis sont majoritairement issus de milieux modestes.

Aussi, je me félicite que cette proposition de loi rende optionnelle la mise en veille de certaines clauses du contrat d’apprentissage jusqu’à présent obligatoire pour les mobilités de plus de quatre semaines. Il fallait corriger ce point.

Par ailleurs, le présent texte assouplit l’obligation de signer une convention individuelle de mobilité dans le cas où une convention de partenariat préexiste entre les organismes de formation français et étranger.

Il permet également aux apprentis de bénéficier d’une couverture minimale gratuite, quel que soit le pays.

De surcroît, je me félicite que l’Assemblée nationale ait permis aux apprentis originaires d’un État membre de l’Union européenne effectuant une mobilité en France de déroger à la limite d’âge de 29 ans.

Madame la ministre, vous l’avez rappelé : la mobilité internationale de nos apprentis ne peut être envisagée au seul prisme du droit national.

Je n’oublie pas que seul un faible nombre d’apprentis luxembourgeois effectuent une mobilité en France, notamment en zone frontalière. C’est là un sujet que vous connaissez parfaitement.

On peut regretter que le mouvement se fasse presque exclusivement de la France vers le Luxembourg.

Nombre d’employeurs français, comme Renault à Batilly, qui assure l’assemblage du master E-Tech, ou encore Le Bras Frères, entreprise d’exception qui réalise la charpente de Notre-Dame, auraient beaucoup à offrir aux apprentis luxembourgeois. Nous aurions tout à y gagner : nous pourrions valoriser nos entreprises et nos savoir-faire tout en garantissant des flux plus équilibrés entre nos deux pays.

Ce texte est une étape importante pour le développement de la mobilité internationale des apprentis. Il faudra poursuivre les efforts, notamment – je le souligne à mon tour – en améliorant le financement et en poursuivant la professionnalisation des référents mobilité, personnages clés pour atteindre l’objectif de mobilité.

Dans cet esprit, les élus du RDSE apporteront un soutien sans réserve à cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, la proposition de loi visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l’apprentissage ».

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Mes chers collègues, je remercie notre rapporteure, Patricia Demas, de la qualité de ses travaux et du souci de précision avec lequel elle a mené ses recherches et auditions ; un grand merci, ma chère collègue !

Je remercie également les services de notre assemblée, qui ont travaillé dans des conditions parfois difficiles ; merci de leur implication !

Madame la ministre, cette proposition de loi ayant désormais été votée conforme, il revient au Gouvernement et aux organisations professionnelles de la faire vivre !

Il s’agit de déployer les référents mobilité dans l’ensemble du territoire national, mais également d’informer partout en France les jeunes apprentis sur les possibilités offertes par les mobilités internationales, au moyen d’une véritable communication. C’est essentiel !

Nous avons adopté le texte, à vous d’en appliquer les dispositions, de sorte que dans un an ou deux la commission des affaires sociales puisse en évaluer les résultats.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures cinquante-deux, est reprise à seize heures cinquante-quatre.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants (proposition n° 27, texte de la commission n° 199, rapport n° 198).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes de nouveau réunis pour débattre d’un sujet primordial : la protection et le respect du droit à l’image des enfants.

Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de préserver leur vie privée dans une société où l’image et les réseaux sociaux ont pris une place prépondérante. Nous faisons tous également le même constat, aujourd’hui, du tsunami que le développement du numérique a représenté, et dont nous n’avons pas mesuré toutes les implications.

Avant ses 13 ans, un enfant apparaît en moyenne sur le compte de ses parents ou de ses proches sur 1 300 photographies publiées en ligne. Dans le même temps, les parents d’enfants de 0 à 13 ans partagent en moyenne 71 photos et 29 vidéos par an sur les réseaux sociaux. Un cinquième des parents ont des profils Facebook et la moitié d’entre eux partagent des photos avec des amis virtuels, qu’ils ne connaissent pas vraiment.

En ce qui concerne le fléau de la pédocriminalité, je rappelle que, en 2020, 50 % des images qui s’échangent sur les sites pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents.

Parallèlement, les données personnelles des enfants mises en ligne par leurs parents posent la question du droit à l’oubli et de l’identité numérique.

À la lumière de ces éléments, on comprend immédiatement l’urgence de voter enfin cette proposition de loi ; et je remercie de nouveau le député Bruno Studer d’en avoir pris l’initiative.

Nous avons tous saisi l’intérêt pédagogique du texte qu’il propose. Celui-ci vise non pas à bouleverser l’état du droit, mais à sensibiliser les parents sur les effets nocifs d’une mauvaise utilisation des images de leurs enfants déversées sur internet et sur leur rôle primordial de préservation de cette image, au même titre que la sécurité ou la santé.

Ce qui fait débat aujourd’hui est non pas l’objectif que l’on vise, mais les modalités qui doivent entourer la protection de la vie privée des enfants.

Après une lecture devant chaque chambre, et la commission mixte paritaire n’ayant pas abouti à un compromis au mois de mai dernier – cela arrive

Sourires.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Permettez-moi un instant de saluer l’important travail de convergence menée par la rapporteure Isabelle Florennes, que je suis particulièrement heureux de retrouver sur les travées de votre Haute Assemblée après avoir eu la chance de travailler avec elle à l’Assemblée nationale.

Il s’agit de son premier rapport en tant que sénatrice et elle démontre d’emblée son attachement au dialogue parlementaire constructif dans le sérieux qu’impose le travail législatif. Qu’elle en soit ici chaleureusement remerciée.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Venons-en à l’examen plus précis du texte.

Tout d’abord, l’article 1er avait un objet clair : rappeler qu’il appartient aux parents de s’assurer non seulement de la sécurité, de la santé et de la moralité de l’enfant, mais également de la protection de leur vie privée.

Être parent au XXIe siècle n’est pas la même chose qu’être parent au siècle dernier. À une époque où les contenus numériques peuvent être diffusés ou conservés facilement et indéfiniment, les adultes que nous sommes doivent avoir conscience que diffuser des images ou des vidéos de leurs enfants dès leur plus jeune âge expose leur vie privée, dès aujourd’hui et pour longtemps. Aussi, je regrette que votre commission ait fait le choix de supprimer cet article.

À l’article 2, votre commission des lois a retenu une partie de la nouvelle rédaction de l’article 372-1 du code civil, proposée par les députés, en ne gardant que le rappel du principe selon lequel les parents protègent en commun le droit à l’image de leur enfant.

Si votre proposition permet d’introduire dans le code civil le droit à l’image comme les députés l’ont proposé, il me semble cependant dommage d’abandonner le renvoi à l’article 9 du code civil et au respect du droit à la vie privée.

Je retiens, par ailleurs, votre argument selon lequel il n’est pas inutile de rappeler que les parents associent l’enfant à l’exercice de son droit à l’image selon son âge et son degré de maturité, car cela est déjà prévu à l’article 371-1 du code civil.

L’article 3 de la proposition de loi ne comporte plus qu’un II, puisque vous avez pris acte de la suppression par l’Assemblée nationale en deuxième lecture d’un dispositif inapplicable en pratique. Il s’agissait en effet de subordonner à l’accord des deux parents la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée de l’enfant. C’est un choix pragmatique qui permet d’éviter les difficultés auxquelles n’auraient pas manqué d’être confrontés les parents, mais aussi les écoles, associations sportives et autres lieux d’accueil des enfants chaque fois qu’ils auraient publié des images des enfants sur leur site.

La seconde partie de l’article 3 est en voie de stabilisation. Néanmoins, elle a été modifiée par la commission des lois pour permettre la saisine du juge aux affaires familiales même sans désaccord des deux parents sur la diffusion au public d’un contenu relatif à la vie privée de l’enfant. Cela aura pour conséquence de permettre une intervention du juge aux affaires familiales en dehors d’un conflit parental.

Or je vous alerte sur ce point : le juge aux affaires familiales n’est pas le juge des enfants. Certes, il veille à la sauvegarde de l’intérêt de l’enfant ; toutefois il intervient non pas pour protéger l’enfant, mais pour résoudre un conflit sur l’exercice de l’autorité parentale. Il n’est donc pas opportun, à mon sens, d’apporter une confusion quant à l’office du juge aux affaires familiales.

Enfin, la commission des lois a de nouveau supprimé l’article 4, qui propose une nouvelle rédaction de l’article 377 du code civil. Il s’agissait pourtant de compléter les conditions dans lesquelles l’autorité parentale peut faire l’objet d’une délégation totale ou partielle. Actuellement, la délégation forcée a lieu en cas de désintérêt pour l’enfant, de crimes d’un parent sur l’autre parent ou d’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale.

Il serait aussi dorénavant prévu qu’une délégation partielle pourrait être prononcée lorsque la diffusion de l’image de l’enfant porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale.

Ce nouveau dispositif, porté avec conviction par l’auteur de cette proposition de loi, apportait une protection concrète et proportionnée à l’enfant confronté aux risques d’atteintes graves à son image. Il constituait une avancée significative. Aussi, je regrette que cet article ne soit pas conservé par votre Haute Assemblée.

L’article 5 a également été modifié par votre commission des lois, afin d’étendre à l’outre-mer le champ d’application de cet article de la proposition de loi. Cela permettra d’uniformiser le nouveau régime visant à assouplir les conditions de saisine du juge des référés par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Je suis réservé sur l’introduction de ce nouveau régime, mais s’il doit voir le jour, il faut bien entendu l’étendre à l’outre-mer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en dépit de ces quelques réserves, je ne doute pas que vos deux assemblées puissent trouver prochainement un compromis rédactionnel sur chacun de ces articles, …

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

… car nous avons, mesdames, messieurs les sénateurs, une ambition commune : mieux protéger nos enfants en adaptant nos règles à la société, car c’est elle qui fait le droit et pas l’inverse ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme la ra pporteure applaudit également.)

Debut de section - Permalien
Charlotte Caubel

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, les droits de l’enfant ne sont pas toujours respectés dans le monde réel ; malheureusement, ils ne le sont pas plus dans le monde numérique, où ils sont trop souvent virtuels.

La surexposition des enfants sur les réseaux sociaux porte trop souvent atteinte à leur sécurité, à leur santé, à leur moralité ainsi qu’à leur vie privée. Parfois c’est de leur fait, d’autres fois, c’est parce que les parents n’ont pas adopté des usages raisonnés de ce monde numérique.

Pourtant, dans la vie réelle, dans chacune des activités de nos enfants mineurs, le lycée, le club de sport, ou le conservatoire nous demandent de signer une autorisation d’exploitation de leur droit à l’image.

Dans la vie réelle, aucun d’entre nous n’aurait l’idée de distribuer des photos de nos enfants à des inconnus dans la rue ni même de les présenter à de potentiels pédocriminels !

C’est pourtant de cela qu’il s’agit aujourd’hui.

Le monde numérique est une chance pour nos enfants, si, et seulement si, comme dans le monde physique, il est régi par le droit, en ce compris le droit des enfants et particulièrement le droit à l’image.

Parce qu’aujourd’hui, la question du droit à l’image des enfants est fondamentale, la responsabilité des parents doit être considérée comme primordiale sur ce point.

Vous avez la possibilité de répondre à cet enjeu de la meilleure des manières, en insérant au travers de cette proposition de loi dans le cœur de notre droit national, le code civil, le droit à l’image numérique des enfants, et en intégrant une des notions les plus essentielles de notre droit, l’autorité parentale, qui est « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant », selon l’article 371-1 du code civil.

Des droits et des devoirs : voilà, en résumé, l’enjeu du texte que vous examinez aujourd’hui !

Le numérique, les réseaux sociaux donnent aux parents l’impression, l’illusion que leurs droits sont infinis : le droit d’être fiers de leurs enfants – c’est tout à fait positif –, mais aussi malheureusement le droit de se moquer ou de rire de ses enfants, de jouer avec l’image de ses enfants, ou encore le droit de gagner de l’argent avec l’image de ses enfants.

Or les parents ont aussi la responsabilité et le devoir d’éduquer et de protéger leurs enfants. En ligne, beaucoup sont encore trop imprudents, voire abusent !

Je suis effarée – et je sais que vous l’êtes - par le nombre de parents influenceurs qui utilisent l’image de leurs petits enfants pour obtenir toujours plus de likes, toujours plus d’abonnés.

Pourquoi ? M. le garde des sceaux l’a rappelé : en moyenne, plus de 1 300 images de chaque enfant de 13 ans circulent sur internet ! Ces photos sont publiées, partagées, repartagées dans une communauté de parents. Or 50 % des images d’enfants retrouvées sur les ordinateurs des personnes mises en cause pour pédocriminalité sont des images du quotidien, détournées ou utilisées en images pédopornographiques !

Cela signifie que l’image de nos enfants peut être utilisée à des fins illicites et très concrètement abominables.

Nous avons pu le mesurer le 20 novembre dernier avec la Première ministre et le ministre de l’intérieur, lors de la visite du nouvel Office mineurs (Ofmin). L’exposition des images issues des réseaux sociaux, détournées par les pédocriminels et diffusées sur des sites à caractère pédophile, est une prise de risque réelle que les parents ne mesurent pas.

Exposer son enfant lorsqu’il n’a pas l’âge de prendre des décisions de façon autonome contrevient parfois clairement à son intérêt ; bien que moins grave, ce problème demeure très important !

Aucun enfant devenu adolescent ne peut se réjouir de retrouver des photos de lui ridicules de son anniversaire de 4 ans. Aucun enfant n’est protégé, comme nous l’avons dit, de ces images détournées. Aucun enfant n’est à l’abri de négligence quand ses parents l’utilisent comme un objet de communication.

Grâce à l’adoption de cette proposition de loi, les abus pourront donc être sanctionnés, les différends entre les parents tranchés.

Face à l’évolution des usages numériques et des réseaux sociaux, nous devons encore renforcer notre entreprise en faveur de la protection des enfants, et je compte sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs.

Nous avons travaillé sur le contrôle parental par défaut, encadré le travail des enfants dits « influenceurs », fixé la majorité numérique à 15 ans et avancé sur le contrôle de l’âge à l’entrée des sites pornographiques.

Le Sénat est de tous les combats, soyez également de celui-ci, mesdames, messieurs les sénateurs !

Par cette proposition de loi, renforcez une nouvelle fois l’autorité parentale au sein d’une société qui a choisi de faire du numérique l’un des piliers de notre vie en communauté.

En cohérence avec les principes que vous avez soutenus depuis 2020, vous contribuerez à la défense d’une cause, qui plus que toute autre, rassemble dans cet hémicycle et même en dehors : la protection des enfants dans la vie réelle comme dans la vie virtuelle.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Michel Masset et Mme Olivia Richard applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Masset applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle FLORENNES

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’avait relevé notre collègue Valérie Boyer, rapporteure de ce texte en première lecture, l’ouverture du monde numérique aux enfants est un défi majeur, à la fois pour les familles et pour les institutions, en particulier en matière d’éducation et de santé publique.

Le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse s’est d’ailleurs récemment inquiété de l’émergence d’une catastrophe sanitaire et éducative.

Dans ces conditions, nous regrettons l’absence d’une initiative gouvernementale d’envergure ; nous n’avons à examiner qu’une succession de propositions de loi cantonnées à diverses thématiques, le droit à l’image n’en étant qu’une parmi d’autres.

Cela étant rappelé, le Sénat a choisi d’adopter en première lecture une approche constructive vis-à-vis de la présente proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants, approche que la commission des lois vous invite à conserver, mes chers collègues.

En commission mixte paritaire, comme vous l’avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, les divergences entre l’Assemblée nationale et le Sénat se sont cristallisées sur deux points principaux.

Le premier point de désaccord portait sur l’exigence d’un accord des deux parents pour toute diffusion de contenus relatifs à la vie privée de leur enfant sur internet. Par l’introduction de cette disposition, à l’article 3, Valérie Boyer avait souhaité inciter les parents à réfléchir ensemble avant de poster une photo de leur enfant sur un réseau social, compte tenu des risques de réutilisation ultérieure, que vous avez relevés, madame la secrétaire d’État.

Le second point de divergence concernait l’article 4, qui, dans le texte initial, instaurait une délégation forcée à un tiers de l’exercice du droit à l’image de l’enfant, en cas d’atteinte grave à la dignité ou à l’intégrité morale de celui-ci. Le Sénat avait supprimé cet article, les députés souhaitant pour leur part son maintien.

Si l’Assemblée nationale a légèrement fait évoluer son texte en nouvelle lecture pour tenir compte, à la marge, de certaines remarques du Sénat, elle a toutefois maintenu sa position sur des dispositions problématiques à nos yeux.

En conséquence, la commission des lois a fait le choix, en nouvelle lecture, de prendre acte de ces désaccords de fond et de recentrer le texte sur la protection du droit à l’image des enfants.

Elle a tout d’abord supprimé l’article 1er, car elle ne souhaite pas ériger le respect de la vie privée de l’enfant au même niveau que la protection de sa sécurité, de sa santé et de sa moralité. Cette suppression paraît d’autant plus justifiée que l’article 9 du code civil consacre d’ores et déjà le droit de chacun au respect de sa vie privée.

À l’article 2, la commission a accepté de faire figurer dans le code civil, sous une formulation simple et pédagogique, l’obligation des parents de protéger en commun le droit à l’image de leur enfant, afin de les sensibiliser aux dangers qu’emporte l’exposition de leurs enfants sur les réseaux sociaux.

Je note que serait ainsi inscrite pour la première fois dans le code civil la notion de « droit à l’image », qui n’est aujourd’hui qu’une construction jurisprudentielle.

À l’article 3, la commission a renoncé à réintroduire l’exigence d’un accord des deux parents pour la diffusion publique d’un contenu relatif à la vie privée d’un enfant.

Il s’agit d’un choix cohérent avec la position exprimée par le Sénat lors de l’examen de la loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne. Ce texte dispose en effet que l’accord d’un seul titulaire de l’autorité parentale suffit pour qu’un enfant de moins de 15 ans puisse s’inscrire sur un réseau social, cet acte étant considéré comme usuel. Il ne nous a pas semblé logique de créer une différence de traitement entre ces deux situations, sachant que l’inscription à un réseau social n’est souvent que le préalable à la diffusion de photos.

La commission a en revanche accepté de préciser les pouvoirs du juge aux affaires familiales, qui pourra interdire à un parent la diffusion d’un contenu relatif à l’enfant sans l’accord de l’autre parent ; nous avons inscrit dans le texte que ces pouvoirs devraient s’exercer dans le but d’assurer la protection du droit à l’image de l’enfant. En effet, le rôle des parents n’est pas tant d’exercer le droit à l’image de leur enfant que de le protéger.

La commission a supprimé l’article 4, maintenant ainsi la position adoptée par le Sénat en première lecture. Non seulement la délégation forcée de l’exercice du droit à l’image de l’enfant lorsque la diffusion de l’image de celui-ci porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale ne paraît pas opérante, mais elle soulève des difficultés juridiques.

Enfin, l’article 5, introduit en première lecture par le Sénat, a été conservé par la commission dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Cette nouvelle rédaction précise la disposition, adoptée par le Sénat, permettant à la Cnil d’agir en référé pour protéger plus efficacement les données personnelles des mineurs.

En conclusion, mes chers collègues, je vous invite à adopter le texte issu des travaux de notre commission, qui expriment la préoccupation du Sénat à assurer la protection du droit à l’image des enfants sur internet.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Hussein Bourgi.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Hussein Bourgi

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici réunis pour la nouvelle lecture de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants.

Nous sommes pleinement conscients que le recours toujours accru aux réseaux sociaux entraîne une numérisation exponentielle de notre société. Ainsi sommes-nous, toutes et tous, susceptibles de nous retrouver exposés numériquement, volontairement ou involontairement.

Lorsque l’exposition est consentie, elle ne soulève aucune difficulté de principe. En revanche, quand elle ne l’est pas, des mécanismes doivent protéger les victimes, en particulier les mineurs, qui, en raison de la vulnérabilité et de la fragilité de leur statut, méritent toute l’attention du législateur et l’engagement résolu des pouvoirs publics.

Dans ce domaine, le dernier texte porté par un exécutif date de 2016 ; il a été examiné sous la présidence de François Hollande, sur l’initiative d’Axelle Lemaire, alors secrétaire d’État chargée du numérique. Ces travaux avaient abouti à l’adoption de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui a permis la dernière grande avancée pour les enfants dans ce domaine, à savoir une amélioration substantielle du droit à l’oubli des mineurs sur internet.

Depuis 2016, le cyberenvironnement a beaucoup évolué, accompagnant, voire précédant les mutations de notre société. Dans un rapport de 2018, le commissaire à l’enfance pour l’Angleterre indiquait – c’est dire l’ampleur du phénomène – qu’un enfant apparaît en moyenne, avant l’âge de 13 ans, sur 1 300 photographies publiées en ligne sur ses propres comptes, sur ceux de ses parents ou sur ceux de ses proches.

Si poster des photos d’enfants sur les réseaux sociaux peut sembler anodin au premier abord, la situation devient plus grave lorsque ces images sont utilisées à des fins sordides.

Aux États-Unis, selon le Centre national des enfants disparus et exploités, la moitié des photographies d’enfants s’échangeant sur les réseaux pédophiles et pédopornographiques ont initialement été postées sur internet par leurs parents ou leurs proches.

Ces publications, innocentes dans leur intention, peuvent ainsi être détournées, mais aussi donner lieu à des pratiques de cyberharcèlement.

Face à ces dangers aux multiples facettes, nous devons nous interroger sur la pertinence, l’utilité et même l’efficacité du texte que nous étudions aujourd’hui en nouvelle lecture.

La portée normative de cette proposition de loi est somme toute limitée. Le texte, adopté par deux fois par l’Assemblée nationale, possède les atours d’une proposition de loi déclarative visant à sensibiliser l’opinion, notamment les parents, aux risques auxquels sont exposés les enfants faisant l’objet de publications sur internet.

Son auteur, le député Bruno Studer, l’a lui-même décrite comme un texte « de pédagogie à destination des parents ».

Au sein de mon groupe, nous avons noté les efforts de Mme la rapporteure – je salue au passage Valérie Boyer, qui fut rapporteure de cette proposition de loi lors de son examen en première lecture. Nous avons relevé et apprécié les apports de nos deux rapporteures successives pour amender le texte dans un esprit de consensus avec nos collègues de l’Assemblée nationale.

Aussi ne sommes-nous pas réfractaires aux nouvelles rédactions proposées pour les articles 2 et 3, visant tous deux à renforcer l’obligation des parents de protéger conjointement le droit à l’image de leur enfant.

La suppression de l’article 1er nous semble également aller dans la bonne direction, ses dispositions étant déjà incluses, implicitement, dans l’article 371–1 du code civil.

Nous demeurons en revanche plutôt défavorables à la suppression de l’article 4 de cette proposition de loi. Son dispositif ayant été encadré par l’Assemblée nationale, celui-ci n’aurait concerné que de rares affaires, et il aurait pu trouver sa place au sein de notre arsenal législatif.

Enfin, l’usage du référé dans le cadre de l’article 5 nous paraît toujours peu adapté à des situations ne présentant pas un caractère urgent et imminent. Nous notons toutefois que la rédaction de cette disposition a évolué à l’Assemblée nationale. Cette nouvelle rédaction est davantage susceptible de nous convenir, même si nous restons vigilants quant à sa portée.

Ces réserves étant exprimées, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de cette proposition de loi.

Oui, cette proposition de loi est parcellaire. Oui, elle est lacunaire. Oui, son champ d’application est extrêmement restreint dès lors que l’on considère la thématique qu’elle souhaite traiter dans sa globalité, son exhaustivité et sa transversalité.

Cette proposition de loi a toutefois le mérite de mettre en lumière les risques liés à l’univers numérique, en particulier pour les enfants, au XXIe siècle.

Formons le vœu qu’elle permette d’ouvrir de nouveaux débats en la matière et espérons que, cette fois, ce sera le Gouvernement qui en prendra l’initiative. Cela est d’autant plus nécessaire et urgent que – nous le savons toutes et tous – ce n’est pas parce que nous faisons évoluer notre législation pour doter les citoyens de nouveaux droits que ces derniers sont aisés à mettre en œuvre.

Convaincre les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) de modérer leurs contenus et de retirer ceux qui sont attentatoires à la dignité humaine, discriminent ou incitent à la haine ou à la violence, relève d’un véritable parcours du combattant.

Convaincre les Gafam de respecter et d’appliquer les droits des citoyens, tels que le droit à l’oubli, reste un immense chantier qu’aucun gouvernement, aucun État ne semble avoir sérieusement entrepris à ce jour.

Mais ce n’est pas parce que la tâche est difficile qu’il faut renoncer à s’y attaquer. Je vous engage à entreprendre sans tarder ce lourd et difficile chantier, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État. Vous nous trouverez naturellement à vos côtés.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Elsa Schalck

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la protection des mineurs dans un univers numérique omniprésent est un défi majeur pour notre société. Il concerne les enfants et leurs parents, mais aussi les institutions, tant par ses enjeux sociétaux que par un souci de santé publique.

Avec plus de 300 millions de photos diffusées chaque jour, la surexposition est une réalité aux multiples dangers. Ces derniers sont souvent méconnus par les parents, qui ont eux-mêmes assisté à l’avènement des réseaux sociaux.

Il convient de rappeler que diffuser une photo ou tout autre contenu sur la Toile, le rendre public, au vu et au su de tous, c’est s’exposer à un risque de détournement des images. Les conséquences, parfois dramatiques, peuvent malheureusement être nombreuses pour nos enfants, qu’il s’agisse du fléau du harcèlement scolaire, de l’exploitation commerciale, de l’usurpation d’identité ou encore de la pédocriminalité.

Je tiens une nouvelle fois à saluer Bruno Studer, député du Bas-Rhin, qui a pris l’initiative de déposer ce texte.

Il nous revient aujourd’hui, à l’occasion de cette nouvelle lecture après l’échec de la commission mixte paritaire, de trouver une voie de passage pour protéger l’image des enfants.

Je tiens à remercier la rapporteure de son travail et de son souhait de recentrer le texte sur la notion de protection dans le cadre du droit à l’image de l’enfant.

La commission a décidé de supprimer l’article 1er, qui plaçait la vie privée de l’enfant au même rang que la sécurité, la santé et la moralité parmi les obligations des parents au titre de l’autorité parentale.

Tout en comprenant la vocation pédagogique qu’aurait une mention expresse de la vie privée à l’article 371-1 du code civil, je partage les réserves qui justifient aujourd’hui la suppression de cet article, notamment l’argument selon lequel, dans certains cas, protéger son enfant pourrait constituer une atteinte à sa vie privée.

L’article 2 a quant à lui fait l’objet de plusieurs évolutions dans le cadre de la navette. Il a désormais – je le crois – la vertu de rappeler aux parents leur obligation conjointe de protéger le droit à l’image de leur enfant. Il est en effet indispensable que les deux parents aient conscience de la responsabilité qui leur incombe.

La portée de cet article est peut-être davantage symbolique et pédagogique que purement juridique, mais elle souligne la notion primordiale en matière de parentalité qu’est celle de responsabilité collective des parents.

Par cet article, la notion de « droit à l’image » pourra être inscrite expressément dans le code civil, ce qui, dans un monde où le poids des images va croissant, me paraît constituer une avancée.

À l’article 3, la commission n’a pas réintroduit l’exigence d’un accord des deux parents pour diffuser au public un contenu relatif à l’enfant. Il s’agit là d’un choix cohérent vis-à-vis du vote du Sénat lors de l’examen de la loi du 7 juillet 2023. Dans ce texte, nous avions en effet acté que l’accord d’un seul titulaire de l’autorité parentale suffirait pour inscrire un enfant sur un réseau social. Si nous ne pouvons que déplorer, une nouvelle fois, l’inflation législative, il nous incombe néanmoins, mes chers collègues, de rester cohérents pour ne pas nuire davantage à la lisibilité de la règle de droit.

La commission des lois a par ailleurs confirmé la suppression de l’article 4, visant à ouvrir une délégation forcée de l’exercice du droit à l’image de l’enfant en cas d’atteinte grave à sa dignité, cette disposition ayant été jugée non efficiente au regard de ce que le juge peut d’ores et déjà décider, notamment dans le cadre des mesures d’assistance éducative.

Au sein de mon groupe, nous partageons le constat qui a présidé au dépôt de ce texte, ainsi que les objectifs qui lui ont été assignés. J’estime de plus que le travail mené par les deux assemblées tout au long de la navette s’est révélé non seulement constructif, mais bénéfique.

