Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les différents orateurs l’ont rappelé, la culture n’en finit pas de vivre des secousses : crise de l’énergie, dérèglements climatiques, désordres géopolitiques, menaces sur la liberté de création, bouleversements induits par l’intelligence artificielle ou encore – il faut le dire – désengagement de certaines collectivités territoriales.
L’été dernier, des bibliothèques, des théâtres et des cinémas ont été la cible de violences urbaines. Et, depuis le 7 octobre dernier, nous subissons l’onde de choc des massacres barbares perpétrés par le Hamas : cette forme d’importation du conflit israélo-palestinien entraîne une flambée intolérable de l’antisémitisme dans notre pays.
Malgré tout, la culture continue de nous rassembler. Plus que jamais, elle doit nous rassembler.
Que ce soit dans l’intimité d’une lecture, dans la moiteur d’une salle de concert – une Smac, peut-être ? – ou sous les voûtes majestueuses d’un monument, la culture nous offre des émotions uniques et des imaginaires communs. Elle est le premier chemin vers l’altérité, la compréhension de l’autre, la tolérance et la lutte contre les préjugés. Comment combattre la haine sans la culture ?
Le budget pour 2023 était un budget de résilience et d’action ; c’est ainsi que je l’avais qualifié. Il avait pour mission non seulement de consolider les secteurs de la culture à l’issue de la crise sanitaire et de faire face à l’inflation, mais aussi de soutenir de nouvelles initiatives, comme la stratégie nationale en faveur des métiers d’art, le fonds d’innovation territoriale ou l’olympiade culturelle.
Bien entendu, le budget pour 2024 prend en compte l’inflation, en se fondant sur l’estimation de la Banque de France, à savoir une augmentation des prix de 2, 6 % l’année prochaine. Mais sa progression est bien plus importante. Les crédits de la mission « Culture » s’établissent à un niveau historiquement haut. Ils atteignent 3, 733 milliards d’euros, en hausse de 6 % par rapport à 2023.
Je souhaite que ce budget nous permette de transformer en profondeur le secteur de la culture, en impulsant et en accompagnant des mutations structurelles.
Il s’agit notamment d’accélérer la transition écologique. D’ailleurs, en complément de cette mission, le plan France 2030 mobilise 25 millions d’euros pour des appels à projets Alternatives vertes. J’ai également obtenu sur les fonds verts interministériels une enveloppe de 40 millions d’euros pour financer des travaux d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments culturels.
Il s’agit aussi de mieux produire et de mieux diffuser les œuvres dans les domaines du spectacle vivant et des arts visuels.
Il s’agit d’embrasser les nouvelles technologies pour mieux se préparer à toutes les mutations qu’elles vont entraîner.
Il s’agit de renouveler et de rajeunir les publics, d’où l’importance de notre politique en faveur de l’éducation artistique et culturelle (EAC), dont le pass Culture n’est évidemment pas le seul et unique outil.
Pour ce qui concerne ce pass, nous travaillons main dans la main avec l’éducation nationale, qui en gère la part collective. J’ajoute que les jeunes s’approprient de plus en plus ce dispositif : plus de 3 millions d’entre eux l’utilisent, et ce n’est pas une simple plateforme d’achat ou un vecteur de consommation.
Désormais, le pass Culture est surtout un outil au service des jeunes. Il leur propose des expériences, des parcours, des découvertes, des premières fois au théâtre ou au musée. Il leur permet de découvrir les métiers de la culture, notamment les métiers d’art. À ce titre, 700 activités ont été déployées par le pass Culture, et elles ont eu beaucoup de succès.
Avec ce budget, nous devons anticiper la relève des métiers, les nouvelles formations et l’évolution des compétences. Nous devons continuer à redynamiser les territoires, notamment par un soutien accru au patrimoine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’insiste à mon tour sur les nouvelles mesures prises en faveur du patrimoine religieux, inspirées en grande partie des travaux de vos collègues Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon. J’ajoute que, dans son ensemble, le patrimoine fait l’objet d’un effort historique : le budget qui lui est consacré atteint presque 1, 2 milliard d’euros.
J’insiste également sur le renforcement du soutien à l’emploi artistique et aux artistes-auteurs. Les crédits dont il s’agit augmenteront de 12 millions d’euros et la photographie bénéficiera, dans ce cadre, d’un effort particulier en 2024.
