Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la protection des mineurs dans un univers numérique omniprésent est un défi majeur pour notre société. Il concerne les enfants et leurs parents, mais aussi les institutions, tant par ses enjeux sociétaux que par un souci de santé publique.
Avec plus de 300 millions de photos diffusées chaque jour, la surexposition est une réalité aux multiples dangers. Ces derniers sont souvent méconnus par les parents, qui ont eux-mêmes assisté à l’avènement des réseaux sociaux.
Il convient de rappeler que diffuser une photo ou tout autre contenu sur la Toile, le rendre public, au vu et au su de tous, c’est s’exposer à un risque de détournement des images. Les conséquences, parfois dramatiques, peuvent malheureusement être nombreuses pour nos enfants, qu’il s’agisse du fléau du harcèlement scolaire, de l’exploitation commerciale, de l’usurpation d’identité ou encore de la pédocriminalité.
Je tiens une nouvelle fois à saluer Bruno Studer, député du Bas-Rhin, qui a pris l’initiative de déposer ce texte.
Il nous revient aujourd’hui, à l’occasion de cette nouvelle lecture après l’échec de la commission mixte paritaire, de trouver une voie de passage pour protéger l’image des enfants.
Je tiens à remercier la rapporteure de son travail et de son souhait de recentrer le texte sur la notion de protection dans le cadre du droit à l’image de l’enfant.
La commission a décidé de supprimer l’article 1er, qui plaçait la vie privée de l’enfant au même rang que la sécurité, la santé et la moralité parmi les obligations des parents au titre de l’autorité parentale.
Tout en comprenant la vocation pédagogique qu’aurait une mention expresse de la vie privée à l’article 371-1 du code civil, je partage les réserves qui justifient aujourd’hui la suppression de cet article, notamment l’argument selon lequel, dans certains cas, protéger son enfant pourrait constituer une atteinte à sa vie privée.
L’article 2 a quant à lui fait l’objet de plusieurs évolutions dans le cadre de la navette. Il a désormais – je le crois – la vertu de rappeler aux parents leur obligation conjointe de protéger le droit à l’image de leur enfant. Il est en effet indispensable que les deux parents aient conscience de la responsabilité qui leur incombe.
La portée de cet article est peut-être davantage symbolique et pédagogique que purement juridique, mais elle souligne la notion primordiale en matière de parentalité qu’est celle de responsabilité collective des parents.
Par cet article, la notion de « droit à l’image » pourra être inscrite expressément dans le code civil, ce qui, dans un monde où le poids des images va croissant, me paraît constituer une avancée.
À l’article 3, la commission n’a pas réintroduit l’exigence d’un accord des deux parents pour diffuser au public un contenu relatif à l’enfant. Il s’agit là d’un choix cohérent vis-à-vis du vote du Sénat lors de l’examen de la loi du 7 juillet 2023. Dans ce texte, nous avions en effet acté que l’accord d’un seul titulaire de l’autorité parentale suffirait pour inscrire un enfant sur un réseau social. Si nous ne pouvons que déplorer, une nouvelle fois, l’inflation législative, il nous incombe néanmoins, mes chers collègues, de rester cohérents pour ne pas nuire davantage à la lisibilité de la règle de droit.
La commission des lois a par ailleurs confirmé la suppression de l’article 4, visant à ouvrir une délégation forcée de l’exercice du droit à l’image de l’enfant en cas d’atteinte grave à sa dignité, cette disposition ayant été jugée non efficiente au regard de ce que le juge peut d’ores et déjà décider, notamment dans le cadre des mesures d’assistance éducative.
Au sein de mon groupe, nous partageons le constat qui a présidé au dépôt de ce texte, ainsi que les objectifs qui lui ont été assignés. J’estime de plus que le travail mené par les deux assemblées tout au long de la navette s’est révélé non seulement constructif, mais bénéfique.
Je forme donc à mon tour le vœu que ce texte puisse prospérer.
Je conclurai toutefois en formulant le regret, monsieur le garde des sceaux, madame la secrétaire d’État, qu’une véritable politique publique fasse défaut en la matière.
Durant ces derniers mois, le Parlement a été amené à se prononcer sur plusieurs textes abordant des questions aussi importantes que la majorité numérique et la lutte contre la haine en ligne, la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans et, maintenant, la question du droit à l’image des enfants.
Au regard des enjeux cruciaux que ces questions soulèvent, il serait pertinent et cohérent que notre pays se dote d’une véritable politique en la matière.
En tout état de cause, comme vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte ainsi modifié par la commission des lois.