Je forme donc à mon tour le vœu que ce texte puisse prospérer.

Je conclurai toutefois en formulant le regret, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, qu’une véritable politique publique fasse défaut en la matière.

Durant ces derniers mois, le Parlement a été amené à se prononcer sur plusieurs textes abordant des questions aussi importantes que la majorité numérique et la lutte contre la haine en ligne, la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans et, maintenant, la question du droit à l’image des enfants.

Au regard des enjeux cruciaux que ces questions soulèvent, il serait pertinent et cohérent que notre pays se dote d’une véritable politique en la matière.

En tout état de cause, comme vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte ainsi modifié par la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la numérisation progressive de la société est un phénomène inéluctable.

C’est un fait qui s’impose à tous, mais particulièrement aux enfants, qui sont plus que jamais mis en danger par leur surexposition sur internet, notamment sur les réseaux sociaux.

L’essor du numérique nous invite à repenser les moyens de protection des plus jeunes en raison de dérives nouvelles portant atteinte à la vie privée et à l’image des enfants.

Les données disponibles sont alarmantes, pour ne pas dire terrifiantes. Elles nous imposent d’agir. Plus de 300 millions d’images sont diffusées chaque jour sur les réseaux sociaux. À 13 ans, âge à partir duquel l’enfant a le droit, avec l’autorisation de ses parents, de s’inscrire sur les réseaux sociaux, il apparaît déjà sur 1 300 photographies publiées en ligne sur ses comptes propres, ceux de ses parents ou ceux de ses proches.

Du fait de la diffusion de l’échographie de leur mère, un tiers des enfants ont une existence numérique avant même d’être nés.

L’exposition massive des mineurs par leurs parents dans l’espace numérique comporte des risques inquiétants, tels que la violation de leur vie privée, le harcèlement scolaire, la cyberintimidation ou encore le détournement sur des sites pédocriminels, où près de 50 % des images échangées avaient été initialement publiées par des parents sans aucune mauvaise intention.

La surexposition croissante de l’image de l’enfant et l’usage malveillant qui peut en être fait par des tiers nous imposent d’adapter notre arsenal juridique afin de mieux appréhender l’exercice des droits des enfants dans l’environnement numérique.

La proposition de loi que nous examinons cet après-midi en nouvelle lecture, si elle rappelle que l’enfant est, non pas un objet, mais une personne titulaire de droits fondamentaux pour sa propre construction, tels que le droit à l’image, ne réglera toutefois pas tous les problèmes.

Pour nécessaire qu’elle soit, cette réponse législative ne suffit pas. Il apparaît urgent et primordial de faire appel à d’autres moyens, notamment l’éducation, la prévention, ou encore la sensibilisation.

Face à un enjeu aussi important, je regrette, comme vient de le faire Elsa Schalck, que le Gouvernement n’ait pas mobilisé tous les acteurs ayant pouvoir en la matière, comme les ministères de l’éducation nationale et de la santé, afin d’élaborer une véritable politique publique de l’espace numérique. Il est dommage que nous n’ayons pas, sur ce sujet, une vision plus globale.

Plusieurs initiatives parlementaires ont déjà vu le jour sur divers aspects de la protection des mineurs dans l’univers numérique. Toutefois, réagir au coup par coup, de façon dispersée, sur des sujets identiques ou très proches n’est pas forcément constructif. À cet égard, je regrette que notre travail législatif soit aussi fractionné.

Monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il apparaît nécessaire que nous nous accordions sur un texte opérant, afin de continuer à garantir à l’ensemble des mineurs une protection suffisante.

Très sensibles à la préservation des intérêts de l’enfant, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiennent toute démarche entreprise dans cet objectif.

C’est avec conviction que nous voterons en faveur de cette proposition de loi, tout en appelant de nos vœux une mobilisation plus forte pour alerter les parents sur les dangers de la diffusion, dans l’espace numérique, de contenus relatifs à la vie privée de leurs enfants.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivia RICHARD

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après une commission mixte paritaire non conclusive, nous devons examiner de nouveau cette proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants.

Le chiffre a déjà été cité plusieurs fois : avant qu’un enfant atteigne l’âge de 13 ans, âge auquel, avec un accord parental, il pourra commencer sa vie sur les réseaux sociaux, quelque 1 300 images de lui ont déjà été publiées. Au vu de ce chiffre sidérant, on ne peut que s’interroger sur une éventuelle défaillance de la parentalité à l’heure du tout-numérique.

La surexposition des enfants et les usages malveillants qu’elle peut susciter imposent une réflexion sur ces nouveaux enjeux. Disons-le avec toute la gravité que le sujet mérite : l’enfant n’est pas l’objet de ses parents, mais un sujet, détenteur de droits, lesquels doivent être jalousement protégés. Bien évidemment, ils doivent l’être, en premier lieu, par les parents. Il ne peut pas être dans l’intérêt de l’enfant d’être ainsi surexposé. Pourtant, volontairement ou non, par ignorance ou non, certains parents font défaut lorsqu’il s’agit de protéger leurs enfants en ligne.

Comme se l’entend dire un oiseau célèbre, tout influenceur « vit aux dépens de celui qui l’écoute ». Sans être pionniers, les influenceurs ont montré l’exemple : voir des photos et des vidéos d’enfants sur internet est devenu normal.

Je peux le comprendre, car nous sommes tous fiers de nos enfants. Chacun a envie de vanter leurs exploits, forcément inédits. Chacun a envie, surtout, de montrer le succès de l’éducation qu’il leur a prodiguée. À travers eux, c’est nous-mêmes que nous vantons. Hélas ! c’est de nous qu’il faut protéger nos enfants, quand nous les réduisons à des extensions narcissiques de nous-mêmes.

La confiance que les enfants doivent pouvoir avoir en leurs parents est un préalable indispensable à leur construction et à leur épanouissement. Sans elle, ils ne peuvent avoir confiance en eux-mêmes.

Mais comment un enfant pourrait-il avoir confiance dans ses parents lorsque un million de personnes like une vidéo de lui humiliante qu’ils auront publiée ? Comment pourrait-il avoir confiance lorsqu’il est mis en scène, exposé pour distraire une galerie invisible ? Quels comptes demandera-t-il à ses parents lorsque, une fois devenu grand, il constatera que ses amis et ses relations professionnelles auront eu accès à toute son enfance ?

L’utilisation de l’image des enfants est un défi pour notre société, et pas seulement lorsqu’elle est commerciale, comme plusieurs orateurs l’ont déjà dit.

Cette proposition de loi nous donne l’occasion d’appeler à une plus grande responsabilisation des parents.

Pour cela, il faudra, bien sûr, une meilleure information. Alors que le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse déclarait, il y a quelques jours, que les enfants passaient peu ou prou autant d’heures, en moyenne, devant un écran que sur les bancs de l’école élémentaire, on mesure à quel point ce qui relève de l’intime et du privé doit être préservé du regard de l’autre, quand bien même ce regard serait bienveillant. Il est donc indispensable de faire œuvre de pédagogie auprès des parents, de les sensibiliser et de les informer sur les conséquences de la diffusion des images de leurs enfants.

Qui a conscience, lorsqu’il partage les premiers pas de son enfant à la plage, que la moitié des images utilisées par les pédocriminels ont été initialement publiées par des parents sur les réseaux sociaux ? Qui peut savoir, en annonçant la naissance de son enfant, que ces informations risquent d’être utilisées pour usurper son identité ? Qui se doute, en alimentant ses propres comptes sur les réseaux sociaux, que les vidéos ou les photos de ses enfants inspireront de potentiels harceleurs au collège ? Qui a conscience, lorsqu’il poursuit son enfant avec sa caméra, tout au long de sa vie, des ravages qu’il risque de provoquer sur l’équilibre de celui-ci ? Il faut une prise de conscience !

Pour prendre un exemple, les campagnes électorales peuvent donner lieu à un déchaînement de violence en ligne. Comme je me suis félicitée, l’été dernier, que mes enfants et ma vie privée soient restés à l’abri des réseaux sociaux ! Je n’ose imaginer ce qu’aurait été ma campagne électorale si des images de mes enfants avaient été utilisées pour me déstabiliser.

Je me demande comment ceux qui auront déjà été trop exposés par leurs parents pourront accepter de se montrer eux-mêmes.

Je suis trop âgée, bien sûr, pour que des photos de moi barbouillée, grimaçante ou trébuchante circulent sur internet. Si cela avait été le cas, j’aurais peut-être dû renoncer à me présenter aux élections. Dans une campagne difficile, tout peut être utilisé à charge contre les candidats.

De manière plus générale, quel avenir auront celles et ceux dont la vie est étalée par leurs parents sur internet ?

Le débat que nous avons est utile pour rappeler à chacun que les actes les plus anodins peuvent avoir des conséquences terribles. Aussi, je salue le travail de notre rapporteure, qui a su guider dans la bonne direction notre commission des lois. Elle s’est inscrite dans une démarche constructive, clarifiant et rendant plus efficaces les dispositions proposées.

Merci, madame la rapporteure, de faire de nouveau entendre la voix du Sénat grâce au sérieux de vos travaux !

Le député Bruno Studer, auteur de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, avait déjà déposé un texte louable il y a trois ans : la loi du 19 octobre 2020, que nous avions votée, visait à mieux lutter contre l’exploitation commerciale des enfants influenceurs par leurs parents. En effet, alors que l’économie de l’attention génère des revenus faramineux pour une minorité d’influenceurs, la compétition entre ces stars des réseaux les pousse à aller toujours plus loin dans des contenus surprenants, émouvants ou spectaculaires.

L’appât du gain n’est pas la seule motivation. La simple ambition de devenir visible sur internet peut pousser des parents à commettre des excès, au nom d’une éphémère lumière qui brûle l’enfance.

Le législateur a déjà pu affirmer la nécessité d’un encadrement du numérique dans la cellule familiale. Cette proposition de loi est un pas supplémentaire vers la protection de nos enfants et le respect de leurs droits.

À l’instar de notre rapporteure et de plusieurs des orateurs qui m’ont précédée à cette tribune, je regrette néanmoins l’absence d’une politique générale sur le rapport des familles au numérique. Nous regrettons que le Gouvernement n’expose pas une vision d’ensemble sur ce sujet. Si cette proposition de loi contribue à soulever des questions pertinentes, un voile trop pudique recouvre encore l’entièreté du problème.

Nous espérons donc que l’examen de ce texte sera l’occasion d’ouvrir une discussion plus large sur l’usage du numérique dans les familles.

Le groupe Union Centriste votera ce texte, tel que modifié par la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Grégory BLANC

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de partager avec vous le point de vue du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires sur ce texte et, en particulier, celui de mon collègue Guy Benarroche, retenu à l’Assemblée nationale où il participait à une autre réunion qui vient de se terminer.

Comme en première lecture, notre groupe salue l’initiative du député Bruno Studer, qui a souhaité renforcer le droit à l’image de l’enfant. Cette proposition de loi permettra d’adapter utilement notre législation à une situation qui a considérablement changé au regard de l’omniprésence des réseaux sociaux. En moyenne, nous passons plus de deux heures et quart par jour sur internet et le partage de photos et de vidéos se fait en une fraction de seconde.

Dans ce contexte, les parents partagent toujours plus d’images de leurs enfants sur la Toile. Un tiers des échographies sont ainsi publiées en ligne, ce qui laisse une trace numérique de l’enfant avant même sa naissance. Neuf parents sur dix publient des images de leur enfant sur les réseaux sociaux avant même qu’il n’atteigne l’âge de 5 ans. Chaque année, les parents ne diffusent en moyenne pas moins de 71 photos et 29 vidéos de leur enfant de moins de 13 ans.

Publier des photos sur le Net devient banal. Or, loin d’être ordinaire, cette décision peut avoir de lourdes conséquences. Chaque image laisse une trace sur internet et peut être détournée. Certaines d’entre elles servent à commettre une usurpation d’identité ou des actes de cyberharcèlement. Il a déjà été rappelé qu’on estime même que la moitié du contenu publié sur les plateformes de pédopornographie provient d’images d’enfants qui ont initialement été partagées par leurs parents.

De toute évidence, le cadre juridique actuel est inapproprié au regard du fait que le partage d’images est devenu si facile. C’est pourquoi nous considérons que, aujourd’hui, le droit à l’image des enfants, consacré par le droit à la vie privée, de valeur constitutionnelle, n’est pas suffisamment protégé.

Afin de renforcer sa protection, notre approche devrait être triple.

Premièrement, nous devrions responsabiliser les parents. C’est ce que plusieurs dispositions contenues dans cette proposition de loi permettent de faire. Nous pensons notamment à l’article 2, qui exprime le principe d’une protection du droit à l’image des enfants, en commun, par les parents.

À cet égard, nous saluons l’esprit de compromis de notre rapporteure, qui a permis de rétablir l’essentiel de ce principe en commission.

Ce principe serait complété par la possibilité donnée au juge d’interdire la diffusion d’images de l’enfant par un parent qui aurait manqué à son obligation de respect du droit à l’image de l’enfant.

Deuxièmement, au-delà de la responsabilisation des parents, nous devrions également renforcer la lutte contre le partage illicite de contenus.

C’est ce que permet l’article 5, aux termes duquel la Cnil pourra saisir la justice pour obtenir le blocage d’un site internet utilisé pour la diffusion d’un contenu illicite si une demande d’effacement des données reste sans réponse.

Cette disposition a pu être rétablie à l’Assemblée nationale grâce à l’adoption d’un amendement de notre collègue député Jérémie Iordanoff, que nous savons particulièrement engagé sur le sujet.

Enfin, si les deux premiers volets sont couverts par la présente proposition de loi, nous avons encore du travail à faire pour avancer sur le troisième volet.

En effet, pour responsabiliser les parents, il faut mieux les informer et fournir des réponses à leurs questions, dont nous savons qu’elles ne manquent pas. Cet accompagnement relève de la responsabilité des pouvoirs publics. Une première étape consisterait à compléter les informations disponibles sur le site jeprotegemonenfant.gouv.fr.

En attendant que le Gouvernement agisse en la matière, nous estimons que cette proposition de loi constitue une réponse législative bienvenue. Nous remercions Mme la rapporteure pour son travail constructif. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Christian Bilhac applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons en nouvelle lecture la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants, à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire.

Nous déplorons ce désaccord entre les deux chambres sur un sujet qui aurait pourtant dû faire consensus. Si tout le monde semble convenir de la nécessité de légiférer, notamment en raison d’une montée en puissance des écrans et des réseaux sociaux qui menacent la vie privée de nos enfants, les moyens d’atteindre les objectifs que nous partageons ont, quant à eux, divergé.

Nous le regrettons d’autant plus que la position de la commission des lois du Sénat sur l’article 3 a évolué depuis lors. C’est désormais l’article 4 qui constitue le principal obstacle à l’adoption de ce texte. Cet article permet une délégation forcée de l’autorité parentale dans des situations où l’intérêt des parents entre en conflit avec celui de l’enfant dans l’exercice du droit à l’image. Nous y sommes, pour notre part, favorables.

Plus globalement, même si nous avons soutenu ce texte en première lecture, nous aurions souhaité qu’il aille plus loin sur certains points, comme la sensibilisation des parents. C’est un sujet crucial à nos yeux.

Naturellement, cette sensibilisation ne passe pas uniquement par la loi, mais nous refusons toute inaction en la matière. En effet, même si les parents ne sont pas mal intentionnés, il est toujours utile de les aider dans la compréhension des risques inhérents à l’exposition de leur enfant. Il est utile également de les informer correctement du droit en vigueur et de son application. Je pense notamment au droit à l’oubli dont bénéficient les mineurs.

Cet important travail de sensibilisation s’inscrit par ailleurs dans un cercle vertueux. En effet, un parent capable d’identifier les dangers des réseaux sociaux, pour lui-même et pour ses enfants, sera mieux à même de sensibiliser ses connaissances et de les informer. Nous sommes convaincus que ce travail de sensibilisation doit s’effectuer le plus en amont possible.

Malgré ces réserves, en cohérence avec notre position en première lecture, nous soutiendrons ce texte.

La commission des lois a acté le désaccord entre le Sénat et l’Assemblée nationale. En conséquence, il semble que nous nous dirigions, avec l’assentiment du Gouvernement, vers une lecture définitive par les députés.

Ces derniers ont d’ailleurs réintroduit l’article 5 en nouvelle lecture, afin de permettre à la Cnil de saisir la justice pour sauvegarder les droits des mineurs en cas d’absence de réponse à une demande d’effacement de données à caractère personnel.

Nous saluons cette préservation de l’article 5 contre l’avis du Gouvernement. Nous espérons le retrouver dans le texte qui sera définitivement adopté.

Monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si cette proposition de loi a pour objectif de combler un vide, nous la voyons aussi comme un texte d’appel en faveur d’une politique plus efficace en matière de sensibilisation, de prévention du cyberharcèlement et de la cyberintimidation, et de respect de la vie privée des plus jeunes. Il reste beaucoup à faire !

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel MASSET

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, grâce à la dynamique volontariste du Parlement en matière de réglementation des réseaux sociaux, l’impunité qui régnait dans ce secteur s’amenuise progressivement. Mais le chemin est encore long : j’en veux pour preuve l’examen du texte qui nous occupe aujourd’hui.

Parmi des travaux plus anciens, je pense à la loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne. Le législateur avait jugé que le sujet des mineurs travaillant à des fins de promotion commerciale nécessitait une attention particulière. Il avait alors bien identifié l’importance d’établir des règles qui permettent, notamment, de sensibiliser nos concitoyens aux conséquences importantes qu’il peut y avoir à publier en ligne des données concernant les mineurs.

Cependant, lors de la première lecture de la présente proposition de loi, notre groupe du RDSE avait regretté que ce sujet n’ait pas été traité d’un seul tenant.

Après la loi que j’ai citée, puis celle du 9 juin 2023 sur les influenceurs et celle du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, voici ce texte relatif au droit à l’image des enfants. Ces initiatives fractionnées, en plus de nuire à notre objectif de clarification de la réglementation, empêchent de porter un regard d’ensemble sur un sujet majeur.

Mais ce regret ne saurait faire obstacle à ce que le groupe du RDSE salue la protection accrue de nos jeunes que permettra ce texte.

Le dévoilement de la vie des enfants par leurs parents sur les réseaux sociaux peut être source de multiples dangers, qui résultent souvent d’un manque de sensibilisation des parents.

Sur le fond, la suppression de l’article 1er par la commission ne semble pas emporter de conséquences juridiques importantes pour le texte, bien que cette mesure eût l’avantage de consacrer la protection de la vie privée de l’enfant comme composante de l’autorité parentale.

La commission des lois a également supprimé l’article 4, qui instaurait une délégation forcée de l’exercice du droit à l’image des enfants, dans certaines conditions. Cette suppression ne semble pas davantage dévoyer l’objectif de protection par les parents du droit à l’image de leurs enfants.

Par ces deux suppressions, la commission nous invite à prendre acte des désaccords entre le Sénat et l’Assemblée nationale, qui donnent lieu à une nouvelle lecture du texte.

L’article 3, modifié, est un autre symptôme de ces désaccords. Nous ne nous déjugerons pas en abandonnant notre position en faveur d’un accord de chacun des parents pour la diffusion au public de contenus relatifs à la vie privée de l’enfant. Si nous regrettons le renoncement de la commission à réintroduire cette exigence, nous nous satisfaisons du rôle donné au juge aux affaires familiales dans la protection des enfants.

Enfin, nous saluons, à l’article 2, l’inscription du droit à l’image dans le code civil ; ce droit serait protégé conjointement par les parents. Cette disposition semble faire consensus entre nos deux chambres.

Nous saluons également l’accord trouvé sur l’article 5, introduit par le Sénat, qui donne à la Cnil un rôle dans la protection des droits et libertés des mineurs.

En dépit des quelques réserves que j’ai exprimées, nous voterons ce texte, car il met indéniablement la législation dans la bonne direction.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avions tenté, au début du mois de juin, de nous accorder avec l’Assemblée nationale sur un texte commun.

Malheureusement, nous n’y sommes pas parvenus ; la commission mixte paritaire a échoué faute de consensus sur deux points : d’une part, sur l’exigence d’un accord des deux parents pour toute diffusion d’une image de leur enfant sur internet, ajoutée par le Sénat à l’article 3, contre l’avis de mon groupe ; d’autre part, sur la création, à l’article 4, d’une délégation forcée de l’exercice du droit à l’image de l’enfant à un tiers en cas d’atteinte grave à sa dignité ou à son intégrité morale, à laquelle tenaient nos collègues députés.

Nous nous retrouvons donc aujourd’hui pour examiner en nouvelle lecture ce texte, dont l’objet – assurer le respect du droit à l’image des enfants – est devenu une préoccupation majeure dans notre société contemporaine.

Le travail réalisé ces dernières années par le Parlement, avec le soutien du Gouvernement, afin de renforcer la protection du droit à l’image des enfants sur internet, montre pourtant l’existence d’un véritable consensus sur l’importance de ce sujet et la nécessité d’adapter notre droit à ces nouveaux enjeux, notamment en matière de parentalité.

C’est pourquoi il serait regrettable de ne pouvoir nous accorder avec nos collègues députés sur un texte commun.

L’Assemblée nationale a fait évoluer sa position en modifiant l’article 2, que le Sénat avait choisi de supprimer, et en choisissant de conserver un apport important de notre chambre, l’article 5, qui permet à la Cnil d’agir en référé, tout en circonscrivant son intervention aux cas de non-exécution ou d’absence de réponse à une demande d’effacement des données.

Je remercie Mme la rapporteure d’avoir accepté de faire évoluer la position de la commission en renonçant à réintroduire, à l’article 3, l’exigence d’un accord des deux parents pour diffuser au public un contenu relatif à la vie privée d’un enfant. Je rappelle d’ailleurs que, en première lecture, le groupe RDPI avait déposé un amendement en ce sens.

Nous sommes donc pleinement satisfaits de cette décision, d’autant qu’elle s’inscrit, comme il a été rappelé, dans la continuité de la position du Sénat exprimée lors du vote de la loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne.

En conclusion, ce texte, ainsi que ceux qui l’ont précédé et lui succéderont sur cette matière, contribuera à façonner un socle solide, mais nécessairement évolutif, pour garantir la sécurité et le bien-être des générations futures dans un monde où les technologies évoluent rapidement.

À l’ère du numérique, où la diffusion d’images est omniprésente, il est impératif que les lois que nous adoptons tiennent compte des nouveaux défis auxquels nos enfants sont confrontés.

Le Sénat et l’Assemblée nationale ont fait un pas l’un vers l’autre ; le groupe RDPI, qui souhaite s’inscrire dans cette démarche constructive, votera en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

(Supprimé)

I. – L’article 372-1 du code civil est ainsi rétabli :

« Art. 372 -1. – Les parents protègent en commun le droit à l’image de leur enfant. »

II. –

Adopté.

Supprimé

II. – §

Article 3

Supprimé

I. –

II. – Après le troisième alinéa de l’article 373-2-6 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il peut également, pour assurer la protection du droit à l’image de l’enfant, interdire à l’un des parents de diffuser tout contenu relatif à l’enfant sans l’autorisation de l’autre parent. » –

Supprimé

Adopté.

II. – Après le troisième alinéa de l’article 373-2-6 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il peut également, pour assurer la protection du droit à l’image de l’enfant, interdire à l’un des parents de diffuser tout contenu relatif à l’enfant sans l’autorisation de l’autre parent. » –

Article 4

Article 5

Adopté.

La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifiée :

1° Au IV de l’article 21, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « ou, lorsqu’il s’agit d’un mineur, en cas de non-exécution ou d’absence de réponse à une demande d’effacement des données à caractère personnel » ;

À la fin de l’article 125, les mots : « n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure » sont remplacés par les mots : « n° … du … visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants ». –

Photo de Mathieu Darnaud

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants.

Vote sur l’ensemble

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants.

Photo de Mathieu Darnaud

J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.

Photo de Mathieu Darnaud

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires (projet n° 111, texte de la commission n° 201, rapport n° 200).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Debut de section - Permalien
Sabrina Agresti-Roubache

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le 12 juin 2001 était promulguée la loi tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, dite loi About-Picard.

Cette loi a défini notre régime juridique de lutte contre les dérives sectaires, en créant notamment le délit d’abus de faiblesse lié à un état de sujétion psychologique ou physique : c’est un acquis important, que nous devons préserver.

Près de vingt-trois ans plus tard, l’État se doit d’adapter son organisation et sa réponse pénale pour tenir compte des transformations du phénomène des dérives sectaires – voilà un impératif auquel personne ne peut se soustraire !

C’est la raison de ma présence devant vous aujourd’hui, avec ma collègue Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, pour l’examen de ce projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires.

Aujourd’hui, il apparaît nécessaire d’adapter notre droit : sachez que le Gouvernement fera preuve d’une détermination sans faille pour mener ce combat et venir en aide aux victimes des mouvements sectaires.

C’est tout le sens de la stratégie nationale pluriannuelle de lutte contre les dérives sectaires, présentée en novembre dernier à l’issue d’une importante concertation interministérielle. Cette stratégie nationale compte treize objectifs et quarante mesures opérationnelles, parmi lesquelles on trouve le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite le dire avec clarté, car c’est ma conviction profonde : l’État lutte non pas contre les croyances, les opinions ou les religions, mais bien contre toutes les formes de dérives sectaires.

La République garantit la liberté de conscience. L’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen proclame bien : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » Nous y sommes profondément attachés.

En revanche, l’État protège ses citoyens contre le fléau des dérives sectaires, qui représente une menace pour notre cohésion sociale ; ces pratiques dangereuses font des milliers de victimes chaque année. Il s’agit d’ailleurs d’un fléau en constante évolution.

Je veux vous en donner un exemple : dans son dernier rapport d’activité, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) alerte sur les solutions miracles proposées par certains pseudo-thérapeutes contre des pathologies cancéreuses : des injections de gui, du jus de citron, ou encore des interruptions de soins de médecine conventionnelle, qui peuvent se révéler particulièrement dangereuses. Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce à quoi nos compatriotes les plus vulnérables peuvent être exposés aujourd’hui !

Face à ces charlatans, dont les méthodes d’embrigadement évoluent sans cesse, nous ne pouvons laisser les victimes seules : il nous faut les protéger.

Permettez-moi de vous rappeler les grandes tendances qui caractérisent les dérives sectaires aujourd’hui.

Premièrement, ce phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur depuis plusieurs années : les signalements à la Miviludes ont doublé depuis 2010. Les difficultés sociales et la crise sanitaire ont accru les vulnérabilités de certains de nos concitoyens. Tout cela n’est certainement que la partie émergée de l’iceberg.

Deuxièmement, le phénomène s’est transformé en tirant profit du développement du numérique et des réseaux sociaux. Outre les groupes à prétention religieuse qui continuent de sévir, de plus en de plus de petits groupes et de « gourous 2.0 » fédèrent de véritables communautés d’adeptes en ligne.

Je veux également citer le développement préoccupant de la sphère complotiste, dont les thèses prospèrent sur la toile. La crise du covid-19 nous en a donné l’illustration, comme je viens de vous le rappeler.

Face à ce constat inquiétant, le Gouvernement a mené une large concertation afin de faire émerger des propositions constructives. L’ensemble des parties prenantes ont été réunies en mars dernier au ministère de l’intérieur et des outre-mer pour l’élaboration de la stratégie que j’ai citée. Je tiens d’ailleurs à remercier ma prédécesseure, Sonia Backès, pour son engagement dans cette cause qui, je le sais, lui tenait tant à cœur.

La stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires pour la période 2024-2027 est le fruit de ce travail d’une ampleur inédite.

Cette stratégie se structure en trois axes : le premier a trait à la prévention des risques de dérives sectaires ; le deuxième est centré sur un meilleur accompagnement de proximité des victimes ; le troisième est consacré au renforcement de l’arsenal juridique, dont ce texte constitue l’outil principal.

Le présent projet de loi a effectivement pour objet d’engager une réforme majeure de notre dispositif juridique en matière de lutte contre les dérives sectaires ; il aura des effets importants tant sur la répression des auteurs d’infractions que sur l’indemnisation et l’accompagnement des victimes.

Vous le savez, le Gouvernement a notamment pour ambition de voir définis deux nouveaux délits : à l’article 1er, le fait de placer ou de maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique ; à l’article 4, la provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins, ou à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne visée à un risque grave pour sa santé.

