Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme toutes les missions du projet de loi de finances, le budget de la défense, doit rester la traduction en argent, et ici en l’occurrence en euros, d’une volonté politique.
J’ajouterai que cette mission doit être la traduction d’une ambition forte, puisqu’elle s’inscrit à la suite de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 (LPM 2024-2030), que nous avons adoptée en juin dernier.
J’observe avec satisfaction que la mission respecte la trajectoire prévue par la LPM, compte tenu des 3, 3 milliards d’euros supplémentaires prévus pour la défense en 2024.
Soyons toutefois attentifs aux problèmes récurrents, qui peuvent altérer la sincérité budgétaire : les surcoûts opérationnels, les reports de charges et le poids de l’inflation.
Malgré cela, notre modèle d’armée est conforté. La France pourra ainsi rester fidèle au format multicapacitaire de ses armées, articulé, bien sûr, autour de sa dissuasion nucléaire, indépendante, crédible, opérationnelle et reconnue.
Cependant, précisons au préalable que, à l’avenir, notre réflexion devra porter davantage sur cette dimension multicapacitaire, qu’il sera difficile de tenir financièrement dans un monde de plus en plus conflictuel.
Ce monde sera soumis à la rapidité des évolutions technologiques – les drones, l’espace, le cyber, l’intelligence artificielle – à la diversité des types de conflits, qu’ils soient de rues, hybrides, de haute intensité, asymétriques, informationnels, et d’influence, ainsi qu’au retour des États-puissances et du réarmement.
Parallèlement, le cadre budgétaire demeurera contraint et constamment déficitaire.
Dans ces conditions, sans renoncer à notre souveraineté et sans perdre les clés de notre indépendance une mutualisation encore accrue des moyens de défense est inévitable.
Une des réponses viendra notamment de notre engagement et de notre implication au sein de l’Otan. Cependant, un point me semble inquiétant. L’hypothèse d’un retour aux affaires de Donald Trump – notre collègue Rachid Temal l’a évoquée – en 2024 conditionnera les contours de notre présence au sein de l’Organisation.
N’oublions pas que ce dernier a souhaité que l’Europe assure elle-même sa sécurité, nous plaçant ainsi dans une situation d’urgence, afin d’acquérir du matériel militaire américain pour pallier ce désengagement.
Doit-on se contenter de regarder le pilier européen de défense s’américaniser, toujours un peu plus, tout en étant financé par l’Europe ?
Cette évolution, si elle venait à se poursuivre, pourrait entamer la souveraineté européenne.
Dans ce contexte, on peut partager la demande du Président de la République de mettre en place une « économie de guerre » en renforçant notre industrie de défense.
Il faudra convaincre nos voisins et amis européens de disposer d’une complémentarité capacitaire et les assurer du bien-fondé de ces orientations, ainsi que de la nécessité de mener ensemble cette réflexion, car c’est en Européens que nous assurerons aussi notre avenir.
Revenons au projet de loi de finances pour 2024.
Cet appel au renforcement du caractère multicapacitaire de nos forces armées est illustré, par exemple, par l’abondement à hauteur de 590 millions d’euros des programmes d’équipement à effet majeur.
Toutes nos forces voient leur capacité augmenter en 2024, avec des livraisons très attendues : 13 Rafale, 12 Caesar, 21 chars Leclerc rénovés, 282 véhicules blindés Scorpion ou encore un troisième sous-marin de type Barracuda.
Parallèlement, on note un effort sur le reconditionnement de nos stocks, à hauteur de 35 %, avec 1, 5 milliard d’euros de crédit de paiement, même si ce chiffre reste très en deçà des besoins en cas de conflit majeur.
Rappelons, enfin, que le groupe du RDSE a souhaité la création d’un pôle de compétence dans le domaine des grands fonds sous-marins, avec le soutien de la commission, et l’a fait inscrire dans le rapport annexé de LPM 2024-2030.
Est-il nécessaire de rappeler la nécessité d’une bonne maîtrise des grands fonds océaniques dans lesquels évoluent nos sous-marins, principaux vecteurs de notre dissuasion nucléaire, mais aussi nos drones et des robots téléopérés ? Celle-ci nous permettrait d’intervenir en toute indépendance en cas de besoin sensible.
Il est, de plus, nécessaire de mieux garantir la sécurité des câbles immergés de communication comme des lignes de transport d’énergie électrique et d’hydrocarbures, ainsi que de permettre l’exploitation ou la protection des richesses halieutiques et minérales de nos zones économiques exclusives (ZEE).
L’approche duale pratiquée au sein de ce futur pôle de compétence, dès lors qu’il sera structuré, rendra possible une meilleure synergie nationale et nous permettra de nous réapproprier toutes les compétences que l’arsenal de Toulon possédait jadis. Souvenons-nous, ainsi, de la construction des bathyscaphes et du sous-marin Nautile, capable de plonger à 6 000 mètres.
Nous pouvons regretter, cependant, que le projet de loi de finances ne traduise pas encore totalement cette volonté.
Enfin, nous saluons la création, prévue pour 2025, d’une école d’apprentis à Toulon, destinée à la formation d’électriciens ainsi que de spécialistes en cyberinformatique, qui fidélisera ainsi ses diplômés au sein de la marine.
Pour ces raisons, le groupe du RDSE votera les crédits de la mission « Défense ».