Les membres du groupe socialiste ne voteront pas en faveur de ce projet de loi, ce qui ne surprendra personne.
Nous avons travaillé, nous gardant de toute obstruction. Nous avons présenté un certain nombre de dispositions afin d'essayer d'améliorer le texte, en ce qui concerne notamment le financement, l'aspect institutionnel, l'interministériel qui devrait être piloté par un secrétaire général placé auprès du Premier ministre. Ces propositions n'ont pas été retenues. Il en fut de même s'agissant de la clarification des rôles entre les différents intervenants de terrain que sont le maire et le président du conseil général. Si certains ont porté une attention limitée à notre travail, cela n'a pas été votre cas, monsieur le garde des sceaux. Finalement, le résultat est médiocre, pour ne pas dire à peu près nul, en ce qui concerne nos propositions.
Le présent projet de loi est un texte répressif, et non un texte de prévention. Il essaie de corriger l'échec de la politique menée depuis 2002, marquée néanmoins par une autosatisfaction constante, fondée sur des chiffres discutables. En effet, tant que ne seront pas prises en compte les infractions qui figurent dans les mains courantes, nous ne connaîtrons pas la réalité de la délinquance dans notre pays.
Deux événements ont confirmé notre analyse. Le premier, dramatique, s'est déroulé dans l'Essonne. Il s'agit de l'attaque, dans des conditions épouvantables, de deux CRS. Ces fonctionnaires de police ont fait leur devoir, ils ont obéi aux ordres, même si la méthode retenue n'était sans doute pas la bonne. Le second événement, c'est la note du préfet de Seine-Saint-Denis, qui vient d'être longuement évoquée et, à cet égard, j'approuve l'analyse faite par Mme Assassi.
Le ministre de l'intérieur a répondu en se défaussant en particulier sur la justice. Cela dénote un dysfonctionnement grave de l'État. Pour sa part, M. le garde des sceaux a dit que la justice faisait son travail, notamment à Bobigny.
Les réactions des plus hauts magistrats sont éloquentes. Ainsi, le président de la Cour de cassation parle d'atteinte à l'indépendance de la justice. M. Jacquemin, secrétaire général du syndicat de la magistrature, dénonce le fait que la seule réponse à la question de la délinquance soit la répression et l'emprisonnement. Selon M. Regnard, membre de l'union syndicale des magistrats, « on connaît la détestation totale qu'a M. Sarkozy des magistrats ». M. Bouvier, au nom du Conseil supérieur de la magistrature, dénonce les atteintes à la séparation des pouvoirs. M. Jeannin, président du tribunal de grande instance de Bobigny, déplore le mépris du travail des magistrats. Je pourrais encore citer la déclaration du président de la cour d'appel de Paris.
En faisant part de ces réactions, je suis dans le sujet. En effet, lors de votre intervention dans la discussion générale, monsieur le garde des sceaux, vous dit que ce projet de loi apportait une réponse globale aux différents acteurs de la prévention de la délinquance.
Or, ça commence mal. En effet, si vous vous mettez à dos l'ensemble de la magistrature, comment pourrez-vous atteindre à la fois vos propres objectifs, qui sont des objectifs de répression, et les nôtres, qui sont plutôt des objectifs de prévention ?
Dans tous les cas, la justice se trouve vent debout contre le ministre de l'intérieur, qui a parlé de « démission de la justice ». Qui, en l'occurrence, devrait démissionner ?
Par ailleurs, vous ne nous avez pas du tout convaincus concernant le rôle que vous assignez au maire. Je persiste à dire que vous le transformez plus ou moins en procureur, en premier maillon de la chaîne judiciaire, ce qui lui fera perdre l'autorité morale, l'aura dont il bénéficie actuellement auprès de ses concitoyens et qui lui permet de faire régner la justice et le droit dans des conditions certes incertaines mais efficaces.
Concernant la justice des mineurs, vous ne nous avez pas convaincus non plus. Il s'agit non pas de simples mesures, mais d'une véritable procédure. Le fait que, désormais, la justice des mineurs se rapproche de celle des majeurs pour s'y fondre presque n'est pas, pour nous, convenable du point de vue de la philosophie qui doit entourer la façon dont sont réprimés les délits des mineurs - il faut bien les réprimer ! - et ne peut nous satisfaire.
J'ajoute que l'absence totale de moyens alloués à la justice est criante : vous prévoyez que de jeunes mineurs pourront aller faire un stage d'un mois - ils vont s'y relayer sur un rythme rapide ! - dans des institutions qui n'existent pas encore. Avec quels moyens allez-vous en financer la création, le fonctionnement ? J'ai dit ce que j'en pensais, mais vous avez maintenu ce projet. Il ne s'agit là que d'intentions et nullement de mesures concrètes.
C'est un texte de méfiance, comme l'a dit Mme Assassi, à l'égard de familles, de jeunes, de groupes sociaux entiers considérés comme potentiellement délinquants, les malades mentaux, les toxicomanes, etc.
C'est un texte détestable et inutile.
De plus, il ne sera pas appliqué. Car, monsieur le garde des sceaux, je ne vois pas très bien comment la première lecture à l'Assemblée nationale, puis la deuxième lecture dans chaque assemblée et, probablement, la commission mixte paritaire pourraient avoir lieu d'ici au début de l'année prochaine. Quel calendrier prévoyez-vous ?