La santé est en effet devenue un enjeu majeur de la lutte contre les dérives sectaires : 25 % des signalements à la Miviludes concernent désormais ce domaine ! Il est essentiel d’y répondre, notamment au travers de cette mesure.

Je laisserai à ma collègue Agnès Firmin Le Bodo, que je remercie chaleureusement d’être présente à mon côté aujourd’hui, le soin de vous présenter ce second délit et la nécessité de rétablir, comme nous vous le proposerons par un amendement du Gouvernement, l’article 4.

Par ailleurs, en cohérence avec la création d’un nouveau délit de sujétion psychologique ou physique, prévue à l’article 1er, nous avons proposé qu’une circonstance aggravante soit instaurée pour plusieurs crimes et délits – meurtres, actes de torture et de barbarie, violences, ou encore escroqueries – quand ils sont commis dans un environnement sectaire.

Rappelons qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de circonstances aggravantes liées à l’emprise sectaire en matière pénale. Cette mesure doit donc permettre d’adapter la réponse pénale au phénomène sectaire en réprimant les agissements à la hauteur de ces méthodes d’emprise.

En complément, nous souhaitons que l’accompagnement des victimes soit renforcé, en donnant à plusieurs associations spécialisées la possibilité de se porter partie civile. Une procédure d’agrément par l’État sera mise en place pour établir la liste des associations autorisées à agir en défense des victimes.

Le projet de loi instaure par ailleurs une procédure de transmission obligatoire des condamnations et des décisions de contrôle judiciaire aux ordres professionnels de santé, qui permettra de faciliter la prise de sanctions disciplinaires à l’encontre des praticiens déviants.

Enfin, une meilleure association des services de l’État, notamment ceux de la Miviludes, permettra d’améliorer l’information des acteurs judiciaires sur les dérives sectaires. Ces services pourront être sollicités par les parquets ou les juridictions judiciaires, afin qu’ils leur fournissent des informations utiles, fondées sur leur expertise, qui seront de nature à les éclairer.

Je veux à présent vous présenter plus en détail les objectifs que nous cherchons à atteindre au travers de la création d’un nouveau délit d’assujettissement psychologique ou physique.

Nous souhaitons agir en amont de l’abus de faiblesse, en sanctionnant le fait même d’assujettir une personne par des pressions graves ou réitérées, ou par des techniques propres à altérer le jugement, lesquelles figurent déjà dans le droit pénal.

Ce nouveau délit permettra de cibler la mécanique néfaste de l’embrigadement sectaire, celle qui détruit des personnalités, isole des individus de leur environnement familial et ruine leur santé. Cette mécanique est bien la porte ouverte à tous les abus.

Nous visons deux objectifs.

Premièrement, nous voulons renforcer un cadre juridique désormais insuffisant pour appréhender les nouvelles formes de dérives sectaires, ainsi que je l’ai déjà évoqué.

La disproportion entre le faible nombre de procédures judiciaires engagées et la recrudescence des signalements à la Miviludes le prouve. Les statistiques judiciaires font état d’une proportion importante de classements sans suite pour caractérisation insuffisante de l’infraction. Nous constatons également un faible nombre de condamnations, plus précisément 95 condamnations sur 361 affaires instruites de 2017 à 2022. Tout cela n’est évidemment pas satisfaisant.

Deuxièmement, nous souhaitons améliorer l’indemnisation des victimes, par une meilleure reconnaissance du préjudice corporel qui résulte de l’altération de la santé psychologique ou mentale des personnes sous emprise sectaire.

Assujettir une personne ne conduit pas forcément à un abus frauduleux ou à des atteintes sexuelles, mais cela aboutit fréquemment à une altération grave de la santé physique et, surtout, mentale de la victime. Les séquelles peuvent se manifester de multiples manières : syndrome post-traumatique, syndrome dépressif, perte d’autonomie, ou encore isolement social ou affectif extrême.

En l’état actuel du droit, la réparation par les tribunaux du préjudice sur la santé est plus qu’aléatoire. Cela n’est pas acceptable pour les victimes, qui doivent être bien mieux protégées.

C’est toute l’ambition de la disposition prévue à l’article 1er, que des membres de plusieurs groupes de votre assemblée proposent aujourd’hui de réintroduire dans le texte.

Madame la rapporteure, en commission des lois, vous avez souhaité enrichir le texte de dispositions nouvelles. Vous avez ainsi proposé de renforcer la protection des mineurs et de mieux lutter contre les dérives sectaires dans le domaine numérique. Vous proposez également de consacrer l’existence de la Miviludes dans la loi.

Vous savez combien je suis attachée à l’importance du travail parlementaire – j’étais moi-même commissaire aux lois à l’Assemblée nationale. Je salue ces évolutions, qui complètent utilement les propositions du Gouvernement, et je me réjouis qu’elles aillent dans le bon sens, celui de notre volonté commune de renforcer la lutte contre les dérives sectaires et de mieux protéger les victimes.

Au-delà de ces considérations, je souhaiterais également remercier toutes celles et tous ceux qui s’engagent publiquement en faveur de cette noble cause. Je pense bien sûr à l’ancien sénateur Nicolas About et à l’ancienne députée Catherine Picard, auteurs de la loi de 2001. Je pense aussi à Georges Fenech, ancien député et ancien président de la Miviludes, qui a été un acteur central de ce combat et dont la voix continue de porter.

Je remercie aussi l’ensemble des associations spécialisées qui agissent au quotidien pour venir en aide aux victimes et à leurs familles. Leur action est cruciale. Aussi, je vous le dis avec gravité : elles ont besoin de ce texte pour aider les victimes, toujours plus nombreuses, à sortir de cette spirale néfaste.

Ce sujet nous rassemble ; je m’en félicite.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au travers de ce projet de loi, le Gouvernement entend renforcer sensiblement la capacité de l’État à agir efficacement contre les dérives sectaires. Ce projet de loi marque une étape importante de ce combat dans notre pays.

Nous devons répondre présents, car il s’agit d’un fléau qui nous concerne tous. Chacune et chacun d’entre nous peut en être victime, dans la mesure où nous avons toutes et tous nos faiblesses et nos fragilités, quelle que soit notre histoire personnelle.

Je souhaiterais terminer mon propos en citant les sages paroles du philosophe Sénèque dans De la colère : « Tous les hommes ne sont pas vulnérables de la même façon ; aussi faut-il connaître son point faible pour le protéger davantage. »

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires (projet n° 111, texte de la commission n° 201, rapport n° 200).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - Permalien
Sabrina Agresti-Roubache

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le 12 juin 2001 était promulguée la loi tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, dite loi About-Picard.

Cette loi a défini notre régime juridique de lutte contre les dérives sectaires, en créant notamment le délit d’abus de faiblesse lié à un état de sujétion psychologique ou physique : c’est un acquis important, que nous devons préserver.

Près de vingt-trois ans plus tard, l’État se doit d’adapter son organisation et sa réponse pénale pour tenir compte des transformations du phénomène des dérives sectaires – voilà un impératif auquel personne ne peut se soustraire !

C’est la raison de ma présence devant vous aujourd’hui, avec ma collègue Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, pour l’examen de ce projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires.

Aujourd’hui, il apparaît nécessaire d’adapter notre droit : sachez que le Gouvernement fera preuve d’une détermination sans faille pour mener ce combat et venir en aide aux victimes des mouvements sectaires.

C’est tout le sens de la stratégie nationale pluriannuelle de lutte contre les dérives sectaires, présentée en novembre dernier à l’issue d’une importante concertation interministérielle. Cette stratégie nationale compte treize objectifs et quarante mesures opérationnelles, parmi lesquelles on trouve le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite le dire avec clarté, car c’est ma conviction profonde : l’État lutte non pas contre les croyances, les opinions ou les religions, mais bien contre toutes les formes de dérives sectaires.

La République garantit la liberté de conscience. L’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen proclame bien : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » Nous y sommes profondément attachés.

En revanche, l’État protège ses citoyens contre le fléau des dérives sectaires, qui représente une menace pour notre cohésion sociale ; ces pratiques dangereuses font des milliers de victimes chaque année. Il s’agit d’ailleurs d’un fléau en constante évolution.

Je veux vous en donner un exemple : dans son dernier rapport d’activité, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) alerte sur les solutions miracles proposées par certains pseudo-thérapeutes contre des pathologies cancéreuses : des injections de gui, du jus de citron, ou encore des interruptions de soins de médecine conventionnelle, qui peuvent se révéler particulièrement dangereuses. Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce à quoi nos compatriotes les plus vulnérables peuvent être exposés aujourd’hui !

Face à ces charlatans, dont les méthodes d’embrigadement évoluent sans cesse, nous ne pouvons laisser les victimes seules : il nous faut les protéger.

Permettez-moi de vous rappeler les grandes tendances qui caractérisent les dérives sectaires aujourd’hui.

Premièrement, ce phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur depuis plusieurs années : les signalements à la Miviludes ont doublé depuis 2010. Les difficultés sociales et la crise sanitaire ont accru les vulnérabilités de certains de nos concitoyens. Tout cela n’est certainement que la partie émergée de l’iceberg.

Deuxièmement, le phénomène s’est transformé en tirant profit du développement du numérique et des réseaux sociaux. Outre les groupes à prétention religieuse qui continuent de sévir, de plus en de plus de petits groupes et de « gourous 2.0 » fédèrent de véritables communautés d’adeptes en ligne.

Je veux également citer le développement préoccupant de la sphère complotiste, dont les thèses prospèrent sur la toile. La crise du covid-19 nous en a donné l’illustration, comme je viens de vous le rappeler.

Face à ce constat inquiétant, le Gouvernement a mené une large concertation afin de faire émerger des propositions constructives. L’ensemble des parties prenantes ont été réunies en mars dernier au ministère de l’intérieur et des outre-mer pour l’élaboration de la stratégie que j’ai citée. Je tiens d’ailleurs à remercier ma prédécesseure, Sonia Backès, pour son engagement dans cette cause qui, je le sais, lui tenait tant à cœur.

La stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires pour la période 2024-2027 est le fruit de ce travail d’une ampleur inédite.

Cette stratégie se structure en trois axes : le premier a trait à la prévention des risques de dérives sectaires ; le deuxième est centré sur un meilleur accompagnement de proximité des victimes ; le troisième est consacré au renforcement de l’arsenal juridique, dont ce texte constitue l’outil principal.

Le présent projet de loi a effectivement pour objet d’engager une réforme majeure de notre dispositif juridique en matière de lutte contre les dérives sectaires ; il aura des effets importants tant sur la répression des auteurs d’infractions que sur l’indemnisation et l’accompagnement des victimes.

Vous le savez, le Gouvernement a notamment pour ambition de voir définis deux nouveaux délits : à l’article 1er, le fait de placer ou de maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique ; à l’article 4, la provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins, ou à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne visée à un risque grave pour sa santé.

La santé est en effet devenue un enjeu majeur de la lutte contre les dérives sectaires : 25 % des signalements à la Miviludes concernent désormais ce domaine ! Il est essentiel d’y répondre, notamment au travers de cette mesure.

Je laisserai à ma collègue Agnès Firmin Le Bodo, que je remercie chaleureusement d’être présente à mon côté aujourd’hui, le soin de vous présenter ce second délit et la nécessité de rétablir, comme nous vous le proposerons par un amendement du Gouvernement, l’article 4.

Par ailleurs, en cohérence avec la création d’un nouveau délit de sujétion psychologique ou physique, prévue à l’article 1er, nous avons proposé qu’une circonstance aggravante soit instaurée pour plusieurs crimes et délits – meurtres, actes de torture et de barbarie, violences, ou encore escroqueries – quand ils sont commis dans un environnement sectaire.

Rappelons qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de circonstances aggravantes liées à l’emprise sectaire en matière pénale. Cette mesure doit donc permettre d’adapter la réponse pénale au phénomène sectaire en réprimant les agissements à la hauteur de ces méthodes d’emprise.

En complément, nous souhaitons que l’accompagnement des victimes soit renforcé, en donnant à plusieurs associations spécialisées la possibilité de se porter partie civile. Une procédure d’agrément par l’État sera mise en place pour établir la liste des associations autorisées à agir en défense des victimes.

Le projet de loi instaure par ailleurs une procédure de transmission obligatoire des condamnations et des décisions de contrôle judiciaire aux ordres professionnels de santé, qui permettra de faciliter la prise de sanctions disciplinaires à l’encontre des praticiens déviants.

Enfin, une meilleure association des services de l’État, notamment ceux de la Miviludes, permettra d’améliorer l’information des acteurs judiciaires sur les dérives sectaires. Ces services pourront être sollicités par les parquets ou les juridictions judiciaires, afin qu’ils leur fournissent des informations utiles, fondées sur leur expertise, qui seront de nature à les éclairer.

Je veux à présent vous présenter plus en détail les objectifs que nous cherchons à atteindre au travers de la création d’un nouveau délit d’assujettissement psychologique ou physique.

Nous souhaitons agir en amont de l’abus de faiblesse, en sanctionnant le fait même d’assujettir une personne par des pressions graves ou réitérées, ou par des techniques propres à altérer le jugement, lesquelles figurent déjà dans le droit pénal.

Ce nouveau délit permettra de cibler la mécanique néfaste de l’embrigadement sectaire, celle qui détruit des personnalités, isole des individus de leur environnement familial et ruine leur santé. Cette mécanique est bien la porte ouverte à tous les abus.

Nous visons deux objectifs.

Premièrement, nous voulons renforcer un cadre juridique désormais insuffisant pour appréhender les nouvelles formes de dérives sectaires, ainsi que je l’ai déjà évoqué.

La disproportion entre le faible nombre de procédures judiciaires engagées et la recrudescence des signalements à la Miviludes le prouve. Les statistiques judiciaires font état d’une proportion importante de classements sans suite pour caractérisation insuffisante de l’infraction. Nous constatons également un faible nombre de condamnations, plus précisément 95 condamnations sur 361 affaires instruites de 2017 à 2022. Tout cela n’est évidemment pas satisfaisant.

Deuxièmement, nous souhaitons améliorer l’indemnisation des victimes, par une meilleure reconnaissance du préjudice corporel qui résulte de l’altération de la santé psychologique ou mentale des personnes sous emprise sectaire.

Assujettir une personne ne conduit pas forcément à un abus frauduleux ou à des atteintes sexuelles, mais cela aboutit fréquemment à une altération grave de la santé physique et, surtout, mentale de la victime. Les séquelles peuvent se manifester de multiples manières : syndrome post-traumatique, syndrome dépressif, perte d’autonomie, ou encore isolement social ou affectif extrême.

En l’état actuel du droit, la réparation par les tribunaux du préjudice sur la santé est plus qu’aléatoire. Cela n’est pas acceptable pour les victimes, qui doivent être bien mieux protégées.

C’est toute l’ambition de la disposition prévue à l’article 1er, que des membres de plusieurs groupes de votre assemblée proposent aujourd’hui de réintroduire dans le texte.

Madame la rapporteure, en commission des lois, vous avez souhaité enrichir le texte de dispositions nouvelles. Vous avez ainsi proposé de renforcer la protection des mineurs et de mieux lutter contre les dérives sectaires dans le domaine numérique. Vous proposez également de consacrer l’existence de la Miviludes dans la loi.

Vous savez combien je suis attachée à l’importance du travail parlementaire – j’étais moi-même commissaire aux lois à l’Assemblée nationale. Je salue ces évolutions, qui complètent utilement les propositions du Gouvernement, et je me réjouis qu’elles aillent dans le bon sens, celui de notre volonté commune de renforcer la lutte contre les dérives sectaires et de mieux protéger les victimes.

Au-delà de ces considérations, je souhaiterais également remercier toutes celles et tous ceux qui s’engagent publiquement en faveur de cette noble cause. Je pense bien sûr à l’ancien sénateur Nicolas About et à l’ancienne députée Catherine Picard, auteurs de la loi de 2001. Je pense aussi à Georges Fenech, ancien député et ancien président de la Miviludes, qui a été un acteur central de ce combat et dont la voix continue de porter.

Je remercie aussi l’ensemble des associations spécialisées qui agissent au quotidien pour venir en aide aux victimes et à leurs familles. Leur action est cruciale. Aussi, je vous le dis avec gravité : elles ont besoin de ce texte pour aider les victimes, toujours plus nombreuses, à sortir de cette spirale néfaste.

Ce sujet nous rassemble ; je m’en félicite.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au travers de ce projet de loi, le Gouvernement entend renforcer sensiblement la capacité de l’État à agir efficacement contre les dérives sectaires. Ce projet de loi marque une étape importante de ce combat dans notre pays.

Nous devons répondre présents, car il s’agit d’un fléau qui nous concerne tous. Chacune et chacun d’entre nous peut en être victime, dans la mesure où nous avons toutes et tous nos faiblesses et nos fragilités, quelle que soit notre histoire personnelle.

Je souhaiterais terminer mon propos en citant les sages paroles du philosophe Sénèque dans De la colère : « Tous les hommes ne sont pas vulnérables de la même façon ; aussi faut-il connaître son point faible pour le protéger davantage. »

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - Permalien
Agnès Firmin Le Bodo

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, la menace que représentent les dérives thérapeutiques et sectaires se diversifie, notamment à la faveur d’évolutions profondes de notre société, de son approche vis-à-vis du soin, des difficultés auxquelles fait face notre système de santé, ou encore du développement des communications numériques.

En effet, on constate que les Français ont massivement adopté les pratiques dites « non conventionnelles » en santé, aussi désignées sous le terme de PNCS.

Ainsi, 70 % de nos concitoyens ont une image positive de ces pratiques selon un sondage Odoxa publié en mai dernier, alors qu’en parallèle le nombre de signalements et de demandes d’avis à la Miviludes concernant les médecines complémentaires et alternatives est passé de 214 en 2015 à 892 en 2021, comme l’indique l’étude d’impact du présent projet de loi.

C’est de ce constat que Sabrina Agresti-Roubache et moi-même sommes parties pour fixer un objectif que je pense partagé par un bon nombre d’entre vous : mieux encadrer ces pratiques et renforcer notre arsenal pour réprimer les dérives les plus dangereuses.

Pour mieux encadrer ces pratiques – c’est l’occasion pour moi de souligner que le Gouvernement ne s’est évidemment pas contenté de mobiliser des leviers de répression pénale –, j’ai mis en place, le 28 juin dernier, un comité d’appui à l’encadrement des PNCS.

Composé de tous les acteurs institutionnels de la santé, notamment des ordres et des fédérations d’établissement, et ouvert à la société civile, puisqu’y participent des associations de victimes et des universitaires, ce comité travaille depuis bientôt six mois et commence déjà à produire ce qui servira demain de fondement à une meilleure information des patients sur ces pratiques, à une meilleure évaluation et à une véritable formation des professionnels.

Ce matin même, à l’occasion d’une nouvelle session, ce comité a notamment élaboré tout un programme de travail pour l’année 2024 et a formulé des propositions en vue de la mise en place d’un outil d’information au public sur les comportements déviants de certains praticiens, ces comportements qui doivent les alerter et les pousser à faire un signalement.

Au-delà de ces travaux, nous ne pouvons pas faire l’économie d’un débat sur notre arsenal pénal pour lutter contre les dérives les plus dangereuses. En effet, trop souvent, des gourous continuent de tenir des discours qui sont autant de risques concrets pour celles et ceux qui les écoutent.

Tous les professionnels de santé l’affirment : ils sont trop nombreux à s’être sentis impuissants face à des patients ayant suivi les conseils irresponsables de charlatans, les entraînant vers le pire.

C’est cette logique qui a prévalu à l’élaboration du présent projet de loi et, en particulier, des articles 4 et 5 du texte initial.

L’article 4, supprimé par votre commission, visait à réprimer, dans certains cas bien précis sur lesquels je reviendrai, la provocation à s’abstenir de suivre un traitement. J’entends les critiques qui ont pu être formulées à ce sujet, mais laissez-moi exprimer à nouveau mon désaccord.

Certains ont expliqué que cet article n’était pas nécessaire au regard des incriminations existantes, notamment le délit d’exercice illégal de la médecine. Permettez-moi de rappeler que ce délit ne concerne que les cas de colloque singulier, c’est-à-dire de relation individualisée, et que la jurisprudence l’a qualifié de « délit d’habitude », imposant donc la réitération des faits pour qu’il soit caractérisé.

Ainsi, tous les discours tenus dans le cadre d’un collectif dirigé par un gourou ou diffusés en ligne se situent le plus souvent en dehors du champ de cette incrimination. De plus, certains médecins déviants échappent eux aussi à cette qualification en raison de leur situation régulière d’exercice.

L’article 4, tel que le Gouvernement l’avait rédigé, représentait donc une véritable plus-value.

Ensuite, nombreux sont ceux qui ont présenté cet article comme attentatoire à la liberté d’expression, ou qui l’ont résumé à une condamnation de tout propos qui s’éloignerait d’un prétendu discours scientifique officiel.

Je rappelle que la rédaction proposée introduit quatre critères cumulatifs pour la caractérisation de l’incrimination mentionnée au premier alinéa, veillant ainsi à ne pas porter atteinte de façon disproportionnée à la liberté d’expression : il faut que les personnes visées soient atteintes d’une pathologie, que l’abandon du traitement soit présenté comme bénéfique pour la santé, que les conséquences pour la santé soient graves et que le risque pour la santé soit avéré au regard des connaissances médicales.

La portée de cette nouvelle incrimination est donc circonscrite aux discours présentant un danger concret ; celle-ci ne saurait être considérée comme une interdiction, dans l’absolu, de toute critique envers des traitements recommandés ou comme un obstacle à la controverse scientifique.

En ce sens, le Gouvernement, encouragé dans sa démarche par l’ensemble des ordres professionnels de santé, présentera un amendement tendant à réintroduire l’article 4.

L’article 5 vise, quant à lui, à systématiser la transmission des informations aux ordres professionnels par les parquets lorsqu’un professionnel de santé est condamné ou placé sous contrôle judiciaire pour des faits caractéristiques d’une dérive sectaire.

L’objectif de cette mesure est notamment de faciliter les procédures disciplinaires des ordres, et ce au bénéfice d’une meilleure protection des patients, alors que les ordres ne sont souvent informés qu’à l’issue des procédures en appel, après de longs mois au cours desquels la menace qui pesait sur des patients a continué de s’exercer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincue qu’il est nécessaire de se doter de nouveaux outils de politique pénale pour faire face à une menace d’un genre nouveau, qui constitue un danger concret pour les patients.

Je vous prie de croire que le Gouvernement a travaillé dans un esprit de responsabilité à la rédaction de dispositions exigeantes, dans le souci de ne pas porter atteinte aux droits et libertés fondamentales de façon disproportionnée au regard de l’objectif de santé publique visé.

Je sais que nous partageons cette ambition : alors, travaillons ensemble dans l’intérêt des patients !

Debut de section - Permalien
Agnès Firmin Le Bodo

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, la menace que représentent les dérives thérapeutiques et sectaires se diversifie, notamment à la faveur d’évolutions profondes de notre société, de son approche vis-à-vis du soin, des difficultés auxquelles fait face notre système de santé, ou encore du développement des communications numériques.

En effet, on constate que les Français ont massivement adopté les pratiques dites « non conventionnelles » en santé, aussi désignées sous le terme de PNCS.

Ainsi, 70 % de nos concitoyens ont une image positive de ces pratiques selon un sondage Odoxa publié en mai dernier, alors qu’en parallèle le nombre de signalements et de demandes d’avis à la Miviludes concernant les médecines complémentaires et alternatives est passé de 214 en 2015 à 892 en 2021, comme l’indique l’étude d’impact du présent projet de loi.

C’est de ce constat que Sabrina Agresti-Roubache et moi-même sommes parties pour fixer un objectif que je pense partagé par un bon nombre d’entre vous : mieux encadrer ces pratiques et renforcer notre arsenal pour réprimer les dérives les plus dangereuses.

Pour mieux encadrer ces pratiques – c’est l’occasion pour moi de souligner que le Gouvernement ne s’est évidemment pas contenté de mobiliser des leviers de répression pénale –, j’ai mis en place, le 28 juin dernier, un comité d’appui à l’encadrement des PNCS.

Composé de tous les acteurs institutionnels de la santé, notamment des ordres et des fédérations d’établissement, et ouvert à la société civile, puisque y participent des associations de victimes et des universitaires, ce comité travaille depuis bientôt six mois et commence déjà à produire ce qui servira demain de fondement à une meilleure information des patients sur ces pratiques, à une meilleure évaluation et à une véritable formation des professionnels.

Ce matin même, à l’occasion d’une nouvelle session, ce comité a notamment élaboré tout un programme de travail pour l’année 2024 et a formulé des propositions en vue de la mise en place d’un outil d’information au public sur les comportements déviants de certains praticiens, ces comportements qui doivent les alerter et les pousser à faire un signalement.

Au-delà de ces travaux, nous ne pouvons pas faire l’économie d’un débat sur notre arsenal pénal pour lutter contre les dérives les plus dangereuses. En effet, trop souvent, des gourous continuent de tenir des discours qui sont autant de risques concrets pour celles et ceux qui les écoutent.

Tous les professionnels de santé l’affirment : ils sont trop nombreux à s’être sentis impuissants face à des patients ayant suivi les conseils irresponsables de charlatans, les entraînant vers le pire.

C’est cette logique qui a prévalu à l’élaboration du présent projet de loi et, en particulier, des articles 4 et 5 du texte initial.

L’article 4, supprimé par votre commission, visait à réprimer, dans certains cas bien précis sur lesquels je reviendrai, la provocation à s’abstenir de suivre un traitement. J’entends les critiques qui ont pu être formulées à ce sujet, mais laissez-moi exprimer de nouveau mon désaccord.

Certains ont expliqué que cet article n’était pas nécessaire au regard des incriminations existantes, notamment le délit d’exercice illégal de la médecine. Permettez-moi de rappeler que ce délit ne concerne que les cas de colloque singulier, c’est-à-dire de relation individualisée, et que la jurisprudence l’a qualifié de « délit d’habitude », imposant donc la réitération des faits pour qu’il soit caractérisé.

Ainsi, tous les discours tenus dans le cadre d’un collectif dirigé par un gourou ou diffusés en ligne se situent le plus souvent en dehors du champ de cette incrimination. De plus, certains médecins déviants échappent eux aussi à cette qualification en raison de leur situation régulière d’exercice.

L’article 4, tel que le Gouvernement l’avait rédigé, représentait donc une véritable plus-value.

Ensuite, nombreux sont ceux qui ont présenté cet article comme attentatoire à la liberté d’expression, ou qui l’ont résumé à une condamnation de tout propos qui s’éloignerait d’un prétendu discours scientifique officiel.

Je rappelle que la rédaction proposée introduit quatre critères cumulatifs pour la caractérisation de l’incrimination mentionnée au premier alinéa, veillant ainsi à ne pas porter atteinte de façon disproportionnée à la liberté d’expression : il faut que les personnes visées soient atteintes d’une pathologie, que l’abandon du traitement soit présenté comme bénéfique pour la santé, que les conséquences pour la santé soient graves et que le risque pour la santé soit avéré au regard des connaissances médicales.

La portée de cette nouvelle incrimination est donc circonscrite aux discours présentant un danger concret ; celle-ci ne saurait être considérée comme une interdiction, dans l’absolu, de toute critique envers des traitements recommandés ou comme un obstacle à la controverse scientifique.

En ce sens, le Gouvernement, encouragé dans sa démarche par l’ensemble des ordres professionnels de santé, présentera un amendement tendant à réintroduire l’article 4.

L’article 5 vise, quant à lui, à systématiser la transmission des informations aux ordres professionnels par les parquets lorsqu’un professionnel de santé est condamné ou placé sous contrôle judiciaire pour des faits caractéristiques d’une dérive sectaire.

L’objectif de cette mesure est notamment de faciliter les procédures disciplinaires des ordres, et ce au bénéfice d’une meilleure protection des patients, alors que les ordres ne sont souvent informés qu’à l’issue des procédures en appel, après de longs mois au cours desquels la menace qui pesait sur des patients a continué de s’exercer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincue qu’il est nécessaire de se doter de nouveaux outils de politique pénale pour faire face à une menace d’un genre nouveau, qui constitue un danger concret pour les patients.

Je vous prie de croire que le Gouvernement a travaillé dans un esprit de responsabilité à la rédaction de dispositions exigeantes, dans le souci de ne pas porter atteinte aux droits et libertés fondamentales de façon disproportionnée au regard de l’objectif de santé publique visé.

