Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons que nous réjouir de la hausse des crédits de la mission « Culture ». Certains dispositifs sont prometteurs ; espérons que ce ne soient pas des trompe-l’œil. Toutefois, comme je l’ai déjà souligné voilà un an, le risque est que cette hausse soit neutralisée par l’inflation, alors que nous assistons au déploiement de dispositifs ambitieux.
En premier lieu, il y a bien sûr la question du patrimoine. En la matière, le soutien de l’État est indispensable. Ce n’est pas seulement le patrimoine immobilier qui est en jeu, c’est bel et bien notre identité ; on le voit avec la cathédrale Notre-Dame de Paris et avec tous les lieux qui font notre fierté.
Au-delà de celui de l’État, notre patrimoine est aussi constitué du patrimoine des collectivités locales. Le patrimoine de proximité à protéger est détenu à 94 % par les collectivités ou par des propriétaires privés, qui doivent être soutenus. Aidons-les en mobilisant des crédits pour leurs projets. Il y a de nombreuses demandes sur le terrain, mais les soutiens sont encore limités et l’on a des difficultés à articuler les dispositifs entre eux. Réfléchissons à une synergie entre toutes les aides, c’est indispensable.
La politique patrimoniale doit être plus ambitieuse et toucher tous nos territoires. Madame la ministre, il existe, hélas ! un déséquilibre territorial imparfaitement corrigé et il y a trop de disparités criantes. Nos communes, en particulier les communes rurales, sont encore trop peu aidées. Comment mieux les soutenir ? Comment renforcer le fonds incitatif et partenarial ? Comment mieux le faire connaître ?
Ensuite, entretenir le patrimoine exige une aide efficace à l’ingénierie. Ce soutien au patrimoine passe aussi par les directions régionales des affaires culturelles (Drac) et les unités départementales de l’architecture et du patrimoine (Udap), qui doivent être renforcées. Madame la ministre, que comptez-vous faire pour aider durablement nos Udap, qui sont confrontées à des difficultés de recrutement et à un manque de moyens ?
Je me réjouis que les fonds prélevés dans le cadre d’une collecte réalisée sous l’égide de la Fondation du patrimoine soient affectés à l’aide à l’ingénierie à destination des petites communes ayant la maîtrise d’ouvrages de biens à restaurer. Ces exemples sont à multiplier. Le loto du patrimoine doit inspirer d’autres initiatives.
Je souhaite évoquer maintenant notre patrimoine religieux. La question de la restauration des églises reste prégnante. Pouvons-nous accepter de voir 15 % de nos clochers en situation fragile, voire en grand péril ? Le « blanc manteau d’églises », dont parle le chroniqueur médiéval, est aujourd’hui menacé. Sans oublier le nécessaire soutien public, il faut encourager, encore et encore, la diversification des financements, dans le prolongement des solutions proposées par mes collègues Anne Ventalon et Pierre Ouzoulias dans leur rapport d’information.
Dans le domaine de l’expertise patrimoniale internationale, notre savoir-faire jouit d’une image d’excellence, grâce à la formation développée dans nos structures – nos écoles d’art, l’Institut du patrimoine et tant d’autres que je ne peux citer –, à la renommée de nos établissements, comme le Louvre, ou encore à notre ingénierie culturelle, comme l’illustrent le Louvre Abou Dhabi ou le chantier culturel et touristique d’Al-Ula. C’est un précieux atout. Toutefois, si la France est abondamment sollicitée, elle est également concurrencée.
Par conséquent, comment rendre cette expertise patrimoniale plus efficace ? Dans notre rapport d’information sur la question, ma collègue Catherine Morin-Desailly et moi-même avions envisagé des solutions, comme le soutien aux chantiers archéologiques. C’est une vitrine importante. Notre action patrimoniale ne doit pas être considérée comme un enjeu subalterne ; c’est pour nous un instrument de puissance, qui tient presque du hard power.
En ce qui concerne le spectacle vivant et les festivals, un point de vigilance s’impose, en particulier sur le sujet du rééquilibrage entre une politique de l’offre et une meilleure diffusion des crédits. Si le spectacle vivant est bel et bien de retour et que le public est de nouveau présent, il faut donner des garanties et une meilleure visibilité aux différents acteurs. La situation des scènes de musiques actuelles est inquiétante, la rapporteure l’a souligné. Les marges artistiques se réduisent et les charges augmentent. Nous restons évidemment ouverts à l’accompagnement différencié que vous avez proposé, mais nous serons très vigilants quant à son financement.
Nous saluons cependant différentes mesures, comme la revalorisation du fonds festivals, mais aussi les mesures d’accompagnement spécifiques au contexte de l’année 2024, car les inquiétudes s’accroissent à l’approche des jeux Olympiques et Paralympiques. Madame la ministre, nous avons besoin de signes forts : les organisateurs redoutent des annulations de dernière minute en raison de mobilisations destinées à assurer la sécurité des Jeux. Nous serons attentifs à l’indemnisation des festivals qui auront subi des pertes de recettes en raison des Jeux, sans engendrer, je l’espère, un excès de bureaucratie et de frustrations.
Le modèle économique des festivals, déjà fragilisé par la crise sanitaire, est en jeu. Je me permets donc, madame la ministre, de relayer de nouveau les appréhensions des organisateurs. Toutefois, tout ne doit pas être à la seule charge des pouvoirs publics ; aussi, comment peut-on aider les festivals à repenser leur organisation et leur financement ? J’aimerais connaître votre ambition sur ce sujet, car cette réflexion doit être partagée avec les acteurs de ce secteur.
Il y a enfin l’accès à la culture, enjeu capital, en particulier pour les jeunes. L’accès à la culture reste toujours délicat. Je ne veux pas d’une génération sacrifiée.
Je me réjouis de l’extension du pass Culture à de nouveaux publics ; veillons à ce que les usages de ce dispositif profitent bien à ce que la France produit dans le domaine culturel. Évitons d’encourager un usage consumériste de la culture et de réduire le pass à une plateforme d’achats.
Qu’en est-il des autres pratiques, comme l’éducation artistique et l’accès au patrimoine ? Il est indispensable de concevoir un volet d’accompagnement pour le pass Culture, car les offres culturelles sont trop dispersées ; et je ne parle pas des artistes qui renoncent, et c’est compréhensible, à être référencés, en raison de la bureaucratie excessive…
Alors que des crédits importants sont mobilisés, comment faire en sorte que le pass Culture puisse réellement et efficacement entraîner des usages, sans recourir à la politique du carnet de chèques ? Comment faire en sorte qu’il soit un outil d’excellence, qui révèle des vocations et de futurs talents ?
Je ne voudrais pas réitérer ces remarques l’année prochaine, …