Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat relatif à l’approbation de l’avenant entre la France et le Grand-Duché, qui a lieu sur l’initiative de notre groupe, est l’occasion d’alerter sur la situation des territoires lorrains transfrontaliers.
Près de 117 000 de nos compatriotes qui vivent dans ces territoires travaillent au Luxembourg, et l’on estime qu’ils seront 160 000 en 2040.
TER bondés ou annulés, usagers souvent entassés les uns contre les autres, automobilistes susceptibles d’être bloqués pendant des heures tant les voies de circulation sont saturées… tel est leur quotidien ! Les orateurs précédents ont aussi décrit la situation.
Par conséquent, il ne s’agit pas ici de s’opposer à la décongestion des transports publics ni au report modal. De telles évolutions sont nécessaires.
En revanche, je souhaite m’attarder sur les modalités de mise en œuvre du projet. Ce dernier, qui vise à faciliter la mobilité des travailleurs frontaliers vers le Luxembourg, semble injuste, dans sa finalité même, comme dans son financement.
Si dans l’attente d’une relation nouvelle avec le Luxembourg, nous pouvons considérer que ce qui est pris n’est plus à prendre, il n’en demeure pas moins que ce projet est inéquitable, car il concentre presque tous les moyens supplémentaires sur le seul sillon lorrain, délaissant le Pays Haut meurthe-et-mosellan, où, par exemple, 30 000 voitures par jour franchissent la frontière à Mont-Saint-Martin.
Il est injuste également dans le financement. En effet, alors que notre pays et ses collectivités ont formé ces travailleurs et que nous continuons de leur garantir leurs droits au chômage, à l’autonomie, au logement ou encore l’accès aux services publics, les territoires où vivent ces hommes et ces femmes salariés au Luxembourg supportent des coûts sans retirer d’avantages financiers.
Malgré ce déséquilibre dans la relation financière franco-luxembourgeoise, nous nous obstinons dans le modèle de cofinancement à 50-50. L’avenant, dont il est question aujourd’hui, suit la même logique.
Outre que nous considérons que la participation du Luxembourg devrait être plus élevée au regard de l’iniquité en matière d’enrichissement, situation dont ce pays est le grand gagnant, nous estimons qu’il est temps de mettre fin à la logique même de cofinancement.
La convention de 2018 devrait être révisée au profit d’un mécanisme de rétrocession fiscale. Un tel dispositif permettrait de respecter de manière effective la libre administration des communes et de mettre fin à leur dépendance au bon vouloir du Luxembourg pour financer ou non tel ou tel projet.
La complaisance du Gouvernement avec le Grand-Duché me laisse interrogative. La contribution des frontaliers aux finances publiques du Luxembourg s’élève à plus de 2 milliards d’euros. Ce manque à gagner fiscal pèse particulièrement lourd pour les communes du Nord lorrain.
Enfin, j’aimerais également vous exprimer, madame la secrétaire d’État, mon incompréhension face à la décision de ne faciliter le logement des fonctionnaires que dans les 133 communes proches de Genève, avec une indemnité de résidence annuelle de 640 euros. Pourquoi exclure les agents publics des territoires frontaliers du Luxembourg ? Le prix du mètre carré en zone frontalière avoisine aujourd’hui les prix parisiens, et cela crée des difficultés pour loger les fonctionnaires locaux.
Nos collectivités sont également obligées d’offrir des traitements attractifs pour faire face à la concurrence des salaires luxembourgeois. Et je ne parle pas des surcoûts causés par le fait frontalier, comme ceux qui sont liés à la nécessité de garantir une amplitude horaire plus grande des services publics. Je citerai seulement l’exemple des services de garde d’enfants, qui doivent adapter leurs horaires en fonction de ceux des frontaliers.
Pour conclure, nous jugeons, à l’instar de nombreux autres élus locaux de bords différents, qu’il est fondamentalement injuste que le Luxembourg ne paie que la moitié de ce projet et qu’aucune négociation diplomatique pour obtenir une compensation fiscale ne soit lancée. Aussi, nous nous abstiendrons sur ce texte.