Je sais que nous partageons cette ambition : alors, travaillons ensemble dans l’intérêt des patients !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Lauriane JOSENDE

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, issu des assises organisées au mois de mars dernier, le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires procède d’une intention louable qui doit tous nous mobiliser : lutter efficacement contre les dérives sectaires, dont la multiplication et la diversité doivent nous interroger collectivement.

Ce projet de loi marque un regain d’intérêt bienvenu pour la lutte contre les dérives sectaires, après des années de relatif désengagement.

Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé a aujourd’hui dix ans, une période au cours de laquelle il n’a été suivi de presque aucun effet. Au contraire, ces dix années ont été celles d’une remise en cause de la Miviludes et de son fonctionnement.

Ce projet de loi est présenté comme une réponse aux nouveaux visages des dérives sectaires, que l’arsenal pénal existant peinerait à appréhender, en particulier dans le domaine de la santé.

En effet, l’ensemble des acteurs s’accordent à décrire deux évolutions majeures : d’une part, on assiste au développement des moyens électroniques de communication et des réseaux sociaux ; d’autre part, des polémiques ont éclaté autour de l’épidémie de covid-19, ce qui a provoqué une remise en cause du discours des autorités publiques en matière de santé, ainsi que des données scientifiques concernant les caractéristiques des pathologies, l’efficacité des traitements et leurs risques.

Toutefois, au lieu de procéder à une évaluation approfondie de l’arsenal pénal existant et de s’interroger sur les causes de l’émergence de nouvelles formes de dérives sectaires, le Gouvernement a considéré que les assises organisées au mois de mars dernier appelaient une réponse législative centrée, non pas sur un renforcement des moyens de la justice ou sur une meilleure formation des professionnels, ni même sur une véritable politique de prévention, d’éducation et de sensibilisation, mais sur la création de nouvelles dispositions répressives.

À l’issue des auditions de l’ensemble des acteurs impliqués dans cette lutte, ma conviction se trouve renforcée sur un point : il convient avant tout d’appliquer les lois existantes et de renforcer les moyens budgétaires et humains pour agir concrètement et pratiquement contre les dérives sectaires.

En conséquence, si nous ne pouvons qu’approuver les objectifs du Gouvernement, je vous propose, comme la commission des lois en est convenue, d’aborder l’examen de ses propositions avec pragmatisme, dans le souci de favoriser des solutions opérationnelles et inscrites dans la durée, plutôt que de nous contenter d’effets d’annonce et de solutions de façade pour affronter des problèmes malheureusement trop réels.

Juridiquement, le contenu de ce projet de loi n’apparaît pas à la hauteur des enjeux.

Je regrette en particulier que le Gouvernement ait tenu à maintenir certaines dispositions en dépit de l’avis négatif du Conseil d’État, qui a estimé, selon les cas, qu’il n’était pas nécessaire de légiférer ou que certaines dispositions pourraient être considérées comme inconstitutionnelles.

Il me semble que la gravité du sujet, ainsi que les difficultés que nous rencontrons pour combattre des acteurs parfois très organisés et disposant d’importants moyens, doivent nous inciter à la plus grande responsabilité et, avant tout, à une vigilance particulière.

Depuis la loi About-Picard, le Sénat a toujours fait preuve de constance sur ce point : il n’est ni envisageable de proposer de fausses solutions aux victimes ni souhaitable de légiférer sans que la nécessité de le faire soit avérée, au risque de fragiliser tout l’arsenal pénal existant.

Il convient également de veiller aux effets de bord de règles que l’on nous dit destinées à lutter contre les dérives sectaires, mais qui auront en fait une portée générale.

La commission des lois a, en conséquence, décidé de supprimer les articles 1er, 2 et 4 du projet de loi.

L’article 1er doublait en effet les infractions existantes et risquait de créer une confusion dommageable dans l’application du droit pénal, notamment s’agissant de la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les violences intrafamiliales.

L’article 2 en tirait les conséquences en créant, en miroir de la circonstance aggravante d’abus de vulnérabilité, une circonstance aggravante de mise sous sujétion pour les infractions les plus graves.

L’article 4 visait enfin à réprimer les provocations à l’abstention ou à l’arrêt d’un traitement susceptibles de porter gravement atteinte à la santé d’une personne, que cette provocation ait été ou non suivie d’effet.

Bien que restreint dans sa portée depuis les sévères critiques du Conseil d’État, cet article demeurait attentatoire aux libertés, sans pour autant garantir une grande efficacité contre l’essor du discours en faveur des dérives sectaires. Nous finirions paradoxalement par desservir la cause que nous prétendons défendre si nous laissions les tenants de ces dérives se draper dans le manteau des libertés.

D’autres dispositions proposées par le Gouvernement nous semblent en revanche aller dans le bon sens. C’est pourquoi nous nous sommes attachés, en commission des lois, à en renforcer la solidité juridique.

Je pense à l’article 3, qui vise à rendre plus aisée la faculté donnée aux associations de se porter partie civile, en substituant à la nécessité d’une reconnaissance d’utilité publique un nouveau mécanisme d’agrément plus souple. Cette mesure exprime une reconnaissance du rôle indispensable joué par les associations de défense de victimes aux côtés de la Miviludes.

De la même manière, l’article 5 renforce l’information des ordres professionnels, au premier rang desquels l’ordre des médecins, sur les décisions judiciaires prises à l’encontre de leurs membres pour des agissements impliquant des dérives sectaires en lien avec leur exercice professionnel. J’y vois une avancée qui éclairera les décisions ordinales dès lors qu’une condamnation ou un contrôle judiciaire en lien avec l’exercice médical aura été prononcé.

Enfin, l’article 6 prévoit de confier à la Miviludes le rôle nouveau d’amicus curiae, pour faciliter son intervention en tant qu’expert dans les procès.

Par ailleurs, la commission des lois a considéré que ce texte nous donnait l’occasion de mettre en œuvre les recommandations des rapports parlementaires ayant fait date, particulièrement celles du rapport de la commission d’enquête sénatoriale de 2013.

Nous avons tout d’abord voulu doter la Miviludes d’un statut législatif, ce qui permettra enfin d’inscrire cette mission dans la durée et de conforter sa vocation interministérielle, qui est actuellement très paradoxale pour un organisme rattaché à un service du ministère de l’intérieur. En outre, ce statut protégera son président, ainsi que les personnes qui lui adressent des signalements contre les procédures abusives.

Ensuite, je n’ai pu que m’étonner de l’absence, dans le texte du Gouvernement, de dispositions réprimant les nouveaux modes opératoires des auteurs d’infractions en lien avec les dérives sectaires, et ce malgré les récentes évolutions du droit pénal en matière de répression des infractions commises en ligne.

En conséquence, nous avons introduit dans le texte de nouvelles mesures renforçant la répression des délits d’exercice illégal de la médecine, de pratique commerciale trompeuse et d’abus de faiblesse, dès lors qu’ils sont commis en ligne ou au moyen de supports numériques ou électroniques.

En outre, j’ai apporté un soin particulier à la prise en compte de la situation spécifique des mineurs victimes de dérives sectaires, en prévoyant que le délai de prescription ne courra qu’à partir de leur majorité, et en renforçant les sanctions applicables au placement d’un enfant dans une situation d’isolement social. Je souhaite remercier sur ce point Nathalie Delattre avec qui j’ai travaillé sur ce sujet tristement d’actualité.

Enfin, il me semble que certains amendements déposés par nos collègues de toutes sensibilités politiques pourraient utilement compléter la version sénatoriale de ce projet de loi.

Je pense en particulier aux amendements de François Bonneau, Corinne Imbert et Martine Berthet relatifs à l’exercice illégal de la pharmacie et de la biologie en ligne, mais également aux amendements de Guy Benarroche sur le maillage territorial des acteurs de lutte contre les dérives sectaires. J’émettrai en conséquence un avis favorable sur ces amendements.

Pour conclure, il me semble que nous ferons œuvre utile si nous parvenons à ne pas donner l’illusion de créer ce qui existe déjà, si nous évitons par conséquent de faire moins bien et de contribuer à la confusion des normes et si, en revanche, nous conduisons un travail législatif réfléchi et transpartisan jusqu’à son terme.

Je vous propose en conséquence d’adopter ce texte, largement complété par la commission des lois et expurgé de ses principales fragilités juridiques.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Lauriane JOSENDE

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, issu des assises organisées au mois de mars dernier, le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires procède d’une intention louable qui doit tous nous mobiliser : lutter efficacement contre les dérives sectaires, dont la multiplication et la diversité doivent nous interroger collectivement.

Ce projet de loi marque un regain d’intérêt bienvenu pour la lutte contre les dérives sectaires, après des années de relatif désengagement.

Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé a aujourd’hui dix ans, une période au cours de laquelle il n’a été suivi de presque aucun effet. Au contraire, ces dix années ont été celles d’une remise en cause de la Miviludes et de son fonctionnement.

Ce projet de loi est présenté comme une réponse aux nouveaux visages des dérives sectaires, que l’arsenal pénal existant peinerait à appréhender, en particulier dans le domaine de la santé.

En effet, l’ensemble des acteurs s’accordent à décrire deux évolutions majeures : d’une part, on assiste au développement des moyens électroniques de communication et des réseaux sociaux ; d’autre part, des polémiques ont éclaté autour de l’épidémie de covid-19, ce qui a provoqué une remise en cause du discours des autorités publiques en matière de santé, ainsi que des données scientifiques concernant les caractéristiques des pathologies, l’efficacité des traitements et leurs risques.

Toutefois, au lieu de procéder à une évaluation approfondie de l’arsenal pénal existant et de s’interroger sur les causes de l’émergence de nouvelles formes de dérives sectaires, le Gouvernement a considéré que les assises organisées au mois de mars dernier appelaient une réponse législative centrée, non pas sur un renforcement des moyens de la justice ou sur une meilleure formation des professionnels, ni même sur une véritable politique de prévention, d’éducation et de sensibilisation, mais sur la création de nouvelles dispositions répressives.

À l’issue des auditions de l’ensemble des acteurs impliqués dans cette lutte, ma conviction se trouve renforcée sur un point : il convient avant tout d’appliquer les lois existantes et de renforcer les moyens budgétaires et humains pour agir concrètement et pratiquement contre les dérives sectaires.

En conséquence, si nous ne pouvons qu’approuver les objectifs du Gouvernement, je vous propose, comme la commission des lois en est convenue, d’aborder l’examen de ses propositions avec pragmatisme, dans le souci de favoriser des solutions opérationnelles et inscrites dans la durée, plutôt que de nous contenter d’effets d’annonce et de solutions de façade pour affronter des problèmes malheureusement trop réels.

Juridiquement, le contenu de ce projet de loi n’apparaît pas à la hauteur des enjeux.

Je regrette en particulier que le Gouvernement ait tenu à maintenir certaines dispositions en dépit de l’avis négatif du Conseil d’État, qui a estimé, selon les cas, qu’il n’était pas nécessaire de légiférer ou que certaines dispositions pourraient être considérées comme inconstitutionnelles.

Il me semble que la gravité du sujet, ainsi que les difficultés que nous rencontrons pour combattre des acteurs parfois très organisés et disposant d’importants moyens, doit nous inciter à la plus grande responsabilité et, avant tout, à une vigilance particulière.

Depuis la loi About-Picard, le Sénat a toujours fait preuve de constance sur ce point : il n’est ni envisageable de proposer de fausses solutions aux victimes ni souhaitable de légiférer sans que la nécessité de le faire soit avérée, au risque de fragiliser tout l’arsenal pénal existant.

Il convient également de veiller aux effets de bord de règles que l’on nous dit destinées à lutter contre les dérives sectaires, mais qui auront en fait une portée générale.

La commission des lois a, en conséquence, décidé de supprimer les articles 1er, 2 et 4 du projet de loi.

L’article 1er doublait en effet les infractions existantes et risquait de créer une confusion dommageable dans l’application du droit pénal, notamment s’agissant de la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les violences intrafamiliales.

L’article 2 en tirait les conséquences en créant, en miroir de la circonstance aggravante d’abus de vulnérabilité, une circonstance aggravante de mise sous sujétion pour les infractions les plus graves.

L’article 4 visait enfin à réprimer les provocations à l’abstention ou à l’arrêt d’un traitement susceptibles de porter gravement atteinte à la santé d’une personne, que cette provocation ait été ou non suivie d’effet.

Bien que restreint dans sa portée depuis les sévères critiques du Conseil d’État, cet article demeurait attentatoire aux libertés, sans pour autant garantir une grande efficacité contre l’essor du discours en faveur des dérives sectaires. Nous finirions paradoxalement par desservir la cause que nous prétendons défendre si nous laissions les tenants de ces dérives se draper dans le manteau des libertés.

D’autres dispositions proposées par le Gouvernement nous semblent en revanche aller dans le bon sens. C’est pourquoi nous nous sommes attachés, en commission des lois, à en renforcer la solidité juridique.

Je pense à l’article 3, qui vise à rendre plus aisée la faculté donnée aux associations de se porter partie civile, en substituant à la nécessité d’une reconnaissance d’utilité publique un nouveau mécanisme d’agrément plus souple. Cette mesure exprime une reconnaissance du rôle indispensable joué par les associations de défense de victimes aux côtés de la Miviludes.

De la même manière, l’article 5 renforce l’information des ordres professionnels, au premier rang desquels l’ordre des médecins, sur les décisions judiciaires prises à l’encontre de leurs membres pour des agissements impliquant des dérives sectaires en lien avec leur exercice professionnel. J’y vois une avancée qui éclairera les décisions ordinales dès lors qu’une condamnation ou un contrôle judiciaire en lien avec l’exercice médical aura été prononcé.

Enfin, l’article 6 prévoit de confier à la Miviludes le rôle nouveau d’amicus curiae, pour faciliter son intervention en tant qu’expert dans les procès.

Par ailleurs, la commission des lois a considéré que ce texte nous donnait l’occasion de mettre en œuvre les recommandations des rapports parlementaires ayant fait date, particulièrement celles du rapport de la commission d’enquête sénatoriale de 2013.

Nous avons tout d’abord voulu doter la Miviludes d’un statut législatif, ce qui permettra enfin d’inscrire cette mission dans la durée et de conforter sa vocation interministérielle, qui est actuellement très paradoxale pour un organisme rattaché à un service du ministère de l’intérieur. En outre, ce statut protégera son président, ainsi que les personnes qui lui adressent des signalements contre les procédures abusives.

Ensuite, je n’ai pu que m’étonner de l’absence, dans le texte du Gouvernement, de dispositions réprimant les nouveaux modes opératoires des auteurs d’infractions en lien avec les dérives sectaires, et ce malgré les récentes évolutions du droit pénal en matière de répression des infractions commises en ligne.

En conséquence, nous avons introduit dans le texte de nouvelles mesures renforçant la répression des délits d’exercice illégal de la médecine, de pratique commerciale trompeuse et d’abus de faiblesse, dès lors qu’ils sont commis en ligne ou au moyen de supports numériques ou électroniques.

En outre, j’ai apporté un soin particulier à la prise en compte de la situation spécifique des mineurs victimes de dérives sectaires, en prévoyant que le délai de prescription ne courra qu’à partir de leur majorité, et en renforçant les sanctions applicables au placement d’un enfant dans une situation d’isolement social. Je souhaite remercier sur ce point Nathalie Delattre avec qui j’ai travaillé sur ce sujet tristement d’actualité.

Enfin, il me semble que certains amendements déposés par nos collègues de toutes sensibilités politiques pourraient utilement compléter la version sénatoriale de ce projet de loi.

Je pense en particulier aux amendements de François Bonneau, Corinne Imbert et Martine Berthet relatifs à l’exercice illégal de la pharmacie et de la biologie en ligne, mais également aux amendements de Guy Benarroche sur le maillage territorial des acteurs de lutte contre les dérives sectaires. J’émettrai en conséquence un avis favorable sur ces amendements.

Pour conclure, il me semble que nous ferons œuvre utile si nous parvenons à ne pas donner l’illusion de créer ce qui existe déjà, si nous évitons par conséquent de faire moins bien et de contribuer à la confusion des normes et si, en revanche, nous conduisons un travail législatif réfléchi et transpartisan jusqu’à son terme.

Je vous propose en conséquence d’adopter ce texte, largement complété par la commission des lois et expurgé de ses principales fragilités juridiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Baptiste Blanc.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Blanc

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’actualité souligne la pertinence de nos travaux. En effet, l’exploitation de femmes par un mouvement sectaire, au travers de pratiques tantriques, et l’enlèvement d’un enfant caché au sein d’un groupe nomade ont mis au jour le rôle de deux structures sectaires transnationales qui avaient échappé aux radars pendant de nombreuses années.

Dans ces deux cas, des groupes ont instrumentalisé nos libertés au détriment des intérêts de leurs membres, alors qu’elles ont été conçues au service de l’individu avant tout. La loi de 2001 avait déjà permis de souligner que de tels mouvements portaient atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales. Dans le cadre de la République, l’individu doit rester un citoyen souverain ; aussi doit-il être protégé. Faut-il rappeler, à la suite de Lacordaire, que, « entre le faible et le fort, entre le riche et le pauvre, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » ?

Nous espérions un projet de loi plus ambitieux. À l’occasion des assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires, qui se sont tenues au mois de mars dernier, le Gouvernement a présenté une feuille de route pour les dix ans à venir.

Ces assises avaient été précédées par de nombreux rapports rédigés par les membres de nos deux assemblées, qui avaient trait aussi bien à la situation financière de ces mouvements et aux mineurs victimes des sectes qu’à la santé. Je pense en particulier au rapport issu des travaux de la commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, présidée par mon collègue sénateur du Vaucluse, Alain Milon, rapport qui ne trouve aucun écho dans le présent projet de loi.

La feuille de route annoncée semble se réduire à la taille d’un confetti, même si j’ai bien conscience qu’il reste encore neuf ans pour la réaliser !

Cette déception est particulièrement marquée pour ce qui concerne le choix du Gouvernement de se concentrer sur la seule réponse pénale.

Faut-il lier cette approche à la décision gouvernementale, prise voilà quatre ans, de rattacher la Miviludes au ministère de l’intérieur ? Je le pense. Aussi souhaiterais-je que le Gouvernement prenne conscience de ce tropisme réducteur et rende à la Miviludes le caractère interministériel et l’indépendance nécessaires à l’exercice de ses missions. C’est pourquoi je souscris à la proposition de la commission des lois d’accorder un statut législatif à la Miviludes.

Renforcer les moyens humains et financiers de la Miviludes, comme l’a souligné notre rapporteure, est plus que jamais nécessaire pour prévenir efficacement la menace sectaire nationale et internationale, au sein de laquelle les réseaux sociaux, les outils informatiques, notamment l’intelligence artificielle, et les « gourous 2.0 », qui expriment souvent des thèses conspirationnistes, jouent un rôle prédominant.

Au lieu de renforcer la Miviludes, le Gouvernement abandonne pourtant l’accompagnement des victimes aux membres de la société civile, qui n’ont pas obligatoirement les compétences professionnelles requises, en dépit de leur engagement.

Disposer d’une législation spécifique contre les dérives sectaires est également nécessaire, malgré l’existence d’un arsenal législatif de portée générale. L’argument selon lequel la législation existante serait suffisante avait déjà été avancé lors de l’élaboration de la loi de 2001.

Toutefois, répéter aujourd’hui une telle antienne ne sert à rien. En effet, après une vingtaine d’années d’application timide, la loi de 2001 a montré ses limites ; aussi le volet pénal doit-il réellement être amélioré. Il est ainsi urgent d’attribuer un code spécifique aux affaires où une dérive sectaire est liée à une infraction dite « ordinaire », afin que la Miviludes en soit informée.

L’article 1er, qui visait à créer une infraction autonome d’abus frauduleux de la situation de faiblesse résultant de l’état de sujétion d’un individu, a été supprimé par la commission. Sa rédaction était certes problématique, mais cette suppression revient à vider de sa portée la défense des personnes ainsi mises en sujétion. L’article 223-15-2 du code pénal, à la rédaction souvent mal comprise, resterait difficile à appliquer. Les victimes pourraient en pâtir. Il faudra donc, à l’évidence, revenir sur ce sujet.

Pour comprendre cette difficulté d’application, il convient de revenir brièvement sur la genèse de l’article 223-15-2 du code pénal réprimant l’abus frauduleux de l’état de faiblesse d’une personne. Selon cet article, plusieurs catégories de personnes sont considérées comme particulièrement vulnérables : le mineur, la personne âgée, la personne atteinte d’une maladie, d’une déficience physique ou psychique, ou encore la femme enceinte.

C’est la loi de 2001, votée à l’unanimité, qui a élargi la protection des personnes vulnérables à celles « en état de sujétion psychologique ou physique », cette protection ne se limitant pas à celle de leurs biens. En outre, l’alinéa 2 de l’article 223-15-2 du code pénal dispose que, si l’infraction est commise par le dirigeant d’un groupement créant, maintenant ou exploitant une telle sujétion, les peines sont alors aggravées. Cet alinéa introduit surtout l’idée que la sujétion peut être créée.

La difficulté de distinguer les personnes intrinsèquement vulnérables de celles dont la vulnérabilité est due aux pressions exercées par le dirigeant d’un groupe abusant de leur faiblesse a été mise en évidence par les différentes décisions de justice rendues depuis 2001.

Certaines décisions exigent, à tort, que soit démontrée l’existence d’une vulnérabilité préexistante, alors que la loi précisait clairement que cet état pouvait être créé. Cette confusion découle de la façon dont la sixième catégorie de personnes vulnérables a été inscrite dans le code pénal par le législateur, animé par la volonté de protéger les biens de ces personnes.

C’est le déplacement de cet article du code pénal depuis le titre relatif à la protection des biens vers celui concernant les atteintes aux personnes qui a entraîné cette confusion. On a ainsi occulté l’intention d’assujettissement des personnes par les groupements cités dans cet article du code pénal, à l’encontre de l’esprit de la loi de 2001, qui rappelait l’atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales commise par un tel groupement.

L’article 1er du projet de loi visait à préciser quelque peu la situation de la personne assujettie en instituant un délit autonome permettant de réprimer les agissements ayant pour effet de créer cet état, ce qui était réclamé par les praticiens défendant les victimes de tels abus.

Toutefois, la suppression de cet article, du fait de sa rédaction problématique, peut-être hâtive, fait qu’il s’agit, à ce stade, d’un rendez-vous manqué.

Les dossiers d’emprise sectaire que je souhaite évoquer impliquent l’existence de la dimension de groupe mentionnée à l’article 223-15-2 du code pénal.

La cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires définit cette dimension comme une forme archaïque de gouvernement, au sein de laquelle le manipulateur cumule les trois pouvoirs normatif, exécutif et judiciaire. Cela crée une forme de toute-puissance qui légitime la soumission de l’adepte, tout en masquant la coercition à l’œuvre.

Cette dimension de groupe évite la confusion avec les conflits intraconjugaux. La réflexion sur la gouvernance interne des groupes de nature sectaire montre que la rédaction de l’article 1er du projet de loi aurait pu être retravaillée pour que cet article soit adopté, car il touche au fondement du paradigme démocratique.

Il importe de ne pas édulcorer, dans le présent texte, le caractère spécifique de l’emprise exercée par le groupe ; je souhaite vous mettre en garde contre ce danger, mes chers collègues. La Cour de cassation a très justement qualifié le groupe sectaire d’« institution », ce qu’il est réellement aux yeux de l’adepte assujetti.

Si les apports de la commission au présent projet de loi vont dans le bon sens, l’instauration de l’infraction de mise en état de sujétion, ou d’assujettissement, constitue, à mon sens, un outil indispensable, même si ce n’est qu’une des multiples facettes du sujet.

Mesdames les ministres, ce projet de loi est un rendez-vous manqué, car il a été rédigé de manière précipitée et n’est pas à la hauteur des enjeux décrits.

Il est nécessaire d’adapter les outils de lutte contre les dérives sectaires qui ont trait à la santé, à l’alimentation ou au développement personnel, qui utilisent le numérique et qui touchent les mineurs. Dans ce dernier cas, l’histoire d’Alex, jeune Anglais retrouvé après six années d’errance, illustre cette nécessité.

Le Sénat a travaillé avec sérieux et a amendé le projet de loi – seize amendements ont été adoptés en commission et d’autres le seront, sans doute, au cours de cette séance. Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est offerte pour saluer le travail de notre rapporteure.

Toutefois, le sujet des dérives sectaires méritait mieux qu’une réaction précipitée. Il convient de protéger, selon les chiffres de la Miviludes, quelque 500 000 adeptes de mouvements sectaires et 80 000 enfants élevés dans un tel contexte, mais surtout de sensibiliser et de protéger tous ceux qui sont approchés par de tels mouvements chaque jour.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Blanc

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’actualité souligne la pertinence de nos travaux. En effet, l’exploitation de femmes par un mouvement sectaire, au travers de pratiques tantriques, et l’enlèvement d’un enfant caché au sein d’un groupe nomade ont mis au jour le rôle de deux structures sectaires transnationales qui avaient échappé aux radars pendant de nombreuses années.

Dans ces deux cas, des groupes ont instrumentalisé nos libertés au détriment des intérêts de leurs membres, alors qu’elles ont été conçues au service de l’individu avant tout. La loi de 2001 avait déjà permis de souligner que de tels mouvements portaient atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales. Dans le cadre de la République, l’individu doit rester un citoyen souverain ; aussi doit-il être protégé. Faut-il rappeler, à la suite de Lacordaire, que, « entre le faible et le fort, entre le riche et le pauvre, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » ?

Nous espérions un projet de loi plus ambitieux. À l’occasion des assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires, qui se sont tenues au mois de mars dernier, le Gouvernement a présenté une feuille de route pour les dix ans à venir.

Ces assises avaient été précédées par de nombreux rapports rédigés par les membres de nos deux assemblées, qui avaient trait aussi bien à la situation financière de ces mouvements et aux mineurs victimes des sectes qu’à la santé. Je pense en particulier au rapport issu des travaux de la commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, présidée par mon collègue sénateur du Vaucluse, Alain Milon, rapport qui ne trouve aucun écho dans le présent projet de loi.

La feuille de route annoncée semble se réduire à la taille d’un confetti, même si j’ai bien conscience qu’il reste encore neuf ans pour la réaliser !

Cette déception est particulièrement marquée pour ce qui concerne le choix du Gouvernement de se concentrer sur la seule réponse pénale.

Faut-il lier cette approche à la décision gouvernementale, prise voilà quatre ans, de rattacher la Miviludes au ministère de l’intérieur ? Je le pense. Aussi souhaiterais-je que le Gouvernement prenne conscience de ce tropisme réducteur et rende à la Miviludes le caractère interministériel et l’indépendance nécessaires à l’exercice de ses missions. C’est pourquoi je souscris à la proposition de la commission des lois d’accorder un statut législatif à la Miviludes.

Renforcer les moyens humains et financiers de la Miviludes, comme l’a souligné notre rapporteure, est plus que jamais nécessaire pour prévenir efficacement la menace sectaire nationale et internationale, au sein de laquelle les réseaux sociaux, les outils informatiques, notamment l’intelligence artificielle, et les « gourous 2.0 », qui expriment souvent des thèses conspirationnistes, jouent un rôle prédominant.

Au lieu de renforcer la Miviludes, le Gouvernement abandonne pourtant l’accompagnement des victimes aux membres de la société civile, qui n’ont pas obligatoirement les compétences professionnelles requises, en dépit de leur engagement.

Disposer d’une législation spécifique contre les dérives sectaires est également nécessaire, malgré l’existence d’un arsenal législatif de portée générale. L’argument selon lequel la législation existante serait suffisante avait déjà été avancé lors de l’élaboration de la loi de 2001.

Toutefois, répéter aujourd’hui une telle antienne ne sert à rien. En effet, après une vingtaine d’années d’application timide, la loi de 2001 a montré ses limites ; aussi le volet pénal doit-il réellement être amélioré. Il est ainsi urgent d’attribuer un code spécifique aux affaires où une dérive sectaire est liée à une infraction dite « ordinaire », afin que la Miviludes en soit informée.

L’article 1er, qui visait à créer une infraction autonome d’abus frauduleux de la situation de faiblesse résultant de l’état de sujétion d’un individu, a été supprimé par la commission. Sa rédaction était certes problématique, mais cette suppression revient à vider de sa portée la défense des personnes ainsi mises en sujétion. L’article 223-15-2 du code pénal, à la rédaction souvent mal comprise, resterait difficile à appliquer. Les victimes pourraient en pâtir. Il faudra donc, à l’évidence, revenir sur ce sujet.