En parallèle, nous renforçons de 20 millions d’euros les moyens des opérateurs des structures en région.
Je suis surprise d’entendre que les arts visuels seraient oubliés, qu’ils seraient les parents pauvres de ce budget : ils sont largement soutenus, notamment via l’acte II du programme de commandes artistiques Mondes nouveaux, qui n’existait pas avant la crise sanitaire.
De même, j’ai plusieurs fois mentionné la priorité que représentent, pour moi, les écoles nationales supérieures d’architecture. Cela se traduit par un certain nombre de revalorisations et d’augmentations dans le présent projet de loi de finances. Les moyens alloués à ces établissements ont ainsi augmenté d’un quart depuis mon arrivée à la tête du ministère.
Je ne reviens pas sur le déploiement de notre plan en faveur des métiers d’art, dont j’ai souvent parlé. Ces derniers sont également soutenus par le plan France 2030, dont les crédits ne relèvent pas de cette mission.
Nous avons décidé de sanctuariser notre soutien aux festivals par un fonds de 30 millions d’euros, auquel viennent s’ajouter les aides au Centre national de la musique (CNM). En cette année olympique, nous ferons évidemment preuve d’une vigilance absolue pour que tous les festivals se déroulent dans les meilleures conditions.
Après une année 2023 marquée par la stabilisation des emplois, nous assurons le renforcement des moyens du ministère.
La trajectoire pour 2024 permet la création de 125 équivalents temps plein travaillés (ETPT) par rapport à 2023. Ces nouveaux postes seront notamment dédiés au renforcement de la sécurité des acquisitions des musées, la recherche de provenance étant, je le sais, un sujet qui vous tient à cœur ; à la remise à niveau des moyens humains des établissements d’enseignement supérieur ; à la stratégie nationale en faveur des métiers d’art ; au Centre national de la musique ; ou encore à la Cité internationale de la langue française, qui vient d’ouvrir à Villers-Cotterêts. En parallèle, nous continuerons d’améliorer la rémunération des agents, notamment contractuels.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la discussion des amendements nous permettra de revenir sur un certain nombre de sujets.
En conclusion, j’insiste sur l’importance de notre coopération internationale.
Le ministère de la culture travaille main dans la main avec le Quai d’Orsay pour porter la voix de la France dans le monde et tisser de nouveaux partenariats internationaux.
La revue britannique Monocle – je l’ai appris hier – vient d’ailleurs de placer la France en tête du classement du soft power des nations ; on mesure ainsi la force de notre politique culturelle et son influence dans le monde. « France remains a cultural powerhouse », lit-on dans cet article. Oui, nous restons une grande puissance culturelle, une « puissance d’imaginaire », comme disait Malraux.
Ce budget historique permet de maintenir et d’amplifier notre ambition.
Avant que nous n’engagions l’examen des amendements, permettez-moi de sacrifier à un rituel que – vous le savez – je réserve au Sénat : la lecture d’un poème. En effet, derrière les chiffres dont nous parlons, il y a avant tout du sens, de l’humain, de la passion ; et je sais combien vous êtes attachés à la culture.
Hier soir, j’ai découvert ce texte du poète et slameur Capitaine Alexandre, dont je tiens à vous lire cet extrait :
« Il y a
« Et il y aura toujours
« Quelque chose.
« Quelque chose
« À sauver.
« Un vers de lumière,
« Une note de silence,
« Étincelles d’espérance
« Que rien ni personne
« Ne peut éteindre en nous.
« Il y a
« Et il y aura toujours
« Quelque chose.
« Quelque chose
« À sauver.
« Alors nous ne barricaderons jamais nos cœurs,
« Ne baisserons jamais la garde
« Et garderons à jamais
« Dans nos mots
« L’azur et l’aurore,
« Armes miraculeuses
« À portée de nos mains
« En fleurs généreuses.
« L’azur et l’aurore,
« Armes miraculeuses
« Qui nous fondent
« Et nous font tenir
« Au-dessus de la mêlée.
« Tenir
« À la paix
« À la dignité et à la justice
« Tenir
« À la tendresse
« Tenir et être
« Toujours
« Du côté de la vie. »