Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parmi les dix-neuf articles de ce projet de loi dont je suis chargé, treize ont été examinées conformément à la procédure de législation en commission (LEC), tandis que les six articles restants, qui portent sur le droit pénal, le droit des sociétés, le droit social et environnemental ou l’économie, ont été examinés selon la procédure normale.
Nous avons examiné ce projet de loi dans un calendrier contraint, puisque nous n’avons disposé que d’un mois après sa présentation en conseil des ministres. Vous en conviendrez, monsieur le ministre, il est fort regrettable de devoir travailler dans des délais aussi courts.
Nous avons toutefois réalisé une vingtaine d’auditions auprès d’une cinquantaine de personnes qualifiées. Cela a permis à la commission spéciale de ne pas légiférer à l’aveugle et de proposer de modifier substantiellement ce texte par l’adoption d’une trentaine d’amendements.
J’ai fait adopter en LEC plusieurs amendements de consolidation juridique ou de correction rédactionnelle, que ce soit en matière de droit des sociétés à l’article 4 réformant le régime des fusions, scissions et apports partiels d’actifs ou en matière de droit de la consommation, à l’article 1er, qui adapte le code de la consommation au règlement sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs et à l’article 2, qui adapte ce même code au règlement sur la sécurité générale des produits (RSGP).
À l’article 34, qui prévoit d’habiliter les établissements d’élevage en matière de traçabilité des animaux, j’ai également fait adopter plusieurs amendements tendant à préciser le rôle des chambres d’agriculture.
Enfin, toujours en LEC, les amendements que j’ai fait adopter sur le bloc d’article 21 à 26 ont permis de résoudre des imperfections de rédaction et des lacunes dans la transposition.
À l’article 27, relatif aux échanges d’informations en matière de terrorisme, j’ai souhaité sécuriser le rôle du parquet national antiterroriste en tant qu’autorité compétente.
J’en viens aux articles relevant de la procédure normale, mes chers collègues. Je me bornerai à dire quelques mots sur les principaux enjeux.
L’article 3 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour modifier la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, afin de tenir compte des observations formulées par la Commission européenne.
Ces modifications sont nécessaires et l’essentiel de la loi est préservé, d’autant que j’ai proposé un encadrement plus strict de cette habilitation.
L’article 5 accorde au Gouvernement une autre habilitation à légiférer par ordonnance, afin de transposer la directive de novembre 2022 relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées et à des mesures connexes.
Cette habilitation me semble parfaitement légitime, car notre pays a une longueur d’avance dans ce domaine, puisque c’est lui qui a inspiré la directive européenne. J’ai toutefois souhaité harmoniser davantage l’application de cet objectif de parité par voie d’amendement.
Nous examinerons également deux articles portant sur le droit de l’environnement et le droit social. Le premier, l’article 31, met en conformité le calendrier national d’interdiction des microplastiques avec le calendrier européen, amélioré grâce à l’adoption de plusieurs amendements de précision juridique. Le second, l’article 32, permet aux fonctionnaires de bénéficier du report des congés non pris pour cause de congé familial ; nous étendons ce principe à l’ensemble des congés familiaux, quatre types de congés ayant précédemment été omis.
En matière pénale, je souhaite insister sur l’article 28, qui concerne la réforme de la garde à vue. Permettez-moi de dresser un rapide historique, afin d’en éclairer les enjeux.
En 2017, le Gouvernement a été relancé par la Commission européenne, car il n’avait pas transmis les textes transposant la directive de 2013, dite directive C, ces textes concernant rien de moins que le droit d’accès à un avocat dans les procédures pénales. Le Gouvernement répond donc à la Commission et, en 2021, il se voit notifier une mise en demeure, la Commission estimant que notre droit n’était pas conforme à la directive.
Le Gouvernement aurait pu agir et préparer une réforme structurelle dès 2021, mais il a attendu le dernier moment, c’est-à-dire l’envoi d’un avis motivé, en septembre dernier, par la Commission. Le Gouvernement a encore attendu la dernière étape avant l’engagement d’un recours en manquement pour soumettre un texte en urgence aux assemblées.
Le Sénat n’a ainsi disposé que de quatre semaines pour faire en sorte que la clé de voûte de la procédure pénale ne s’effondre pas.
Dans ces conditions, mes chers collègues, je puis affirmer que, sur le principe, les conditions de présentation d’une telle réforme constituent une faute institutionnelle et politique.
La réforme pose de lourds problèmes de fond et suscite une profonde incompréhension parmi les officiers de police judiciaire (OPJ) et les magistrats du parquet. Et pour cause ! Le Gouvernement propose de supprimer toute possibilité d’audition immédiate des gardés à vue. Si la directive C encadre cette possibilité de comparution immédiate, elle ne l’interdit pas.
La commission spéciale a pris ses responsabilités. Elle a remanié l’article 28, afin d’établir une possibilité d’audition immédiate dans les strictes conditions posées par la directive de 2013. Les amendements adoptés sont donc le reflet de notre volonté de concilier, d’une part, le plein respect du droit européen et des droits de la défense et, d’autre part, la préservation de la sécurité publique, qui elle-même suppose que nos policiers et nos gendarmes aient les moyens de conduire efficacement des enquêtes pénales.
Pour conclure, mes chers collègues, je vous invite à adopter ces articles ainsi modifiés par notre commission spéciale.