Pour comprendre cette difficulté d’application, il convient de revenir brièvement sur la genèse de l’article 223-15-2 du code pénal réprimant l’abus frauduleux de l’état de faiblesse d’une personne. Selon cet article, plusieurs catégories de personnes sont considérées comme particulièrement vulnérables : le mineur, la personne âgée, la personne atteinte d’une maladie, d’une déficience physique ou psychique, ou encore la femme enceinte.

C’est la loi de 2001, votée à l’unanimité, qui a élargi la protection des personnes vulnérables à celles « en état de sujétion psychologique ou physique », cette protection ne se limitant pas à celle de leurs biens. En outre, l’alinéa 2 de l’article 223-15-2 du code pénal dispose que, si l’infraction est commise par le dirigeant d’un groupement créant, maintenant ou exploitant une telle sujétion, les peines sont alors aggravées. Cet alinéa introduit surtout l’idée que la sujétion peut être créée.

La difficulté de distinguer les personnes intrinsèquement vulnérables de celles dont la vulnérabilité est due aux pressions exercées par le dirigeant d’un groupe abusant de leur faiblesse a été mise en évidence par les différentes décisions de justice rendues depuis 2001.

Certaines décisions exigent, à tort, que soit démontrée l’existence d’une vulnérabilité préexistante, alors que la loi précisait clairement que cet état pouvait être créé. Cette confusion découle de la façon dont la sixième catégorie de personnes vulnérables a été inscrite dans le code pénal par le législateur, animé par la volonté de protéger les biens de ces personnes.

C’est le déplacement de cet article du code pénal depuis le titre relatif à la protection des biens vers celui concernant les atteintes aux personnes qui a entraîné cette confusion. On a ainsi occulté l’intention d’assujettissement des personnes par les groupements cités dans cet article du code pénal, à l’encontre de l’esprit de la loi de 2001, qui rappelait l’atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales commise par un tel groupement.

L’article 1er du projet de loi visait à préciser quelque peu la situation de la personne assujettie en instituant un délit autonome permettant de réprimer les agissements ayant pour effet de créer cet état, ce qui était réclamé par les praticiens défendant les victimes de tels abus.

Toutefois, la suppression de cet article, du fait de sa rédaction problématique, peut-être hâtive, fait qu’il s’agit, à ce stade, d’un rendez-vous manqué.

Les dossiers d’emprise sectaire que je souhaite évoquer impliquent l’existence de la dimension de groupe mentionnée à l’article 223-15-2 du code pénal.

La cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires définit cette dimension comme une forme archaïque de gouvernement, au sein de laquelle le manipulateur cumule les trois pouvoirs normatif, exécutif et judiciaire. Cela crée une forme de toute-puissance qui légitime la soumission de l’adepte, tout en masquant la coercition à l’œuvre.

Cette dimension de groupe évite la confusion avec les conflits intraconjugaux. La réflexion sur la gouvernance interne des groupes de nature sectaire montre que la rédaction de l’article 1er du projet de loi aurait pu être retravaillée pour que cet article soit adopté, car il touche au fondement du paradigme démocratique.

Il importe de ne pas édulcorer, dans le présent texte, le caractère spécifique de l’emprise exercée par le groupe ; je souhaite vous mettre en garde contre ce danger, mes chers collègues. La Cour de cassation a très justement qualifié le groupe sectaire d’« institution », ce qu’il est réellement aux yeux de l’adepte assujetti.

Si les apports de la commission au présent projet de loi vont dans le bon sens, l’instauration de l’infraction de mise en état de sujétion, ou d’assujettissement, constitue, à mon sens, un outil indispensable, même si ce n’est qu’une des multiples facettes du sujet.

Mesdames les ministres, ce projet de loi est un rendez-vous manqué, car il a été rédigé de manière précipitée et n’est pas à la hauteur des enjeux décrits.

Il est nécessaire d’adapter les outils de lutte contre les dérives sectaires qui ont trait à la santé, à l’alimentation ou au développement personnel, qui utilisent le numérique et qui touchent les mineurs. Dans ce dernier cas, l’histoire d’Alex, jeune Anglais retrouvé après six années d’errance, illustre cette nécessité.

Le Sénat a travaillé avec sérieux et a amendé le projet de loi – seize amendements ont été adoptés en commission et d’autres le seront, sans doute, au cours de cette séance. Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est offerte pour saluer le travail de notre rapporteure.

Toutefois, le sujet des dérives sectaires méritait mieux qu’une réaction précipitée. Il convient de protéger, selon les chiffres de la Miviludes, quelque 500 000 adeptes de mouvements sectaires et 80 000 enfants élevés dans un tel contexte, mais surtout de sensibiliser et de protéger tous ceux qui sont approchés par de tels mouvements chaque jour.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent LOUAULT

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en renforçant des dynamiques d’ores et déjà à l’œuvre, la crise sanitaire a considérablement accru la part du numérique dans nos vies. Les réseaux sociaux en ont massivement profité. Ainsi, TikTok est passé de 54 millions d’utilisateurs en 2018 à plus de 689 millions en juillet 2020.

Les algorithmes et les bulles de filtres fracturent nos sociétés et mettent en péril nos institutions. Sur ces plateformes, les individus sont de plus en plus seuls et la désinformation y circule de plus en plus vite. Alors qu’ils devaient nous lier les uns aux autres, les réseaux sociaux nous isolent.

Or les individus isolés sont des individus plus vulnérables. Le phénomène des dérives sectaires n’est pas nouveau, mais il s’adapte et tire avantage des évolutions technologiques.

L’arrestation de plusieurs responsables d’une secte de yoga sévissant en Europe nous rappelle la réalité des menaces qui pèsent sur les plus faibles de nos concitoyens : traite, séquestration, viol, ou encore abus de faiblesse.

Nous devons œuvrer davantage à leur protection. Aussi le Gouvernement entend-il, au travers du texte qui nous est soumis, renforcer la répression des mouvements qui exploitent la vulnérabilité des personnes.

La commission des lois a déploré, à juste titre, le manque de moyens de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. C’est d’autant plus regrettable que la Miviludes doit répondre à un nombre de signalements actuellement en forte augmentation, comme la commission a pu elle-même s’en convaincre.

La commission a également cherché à enrichir le projet de loi, notamment par l’introduction de circonstances aggravantes au délit d’abus de faiblesse relatives à l’utilisation de moyens de communication en ligne.

L’objectif de notre rapporteure a été, plutôt que d’ajouter de nouvelles dispositions au droit en vigueur, de mieux appliquer celles qui existent déjà.

Néanmoins, nous remarquons que le projet de loi n’a pas été réduit par la commission ; elle l’a enrichi, y compris pour transcrire dans la loi des dispositions aujourd’hui de valeur réglementaire. Nous craignons seulement que ces mesures soient insuffisantes.

La commission a, dans le même temps, supprimé l’article 1er, qui créait un délit de placement ou de maintien d’une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique, puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

Tout comme les associations d’aide aux victimes, nous regrettons cette suppression. En effet, ce nouveau délit aurait contribué à mieux protéger nos concitoyens, en donnant aux forces de l’ordre et aux magistrats les moyens de poursuivre et de condamner les personnes ayant commis des actes qui échappent encore à la justice.

L’article 4 visait, quant à lui, à mieux réprimer les dérives relatives aux médecines alternatives. En la matière, la Miviludes indique faire face à une hausse très significative des signalements. La pandémie de covid a, semble-t-il, libéré la créativité des détracteurs de la science, et ce jusqu’au sein de notre assemblée !

La commission a choisi de supprimer l’article 4. Nous voulons croire que cette suppression a été motivée par les réserves exprimées par le Conseil d’État plutôt que par les centaines de courriels envoyés par les principaux intéressés. Reste qu’un moyen de mieux lutter contre les dérives sectaires en matière de santé devra être trouvé.

En l’espèce, l’article 5 constitue une avancée et nous nous félicitons qu’il ait échappé à la suppression. En effet, il nous semble important que les ordres professionnels soient informés des dérives de leurs membres et puissent prendre les mesures qui s’imposent à leur égard.

Dans un monde de plus en plus numérique, nous redoutons que les dérives sectaires continuent leur progression. La question des moyens financiers consacrés à la lutte contre de tels mouvements est assurément incontournable. Aussi devons-nous renforcer ceux de la Miviludes.

La prévention constitue également un aspect important de la lutte contre les dérives sectaires. Nous devons faire davantage en la matière si nous voulons éviter que nos concitoyens vulnérables en deviennent victimes.

Toutefois, notre arsenal répressif devra être adapté si nous voulons que la justice puisse agir avant que des drames ne se produisent.

Cela étant dit, notre groupe souscrit aux objectifs définis dans le projet de loi du Gouvernement.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent LOUAULT

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en renforçant des dynamiques d’ores et déjà à l’œuvre, la crise sanitaire a considérablement accru la part du numérique dans nos vies. Les réseaux sociaux en ont massivement profité. Ainsi, TikTok est passé de 54 millions d’utilisateurs en 2018 à plus de 689 millions en juillet 2020.

Les algorithmes et les bulles de filtres fracturent nos sociétés et mettent en péril nos institutions. Sur ces plateformes, les individus sont de plus en plus seuls et la désinformation y circule de plus en plus vite. Alors qu’ils devaient nous lier les uns aux autres, les réseaux sociaux nous isolent.

Or les individus isolés sont des individus plus vulnérables. Le phénomène des dérives sectaires n’est pas nouveau, mais il s’adapte et tire avantage des évolutions technologiques.

L’arrestation de plusieurs responsables d’une secte de yoga sévissant en Europe nous rappelle la réalité des menaces qui pèsent sur les plus faibles de nos concitoyens : traite, séquestration, viol, ou encore abus de faiblesse.

Nous devons œuvrer davantage à leur protection. Aussi le Gouvernement entend-il, au travers du texte qui nous est soumis, renforcer la répression des mouvements qui exploitent la vulnérabilité des personnes.

La commission des lois a déploré, à juste titre, le manque de moyens de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. C’est d’autant plus regrettable que la Miviludes doit répondre à un nombre de signalements actuellement en forte augmentation, comme la commission a pu elle-même s’en convaincre.

La commission a également cherché à enrichir le projet de loi, notamment par l’introduction de circonstances aggravantes au délit d’abus de faiblesse relatives à l’utilisation de moyens de communication en ligne.

L’objectif de notre rapporteure a été, plutôt que d’ajouter de nouvelles dispositions au droit en vigueur, de mieux appliquer celles qui existent déjà.

Néanmoins, nous remarquons que le projet de loi n’a pas été réduit par la commission ; elle l’a enrichi, y compris pour transcrire dans la loi des dispositions aujourd’hui de valeur réglementaire. Nous craignons seulement que ces mesures soient insuffisantes.

La commission a, dans le même temps, supprimé l’article 1er, qui créait un délit de placement ou de maintien d’une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique, puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

Tout comme les associations d’aide aux victimes, nous regrettons cette suppression. En effet, ce nouveau délit aurait contribué à mieux protéger nos concitoyens, en donnant aux forces de l’ordre et aux magistrats les moyens de poursuivre et de condamner les personnes ayant commis des actes qui échappent encore à la justice.

L’article 4 visait, quant à lui, à mieux réprimer les dérives relatives aux médecines alternatives. En la matière, la Miviludes indique faire face à une hausse très significative des signalements. La pandémie de covid a, semble-t-il, libéré la créativité des détracteurs de la science, et ce jusqu’au sein de notre assemblée !

La commission a choisi de supprimer l’article 4. Nous voulons croire que cette suppression a été motivée par les réserves exprimées par le Conseil d’État plutôt que par les centaines de courriels envoyés par les principaux intéressés. Reste qu’un moyen de mieux lutter contre les dérives sectaires en matière de santé devra être trouvé.

En l’espèce, l’article 5 constitue une avancée et nous nous félicitons qu’il ait échappé à la suppression. En effet, il nous semble important que les ordres professionnels soient informés des dérives de leurs membres et puissent prendre les mesures qui s’imposent à leur égard.

Dans un monde de plus en plus numérique, nous redoutons que les dérives sectaires continuent leur progression. La question des moyens financiers consacrés à la lutte contre de tels mouvements est assurément incontournable. Aussi devons-nous renforcer ceux de la Miviludes.

La prévention constitue également un aspect important de la lutte contre les dérives sectaires. Nous devons faire davantage en la matière si nous voulons éviter que nos concitoyens vulnérables en deviennent victimes.

Toutefois, notre arsenal répressif devra être adapté si nous voulons que la justice puisse agir avant que des drames ne se produisent.

Cela étant dit, notre groupe souscrit aux objectifs définis dans le projet de loi du Gouvernement.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, aujourd’hui, les dérives sectaires se multiplient, en partie à cause des réseaux sociaux, qui permettent à ces discours de toucher le plus grand nombre.

Cette menace a aussi grandement évolué. Aux groupes à prétention religieuse vient désormais s’ajouter une multitude d’individus qui investissent plus particulièrement les domaines de la santé, de l’alimentation et du bien-être.

Ainsi, en 2021, 4 020 signalements ont été enregistrés – un record ! Ce chiffre est en augmentation constante depuis plusieurs années : +33 % entre 2020 et 2021, +86 % depuis 2015.

Devons-nous lutter, ou considérer que, après tout, chacun est libre de penser et de se soigner comme il l’entend ?

Pour ma part, j’estime que notre mission est de protéger la société d’individus qui, sous couvert de bienveillance, placent les gens sous leur contrôle pour faire d’eux leur « chose » et, au passage, accaparer leurs biens.

En effet, ne nous y trompons pas, derrière l’ouverture des chakras, la transcendance interplanétaire ou le traitement de la calvitie par le jus de betterave se cache une réalité bien plus matérielle, faite d’espèces sonnantes et trébuchantes. Les gourous recherchent, bien souvent, autant la soumission psychique que celle des comptes en banque…

Les Inconnus traduisaient bien cet état de fait, lorsqu’ils faisaient dire à Skippy, le grand gourou : « Tout bien que tu détiens est un souci qui te retient ! »

Il nous faut donc lutter contre de tels individus. Bien sûr, on pourra m’opposer que des sanctions pénales répriment d’ores et déjà les pratiques commerciales trompeuses, l’exercice illégal de la médecine, le harcèlement moral, ou encore l’abus de faiblesse. C’est vrai, mais est-ce suffisant ? Au regard des chiffres et des rapports publiés, il est probable que non. Après avoir entendu la cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires (Caimades), assurément, cela ne l’est pas.

En effet, nous sommes confrontés à une menace particulièrement difficile à appréhender, protéiforme, discrète, dont les auteurs jouent souvent avec les limites de la légalité, en s’abritant derrière la liberté de conscience pour isoler petit à petit leurs victimes, qui n’ont pas conscience de l’être.

Par conséquent, il est de notre responsabilité de doter l’État – les magistrats, les policiers et les gendarmes – des outils juridiques les plus efficaces. Ce n’est pas simple !

En effet, le périmètre du projet de loi du Gouvernement était apparemment trop large, en particulier pour les articles 1er et 4. Pourtant, à mes yeux, une réécriture plus fine des articles en cause aurait été préférable à leur simple suppression.

L’enjeu le mérite. Il semblerait que la nouvelle rédaction du texte ne convienne pas non plus. Espérons que la navette parlementaire permette d’aboutir à une version du projet de loi pointant au plus juste les dérives que nous combattons.

En revanche, je salue le travail de la rapporteure visant à consacrer les pouvoirs et le rôle de la Miviludes dans la lutte contre les dérives sectaires.

Les acteurs de cette lutte étaient très inquiets lorsque la Miviludes a changé de ministère de tutelle. Les remous qui s’ensuivirent autour de la figure du préfet Gravel ne firent qu’accentuer cette inquiétude.

Espérons donc que le présent projet de loi donne un nouveau souffle à la Miviludes, afin qu’elle puisse conduire les actions de prévention ambitieuses qui font aujourd’hui défaut à la réponse publique.

Notre groupe regrette également que la question des financements ne soit pas abordée par le Gouvernement dans ce projet de loi. Ma collègue Nathalie Goulet aura l’occasion de détailler nos préoccupations sur ce sujet.

En fin de compte, plus que louable, l’intention du Gouvernement est nécessaire. Ces menaces évoluent particulièrement vite. Or, en toute franchise, nous avons déjà pris du retard !

En ce sens, j’espère que nous aurons l’occasion d’enrichir le texte au cours de nos débats et de la navette parlementaire ; en attendant, le groupe Union Centriste votera le projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Vincent Louault applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, aujourd’hui, les dérives sectaires se multiplient, en partie à cause des réseaux sociaux, qui permettent à ces discours de toucher le plus grand nombre.

Cette menace a aussi grandement évolué. Aux groupes à prétention religieuse vient désormais s’ajouter une multitude d’individus qui investissent plus particulièrement les domaines de la santé, de l’alimentation et du bien-être.

Ainsi, en 2021, 4 020 signalements ont été enregistrés – un record ! Ce chiffre est en augmentation constante depuis plusieurs années : +33 % entre 2020 et 2021, +86 % depuis 2015.

Devons-nous lutter, ou considérer que, après tout, chacun est libre de penser et de se soigner comme il l’entend ?

Pour ma part, j’estime que notre mission est de protéger la société d’individus qui, sous couvert de bienveillance, placent les gens sous leur contrôle pour faire d’eux leur « chose » et, au passage, accaparer leurs biens.

En effet, ne nous y trompons pas, derrière l’ouverture des chakras, la transcendance interplanétaire ou le traitement de la calvitie par le jus de betterave se cache une réalité bien plus matérielle, faite d’espèces sonnantes et trébuchantes. Les gourous recherchent, bien souvent, autant la soumission psychique que celle des comptes en banque…

Les Inconnus traduisaient bien cet état de fait, lorsqu’ils faisaient dire à Skippy, le grand gourou : « Tout bien que tu détiens est un souci qui te retient ! »

Il nous faut donc lutter contre de tels individus. Bien sûr, on pourra m’opposer que des sanctions pénales répriment d’ores et déjà les pratiques commerciales trompeuses, l’exercice illégal de la médecine, le harcèlement moral, ou encore l’abus de faiblesse. C’est vrai, mais est-ce suffisant ? Au regard des chiffres et des rapports publiés, il est probable que non. Après avoir entendu la cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires (Caimades), assurément, cela ne l’est pas.

En effet, nous sommes confrontés à une menace particulièrement difficile à appréhender, protéiforme, discrète, dont les auteurs jouent souvent avec les limites de la légalité, en s’abritant derrière la liberté de conscience pour isoler petit à petit leurs victimes, qui n’ont pas conscience de l’être.

Par conséquent, il est de notre responsabilité de doter l’État – les magistrats, les policiers et les gendarmes – des outils juridiques les plus efficaces. Ce n’est pas simple !

En effet, le périmètre du projet de loi du Gouvernement était apparemment trop large, en particulier pour les articles 1er et 4. Pourtant, à mes yeux, une réécriture plus fine des articles en cause aurait été préférable à leur simple suppression.

L’enjeu le mérite. Il semblerait que la nouvelle rédaction du texte ne convienne pas non plus. Espérons que la navette parlementaire permette d’aboutir à une version du projet de loi pointant au plus juste les dérives que nous combattons.

En revanche, je salue le travail de la rapporteure visant à consacrer les pouvoirs et le rôle de la Miviludes dans la lutte contre les dérives sectaires.

Les acteurs de cette lutte étaient très inquiets lorsque la Miviludes a changé de ministère de tutelle. Les remous qui s’ensuivirent autour de la figure du préfet Gravel ne firent qu’accentuer cette inquiétude.

Espérons donc que le présent projet de loi donne un nouveau souffle à la Miviludes, afin qu’elle puisse conduire les actions de prévention ambitieuses qui font aujourd’hui défaut à la réponse publique.

Notre groupe regrette également que la question des financements ne soit pas abordée par le Gouvernement dans ce projet de loi. Ma collègue Nathalie Goulet aura l’occasion de détailler nos préoccupations sur ce sujet.

En fin de compte, plus que louable, l’intention du Gouvernement est nécessaire. Ces menaces évoluent particulièrement vite. Or, en toute franchise, nous avons déjà pris du retard !

En ce sens, j’espère que nous aurons l’occasion d’enrichir le texte au cours de nos débats et de la navette parlementaire ; en attendant, le groupe Union Centriste votera le projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Vincent Louault applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’actualité récente, notamment l’affaire de ce Britannique âgé de 17 ans retrouvé après une disparition de six ans, nous rappelle la réalité des dérives sectaires.

Emprise psychologique, destruction de la cellule familiale, isolement social, exploitation financière, voire sexuelle : il s’agit de bien plus que d’une pensée ou d’un mode de vie située à la marge de la société.

Pourtant, le danger lié aux dérives sectaires semble peu pris en considération par les pouvoirs publics, à tel point que la disparition de la Miviludes a même pu être évoquée en 2020.

Certes, des assises nationales se sont bien tenues au début de l’année, mais elles n’ont tenu compte d’aucune des recommandations émises par les auteurs des rapports parlementaires transpartisans publiés ces dernières années, comme l’a montré la commission des lois.

Le présent projet de loi n’est qu’une ébauche de réflexion sur de nouvelles dispositions pénales.

La version du texte proposée par le Gouvernement manquait de mesures ayant trait au numérique et comportait des risques d’inconstitutionnalité relevés par le Conseil d’État, dans son avis publié le 17 novembre 2023.

Nous aurons l’occasion de présenter des pistes d’amélioration fondées sur des travaux parlementaires, notamment en matière de formation des professionnels du droit.

Ces dernières années, nous assistons à une augmentation des phénomènes sectaires, qui prennent désormais des formes multiples : ces mouvements ne sont plus uniquement à vocation religieuse ou spirituelle, mais investissent aussi les domaines de la santé, de l’alimentation, du bien-être, du développement personnel, du coaching ou de la formation.

En 2021, on comptait 4 020 saisines de la Miviludes, soit un bond de 33 % depuis l’année précédente et une augmentation de 86 % depuis 2015. Un quart des signalements faits à la Miviludes ont trait à la santé et au bien-être.

La commission des lois a pris la mesure de l’effet amplificateur qu’ont eu, en la matière, les réseaux sociaux ces dernières années. C’est pourquoi elle a introduit une nouvelle circonstance aggravante au délit d’abus de faiblesse, lorsque les infractions sont commises par le biais de ces réseaux.

Si l’aspect d’escroquerie financière est presque toujours au cœur de ces pratiques délétères, les conséquences psychiques et physiques sont aussi importantes.

La commission a tout autant pris la mesure des dangers que courent les mineurs en la matière et a ainsi modifié les règles ayant trait aux délais de prescription en cas d’abus de faiblesse.

Par ailleurs, dans le cadre de l’examen du texte en commission, nous avons pu conférer un réel statut législatif à la Miviludes, afin de conforter son rôle face aux dérives sectaires, dont le nombre ne fait qu’augmenter, sous des formes toujours plus variées.

À ce titre, nous saluons la prise en compte du nouvel aspect numérique de tels phénomènes.

Nous le savons tous, un climat de défiance s’est diffusé dans tous les domaines et les discours anti-scientifiques ont été amplifiés, notamment par l’usage accru des réseaux sociaux depuis l’épidémie de covid-19.

En la matière, les dérives sont rapides et leurs auteurs prompts à vanter des traitements qui n’ont été ni étudiés ni validés. Les situations d’incertitude médicale ou personnelle sont propices à la diffusion de prétendues réponses aussi simples que miraculeuses.

Il existe un risque pour la santé publique. Des personnes vulnérables peuvent se laisser convaincre par quelque margoulin de se soumettre à des soins délivrés par des non-professionnels et susceptibles d’être dangereux pour leur santé.

Le Gouvernement doit développer des politiques axées sur la prévention, afin de lutter réellement contre l’émergence de groupes isolés, dédiés à la santé et au bien-être, domaines qui donnent lieu à de nombreuses dérives et à bien du charlatanisme.

Au-delà du rôle conforté de la Miviludes, l’importance des associations est aussi mise en avant. Très au fait des méthodes de certains mouvements, elles restent un des piliers de la lutte contre les dérives sectaires. L’accompagnement qu’elles offrent aux victimes et à leurs proches est une des clés d’une meilleure approche judiciaire des faits délictueux, voire criminels.

Aussi la reconnaissance qui leur est apportée est-elle plus que juste. En effet, cela a déjà été dit, l’arsenal législatif destiné à réprimer les agissements de ces communautés existe déjà. C’est bien sa connaissance et sa mise en œuvre qu’il convient d’améliorer.

Sur ce sujet, nous défendrons des amendements issus des travaux menés au sein de notre assemblée, par Jacques Mézard et Alain Milon, en 2013. Leur enquête se concentrait sur les dérives thérapeutiques et les dérives sectaires dans le domaine de la santé, mais leurs préconisations pleines de bon sens et de retours d’expérience mériteraient un soutien bien plus important.

Il ressortait de leurs travaux que les magistrats comme la protection maternelle et infantile (PMI) pourraient bénéficier d’un soutien de l’État dans leur formation afin que les mécanismes en jeu soient mieux connus et que des détections soient possibles, en particulier pour ce qui concerne les enfants.

Ce rapport de 2013 préconisait le déploiement d’une campagne d’information sur le sujet. Nous n’avons pas pu inscrire dans le présent texte une telle mesure, au vu des règles de recevabilité financière des amendements, mais nous invitons fortement le Gouvernement à s’engager en ce sens.

Ce rapport soulignait également une certaine libéralité des préfectures dans la mise en place de cellules consacrées aux dérives sectaires.

Le texte qui nous est soumis est très largement insuffisant ; il se compose de petites mesures, visant simplement à reconnaître au sein de notre arsenal pénal l’existence de ces phénomènes sectaires, sans agir sur les causes des phénomènes.

Je salue donc les travaux de notre commission, qui ont fortement modifié le projet initial, en complétant les dispositifs proposés par des mesures plus opérationnelles destinées à lutter plus efficacement contre le fléau sectaire.

Aussi notre groupe Écologiste – Solidarité et Territoires sera-t-il attentif au sort réservé aux améliorations de bon sens qu’il proposera sur ce texte. Si l’équilibre trouvé par la commission est conservé dans le texte issu de nos débats, nous voterons pour son adoption.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’actualité récente, notamment l’affaire de ce Britannique âgé de 17 ans retrouvé après une disparition de six ans, nous rappelle la réalité des dérives sectaires.

Emprise psychologique, destruction de la cellule familiale, isolement social, exploitation financière, voire sexuelle : il s’agit de bien plus que d’une pensée ou d’un mode de vie située à la marge de la société.

Pourtant, le danger lié aux dérives sectaires semble peu pris en considération par les pouvoirs publics, à tel point que la disparition de la Miviludes a même pu être évoquée en 2020.

Certes, des assises nationales se sont bien tenues au début de l’année, mais elles n’ont tenu compte d’aucune des recommandations émises par les auteurs des rapports parlementaires transpartisans publiés ces dernières années, comme l’a montré la commission des lois.

Le présent projet de loi n’est qu’une ébauche de réflexion sur de nouvelles dispositions pénales.

La version du texte proposée par le Gouvernement manquait de mesures ayant trait au numérique et comportait des risques d’inconstitutionnalité relevés par le Conseil d’État, dans son avis publié le 17 novembre 2023.

Nous aurons l’occasion de présenter des pistes d’amélioration fondées sur des travaux parlementaires, notamment en matière de formation des professionnels du droit.

Ces dernières années, nous assistons à une augmentation des phénomènes sectaires, qui prennent désormais des formes multiples : ces mouvements ne sont plus uniquement à vocation religieuse ou spirituelle, mais investissent aussi les domaines de la santé, de l’alimentation, du bien-être, du développement personnel, du coaching ou de la formation.

En 2021, on comptait 4 020 saisines de la Miviludes, soit un bond de 33 % depuis l’année précédente et une augmentation de 86 % depuis 2015. Un quart des signalements faits à la Miviludes ont trait à la santé et au bien-être.

La commission des lois a pris la mesure de l’effet amplificateur qu’ont eu, en la matière, les réseaux sociaux ces dernières années. C’est pourquoi elle a introduit une nouvelle circonstance aggravante au délit d’abus de faiblesse, lorsque les infractions sont commises par le biais de ces réseaux.

Si l’aspect d’escroquerie financière est presque toujours au cœur de ces pratiques délétères, les conséquences psychiques et physiques sont aussi importantes.

La commission a tout autant pris la mesure des dangers que courent les mineurs en la matière et a ainsi modifié les règles ayant trait aux délais de prescription en cas d’abus de faiblesse.

