Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’occasion de sa prochaine réunion, le Conseil européen abordera la situation au Proche-Orient, ce qui inclut le conflit israélo-palestinien, mais aussi la politique de voisinage de l’Union européenne dans la région. Et, dans un cas comme dans l’autre, force est de constater que le compte n’y est pas.
Les États membres sont divisés et l’Union européenne ne parvient pas à définir des positions communes. En témoignent les divergences constatées lors du dernier Conseil pour déterminer s’il fallait appeler à un cessez-le-feu ou à des trêves humanitaires, ou encore l’annonce par le Commissaire européen à la politique de voisinage et à l’élargissement d’une suspension des aides fournies par l’Union à l’Autorité palestinienne – une suspension par la suite démentie par la présidente de la Commission.
Sont également évocatrices de ce manque de cohésion les annonces d’Ursula von der Leyen à l’occasion de son déplacement en Israël, en l’absence de toute consultation du président du Conseil et des États membres, pourtant chargés de définir la position diplomatique de l’Union européenne sous le contrôle du chef de la diplomatie européenne.
Cette cacophonie sape notre influence dans la région, déjà affaiblie par de nombreuses années d’atermoiements. Le conflit opposant Israël à la Palestine est devenu si sensible au cours des dernières années que l’Europe a fait l’erreur de s’en tenir à distance, quand elle avait pourtant des leviers d’action pour peser, au titre de son statut de premier donateur à l’Autorité palestinienne et de premier partenaire commercial d’Israël.
En outre, au-delà du conflit israélo-palestinien, la politique de l’Union européenne au Moyen-Orient dans son ensemble n’est pas non plus à la hauteur. Notre approche n’est pas suffisamment globale et se cantonne à une focalisation sur des situations locales, le plus souvent liées à des conflits, sans que nous ayons de vision d’ensemble.
Certes, nous entretenons des relations privilégiées avec certains pays, en particulier la Jordanie ; il nous faudra d’ailleurs veiller à les renforcer. Mais nos échanges avec d’autres États restent trop superficiels et principalement basés sur la coopération bilatérale.
Si les bonnes relations de certains États membres avec différents pays du Moyen-Orient sont indéniablement des atouts qu’il nous faut préserver, il apparaît nécessaire de travailler à un renforcement de la politique européenne vis-à-vis des États du Proche-Orient. Je pense, par exemple, à l’absence d’accord de libre-échange avec les pays du Golfe, où l’Union européenne a pourtant de nombreux intérêts. Le Royaume-Uni n’a d’ailleurs pas fait la même erreur et a engagé des négociations avec le Conseil de coopération du Golfe en vue d’un tel accord.
Il est temps que l’Union ait un discours autonome et cohérent, qu’elle affiche enfin une réelle volonté d’agir et qu’elle remette au cœur de son agenda diplomatique le conflit israélo-palestinien, mais aussi le renforcement de ses relations avec les autres pays du Moyen-Orient.
Je suis conscient que l’instabilité de la région ainsi que le maintien légitime de la souveraineté des États membres en matière d’affaires étrangères et de défense ne faciliteront pas la tâche. Mais l’Union européenne gagnerait à s’attacher à la définition d’une politique commune, complémentaire de celle de ses membres, et à promouvoir ses valeurs au Moyen-Orient. Dans le cas contraire, elle continuerait d’intéresser à titre principal les acteurs de la région pour son assistance humanitaire, mais resterait un simple « pompier spectateur ».
Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais savoir si le Gouvernement partage ce constat de la nécessité de mieux définir une position commune pour réellement peser au Proche-Orient, et si cette volonté semble être partagée par les autres États membres. Par ailleurs, j’aimerais connaître les moyens que la France compte mobiliser auprès des États membres et du Conseil pour parvenir à l’adoption de positions communes.