Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les projets de loi présentés sous l’acronyme générique Ddadue, dont le contenu est généralement très aride, visent à incorporer à notre droit national un ensemble de directives et de règlements européens récemment adoptés.
Celui que nous examinons aujourd’hui n’échappe pas à cette règle : il transpose plusieurs directives et met en cohérence le droit national avec un certain nombre de règlements portant sur des thématiques techniques au champ très large, puisqu’elles concernent tout à la fois l’économie, les finances, la transition écologique, la procédure pénale, le droit social et l’agriculture.
En engageant la procédure accélérée sur ce texte, le Gouvernement démontre sa volonté de satisfaire à ses obligations européennes, afin que la France ne présente aucun déficit de transposition et dispose d’un droit national conforme aux différentes évolutions législatives européennes récentes. Certaines dispositions du texte anticipent même les modifications en cours d’élaboration à l’échelon européen, c’est dire !
Compte tenu de la grande diversité des thèmes abordés, le Sénat, de son côté, a choisi de créer une commission spéciale, présidée par M. Pascal Allizard, pour examiner les trente-quatre articles composant le présent projet de loi.
Dix-huit articles ont fait l’objet d’une procédure de législation en commission le 13 décembre dernier, au cours de laquelle les rapporteurs Fargeot et Pellevat, dont je souhaite saluer le travail, ont proposé de nombreux amendements de précision et de clarification rédactionnelle, mais aussi de coordination.
Le présent texte comporte de réelles avancées. Je pense à l’harmonisation des différents dispositifs nationaux en matière de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein des organes des sociétés commerciales avec ceux qui sont prévus par le droit de l’Union européenne.
Citons également les dispositions favorisant l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée des parents et des aidants, notamment l’inscription dans le code général de la fonction publique (CGFP) du maintien des droits acquis ou en cours d’acquisition durant certains congés familiaux pour les fonctionnaires.
En matière de transition écologique, des dispositions visent à responsabiliser les opérateurs économiques mettant sur le marché ou en service des batteries. Voilà qui permettra d’encadrer ce secteur en plein essor. D’autres dispositions tendent à sécuriser le déploiement des infrastructures de recharge et de ravitaillement pour carburants alternatifs.
Sur le plan répressif, le texte introduit des dispositions en matière de lutte contre le blanchiment en droit interne et désigne explicitement l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) comme autorité nationale compétente pour veiller au respect des exigences européennes concernant les paiements transfrontaliers dans l’Union.
Il prévoit aussi des dispositions relatives à l’échange d’informations entre les services répressifs des pays de l’Union européenne et visant à garantir un accès équivalent des services répressifs de tout État membre aux informations disponibles dans d’autres États membres.
Désormais, les pays de l’Union devront informer Eurojust, l’unité de coopération judiciaire européenne, de toute enquête pénale ou poursuite concernant une infraction terroriste, même s’il n’existe pas de lien connu avec un autre État membre ou pays tiers.
À l’heure où la menace terroriste pèse sur de nombreux États européens et où des cellules s’y développent, cette mesure renforcera la capacité de prévention et d’action de nos services de sécurité.
Le Gouvernement, qui a entendu les inquiétudes des rapporteurs, nous a précisé en commission que le parquet national antiterroriste conservera la maîtrise de la diffusion des informations méritant d’être transmises à Eurojust. Consulté par la Chancellerie, ce dernier ne semble d’ailleurs pas souhaiter endosser les missions supplémentaires d’animation et de coordination dévolues au correspondant national, actuellement assurées par la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la justice.
Quant à la réforme de la garde à vue, les rapporteurs ont considéré que, en l’état, elle viendrait sérieusement compliquer l’efficacité de l’action des parquets et des officiers de police judiciaire (OPJ). Il est donc important d’opérer un travail d’équilibre entre préservation des droits des personnes gardées à vue et prérogatives des enquêteurs et des procureurs de la République.
Sur ce dernier sujet, qui me parle un peu plus que les autres, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), au nom duquel je m’exprime, vous soumettra deux amendements.
Le premier vise à supprimer la possibilité de justifier l’audition immédiate d’une personne gardée à vue hors la présence de son avocat « en raison de l’éloignement géographique du lieu où [elle] se déroule ».
Dans son avis motivé du 28 septembre dernier, la Commission européenne considère que l’expression « éloignement géographique » contenue dans la directive ne vise que les territoires d’outre-mer et le terrain des opérations extérieures menées par les forces armées. Cela entraînerait, à notre sens, des difficultés d’appréciation selon les ressorts et les capacités des barreaux.
Le second amendement que je vous propose a pour objet que le bâtonnier soit saisi aux fins de désignation d’un avocat commis d’office à l’expiration du délai de deux heures, non pas si l’avocat choisi déclare ne pas pouvoir se présenter, mais s’il ne s’est pas présenté dans ce délai – là encore, des difficultés d’interprétation pourraient se poser. Il me semble en outre préférable de faire figurer la renonciation expresse à un avocat au procès-verbal d’audition non récapitulatif.
Pour conclure, en matière d’adaptation au droit de l’Union européenne, notre marge de manœuvre est minimale. Le Parlement doit surtout veiller à ce que le Gouvernement ne sous-transpose ni ne surtranspose le droit européen. Il me semble que ce texte ne tombe dans aucun de ces écueils.
Pour cette raison, et parce qu’il nous oblige à l’échelle européenne, les sénateurs du groupe RDPI apporteront leur entier soutien au présent projet de loi.