Par ailleurs, dans le cadre de l’examen du texte en commission, nous avons pu conférer un réel statut législatif à la Miviludes, afin de conforter son rôle face aux dérives sectaires, dont le nombre ne fait qu’augmenter, sous des formes toujours plus variées.

À ce titre, nous saluons la prise en compte du nouvel aspect numérique de tels phénomènes.

Nous le savons tous, un climat de défiance s’est diffusé dans tous les domaines et les discours antiscientifiques ont été amplifiés, notamment par l’usage accru des réseaux sociaux depuis l’épidémie de covid-19.

En la matière, les dérives sont rapides et leurs auteurs prompts à vanter des traitements qui n’ont été ni étudiés ni validés. Les situations d’incertitude médicale ou personnelle sont propices à la diffusion de prétendues réponses aussi simples que miraculeuses.

Il existe un risque pour la santé publique. Des personnes vulnérables peuvent se laisser convaincre par quelque margoulin de se soumettre à des soins délivrés par des non-professionnels et susceptibles d’être dangereux pour leur santé.

Le Gouvernement doit développer des politiques axées sur la prévention, afin de lutter réellement contre l’émergence de groupes isolés, dédiés à la santé et au bien-être, domaines qui donnent lieu à de nombreuses dérives et à bien du charlatanisme.

Au-delà du rôle conforté de la Miviludes, l’importance des associations est aussi mise en avant. Très au fait des méthodes de certains mouvements, elles restent un des piliers de la lutte contre les dérives sectaires. L’accompagnement qu’elles offrent aux victimes et à leurs proches est une des clés d’une meilleure approche judiciaire des faits délictueux, voire criminels.

Aussi la reconnaissance qui leur est apportée est-elle plus que juste. En effet, cela a déjà été dit, l’arsenal législatif destiné à réprimer les agissements de ces communautés existe déjà. C’est bien sa connaissance et sa mise en œuvre qu’il convient d’améliorer.

Sur ce sujet, nous défendrons des amendements issus des travaux menés au sein de notre assemblée, par Jacques Mézard et Alain Milon, en 2013. Leur enquête se concentrait sur les dérives thérapeutiques et les dérives sectaires dans le domaine de la santé, mais leurs préconisations pleines de bon sens et de retours d’expérience mériteraient un soutien bien plus important.

Il ressortait de leurs travaux que les magistrats comme la protection maternelle et infantile (PMI) pourraient bénéficier d’un soutien de l’État dans leur formation afin que les mécanismes en jeu soient mieux connus et que des détections soient possibles, en particulier pour ce qui concerne les enfants.

Ce rapport de 2013 préconisait le déploiement d’une campagne d’information sur le sujet. Nous n’avons pas pu inscrire dans le présent texte une telle mesure, au vu des règles de recevabilité financière des amendements, mais nous invitons fortement le Gouvernement à s’engager en ce sens.

Ce rapport soulignait également une certaine libéralité des préfectures dans la mise en place de cellules consacrées aux dérives sectaires.

Le texte qui nous est soumis est très largement insuffisant ; il se compose de petites mesures, visant simplement à reconnaître au sein de notre arsenal pénal l’existence de ces phénomènes sectaires, sans agir sur les causes des phénomènes.

Je salue donc les travaux de notre commission, qui ont fortement modifié le projet initial, en complétant les dispositifs proposés par des mesures plus opérationnelles destinées à lutter plus efficacement contre le fléau sectaire.

Aussi notre groupe Écologiste – Solidarité et Territoires sera-t-il attentif au sort réservé aux améliorations de bon sens qu’il proposera sur ce texte. Si l’équilibre trouvé par la commission est conservé dans le texte issu de nos débats, nous voterons pour son adoption.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le principal mérite du texte proposé par le Gouvernement est d’attirer notre attention sur la recrudescence des dérives sectaires.

Celles-ci sont en partie nourries par la montée de l’irrationalisme, par la contestation de la science, par la perte de légitimité des institutions politiques et scientifiques, par la propagation sur les réseaux dits « sociaux » de récits complotistes et par l’illusion que chacun pourrait se constituer sa vérité à partir d’informations glanées sans méthode, sans médiation et sans vérification.

À raison, le Gouvernement considère que ces processus de sujétion des individus sont particulièrement nocifs quand ils touchent à leur santé. Néanmoins, les dispositions législatives qu’il propose pour protéger la santé de nos concitoyens ne s’inscrivent que dans le code pénal et le code de procédure pénale, alors qu’il aurait fallu s’interroger sur leurs relations avec le code de la santé publique, surtout quand elles sont relatives à l’exercice illégal de la médecine.

Par ailleurs, mesdames les ministres, si ce n’est pas le Conseil d’État qui écrit la loi, il est en revanche tout à fait raisonnable d’écouter le Conseil d’État pour écrire la loi… En l’occurrence, vous auriez dû entendre ses critiques sévères à l’encontre, notamment, de la rédaction de l’article 4 de votre projet de loi, qui porterait atteinte, selon lui, aux principes constitutionnels de la liberté d’expression, des libertés académiques et de la liberté fondamentale d’accepter ou de refuser un traitement médical spécifique, garantie par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales.

Il serait donc funeste que l’article 4 soit réintroduit, dans sa rédaction initiale, par l’Assemblée nationale, car il instaure un délit de publicité en faveur de pratiques à finalité thérapeutique récusées par la science médicale, mais ne précise pas si les professionnels de la médecine sont eux aussi concernés. En d’autres termes, comment cette disposition s’articule-t-elle avec la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, dite loi Huriet-Sérusclat ?

Il faut défendre la liberté de la recherche, la possibilité pour les savants de soumettre à une saine critique leurs résultats et ceux de leurs collègues, ainsi que la nécessité de nouvelles pratiques thérapeutiques. Mais ces travaux ne peuvent s’affranchir des règles déontologiques et éthiques propres à la médecine. Comme le rappelait le professeur Alain Fischer, président de l’Académie des sciences, dans une tribune publiée le 28 mai dernier, il est impérieux que la démonstration des effets thérapeutiques des médicaments respecte les droits et la sécurité des personnes participant à la recherche.

Je regrette vivement que les graves méconduites scientifiques commises durant la pandémie de covid n’aient pas été plus rapidement et plus sévèrement sanctionnées. La liberté de la recherche impose un strict respect de l’intégrité scientifique.

Avec la rapporteure de la commission des lois, je déplore la précipitation avec laquelle ce projet a été élaboré, puis soumis à notre examen. Il eût été de bonne politique qu’il profitât des travaux importants réalisés par le Parlement et, notamment, du rapport rendu par notre ancien collègue Jacques Mézard en avril 2013. Je comprends donc l’impuissance de la commission à corriger un texte aussi peu abouti et sa décision d’en supprimer quatre articles.

Le texte ainsi remanié par la commission introduit quelques dispositions utiles dans le code pénal, mais son principal apport réside dans la reconnaissance législative de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. La Miviludes voit ainsi sa mission renforcée, alors que son autonomie avait pu être menacée par le passé.

Une telle institutionnalisation de la Miviludes avait été préconisée par Georges Fenech dans son rapport remis en 2008. Cela doit maintenant s’accompagner d’un renforcement de ses moyens et de son budget, afin qu’elle puisse jouer un rôle efficace contre les dérives sectaires.

Aujourd’hui, nous voterons en faveur de ce texte, tel qu’il a été modifié par la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le principal mérite du texte proposé par le Gouvernement est d’attirer notre attention sur la recrudescence des dérives sectaires.

Celles-ci sont en partie nourries par la montée de l’irrationalisme, par la contestation de la science, par la perte de légitimité des institutions politiques et scientifiques, par la propagation sur les réseaux dits « sociaux » de récits complotistes et par l’illusion que chacun pourrait se constituer sa vérité à partir d’informations glanées sans méthode, sans médiation et sans vérification.

À raison, le Gouvernement considère que ces processus de sujétion des individus sont particulièrement nocifs quand ils touchent à leur santé. Néanmoins, les dispositions législatives qu’il propose pour protéger la santé de nos concitoyens ne s’inscrivent que dans le code pénal et le code de procédure pénale, alors qu’il aurait fallu s’interroger sur leurs relations avec le code de la santé publique, surtout quand elles sont relatives à l’exercice illégal de la médecine.

Par ailleurs, mesdames les ministres, si ce n’est pas le Conseil d’État qui écrit la loi, il est en revanche tout à fait raisonnable d’écouter le Conseil d’État pour écrire la loi… En l’occurrence, vous auriez dû entendre ses critiques sévères à l’encontre, notamment, de la rédaction de l’article 4 de votre projet de loi, qui porterait atteinte, selon lui, aux principes constitutionnels de la liberté d’expression, des libertés académiques et de la liberté fondamentale d’accepter ou de refuser un traitement médical spécifique, garantie par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales.

Il serait donc funeste que l’article 4 soit réintroduit, dans sa rédaction initiale, par l’Assemblée nationale, car il instaure un délit de publicité en faveur de pratiques à finalité thérapeutique récusées par la science médicale, mais ne précise pas si les professionnels de la médecine sont eux aussi concernés. En d’autres termes, comment cette disposition s’articule-t-elle avec la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, dite loi Huriet-Sérusclat ?

Il faut défendre la liberté de la recherche, la possibilité pour les savants de soumettre à une saine critique leurs résultats et ceux de leurs collègues, ainsi que la nécessité de nouvelles pratiques thérapeutiques. Mais ces travaux ne peuvent s’affranchir des règles déontologiques et éthiques propres à la médecine. Comme le rappelait le professeur Alain Fischer, président de l’Académie des sciences, dans une tribune publiée le 28 mai dernier, il est impérieux que la démonstration des effets thérapeutiques des médicaments respecte les droits et la sécurité des personnes participant à la recherche.

Je regrette vivement que les graves méconduites scientifiques commises durant la pandémie de covid n’aient pas été plus rapidement et plus sévèrement sanctionnées. La liberté de la recherche impose un strict respect de l’intégrité scientifique.

Avec la rapporteure de la commission des lois, je déplore la précipitation avec laquelle ce projet a été élaboré, puis soumis à notre examen. Il eût été de bonne politique qu’il profitât des travaux importants réalisés par le Parlement et, notamment, du rapport rendu par notre ancien collègue Jacques Mézard en avril 2013. Je comprends donc l’impuissance de la commission à corriger un texte aussi peu abouti et sa décision d’en supprimer quatre articles.

Le texte ainsi remanié par la commission introduit quelques dispositions utiles dans le code pénal, mais son principal apport réside dans la reconnaissance législative de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. La Miviludes voit ainsi sa mission renforcée, alors que son autonomie avait pu être menacée par le passé.

Une telle institutionnalisation de la Miviludes avait été préconisée par Georges Fenech dans son rapport remis en 2008. Cela doit maintenant s’accompagner d’un renforcement de ses moyens et de son budget, afin qu’elle puisse jouer un rôle efficace contre les dérives sectaires.

Aujourd’hui, nous voterons en faveur de ce texte, tel qu’il a été modifié par la commission.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en décembre 2000, l’émission d’investigation Envoyé spécial présentait un document édifiant, inédit à l’époque, sur la secte menée par Claude Vaurilhon, surnommé Raël. Après les drames de l’Ordre du temple solaire, le grand public découvrait comment s’installait l’emprise d’un gourou aussi fantasque que dangereux sur des adeptes fragilisés et bientôt dépouillés, humainement comme financièrement.

Aujourd’hui, chacun le sait, les dérives sectaires ne s’incarnent plus seulement dans ces groupes mimant des croyances religieuses : le phénomène s’est emparé d’internet, des réseaux sociaux et, plus généralement, de tous les outils du numérique.

Les gourous en ligne fleurissent, cachés derrière des pseudonymes et des discours aux allures de science alternative. Mais les conséquences sont toujours aussi dramatiques pour ceux qui adhèrent à leur parole.

Le groupe du RDSE se préoccupe depuis longtemps déjà des dérives sectaires. Nous avions pris l’initiative, en 2012, d’une commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, dont le rapporteur fut notre ancien collègue Jacques Mézard.

Le rapport qu’il rendit l’année suivante reste extrêmement pertinent ; notons en particulier que certaines de ses recommandations ont été reprises par notre commission des lois. Nous nous en réjouissons.

Toutefois, le fait qu’un rapport datant d’une dizaine d’années soit encore si actuel sonne comme un avertissement préoccupant : j’y vois le signe d’une décennie au cours de laquelle nous avons trop peu agi en la matière.

Vous l’aurez donc compris, notre groupe a accueilli avec enthousiasme ce projet de loi. Cependant, nous déplorons qu’il nous soit présenté en fin d’année, à la suite du marathon budgétaire, nous privant ainsi du temps suffisant pour engager un travail de fond d’ampleur, à la mesure de la problématique.

C’est d’ailleurs une difficulté que vous semblez avoir également rencontrée, mesdames les ministres, avec le Conseil d’État, qui en fait mention dans son avis. Ce texte dont des vies humaines dépendent a été préparé dans un délai contraint ; force est de constater que cela a produit une rédaction approximative. Le sujet méritait mieux !

Il n’en reste pas moins que le texte du Gouvernement comportait des mesures fortes. Je pense aux articles 1er et 2, qui créaient un dispositif répressif protégeant les victimes d’un état de sujétion psychologique ou physique, si cette situation aboutissait à une dégradation grave de leur santé.

Je pense ensuite à l’article 4, par lequel le Gouvernement proposait, certes maladroitement, de réprimer la provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins, ou à l’adoption de pratiques pseudo-thérapeutiques, lorsque ces actions, présentées comme bénéfiques, exposaient les personnes concernées à des risques d’une particulière gravité pour leur santé.

Je regrette que notre commission ait fait le choix de supprimer ces trois articles, alors même que le Conseil d’État, tout en soulignant leurs imperfections rédactionnelles, avait néanmoins affirmé le caractère incontestable de la légitimité de l’objectif poursuivi.

Je vois cette suppression comme un pas de côté, que notre groupe regrette. Toutefois, je reconnais que la commission n’a pas disposé du temps nécessaire pour faire aboutir ses travaux. À cet égard, je veux saluer le travail de Mme la rapporteure, d’autant que c’est son premier rapport !

Avec modestie, je vous proposerai de rétablir les articles 1er et 2. J’ai en outre cherché à réécrire l’article 4, en introduisant des garde-fous supplémentaires. Le Gouvernement a également déposé un amendement de rétablissement de cet article, dans lequel les contours de l’infraction semblent mieux dessinés.

Certes, ce texte comporte des imperfections. Toutefois, la navette parlementaire pourrait porter ses fruits ; c’est en tout cas ce que nous espérons vivement.

Pour le reste, les apports de la commission nous satisfont. Je pense en particulier à l’article 2 bis, issu d’un amendement que j’avais défendu en commission, aux côtés de Mme la rapporteure, et qui devrait permettre l’allongement du délai de prescription lorsque l’abus de faiblesse est commis sur une victime mineure.

Je pense également à l’inscription dans la loi du statut de la Miviludes, conformément à une recommandation du rapport Mézard. Il est impératif que cette instance soit protégée et renforcée statutairement. Jacqueline Eustache-Brinio et moi-même avions d’ailleurs été alertées sur ce sujet en 2020, dans le cadre de la commission d’enquête sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, que je présidais. Nous avions donc fait de cette mesure notre première proposition.

Ces ajouts à notre droit sont les bienvenus. Par conséquent, même si aucune des dispositions supprimées n’était rétablie, nous voterions malgré tout le texte, mais non sans regret, au regard des enjeux.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en décembre 2000, l’émission d’investigation Envoyé spécial présentait un document édifiant, inédit à l’époque, sur la secte menée par Claude Vaurilhon, surnommé Raël. Après les drames de l’Ordre du temple solaire, le grand public découvrait comment s’installait l’emprise d’un gourou aussi fantasque que dangereux sur des adeptes fragilisés et bientôt dépouillés, humainement comme financièrement.

Aujourd’hui, chacun le sait, les dérives sectaires ne s’incarnent plus seulement dans ces groupes mimant des croyances religieuses : le phénomène s’est emparé d’internet, des réseaux sociaux et, plus généralement, de tous les outils du numérique.

Les gourous en ligne fleurissent, cachés derrière des pseudonymes et des discours aux allures de science alternative. Mais les conséquences sont toujours aussi dramatiques pour ceux qui adhèrent à leur parole.

Le groupe du RDSE se préoccupe depuis longtemps déjà des dérives sectaires. Nous avions pris l’initiative, en 2012, d’une commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, dont le rapporteur fut notre ancien collègue Jacques Mézard.

Le rapport qu’il rendit l’année suivante reste extrêmement pertinent ; notons en particulier que certaines de ses recommandations ont été reprises par notre commission des lois. Nous nous en réjouissons.

Toutefois, le fait qu’un rapport datant d’une dizaine d’années soit encore si actuel sonne comme un avertissement préoccupant : j’y vois le signe d’une décennie au cours de laquelle nous avons trop peu agi en la matière.

Vous l’aurez donc compris, notre groupe a accueilli avec enthousiasme ce projet de loi. Cependant, nous déplorons qu’il nous soit présenté en fin d’année, à la suite du marathon budgétaire, nous privant ainsi du temps suffisant pour engager un travail de fond d’ampleur, à la mesure de la problématique.

C’est d’ailleurs une difficulté que vous semblez avoir également rencontrée, mesdames les ministres, avec le Conseil d’État, qui en fait mention dans son avis. Ce texte dont des vies humaines dépendent a été préparé dans un délai contraint ; force est de constater que cela a produit une rédaction approximative. Le sujet méritait mieux !

Il n’en reste pas moins que le texte du Gouvernement comportait des mesures fortes. Je pense aux articles 1er et 2, qui créaient un dispositif répressif protégeant les victimes d’un état de sujétion psychologique ou physique, si cette situation aboutissait à une dégradation grave de leur santé.

Je pense ensuite à l’article 4, par lequel le Gouvernement proposait, certes maladroitement, de réprimer la provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins, ou à l’adoption de pratiques pseudo-thérapeutiques, lorsque ces actions, présentées comme bénéfiques, exposaient les personnes concernées à des risques d’une particulière gravité pour leur santé.

Je regrette que notre commission ait fait le choix de supprimer ces trois articles, alors même que le Conseil d’État, tout en soulignant leurs imperfections rédactionnelles, avait néanmoins affirmé le caractère incontestable de la légitimité de l’objectif recherché.

Je vois cette suppression comme un pas de côté, que notre groupe regrette. Toutefois, je reconnais que la commission n’a pas disposé du temps nécessaire pour faire aboutir ses travaux. À cet égard, je veux saluer le travail de Mme la rapporteure, d’autant que c’est son premier rapport !

Avec modestie, je vous proposerai de rétablir les articles 1er et 2. J’ai en outre cherché à réécrire l’article 4, en introduisant des garde-fous supplémentaires. Le Gouvernement a également déposé un amendement de rétablissement de cet article, dans lequel les contours de l’infraction semblent mieux dessinés.

Certes, ce texte comporte des imperfections. Toutefois, la navette parlementaire pourrait porter ses fruits ; c’est en tout cas ce que nous espérons vivement.

Pour le reste, les apports de la commission nous satisfont. Je pense en particulier à l’article 2 bis, issu d’un amendement que j’avais défendu en commission, aux côtés de Mme la rapporteure, et qui devrait permettre l’allongement du délai de prescription lorsque l’abus de faiblesse est commis sur une victime mineure.

Je pense également à l’inscription dans la loi du statut de la Miviludes, conformément à une recommandation du rapport Mézard. Il est impératif que cette instance soit protégée et renforcée statutairement. Jacqueline Eustache-Brinio et moi-même avions d’ailleurs été alertées sur ce sujet en 2020, dans le cadre de la commission d’enquête sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, que je présidais. Nous avions donc fait de cette mesure notre première proposition.

Ces ajouts à notre droit sont les bienvenus. Par conséquent, même si aucune des dispositions supprimées n’était rétablie, nous voterions malgré tout le texte, mais non sans regret, au regard des enjeux.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier BITZ

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, j’essaierai d’être le plus bref possible, car je sens qu’un autre débat est attendu ici !

Néanmoins, les dérives sectaires sont un sujet important. Elles font, chaque année, plusieurs dizaines de milliers de victimes en France. Deux décennies après l’adoption de la loi About-Picard, force est de constater que notre dispositif législatif ne correspond plus aux enjeux actuels, notamment en raison de l’évolution de la menace, qu’il s’agisse des nouvelles technologies ou de la médecine.

Nous avons donc besoin d’adapter notre droit. Telle est la vocation du texte présenté par le Gouvernement.

Je ne peux que regretter la suppression, par la commission, des articles 1er et 4, qui permettaient de mieux cerner, en matière pénale, les agissements auxquels nous souhaitons mettre fin. Il s’agissait de mieux prendre en compte la spécificité de l’emprise sectaire et d’agir en amont de l’abus de faiblesse. Cela aurait permis de répondre aux demandes non seulement des policiers spécialisés dans ce domaine et des magistrats, mais aussi des associations.

Nous aurons sans nul doute l’occasion de revenir sur ces points lors de l’examen des amendements déposés sur le texte.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier BITZ

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, j’essaierai d’être le plus bref possible, car je sens qu’un autre débat est attendu ici !

Néanmoins, les dérives sectaires sont un sujet important. Elles font, chaque année, plusieurs dizaines de milliers de victimes en France. Deux décennies après l’adoption de la loi About-Picard, force est de constater que notre dispositif législatif ne correspond plus aux enjeux actuels, notamment en raison de l’évolution de la menace, qu’il s’agisse des nouvelles technologies ou de la médecine.

Nous avons donc besoin d’adapter notre droit. Telle est la vocation du texte présenté par le Gouvernement.

Je ne peux que regretter la suppression, par la commission, des articles 1er et 4, qui permettaient de mieux cerner, en matière pénale, les agissements auxquels nous souhaitons mettre fin. Il s’agissait de mieux prendre en compte la spécificité de l’emprise sectaire et d’agir en amont de l’abus de faiblesse. Cela aurait permis de répondre aux demandes non seulement des policiers spécialisés dans ce domaine et des magistrats, mais aussi des associations.

Nous aurons sans nul doute l’occasion de revenir sur ces points lors de l’examen des amendements déposés sur le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

La suite de la discussion est renvoyée après l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.

La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

La suite de la discussion est renvoyée après l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.

Photo de Mathieu Darnaud

L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (texte de la commission n° 224, rapport n° 223).

La parole est à Mme le rapporteur.

Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC – Huées sur des travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (texte de la commission n° 224, rapport n° 223).

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est tenue, hier et aujourd’hui, sur le projet de loi relatif à l’immigration.

Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC . – Huées sur des travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est tenue, hier et aujourd’hui, sur le projet de loi relatif à l’immigration.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Vous n’ignorez pas, mes chers collègues, la particularité de cette commission mixte paritaire : alors que nous travaillons normalement à partir de deux textes, celui du Sénat et celui de l’Assemblée nationale, nous n’avons eu, en l’occurrence, qu’un seul document de travail, à savoir le texte qui émanait du Sénat, l’Assemblée nationale ayant rejeté le projet de loi.

Ces circonstances particulières impliquaient selon moi que le texte du Sénat, qui seul avait reçu l’onction démocratique, si je puis dire, constitue la base de notre travail. Cette onction avait d’ailleurs été assez large, puisque le texte avait reçu 210 suffrages au sein de notre assemblée.

Vous n’aurez donc pas un grand effort à faire pour comprendre à quel texte a abouti cette commission mixte paritaire, si ce n’est un effort de mémoire. En effet, il s’agit, dans sa quasi-intégralité, du texte que nous avions approuvé au Sénat en première lecture.

Nous avons maintenu l’architecture de notre texte, qui comprenait un titre totalement nouveau sur la maîtrise des voies d’accès au séjour, un deuxième volet sur l’intégration et un autre sur l’éloignement, ainsi que deux séries de dispositions plus techniques, l’une sur l’accueil des demandeurs d’asile et l’autre sur les procédures judiciaires.

C’était surtout le premier point qui nous intéressait, à savoir le titre Ier A relatif à l’entrée des étrangers sur notre territoire. Nous avons globalement conservé ce que j’estime être un apport du Sénat. Je pense tout d’abord au débat qui aura lieu au Parlement et permettra de fixer des quotas. Ce titre vise ensuite à raffermir les procédures d’obtention de divers titres de séjour, qu’il s’agisse du regroupement familial ou des titres destinés aux étrangers malades ou aux étudiants, qui feront l’objet d’un meilleur contrôle.

Nous avons aussi obtenu, me semble-t-il, une amélioration concernant l’aide médicale de l’État (AME). En la matière, Mme la Première ministre, dans un courrier envoyé au président du Sénat, a déclaré que ce débat reprendrait dans les mois qui viennent, à la lumière du rapport de MM. Évin et Stefanini – ce rapport n’est pas inintéressant, il faut le dire –, afin que nous puissions assurer un meilleur contrôle de cette aide.

Nous avons donc maintenu dans le texte le titre relatif à une meilleure maîtrise de l’entrée des étrangers sur notre territoire. Cela faisait quatre ans que, avec Philippe Bonnecarrère, en tant que rapporteurs pour avis de la commission des lois pour les budgets relatifs à l’immigration, nous soulignions l’importance de ce volet.

Le deuxième volet du texte, également important, a trait à l’intégration. Il est désormais acquis, me semble-t-il, qu’une meilleure connaissance de la langue française sera demandée à ceux qui souhaitent vivre durablement en France, par le biais d’une carte de séjour pluriannuelle, mais aussi au titre du regroupement familial.

Il leur sera aussi demandé de réussir un examen civique – de la sorte, ceux qui veulent vivre chez nous pourront mieux comprendre quel est notre pays, donc mieux s’y intégrer et mieux s’y adapter –, ainsi que de s’engager par contrat à respecter les principes de la République.

Il me semble en effet nécessaire que les étrangers qui viennent vivre dans notre pays respectent la France, en parlent la langue, en connaissent l’histoire et en partagent l’esprit civique.

Le sujet de l’intégration par le travail avait été abordé ; nous en avons longuement discuté en examinant les articles 3 et 4 bis. Je n’y reviens que pour vous dire que l’article 4 bis a été maintenu : il n’y aura pas de prime à la fraude et la régularisation se fera dans le cadre d’une admission exceptionnelle au séjour. Autrement dit, l’État conserve la maîtrise de la politique migratoire.

Quant au volet relatif à l’éloignement, il a été totalement maintenu : l’éloignement de ceux qui causent des troubles à l’ordre public sur le territoire français est facilité ; sur ce point, me semble-t-il, nous serons tous d’accord.

Enfin avait été ajouté par le Sénat un titre entier sur les outre-mer, pour lesquels notre assemblée a un intérêt tout particulier : la commission mixte paritaire l’a maintenu.

Voilà résumé sommairement, mes chers collègues, ce que nous avons fait – le temps me manque pour vous en dire plus. Je me contenterai, pour conclure, de noter que, par ce texte, nous nous attaquons à un problème essentiel pour nos compatriotes. Nous le faisons d’une façon qui me paraît extrêmement raisonnable et qui sera – je l’espère – efficace.

C’est pourquoi, dans la mesure où il s’agit peu ou prou du texte que nous avions adopté en première lecture, je demande à tous ceux qui l’avaient voté – nous étions deux cent dix – d’adopter les conclusions de cette commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Vous n’ignorez pas, mes chers collègues, la particularité de cette commission mixte paritaire : alors que nous travaillons normalement à partir de deux textes, celui du Sénat et celui de l’Assemblée nationale, nous n’avons eu, en l’occurrence, qu’un seul document de travail, à savoir le texte qui émanait du Sénat, l’Assemblée nationale ayant rejeté le projet de loi.

Ces circonstances particulières impliquaient selon moi que le texte du Sénat, qui seul avait reçu l’onction démocratique, si je puis dire, constitue la base de notre travail. Cette onction avait d’ailleurs été assez large, puisque le texte avait reçu 210 suffrages au sein de notre assemblée.

Vous n’aurez donc pas un grand effort à faire pour comprendre à quel texte a abouti cette commission mixte paritaire, si ce n’est un effort de mémoire. En effet, il s’agit, dans sa quasi-intégralité, du texte que nous avions approuvé au Sénat en première lecture.

Nous avons maintenu l’architecture de notre texte, qui comprenait un titre totalement nouveau sur la maîtrise des voies d’accès au séjour, un deuxième volet sur l’intégration et un autre sur l’éloignement, ainsi que deux séries de dispositions plus techniques, l’une sur l’accueil des demandeurs d’asile et l’autre sur les procédures judiciaires.

