Intervention de Jean-Gérard PAUMIER

Réunion du 7 décembre 2023 à 14h30
Loi de finances pour 2024 — Culture

Photo de Jean-Gérard PAUMIERJean-Gérard PAUMIER :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens d’emblée à souligner les avancées, saluées en commission et assorties de quelques réserves et propositions par Mmes les rapporteurs pour avis Sabine Drexler et Karine Daniel, sur les crédits de la mission « Culture » pour 2024.

En responsabilité, et avec mes collègues du groupe Les Républicains, je voterai ces crédits. Permettez-moi toutefois d’appeler votre attention sur quelques points particuliers évoqués en commission, madame la ministre.

Je pense tout d’abord à la suite et à la fin du chantier de Notre-Dame-de-Paris.

L’année 2024 verra la réouverture au public de la cathédrale. La sauvegarde de Notre-Dame-de-Paris est désormais assurée, mais il reste un point d’achoppement : le sort à réserver au surplus de dons, qui dépasse 140 millions d’euros.

Le ministère de la culture suggère d’affecter ces fonds au financement de la prolongation de l’établissement public créé et au déploiement d’une troisième phase de travaux. Mais les donateurs étaient pour la plupart animés par la volonté explicite de concourir à l’effort national de reconstruction de Notre-Dame.

Les deux premières phases de travaux, financées par les fonds récoltés, répondaient en tout point à cette logique. À l’inverse, la troisième phase esquissée relèverait de la rénovation du bâti : il s’agirait d’entretenir la cathédrale, de la remettre en valeur, et non plus de la reconstruire. Or l’entretien de tels monuments relève de la responsabilité de l’État. Il ne saurait dépendre de généreux donateurs contribuant par le biais d’une souscription nationale.

C’est le moment, me semble-t-il, d’envoyer un message fort aux acteurs locaux qui se démènent pour tenter de sauvegarder notre patrimoine collectif. Aussi, je vous propose une régionalisation partielle, mais significative de ce surplus, grâce auquel les Drac pourraient concourir à la rénovation de patrimoines religieux très remarquables dans tous les territoires, au lieu de les cantonner à quelques grands projets.

Quoi qu’il en soit, le sujet nécessite une réflexion impliquant les grands mécènes, les fondations et, bien entendu, le Parlement.

Au sujet du patrimoine religieux, nos collègues Anne Ventalon et Pierre Ouzoulias soulèvent d’autres problématiques dans leur rapport d’information. Ils insistent notamment sur la nécessité de mieux accompagner les élus locaux dans l’entretien de leurs églises.

À cet égard, je tiens à vous alerter sur la situation des églises ni classées ni inscrites, notamment en milieu rural. Ces édifices, nombreux, exigent des travaux urgents ou relevant de la sécurité.

Les communes concernées, petites pour la plupart, sont très attachées à ces monuments, qui sont souvent leur seul patrimoine. Mais elles cumulent les difficultés de financement. Les Drac ne peuvent pas intervenir, d’autant qu’elles ont déjà beaucoup de mal à tenir leur calendrier de travaux pour les églises classées ou inscrites.

Madame la ministre, je ne vous demande pas de prélever sur votre budget. Je vous prie simplement d’intervenir auprès des préfets des départements. En effet, la solution pourrait être en partie déconcentrée à l’échelon départemental : on pourrait mener ces travaux grâce à l’effet combiné de la DETR, attribuée par l’État, et d’une aide des départements.

L’archéologie préventive est un autre point de vigilance.

Les projets de développement des collectivités territoriales sont soumis à un ensemble de préalables, dont une intervention de l’Inrap.

Cette intervention pose à de nombreuses collectivités territoriales un problème logistique, car leurs projets sont souvent freinés par les délais de traitement de l’Inrap, et financier, car l’inflation pèse lourdement sur leur budget.

Or, à l’instar de mes collègues, je m’étonne que le budget de l’Inrap soit revalorisé sans qu’aucune disposition en faveur des collectivités territoriales soit prévue, alors même que la répartition des crédits entre ces dernières et l’Inrap est déjà très déséquilibrée. Cela pose question, d’autant que l’excédent dégagé par l’État sur la taxe d’archéologie préventive, excédent évalué à 30 millions d’euros, vous offre des marges de manœuvre budgétaires.

Les précédents orateurs l’ont rappelé : nos trente-trois écoles supérieures d’art territoriales se trouvent dans une situation préoccupante.

Voilà douze ans que l’État n’a pas revalorisé sa dotation structurelle à ces établissements, qui a ainsi baissé de 14 % en euros constants. Certaines de ces écoles ne parviennent plus à équilibrer leur budget ; elles épuisent peu à peu leur fonds de roulement. La reconduction de l’aide d’urgence de 2 millions d’euros accordée en 2023 reste insuffisante, d’où l’amendement de notre collègue Karine Daniel adopté en commission.

Aussi, je vous propose de réfléchir à une règle claire pour le financement de ces écoles. L’État pourrait par exemple leur attribuer une somme forfaitaire par étudiant. La moyenne actuelle s’élève à 1 960 euros, mais elle cache de grandes disparités, certaines écoles touchant moins de 1 000 euros par étudiant.

À la suite de mes collègues, je me fais également l’écho de la vive inquiétude des 92 lieux labellisés Smac. Ces derniers rencontrent de graves difficultés financières, auxquelles ont été sensibles tous les parlementaires des deux assemblées. Je forme le vœu que le Gouvernement, suivant notre commission de la culture, réponde à leurs attentes en faveur des musiques actuelles, qui demeurent la première pratique culturelle de nos concitoyens.

Enfin, j’évoquerai la délicate question des restitutions de biens culturels appartenant aux collections publiques.

Le 10 janvier 2022, le Sénat a adopté la proposition de loi de nos collègues Catherine Morin-Desailly, Max Brisson et Pierre Ouzoulias créant un cadre et des mécanismes de contrôle pour ces décisions de restitution.

Pour ce qui concerne la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques, je me réjouis que la commission mixte paritaire – elle s’est réunie hier – ait été conclusive. Mais qu’en est-il de la création d’un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens ?

Madame la ministre, voilà quelques sujets sur lesquels il me semble indispensable de continuer à travailler pour avancer.

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