Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 21 septembre 2006 à 15h00
Prévention de la délinquance — Article 41

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

L'article 41 clôt le chapitre VII, prétendument dédié à la prévention de la délinquance des mineurs, de la plus détestable des façons : il tend à systématiser l'enfermement des jeunes délinquants en dissimulant, derrière l'innocente expression de « placement extérieur », le spectre du centre éducatif fermé, ou CEF.

Certes, il existe un moment où l'enfermement peut être utile, mais il doit rester l'exception, comme le préconise d'ailleurs la convention internationale des droits de l'enfant, à laquelle la France a souscrit. En effet, je le précise d'emblée, tant il est parfois difficile de se comprendre, l'enfermement et l'éloignement, ce n'est pas la même chose.

L'enfermement est la pire des solutions pour un mineur dans la mesure où l'éducatif suppose l'espoir, le choix, et, donc, une part de liberté. Or, de l'avis même des travailleurs de la PJJ, lesquels, me soutiendrez-vous, vous ont dit le contraire, « les CEF remettent fondamentalement en cause le sens de [leur] métier et mettent fin à la mission éducative de la PJJ ».

Leur connaissance indéniable de la vie des jeunes dans ces centres les oblige, d'une part, à considérer leurs critiques avec le plus grand intérêt, et, d'autre part, à se concerter avec eux lors de l'élaboration de tout projet éducatif ou préventif en termes de délinquance.

Dans les centres fermés, toutes les dimensions intrinsèques à l'éducation - définition des limites, remise en cause du monde des adultes, transgression des interdits - sont occultées et l'obligation, pour l'adolescent, de faire telle ou telle activité n'a, selon les éducateurs, qu'un « caractère occupationnel ».

Il s'agit d'éviter tout dérapage sur le moment, sans élaborer de cheminement dans la durée ni d'accompagnement individualisé. Ainsi, d'après les premiers bilans établis sur l'activité des CEF, l'évaluation de l'environnement social et familial, de même que l'approche du mineur à travers son histoire ne sont pas investis ou le sont peu. Cela est dû notamment à la mauvaise circulation de l'information entre professionnels intervenant antérieurement et le CEF.

La méthode éducative choisie est donc celle du comportementalisme puisqu'elle repose sur le conditionnement de l'individu et la négation de sa singularité et de sa souffrance. Or, comme chacun le sait, les thèses comportementalistes vous plaisent énormément...

Comment peut-on penser que, dans un lieu clos, à l'écart du monde réel, avec de telles rigidités et contraintes, et avec le mépris de leur histoire, des jeunes puissent réparer et reconstruire ce qui leur a fait défaut dans leur éducation ?

De plus, la perspective du jeune délinquant doit être de sortir de la délinquance, et non pas seulement de sortir de l'enfermement.

Or, le premier bilan des CEF, dont nous fait part la commission des lois dans son rapport, fait apparaître « un manque de relais à la sortie, susceptible d'hypothéquer les fragiles progrès réalisés en CEF», ce qui est quand même ennuyeux !

De même, la démarche d'élaboration d'un projet individuel pour chaque mineur, telle qu'elle est exigée par la loi du 2 janvier 2002, n'est pas intégrée dans la plupart des centres. La perspective d'avenir est donc absente de cette mesure à vocation « éducative » ; à preuve, la forte propension au suicide durant et après les périodes d'enfermement. Mais ce n'est là qu'un premier bilan : doit-on le laisser s'alourdir au fil du temps ?

À tout cela s'ajoute le danger que constitue le rassemblement dans un même lieu de jeunes délinquants au comportement violent, danger qu'en son temps, dans les années soixante-dix, le garde des sceaux Alain Peyrefitte avait bien perçu puisqu'il fit fermer les structures d'enfermement existantes, considérées alors comme de véritables « cocottes-minute ».

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