C’était surtout le premier point qui nous intéressait, à savoir le titre Ier A relatif à l’entrée des étrangers sur notre territoire. Nous avons globalement conservé ce que j’estime être un apport du Sénat. Je pense tout d’abord au débat qui aura lieu au Parlement et permettra de fixer des quotas. Ce titre vise ensuite à raffermir les procédures d’obtention de divers titres de séjour, qu’il s’agisse du regroupement familial ou des titres destinés aux étrangers malades ou aux étudiants, qui feront l’objet d’un meilleur contrôle.

Nous avons aussi obtenu, me semble-t-il, une amélioration concernant l’aide médicale de l’État (AME). En la matière, Mme la Première ministre, dans un courrier envoyé au président du Sénat, a déclaré que ce débat reprendrait dans les mois qui viennent, à la lumière du rapport de MM. Évin et Stefanini – ce rapport n’est pas inintéressant, il faut le dire –, afin que nous puissions assurer un meilleur contrôle de cette aide.

Nous avons donc maintenu dans le texte le titre relatif à une meilleure maîtrise de l’entrée des étrangers sur notre territoire. Cela faisait quatre ans que, avec Philippe Bonnecarrère, en tant que rapporteurs pour avis de la commission des lois pour les budgets relatifs à l’immigration, nous soulignions l’importance de ce volet.

Le deuxième volet du texte, également important, a trait à l’intégration. Il est désormais acquis, me semble-t-il, qu’une meilleure connaissance de la langue française sera demandée à ceux qui souhaitent vivre durablement en France, par le biais d’une carte de séjour pluriannuelle, mais aussi au titre du regroupement familial.

Il leur sera aussi demandé de réussir un examen civique – de la sorte, ceux qui veulent vivre chez nous pourront mieux comprendre quel est notre pays, donc mieux s’y intégrer et mieux s’y adapter –, ainsi que de s’engager par contrat à respecter les principes de la République.

Il me semble en effet nécessaire que les étrangers qui viennent vivre dans notre pays respectent la France, en parlent la langue, en connaissent l’histoire et en partagent l’esprit civique.

Le sujet de l’intégration par le travail avait été abordé ; nous en avons longuement discuté en examinant les articles 3 et 4 bis. Je n’y reviens que pour vous dire que l’article 4 bis a été maintenu : il n’y aura pas de prime à la fraude et la régularisation se fera dans le cadre d’une admission exceptionnelle au séjour. Autrement dit, l’État conserve la maîtrise de la politique migratoire.

Quant au volet relatif à l’éloignement, il a été totalement maintenu : l’éloignement de ceux qui causent des troubles à l’ordre public sur le territoire français est facilité ; sur ce point, me semble-t-il, nous serons tous d’accord.

Enfin avait été ajouté par le Sénat un titre entier sur les outre-mer, pour lesquels notre assemblée a un intérêt tout particulier : la commission mixte paritaire l’a maintenu.

Voilà résumé sommairement, mes chers collègues, ce que nous avons fait – le temps me manque pour vous en dire plus. Je me contenterai, pour conclure, de noter que, par ce texte, nous nous attaquons à un problème essentiel pour nos compatriotes. Nous le faisons d’une façon qui me paraît extrêmement raisonnable et qui sera – je l’espère – efficace.

C’est pourquoi, dans la mesure où il s’agit peu ou prou du texte que nous avions adopté en première lecture, je demande à tous ceux qui l’avaient voté – nous étions deux cent dix – d’adopter les conclusions de cette commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État – chère Sabrina Agresti-Roubache –, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, en tant que ministre de l’intérieur et des outre-mer, je me réjouis qu’après plus d’un an de discussions parlementaires, qui ont mis ce texte important en pleine lumière, nous arrivions au but.

J’espère désormais que le Sénat et l’Assemblée nationale voteront ce projet de loi, afin que nous puissions protéger les Français, mieux intégrer les étrangers

Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.

Exclamations sur les travées du groupe SER.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État – chère Sabrina Agresti-Roubache –, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, en tant que ministre de l’intérieur et des outre-mer, je me réjouis qu’après plus d’un an de discussions parlementaires, qui ont mis ce texte important en pleine lumière, nous arrivions au but.

J’espère désormais que le Sénat et l’Assemblée nationale voteront ce projet de loi, afin que nous puissions protéger les Français, mieux intégrer les étrangers

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

, simplifier la vie administrative de nos concitoyens, mais aussi, il faut le dire, améliorer des dispositions qui ne figuraient pas dans le texte initial du Gouvernement.

Exclamations sur les travées du groupe SER.

Murmures ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

, simplifier la vie administrative de nos concitoyens, mais aussi, il faut le dire, améliorer des dispositions qui ne figuraient pas dans le texte initial du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Le texte du Sénat ne remplace pas le texte du Gouvernement : il le complète.

Murmures ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.

Oh ! sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Le texte du Sénat ne remplace pas le texte du Gouvernement : il le complète.

Debut de section - PermalienPhoto de Mickaël Vallet

Même à Sciences Po, je n’aurais pas osé !

Oh ! sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Sur vingt-sept articles inscrits dans le projet de loi initial, un seul a été retiré : l’article 4, qui visait à autoriser les demandeurs d’asile à travailler dès l’introduction de leur demande au lieu du délai de six mois actuellement applicable. Tous les autres ont été maintenus, la plupart dans leur intégralité ; certains ont été assortis de modifications mineures, d’autres de modifications plus substantielles, mais l’esprit du texte initial a toujours été conservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Mickaël Vallet

Même à Sciences Po, je n’aurais pas osé !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Sur vingt-sept articles inscrits dans le projet de loi initial, un seul a été retiré : l’article 4, qui visait à autoriser les demandeurs d’asile à travailler dès l’introduction de leur demande au lieu du délai de six mois actuellement applicable. Tous les autres ont été maintenus, la plupart dans leur intégralité ; certains ont été assortis de modifications mineures, d’autres de modifications plus substantielles, mais l’esprit du texte initial a toujours été conservé.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement et, me semble-t-il, la majorité de l’Assemblée nationale avec lui – je voudrais saluer également, dans votre assemblée, les groupes présidés par François Patriat et Claude Malhuret, qui nous ont soutenus dans cette action – tenaient à l’équilibre de son texte.

Ah ! sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement et, me semble-t-il, la majorité de l’Assemblée nationale avec lui – je voudrais saluer également, dans votre assemblée, les groupes présidés par François Patriat et Claude Malhuret, qui nous ont soutenus dans cette action – tenaient à l’équilibre de son texte.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Premier point d’équilibre : tout ce qui a trait à l’intégration des personnes étrangères.

Le texte contient à cet égard beaucoup de dispositions sur la langue – l’obtention d’un titre pluriannuel est notamment subordonnée à la réussite à un examen de français – ou sur le travail.

Ensuite, si le Sénat vote ce texte, ce qui laisse peu de doutes, et si l’Assemblée nationale le vote également, …

Ah ! sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Premier point d’équilibre : tout ce qui a trait à l’intégration des personnes étrangères.

Le texte contient à cet égard beaucoup de dispositions sur la langue – l’obtention d’un titre pluriannuel est notamment subordonnée à la réussite à un examen de français – ou sur le travail.

Ensuite, si le Sénat vote ce texte, ce qui laisse peu de doutes, et si l’Assemblée nationale le vote également, …

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… alors, pour la première fois de l’histoire de la République sera inscrite dans le droit une mesure législative de régularisation, qui, comme l’a souhaité le Gouvernement, coupe le lien entre employeur et employé.

Cette mesure touchera des milliers de personnes – d’après nos chiffres, entre 7 000 et 10 000 – qui, exerçant des métiers en tension, méritent de sortir de la situation d’hypocrisie dans laquelle nous les plongeons collectivement, au fil des gouvernements successifs, depuis tant d’années. Ainsi connaîtront-ils enfin le monde tel qu’il est classiquement : quand on paie des cotisations, quand on paie des impôts, il est normal de se voir reconnaître un titre de séjour sur le sol de la République.

Je m’étonne que la gauche, sans doute pleine de regrets de ne pas l’avoir fait elle-même, ne le voie pas.

Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… alors, pour la première fois de l’histoire de la République sera inscrite dans le droit une mesure législative de régularisation, qui, comme l’a souhaité le Gouvernement, coupe le lien entre employeur et employé.

Cette mesure touchera des milliers de personnes – d’après nos chiffres, entre 7 000 et 10 000 – qui, exerçant des métiers en tension, méritent de sortir de la situation d’hypocrisie dans laquelle nous les plongeons collectivement, au fil des gouvernements successifs, depuis tant d’années. Ainsi connaîtront-ils enfin le monde tel qu’il est classiquement : quand on paie des cotisations, quand on paie des impôts, il est normal de se voir reconnaître un titre de séjour sur le sol de la République.

Je m’étonne que la gauche, sans doute pleine de regrets de ne pas l’avoir fait elle-même, ne le voie pas.

Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

J’en viens à un deuxième point d’équilibre du texte du Gouvernement, à savoir le lien très fort que nous avons tâché de nouer entre deux exigences : il nous fallait être davantage à l’écoute des nécessités de l’intégration, d’une part, et nous montrer plus durs contre la délinquance étrangère et les criminels étrangers, d’autre part.

De ce point de vue, le travail parlementaire mené au Sénat et en commission mixte paritaire a permis d’améliorer les dispositifs proposés par le Gouvernement, dont l’objet est de revenir, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, sur des protections auxquelles on se référait jadis sous l’appellation de « fin de la double peine ». Ainsi entérinerons-nous des dispositions qui nous permettront, enfin, d’expulser les délinquants étrangers du sol national ou de leur retirer leur titre de séjour au motif qu’ils adhèrent à une idéologie radicale ou qu’ils rejettent les principes de la République.

En même temps, si j’ose dire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Arrêtez avec ça : on est dans tout à fait autre chose désormais.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

J’en viens à un deuxième point d’équilibre du texte du Gouvernement, à savoir le lien très fort que nous avons tâché de nouer entre deux exigences : il nous fallait être davantage à l’écoute des nécessités de l’intégration, d’une part, et nous montrer plus durs contre la délinquance étrangère et les criminels étrangers, d’autre part.

De ce point de vue, le travail parlementaire mené au Sénat et en commission mixte paritaire a permis d’améliorer les dispositifs proposés par le Gouvernement, dont l’objet est de revenir, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, sur des protections auxquelles on se référait jadis sous l’appellation de « fin de la double peine ». Ainsi entérinerons-nous des dispositions qui nous permettront, enfin, d’expulser les délinquants étrangers du sol national ou de leur retirer leur titre de séjour au motif qu’ils adhèrent à une idéologie radicale ou qu’ils rejettent les principes de la République.

En même temps, si j’ose dire, …

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… que nous menons le nécessaire combat contre les délinquants étrangers, pour la première fois dans la loi de la République, et après cinquante ans de demandes d’à peu près tout le monde associatif et de tous les partis politiques de gauche – qui ne le font jamais lorsqu’ils sont aux responsabilités ! –, nous allons interdire le placement des enfants, des mineurs, dans les centres de rétention administrative, dans tous les lieux de rétention administrative.

Cette mesure, nous la devrons au Gouvernement, au Président de la République…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Arrêtez avec ça : on est dans tout à fait autre chose désormais.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… que nous menons le nécessaire combat contre les délinquants étrangers, pour la première fois dans la loi de la République, et après cinquante ans de demandes d’à peu près tout le monde associatif et de tous les partis politiques de gauche – qui ne le font jamais lorsqu’ils sont aux responsabilités ! –, nous allons interdire le placement des enfants, des mineurs, dans les centres de rétention administrative, dans tous les lieux de rétention administrative.

Cette mesure, nous la devrons au Gouvernement, au Président de la République…

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… et à ceux qui voteront ce texte dans quelques instants. Il y a là une grande avancée qui devrait, me semble-t-il, attirer l’attention de quelques-uns d’entre vous…

Le troisième sujet est très important – c’est sans doute le plus important – et je regrette, monsieur le président de la commission des lois, qu’il n’ait pas fait florès dans les débats, médiatiques comme parlementaires : c’est la simplification de nos procédures administratives, directement inspirée de votre rapport, qui lui-même fait écho au rapport remis par M. Stahl au nom du Conseil d’État.

En simplifiant le contentieux des étrangers – on passe de douze à trois procédures –, nous armons profondément notre justice administrative. Ces dispositions font l’objet de deux titres très importants et de dizaines d’articles. Le droit s’en trouve complètement changé ; voilà qui, pour l’instant, n’a pas fait la une des journaux. J’espère que demain cela va changer, mais il est probable que je forme là un vœu pieux…

Quatrième et dernier sujet : le Gouvernement a pris acte du travail accompli par le Sénat. Je veux à cet égard remercier l’ensemble des sénateurs, car nous avons retenu des amendements émanant de tous les groupes, à commencer, bien sûr, de ceux de la majorité sénatoriale et de la majorité présidentielle. Nous n’étions pas d’accord sur tout, mais je crois pouvoir dire que le Gouvernement s’est montré à l’écoute des souhaits de la Haute Assemblée. Des groupes de la majorité présidentielle vous ont du reste soutenus, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, puisque MM. Patriat et Malhuret ont voté pour l’adoption du texte au Sénat.

La version du Sénat était plus dure que celle qui vous est soumise aujourd’hui : en commission mixte paritaire, nous avons modifié quinze articles.

Nous avons retiré du projet de loi la suppression de l’AME et – pour le dire vite – la fin de l’hébergement d’urgence.

Nous y avons réintroduit des mesures relatives aux travailleurs des métiers en tension et l’interdiction du placement des mineurs de 18 ans en centre de rétention administrative.

Pour ce qui est de la caution demandée aux étudiants étrangers, nous avons prévu une exception pour ceux dont le parcours particulièrement méritant le justifie.

Nous avons enfin largement raboté une mesure qui conditionnait le versement de certaines prestations sociales à cinq ans de résidence en France en ramenant ce délai à trois mois – au lieu de zéro actuellement – pour les étrangers qui travaillent.

Je fais malgré tout observer que les sénateurs du Rassemblement national ont voté contre ce texte, …

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… et à ceux qui voteront ce texte dans quelques instants. Il y a là une grande avancée qui devrait, me semble-t-il, attirer l’attention de quelques-uns d’entre vous…

Le troisième sujet est très important – c’est sans doute le plus important – et je regrette, monsieur le président de la commission des lois, qu’il n’ait pas fait florès dans les débats, médiatiques comme parlementaires : c’est la simplification de nos procédures administratives, directement inspirée de votre rapport, qui lui-même fait écho au rapport remis par M. Stahl au nom du Conseil d’État.

En simplifiant le contentieux des étrangers – on passe de douze à trois procédures –, nous armons profondément notre justice administrative. Ces dispositions font l’objet de deux titres très importants et de dizaines d’articles. Le droit s’en trouve complètement changé ; voilà qui, pour l’instant, n’a pas fait la une des journaux. J’espère que demain cela va changer, mais il est probable que je forme là un vœu pieux…

Quatrième et dernier sujet : le Gouvernement a pris acte du travail accompli par le Sénat. Je veux à cet égard remercier l’ensemble des sénateurs, car nous avons retenu des amendements émanant de tous les groupes, à commencer, bien sûr, de ceux de la majorité sénatoriale et de la majorité présidentielle. Nous n’étions pas d’accord sur tout, mais je crois pouvoir dire que le Gouvernement s’est montré à l’écoute des souhaits de la Haute Assemblée. Des groupes de la majorité présidentielle vous ont du reste soutenus, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, puisque MM. Patriat et Malhuret ont voté pour l’adoption du texte au Sénat.

La version du Sénat était plus dure que celle qui vous est soumise aujourd’hui : en commission mixte paritaire, nous avons modifié quinze articles.

Nous avons retiré du projet de loi la suppression de l’AME et – pour le dire vite – la fin de l’hébergement d’urgence.

Nous y avons réintroduit des mesures relatives aux travailleurs des métiers en tension et l’interdiction du placement des mineurs de 18 ans en centre de rétention administrative.

Pour ce qui est de la caution demandée aux étudiants étrangers, nous avons prévu une exception pour ceux dont le parcours particulièrement méritant le justifie.

Nous avons enfin largement raboté une mesure qui conditionnait le versement de certaines prestations sociales à cinq ans de résidence en France en ramenant ce délai à trois mois – au lieu de zéro actuellement – pour les étrangers qui travaillent.

Je fais malgré tout observer que les sénateurs du Rassemblement national ont voté contre ce texte, …

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… qui leur a pourtant été soumis dans sa version dure.

Voilà donc un drôle de moment parlementaire, où un texte dur, plus dur que ce que propose le Gouvernement, plus dur aussi que la version présentée aujourd’hui – chacun doit faire un pas vers l’autre, c’est là le principe même d’un accord parlementaire –, est rejeté par les deux sénateurs du Rassemblement national…

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… qui leur a pourtant été soumis dans sa version dure.

Voilà donc un drôle de moment parlementaire, où un texte dur, plus dur que ce que propose le Gouvernement, plus dur aussi que la version présentée aujourd’hui – chacun doit faire un pas vers l’autre, c’est là le principe même d’un accord parlementaire –, est rejeté par les deux sénateurs du Rassemblement national…

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Drôle de moment, disais-je : quand le texte est le plus dur, les sénateurs du Rassemblement national décident de ne pas le voter, considérant qu’il contient des mesures de régularisation, qu’il ne répond à rien, qu’il ne sert à rien, attaquant le groupe Les Républicains, les centristes, la majorité sénatoriale ; mais quand Mme Le Pen voit le jour se lever, comme le coq Chantecler, elle se dit qu’un petit coup politique ne serait pas de refus !

Cette manœuvre ne dupe personne §grâce à l’action du Sénat et du Gouvernement, nous aurons bien un texte pour protéger les Français !

Il est vrai que, comme le disait le général de Gaulle…

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Ah ! sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Drôle de moment, disais-je : quand le texte est le plus dur, les sénateurs du Rassemblement national décident de ne pas le voter, considérant qu’il contient des mesures de régularisation, qu’il ne répond à rien, qu’il ne sert à rien, attaquant le groupe Les Républicains, les centristes, la majorité sénatoriale ; mais quand Mme Le Pen voit le jour se lever, comme le coq Chantecler, elle se dit qu’un petit coup politique ne serait pas de refus !

Cette manœuvre ne dupe personne §grâce à l’action du Sénat et du Gouvernement, nous aurons bien un texte pour protéger les Français !

Il est vrai que, comme le disait le général de Gaulle…

Ah ! sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Comme le disait donc le général de Gaulle, sur l’essentiel, nous pouvons nous retrouver.

Et je veux dire aux sénateurs de la Nupes…

Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Comme le disait donc le général de Gaulle, sur l’essentiel, nous pouvons nous retrouver.

Et je veux dire aux sénateurs de la Nupes…

Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. … Ce n’est pas non plus une insulte !

Protestations redoublées sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. … Ce n’est pas non plus une insulte !

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Mes chers collègues, chaque groupe aura l’occasion d’intervenir : laissez M. le ministre s’exprimer !

Protestations redoublées sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

se sont déshonorés en demandant le vote du Rassemblement national sur la motion de rejet déposée à l’Assemblée nationale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Mes chers collègues, chaque groupe aura l’occasion d’intervenir : laissez M. le ministre s’exprimer !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

se sont déshonorés en demandant le vote du Rassemblement national sur la motion de rejet déposée à l’Assemblée nationale, …

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… empêchant évidemment le débat parlementaire classique.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… empêchant évidemment le débat parlementaire classique.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République a présenté, avec la Première ministre et le Gouvernement, un texte courageux et – chacun le constate – difficile.

Il a dit, dès le début, qu’il n’aurait pas recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, afin de permettre au débat d’avoir lieu, et il a tenu parole.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République a présenté, avec la Première ministre et le Gouvernement, un texte courageux et – chacun le constate – difficile.

Il a dit, dès le début, qu’il n’aurait pas recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, afin de permettre au débat d’avoir lieu, et il a tenu parole.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Il a dit, dès le début, qu’il chercherait dans la mesure du possible – en tenant compte de conditions dont il était évidemment difficile d’imaginer tout à fait l’évolution – à obtenir un accord avec tous ceux qui souhaitent travailler pour le bien et la protection des Français.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Il a dit, dès le début, qu’il chercherait dans la mesure du possible – en tenant compte de conditions dont il était évidemment difficile d’imaginer tout à fait l’évolution – à obtenir un accord avec tous ceux qui souhaitent travailler pour le bien et la protection des Français.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Vous pouvez parler du Rassemblement national : le RN, ici, a voté contre !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Vous pouvez parler du Rassemblement national : le RN, ici, a voté contre !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Aucune disposition n’a été négociée avec les parlementaires du RN !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Aucune disposition n’a été négociée avec les parlementaires du RN !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. Ils sont contre les quotas ;…

Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. Ils sont contre les quotas ;…

Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. … ils sont contre les régularisations ; ils sont contre l’interdiction du placement des mineurs en centre de rétention administrative ; ils sont contre les passeports talent ; ils sont contre les mesures sur l’hébergement

Exclamations redoublées sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. … ils sont contre les régularisations ; ils sont contre l’interdiction du placement des mineurs en centre de rétention administrative ; ils sont contre les passeports talent ; ils sont contre les mesures sur l’hébergement

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Mesdames, messieurs les sénateurs de la Nupes

Exclamations redoublées sur les mêmes travées.

Vives protestations sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Mesdames, messieurs les sénateurs de la Nupes

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Je ne serai pas le ministre de l’intérieur qui, pour vous faire plaisir, fera la politique du pire et désarmera les policiers, les gendarmes et les magistrats !

Vives protestations sur les travées des groupes SER et GEST.

« N ’ importe quoi ! » sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Je ne serai pas le ministre de l’intérieur qui, pour vous faire plaisir, fera la politique du pire et désarmera les policiers, les gendarmes et les magistrats !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Dans ce contexte, le Gouvernement, qui n’a pas utilisé le 49.3…

N ’ importe quoi ! sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Dans ce contexte, le Gouvernement, qui n’a pas utilisé le 49.3…

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… et a laissé le débat poursuivre son cours jusqu’à son terme – il a convoqué la commission mixte paritaire, sur la base du texte du Sénat, puisque l’Assemblée nationale a refusé d’en discuter, malgré le travail considérable accompli en commission des lois –, a tout fait, avec les groupes Union Centriste et Les Républicains du Sénat, ainsi qu’avec les groupes de MM. Patriat et Malhuret, pour trouver le meilleur accord possible.

Bien sûr, des questions continuent de se poser. Ce n’est pas faire injure au Sénat que de le rappeler ici, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs – nous en avons parlé librement dans cet hémicycle, le compte rendu des débats en fait foi : chacun sait qu’il y a dans ce texte des mesures qui sont manifestement et clairement contraires à la Constitution.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… et a laissé le débat poursuivre son cours jusqu’à son terme – il a convoqué la commission mixte paritaire, sur la base du texte du Sénat, puisque l’Assemblée nationale a refusé d’en discuter, malgré le travail considérable accompli en commission des lois –, a tout fait, avec les groupes Union Centriste et Les Républicains du Sénat, ainsi qu’avec les groupes de MM. Patriat et Malhuret, pour trouver le meilleur accord possible.

Bien sûr, des questions continuent de se poser. Ce n’est pas faire injure au Sénat que de le rappeler ici, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs – nous en avons parlé librement dans cet hémicycle, le compte rendu des débats en fait foi : chacun sait qu’il y a dans ce texte des mesures qui sont manifestement et clairement contraires à la Constitution.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Le Conseil constitutionnel fera son office, mais la politique, ce n’est pas être juriste avant les juristes : la politique, c’est élaborer des normes et apprécier si, d’après nous, elles sont conformes à nos règles fondamentales.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Le Conseil constitutionnel fera son office, mais la politique, ce n’est pas être juriste avant les juristes : la politique, c’est élaborer des normes et apprécier si, d’après nous, elles sont conformes à nos règles fondamentales.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Oui, des questions se posent sur un certain nombre de dispositions, qui pourraient être soit inconventionnelles soit peu constitutionnelles ; mais laissons le Conseil constitutionnel en faire son affaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

C’est de la monnaie de singe, tout ça, un marché de dupes !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Oui, des questions se posent sur un certain nombre de dispositions, qui pourraient être soit inconventionnelles soit peu constitutionnelles ; mais laissons le Conseil constitutionnel en faire son affaire.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Je veux dire ici qu’en tant que ministre de l’intérieur et des outre-mer non seulement j’appliquerai la lettre de la loi qui sera promulguée par le Président de la République après déclaration de sa conformité à la Constitution par le Conseil constitutionnel, mais je respecterai également l’esprit dans lequel nous avons travaillé tous ensemble.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il est évident qu’être ministre de l’intérieur et présenter un texte alors que l’on ne dispose que d’une majorité relative, dans les conditions médiatiques et politiques que nous connaissons, n’est pas chose facile.

Je suis néanmoins certain que les Français, dans leur immense majorité, voient que nous avons pris nos responsabilités.

Issu de deux familles immigrées, élu moi-même dans un territoire que l’on peut juger être « de gauche » et dans une commune où M. Mélenchon et la Nupes récoltent 34 % des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle, je n’ai aucune leçon à recevoir…

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

C’est de la monnaie de singe, tout ça, un marché de dupes !

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Ser

Nous non plus !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Je veux dire ici qu’en tant que ministre de l’intérieur et des outre-mer non seulement j’appliquerai la lettre de la loi qui sera promulguée par le Président de la République après déclaration de sa conformité à la Constitution par le Conseil constitutionnel, mais je respecterai également l’esprit dans lequel nous avons travaillé tous ensemble.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il est évident qu’être ministre de l’intérieur et présenter un texte alors que l’on ne dispose que d’une majorité relative, dans les conditions médiatiques et politiques que nous connaissons, n’est pas chose facile.

Je suis néanmoins certain que les Français, dans leur immense majorité, voient que nous avons pris nos responsabilités.

Issu de deux familles immigrées, élu moi-même dans un territoire que l’on peut juger être « de gauche » et dans une commune où M. Mélenchon et la Nupes récoltent 34 % des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle, je n’ai aucune leçon à recevoir…

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… ni aucun brevet de morale. En la matière, les choses ne se font pas à Saint-Germain-des-Prés, …

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Ser

Nous non plus !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… ni aucun brevet de morale. En la matière, les choses ne se font pas à Saint-Germain-des-Prés, …

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. … mais dans les hémicycles de l’Assemblée nationale et du Sénat !

Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. … mais dans les hémicycles de l’Assemblée nationale et du Sénat !

Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue d’abord sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Photo de Mathieu Darnaud

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue d’abord sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration

Article 1er A

Article 1er BA

Article 1er BB

Article 1er B

Article 1er C

Article 1er D

Article 1er EA

Article 1er EB

Article 1er EC

Article 1er E

Article 1er F

Article 1er GA

Article 1er G

Article 1er HA

Article 1er H

Article 1er İ

Article 1er J

Article 1er K

Article 1er L

Article 1er M

Article 1er N

Supprimé

I. – Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa de l’article L. 300-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour bénéficier du droit mentionné au premier alinéa, l’étranger non ressortissant de l’Union européenne doit résider en France depuis au moins cinq ans au sens de l’article L. 111-2-3 du code de la sécurité sociale ou justifier d’une durée d’affiliation d’au moins trente mois au titre d’une activité professionnelle en France au sens de l’article L. 111-2-2 du même code. Cette condition n’est pas applicable aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, aux apatrides et aux étrangers titulaires de la carte de résident. » ;

II. – L’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après le mot : « suisse », la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « sous réserve qu’ils respectent les conditions suivantes : » ;

2° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« – être titulaire d’un titre exigé d’eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France ;

« – pour le bénéfice des prestations mentionnées à l’article L. 511-1, à l’exception de ses 5° et 8°, résider en France depuis au moins cinq ans au sens de l’article L. 111-2-3 ou justifier d’une durée d’affiliation d’au moins trente mois au titre d’une activité professionnelle en France au sens de l’article L. 111-2-2. Cette condition n’est pas applicable aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, aux apatrides et aux étrangers titulaires de la carte de résident. Cette condition ne s’applique pas pour le bénéfice des aides personnelles au logement mentionnées à l’article L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation si l’étranger dispose d’un visa étudiant ou s’il justifie d’une durée d’affiliation d’au moins trois mois au titre d’une activité professionnelle en France au sens de l’article L. 111-2-2. »

III. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° L’article L. 232-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour bénéficier de l’allocation mentionnée au premier alinéa, l’étranger non ressortissant de l’Union européenne doit résider en France depuis au moins cinq ans au sens de l’article L. 111-2-3 du code de la sécurité sociale ou justifier d’une durée d’affiliation d’au moins trente mois au titre d’une activité professionnelle en France au sens de l’article L. 111-2-2 du même code. Cette condition n’est pas applicable aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, aux apatrides et aux étrangers titulaires de la carte de résident. » ;

IV

TITRE Ier

ASSURER UNE MEILLEURE INTÉGRATION DES ÉTRANGERS PAR LE TRAVAIL ET LA LANGUE

Chapitre Ier

Mieux intégrer par la langue

Supprimé

Article 1er

Article 1er bis

Article 1er ter

Article 2

Article 2 bis A

Article 2 bis

Articles 2 ter A à 2 ter C

Article 2 ter

Articles 2 quater et 2 quinquies

Articles 3 et 4

Article 4 bis

Article 4 ter

Article 5

Article 6

Article 7

Supprimé

I. – La sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par un article L. 421-13-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 421 -13 -1. – L’étranger qui bénéficie d’une décision d’affectation, d’une attestation permettant un exercice temporaire ou d’une autorisation d’exercer mentionnées aux articles L. 4111-2 et L. 4221-12 du code de la santé publique, qui occupe un emploi au titre d’une des professions mentionnées aux articles L. 4111-1 et L. 4221-12-1 du même code, et qui justifie du respect d’un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d’État se voit délivrer une carte pluriannuelle portant la mention “talent-profession médicale et de la pharmacie” d’une durée maximale de quatre ans sous réserve de la signature de la charte des valeurs de la République et du principe de laïcité.

« La carte mentionnée au premier alinéa du présent article permet l’exercice de l’activité professionnelle ayant justifié sa délivrance. »

II. –

Article 7 bis

Article 7 ter

Article 8

Article 8 bis

Article 9

Supprimé

I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° A Le second alinéa de l’article L. 252-2 est ainsi rédigé :

« Par dérogation au sixième alinéa de l’article L. 631-2, la circonstance qu’il a déjà fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou des délits punis de trois ans ou plus d’emprisonnement n’a pas pour effet de le priver du bénéfice des dispositions du présent article. » ;

1° Le chapitre Ier du titre III du livre VI est ainsi modifié :

a) L’article L. 631-2 est ainsi modifié :

– l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1 l’étranger mentionné aux 1° à 4° du présent article lorsqu’il a déjà fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou des délits punis de trois ans ou plus d’emprisonnement. » ;

– sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1 l’étranger mentionné aux 1° à 4° du présent article lorsque les faits à l’origine de la décision d’expulsion ont été commis à l’encontre de son conjoint, d’un ascendant ou de ses enfants ou de tout enfant sur lequel il exerce l’autorité parentale.

« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1 l’étranger mentionné aux 1° à 4° du présent article lorsque les faits à l’origine de la décision d’expulsion ont été commis à l’encontre du titulaire d’un mandat électif public ou de toute personne mentionnée aux 4° et 4° bis de l’article 222-12 du code pénal ainsi qu’à l’article 222-14-5 du même code, dans l’exercice ou en raison de sa fonction.

« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1 l’étranger mentionné aux 1° à 4° du présent article qui est en situation irrégulière au regard du séjour, sauf si cette irrégularité résulte d’une décision de retrait de titre de séjour en application de l’article L. 432-4 ou d’un refus de renouvellement sur le fondement de l’article L. 412-5 ou du 1° de l’article L. 432-3. » ;

b) L’article L. 631-3 est ainsi modifié :

– au premier alinéa, après le mot : « État, », sont insérés les mots : « dont la violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République énoncés à l’article L. 412-7, » ;

– au sixième alinéa, après le mot : « bénéficier », le mot : « effectivement » est supprimé ;

– à l’avant-dernier alinéa, les mots : « 3° et 4° » sont remplacés par les mots : « 1° à 5° » et, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, d’un ascendant » ;

– le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1 l’étranger mentionné aux 1° à 5° du présent article lorsqu’il a déjà fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou délits punis de cinq ans ou plus d’emprisonnement ou de trois ans en réitération de crimes ou délits punis de la même peine.

« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1 l’étranger mentionné aux 1° à 5° du présent article lorsque les faits à l’origine de la décision d’expulsion ont été commis à l’encontre du titulaire d’un mandat électif public ou de toute personne mentionnée aux 4° et 4° bis de l’article 222-12 du code pénal ainsi qu’à l’article 222-14-5 du même code, dans l’exercice ou en raison de sa fonction.

« Par dérogation au présent article, peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application de l’article L. 631-1 l’étranger mentionné aux 1° à 5° du présent article qui est en situation irrégulière au regard du séjour, sauf si cette irrégularité résulte d’une décision de retrait de titre de séjour en application de l’article L. 432-4 ou d’un refus de renouvellement sur le fondement de l’article L. 412-5 ou du 1° de l’article L. 432-3. » ;

2° À l’article L. 641-1, la référence : «, 131-30-1 » est supprimée.

II. –

III. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° A L’article 131-30 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« La peine d’interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime, d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à trois ans ou d’un délit pour lequel la peine d’interdiction du territoire français est prévue par la loi. Sans préjudice de l’article 131-30-2, la juridiction tient compte de la durée de la présence de l’étranger sur le territoire français ainsi que de la nature, de l’ancienneté et de l’intensité de ses liens avec la France pour décider de prononcer l’interdiction du territoire français. » ;

b) À la seconde phrase du troisième alinéa, les mots : «, pour la durée fixée par la décision de condamnation, » sont supprimés ;

c) Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La peine d’interdiction du territoire français cesse ses effets à l’expiration de la durée fixée par la décision de condamnation. Cette durée court à compter de la date à laquelle le condamné a quitté le territoire français, constatée selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État. » ;

1° L’article 131-30-1 est abrogé ;

2° L’article 131-30-2 est ainsi modifié :

aa) L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :

– les mots : « au 3° et au 4° » sont remplacés par les mots : « aux 1° à 5° du présent article » ;

– après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, d’un ascendant » ;

a) Le dernier alinéa est complété par les mots : «, ni aux délits de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes prévus aux septième et huitième alinéas de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ni aux crimes, ni aux délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement, ni aux délits commis en réitération et punis d’au moins trois ans d’emprisonnement » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La décision est spécialement motivée au regard de la gravité de l’infraction et de la situation personnelle et familiale de l’étranger dans ces cas. » ;

bis Les articles 213-2, 215-2, 221-11, 221-16, 222-48, 222-64, 223-21, 224-11, 225-21, 311-15, 312-14, 321-11, 322-16, 324-8, 414-6, 431-8, 431-12, 431-19, 431-27, 433-21-2, 433-23-1, 434-46, 442-12, 443-7 et 462-4 sont abrogés ;

3° à 7°

Supprimé

Supprimés

III. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° A L’article 131-30 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« La peine d’interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime, d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à trois ans ou d’un délit pour lequel la peine d’interdiction du territoire français est prévue par la loi. Sans préjudice de l’article 131-30-2, la juridiction tient compte de la durée de la présence de l’étranger sur le territoire français ainsi que de la nature, de l’ancienneté et de l’intensité de ses liens avec la France pour décider de prononcer l’interdiction du territoire français. » ;

b) À la seconde phrase du troisième alinéa, les mots : «, pour la durée fixée par la décision de condamnation, » sont supprimés ;

c) Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La peine d’interdiction du territoire français cesse ses effets à l’expiration de la durée fixée par la décision de condamnation. Cette durée court à compter de la date à laquelle le condamné a quitté le territoire français, constatée selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État. » ;

1° L’article 131-30-1 est abrogé ;

2° L’article 131-30-2 est ainsi modifié :

aa) L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :

– les mots : « au 3° et au 4° » sont remplacés par les mots : « aux 1° à 5° du présent article » ;

– après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : «, d’un ascendant » ;

a) Le dernier alinéa est complété par les mots : «, ni aux délits de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes prévus aux septième et huitième alinéas de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ni aux crimes, ni aux délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement, ni aux délits commis en réitération et punis d’au moins trois ans d’emprisonnement » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La décision est spécialement motivée au regard de la gravité de l’infraction et de la situation personnelle et familiale de l’étranger dans ces cas. » ;

bis Les articles 213-2, 215-2, 221-11, 221-16, 222-48, 222-64, 223-21, 224-11, 225-21, 311-15, 312-14, 321-11, 322-16, 324-8, 414-6, 431-8, 431-12, 431-19, 431-27, 433-21-2, 433-23-1, 434-46, 442-12, 443-7 et 462-4 sont abrogés ;

3° à 7°

8° Le dernier alinéa de l’article 435-14 est supprimé ;

9° À la fin de l’article 441-11, les mots : « au présent chapitre » sont remplacés par les mots : « aux articles 441-3 et 441-6 » ;

10° À la fin de l’article 444-8, les mots : « au présent chapitre » sont remplacés par les mots : « à l’article 444-5 ».

IV. – À la première phrase du sixième alinéa du I de l’article 86 de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, les mots : « visés au dernier » sont remplacés par les mots : « mentionnés à l’avant-dernier ».

V. – À l’avant-dernier alinéa de l’article 41 du code de procédure pénale, les mots : « par les articles 131-30-1 ou 131-30-2 » sont remplacés par les mots : « à l’article 131-30-2 ».

Supprimés

Article 9 bis

Article 10

Supprimé

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

2° L’article L. 611-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 611 -3. – L’étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français. » ;

3° Le premier alinéa de l’article L. 613-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. »

Supprimé

Article 10 bis

Article 11

Article 11 ter

Article 12

Article 12 bis A

Article 12 bis B

Article 12 bis C

Article 12 bis

Article 12 ter

Article 13

Supprimé

Le livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Le titre Ier est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa de l’article L. 411-5 est supprimé ;

b) Le chapitre II est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Contrat dengagement au respect des principes de la République

« Art. L. 412 -7. – L’étranger qui sollicite un document de séjour s’engage, par la souscription d’un contrat d’engagement au respect des principes de la République, à respecter la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution, l’intégrité territoriale, définie par les frontières nationales, et à ne pas se prévaloir de ses croyances ou de ses convictions pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 412 -8. – Aucun document de séjour ne peut être délivré à un étranger qui refuse de souscrire le contrat d’engagement au respect des principes de la République ou dont le comportement manifeste qu’il n’en respecte pas les obligations.

« Le manquement au contrat d’engagement au respect des principes de la République résulte d’agissements délibérés de l’étranger portant une atteinte grave à un ou plusieurs principes de ce contrat et constitutifs d’un trouble à l’ordre public.

« La condition de gravité est présumée constituée, sauf décision de l’autorité administrative, en cas d’atteinte à l’exercice par autrui des droits et libertés mentionnés à l’article L. 412-7.

« Art. L. 412 -9. – Peut ne pas être renouvelé le document de séjour de l’étranger qui n’a pas respecté le contrat d’engagement au respect des principes de la République. Tout document de séjour détenu par un étranger dans une telle situation peut être retiré.

« Art. L. 412 -10. – Lorsque la décision de refus de renouvellement ou de retrait concerne une carte de séjour pluriannuelle ou une carte de résident, l’autorité administrative prend en compte la gravité ou la réitération des manquements au contrat d’engagement au respect des principes de la République ainsi que la durée du séjour effectuée sous le couvert d’un document de séjour en France. Cette décision ne peut être prise si l’étranger bénéficie des articles L. 424-1, L. 424-9, L. 424-13 ou L. 611-3.

« La décision de refus de renouvellement ou de retrait d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résident est prise après avis de la commission du titre de séjour prévue à l’article L. 432-14. » ;

c) À la fin du second alinéa de l’article L. 413-2, les mots : « et à respecter les valeurs et principes de la République » sont supprimés ;

d) Au premier alinéa de l’article L. 413-7, les mots : « de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes » sont supprimés ;

2° Le titre II est ainsi modifié :

a) Au début du dernier alinéa de l’article L. 424-6, sont ajoutés les mots : « Sous réserve de menace grave à l’ordre public ou que l’intéressé ne soit pas retourné volontairement dans le pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré de crainte d’être persécuté, » ;

b) Au début du dernier alinéa de l’article L. 424-15, sont ajoutés les mots : « Sous réserve de menace à l’ordre public ou que l’intéressé a perdu le bénéfice de la protection subsidiaire du fait d’un changement de circonstances lié à un retour volontaire dans le pays où existait le risque réel mentionné à l’article L. 512-1, » ;

3° Le titre III est ainsi modifié :

aa)

a) L’article L. 432-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À l’exception des cartes de séjour pluriannuelles prévues aux articles L. 421-9 à L. 421-24, L. 421-34, L. 422-6, L. 424-9, L. 424-11, L. 424-18 et L. 424-19, le renouvellement d’une carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusé si l’étranger ne peut prouver qu’il a établi en France sa résidence habituelle dans les conditions prévues à l’article L. 433-3-1. » ;

b) L’article L. 432-3 est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Le renouvellement de la carte de résident peut être refusé à tout étranger lorsque :

« 1° Sa présence constitue une menace grave pour l’ordre public ;

« 2°

Supprimé

Supprimé

a) L’article L. 432-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À l’exception des cartes de séjour pluriannuelles prévues aux articles L. 421-9 à L. 421-24, L. 421-34, L. 422-6, L. 424-9, L. 424-11, L. 424-18 et L. 424-19, le renouvellement d’une carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusé si l’étranger ne peut prouver qu’il a établi en France sa résidence habituelle dans les conditions prévues à l’article L. 433-3-1. » ;

b) L’article L. 432-3 est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Le renouvellement de la carte de résident peut être refusé à tout étranger lorsque :

« 1° Sa présence constitue une menace grave pour l’ordre public ;

« 2°

« 3° Il ne peut prouver qu’il a établi en France sa résidence habituelle dans les conditions prévues à l’article L. 433-3-1, sauf pour les détenteurs d’une carte de résident en application des articles L. 424-1 et L. 424-3.

« La condition prévue au 1° du présent article s’applique au renouvellement de la carte de résident portant la mention “résident de longue durée-UE”. » ;

c) L’article L. 432-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une carte de résident ou la carte de résident portant la mention “résident de longue durée-UE” peut, par décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace grave pour l’ordre public. » ;

d) L’article L. 432-12 est ainsi rédigé :

« Art. L. 432 -12. – L’article L. 611-1 n’est pas applicable lorsque l’étranger titulaire d’une carte de résident se voit :

« 1° Refuser le renouvellement de sa carte de résident en application du 1° de l’article L. 432-3 ;

« 2° Retirer sa carte de résident en application de l’article L. 432-4.

« Lorsque l’étranger qui fait l’objet d’une mesure mentionnée aux 1° ou 2° du présent article ne peut faire l’objet d’une décision d’expulsion en application des articles L. 631-2 ou L. 631-3, une autorisation provisoire de séjour lui est délivrée de droit. » ;

e) L’article L. 432-13 est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° Lorsqu’elle envisage de refuser le renouvellement ou de retirer une carte de séjour pluriannuelle ou une carte de résident dans le cas prévu à l’article L. 412-10. » ;

f) Après le premier alinéa de l’article L. 433-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À l’exception des cartes de séjour pluriannuelles prévues aux articles L. 421-9 à L. 421-24, L. 421-34, L. 422-6, L. 424-9, L. 424-11, L. 424-18 et L. 424-19, le renouvellement d’une carte de séjour pluriannuelle est soumis à la preuve par l’étranger de sa résidence habituelle en France dans les conditions prévues à l’article L. 433-3-1. » ;

g) L’article L. 433-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 433 -2. – Sous réserve de l’absence de menace grave pour l’ordre public, de l’établissement de la résidence habituelle de l’étranger en France et des articles L. 411-5 et L. 432-3, une carte de résident est renouvelable de plein droit. » ;

h) La section 1 du chapitre III est complétée par un article L. 433-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 433 -3 -1. – Est considéré comme résidant en France de manière habituelle l’étranger :

« 1° Qui y a transféré le centre de ses intérêts privés et familiaux ;

« 2° Et qui y séjourne pendant au moins six mois au cours de l’année civile, durant les trois dernières années précédant le dépôt de la demande ou, si la période du titre en cours de validité est inférieure à trois ans, pendant la durée totale de validité du titre. » ;

i) À la fin du 1° de l’article L. 433-4, les mots : « et n’a pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République » sont supprimés.

Supprimé

Article 13 bis

Article 14 A

Article 14 B

Article 14 C

Article 14 D

Article 14 E

Article 14 F

Article 14 G

Article 14

Article 15

Article 15 bis

Article 16

Article 16 bis A

Article 16 bis

Article 17

Supprimé

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° À la fin du premier alinéa de l’article L. 812-3, les mots : «, à l’exclusion des voitures particulières » sont supprimés ;

1° bis

« 1° bis Dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à vingt kilomètres en-deçà, dans les départements désignés par arrêté ministériel en raison de la pression migratoire particulière qui s’y exerce ;

« 1° ter Dans un rayon maximal de dix kilomètres autour des ports et aéroports constituant des points de passage frontaliers au sens de l’article 2 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), désignés par arrêté du ministre de l’intérieur en raison de l’importance de leur fréquentation et de leur vulnérabilité ; » ;

1° ter

« Art. L. 812 -5. – En vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des pièces ou documents prévus à l’article L. 812-1 ou de rechercher et constater les infractions relatives à l’entrée et au séjour des étrangers en France, les officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale peuvent procéder à la visite sommaire de tout navire ou tout autre engin flottant dans les eaux intérieures, la mer territoriale et la zone contigüe.

« L’officier de police judiciaire peut être assisté des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints mentionnés à l’article 20 et au 1° de l’article 21 du code de procédure pénale.

« Art. L. 812 -6. – Il ne peut être procédé à la visite sommaire prévue à l’article L. 812-5 qu’avec l’accord du capitaine du navire ou de son représentant ou, à défaut, sur instructions du procureur de la République. Le représentant de l’État en mer est informé de la visite avant la montée à bord des officiers de police judiciaire. Dans l’attente des instructions du procureur de la République, le navire peut être immobilisé, lorsqu’il est situé dans les limites administratives des ports maritimes, pour une durée qui ne peut excéder quatre heures, et à défaut, ou lorsque l’accès à bord est matériellement impossible, dérouté vers une position ou un port approprié.

« La visite, dont la durée est limitée au temps strictement nécessaire, se déroule en présence du capitaine du navire ou de son représentant. Lorsque la visite concerne des locaux affectés à un usage privé ou d’habitation, la visite est effectuée en présence de l’occupant des lieux. En l’absence de l’occupant des lieux, il ne peut être procéder à la visite qu’en présence du capitaine du navire ou de son représentant.

« La visite donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal mentionnant les dates et heures du début et de la fin des opérations. Un exemplaire de ce procès-verbal est remis au capitaine du navire ou à son représentant et un autre transmis sans délai au procureur de la République. »

Supprimé

Article 18

Supprimé

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

2° La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre VI est ainsi modifiée :

a) Le second alinéa de l’article L. 612-6 est ainsi modifié :

– le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq » ;

– sont ajoutés les mots : «, et dix ans en cas de menace grave pour l’ordre public » ;

b) Au second alinéa des articles L. 612-7 et L. 612-8, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « cinq » ;

« Art. L. 613 -9. – Les motifs de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de sa date d’édiction. L’autorité compétente tient compte de l’évolution de la menace pour l’ordre public que constitue la présence de l’intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu’il présente, en vue de prononcer éventuellement l’abrogation de cette décision. L’étranger peut présenter des observations écrites.

« À défaut de notification à l’intéressé d’une décision explicite d’abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger. Cette décision est susceptible de recours. »

Supprimé

Article 18 bis

Article 19

Supprimé

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Après le chapitre Ier du titre II du livre Ier, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE IER BIS

« France asile

« Art. L. 121 -17. – Des pôles territoriaux dénommés « France Asile » peuvent être progressivement déployés sur l’ensemble du territoire français après la mise en place de trois sites pilotes. Ces pôles territoriaux effectuent :

« 1° L’enregistrement de la demande d’asile par l’autorité compétente, conformément au chapitre Ier du titre II du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

« 2° L’octroi des conditions matérielles d’accueil du demandeur d’asile prévues au titre V du même livre V ainsi que l’évaluation de sa vulnérabilité et de ses besoins particuliers par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, conformément aux articles L. 522-1 à L. 522-5 du même code ;

« 3° L’introduction de la demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, dans les conditions prévues à l’article L. 531-2 dudit code sans préjudice de l’indépendance de ses agents garantie par l’article L. 121-7 du même code. Le délai prévu à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 531-2 du même code ne s’applique pas.

« Le demandeur d’asile peut compléter sa demande auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides de tout élément ou pièce utile jusqu’à l’entretien personnel mentionné à l’article L. 531-12 du même code, qui ne peut intervenir avant un délai de vingt et un jours à compter de l’introduction de la demande d’asile, hormis les cas où l’office prend une décision d’irrecevabilité en application du 1° ou 2° de l’article L. 531-32 ou statue dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 531-24, L. 531-26 et L. 531-27 du même code ;

« 4° L’entretien personnel prévu aux articles L. 531-12 à L. 531-21 du même code, lorsque cet entretien est mené par un moyen de communication audiovisuelle dans les conditions prévues à l’article L. 531-21 du même code ou dans le cadre d’une mission déconcentrée prévue à l’article L. 121-11 du même code.

2° Le premier alinéa de l’article L. 521-6 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Après l’enregistrement de sa demande, l’étranger est informé, dans les meilleurs délais, des langues dans lesquelles il peut être entendu lors de l’entretien personnel prévu à l’article L. 531-12.

« Lors de l’enregistrement de sa demande, l’étranger est informé de la possibilité d’être accompagné soit d’un avocat, soit d’un représentant d’une association de défense des droits de l’homme, d’une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile, d’une association de défense des droits des femmes ou des enfants ou d’une association de lutte contre les persécutions fondées sur l’identité de genre ou l’orientation sexuelle lors de l’entretien personnel prévu au même article L. 531-12. » ;

4° Le second alinéa de l’article L. 531-21 est ainsi modifié :

a) Les mots : « cas et les conditions dans lesquels » sont remplacés par les mots : « conditions dans lesquelles » ;

b) Après le mot : « demandeur », sont insérés les mots : « ou dans les cas prévus aux 1° et 2° de l’article L. 531-32 » ;

5° Le 2° de l’article L. 531-32 est ainsi rédigé :

« 2° Lorsque le demandeur bénéficie dans un État tiers du statut de réfugié ou d’une protection équivalente, notamment en ce qui concerne le respect du principe de non-refoulement, à la condition, dans l’un et l’autre cas, que la protection soit effective et que le demandeur soit effectivement réadmissible dans cet État tiers ; ».

Supprimé

Article 19 bis A

Article 19 bis B

Article 19 bis C

Article 19 bis

Article 19 ter A

Article 19 ter

Article 19 quater

Article 20

Article 20 bis

Article 21

Supprimé

I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un livre IX ainsi rédigé :

« LIVRE IX

« PROCÉDURES CONTENTIEUSES DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF

« Art. L. 900 -1. – Les recours ouverts devant la juridiction administrative contre les décisions prévues au présent code sont régis par le code de justice administrative, sous réserve des dispositions du présent code.

« Art. L. 900 -2. – Conformément à l’article L. 271-1, le présent livre est applicable à l’étranger dont la situation est régie par le livre II.

« TITRE I er

« PROCÉDURE COLLÉGIALE SPÉCIALE

« Art. L. 911 -1. – Lorsqu’une disposition du présent code prévoit qu’une décision peut être contestée selon la procédure prévue au présent article, le tribunal administratif peut être saisi dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision. Sous réserve des troisième et avant-dernier alinéas du présent article, il statue dans un délai de six mois à compter de l’introduction du recours.

« L’étranger peut demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle, au plus tard lors de l’introduction de son recours.

« Si, en cours d’instance, l’étranger est assigné à résidence en application de l’article L. 731-1, le tribunal administratif statue dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle cette décision lui est notifiée par l’autorité administrative.

« Si, en cours d’instance, l’étranger est placé en rétention administrative, le tribunal administratif statue dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de la date à laquelle cette décision lui est notifiée par l’autorité administrative.

« Dans les cas prévus aux troisième et avant-dernier alinéas du présent article, l’affaire est jugée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du présent livre.

« TITRE II

« PROCÉDURES À JUGE UNIQUE

« CHAPITRE I ER

« Délais de recours et de jugement

« Art. L. 921 -1. –

« Art. L. 921 -2. – Lorsqu’une disposition du présent code prévoit qu’une décision peut être contestée selon la procédure prévue au présent article, le tribunal administratif peut être saisi dans le délai de sept jours à compter de la notification de la décision. Sous réserve de l’article L. 921-5, il statue dans un délai de quinze jours à compter de l’introduction du recours.

« Art. L. 921 -3. – Lorsqu’une disposition du présent code prévoit qu’une décision peut être contestée selon la procédure prévue au présent article, le tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision. Sous réserve de l’article L. 921-4, il statue dans un délai de quatre-vingt-seize heures à compter de l’expiration du délai de recours.

« Art. L. 921 -4. – Si, en cours d’instance, l’étranger ayant formé un recours relevant de l’article L. 921-3 est assigné à résidence en application de l’article L. 731-1, le tribunal administratif statue dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle cette décision lui est notifiée par l’autorité administrative.

« Art. L. 921 -5. – Si, en cours d’instance, l’étranger ayant formé un recours relevant de l’article L. 921-2 est placé en rétention administrative, le tribunal administratif statue dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de la date à laquelle cette décision lui est notifiée par l’autorité administrative.

« CHAPITRE II

« Règles de procédure

« Art. L. 922 -1. – Lorsque le recours relève du chapitre Ier du présent titre, l’affaire est jugée dans les conditions prévues au présent chapitre.

« Il en est de même lorsque le recours relève de l’article L. 911-1 et que le délai de jugement est abrégé en application des troisième ou avant-dernier alinéas du même article L. 911-1.

« Art. L. 922 -2. – Le recours est jugé par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres du tribunal ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative.

« L’étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné le concours d’un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise.

« L’audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l’intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L’étranger est assisté de son conseil s’il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné qu’il lui en soit désigné un d’office.

« Art. L. 922 -3. – Lorsque l’étranger est placé ou maintenu en rétention administrative ou en zone d’attente, afin d’assurer une bonne administration de la justice et de permettre à l’étranger de présenter ses explications, l’audience se tient dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate, selon le cas, du lieu de rétention ou de la zone d’attente.

« Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné peut toutefois siéger dans les locaux du tribunal. Les deux salles d’audience sont alors ouvertes au public et reliées entre elles en direct par un moyen de communication audiovisuelle garantissant la confidentialité et la qualité de la transmission.

« Dans le cas mentionné au deuxième alinéa, le conseil de l’étranger, de même que le représentant de l’administration, peut assister à l’audience dans l’une ou l’autre salle. Il a le droit de s’entretenir avec son client de manière confidentielle. Une copie de l’intégralité du dossier est mise à disposition du requérant. Un procès-verbal est établi dans chacune des salles d’audience attestant de la conformité des opérations effectuées en application du présent article.

« Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné peut, de sa propre initiative ou sur demande des parties, suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger ou à son conseil de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice.

« Par dérogation au premier alinéa, lorsqu’aucune salle d’audience n’a été spécialement aménagée à proximité immédiate, selon le cas, du lieu de rétention ou de la zone d’attente ou en cas d’indisponibilité de cette salle, l’audience se tient soit au tribunal administratif compétent soit dans des locaux affectés à un usage juridictionnel judiciaire proches du lieu de rétention ou de la zone d’attente. »

II. – Le livre II du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° L’article L. 251-7 est ainsi modifié :

a) À la fin de la première phrase, les mots : « au chapitre IV du titre Ier du livre VI » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 614-1 à L. 614-3 » ;

b) La seconde phrase est supprimée ;

1° bis

a) Après la référence : « L. 613-3, », sont insérés les mots : « de l’article L. 613-5-1, » ;

b) Les mots : « à l’exception de celles de l’article L. 614-5, » sont supprimés ;

2° Après le titre VII, il est inséré un titre VII bis ainsi rédigé :

« TITRE VII bis

« PROCÉDURE CONTENTIEUSE

« Art. L. 271 -1. – Sont applicab