Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du 11 décembre 2023 à 14h30
Loi de finances pour 2024 — Défense

Photo de Sébastien LecornuSébastien Lecornu :

Cela fait maintenant un an et demi que j’occupe le poste de ministre des armées et que, grâce à l’engagement du Gouvernement, j’ai eu l’occasion de démontrer, messieurs les sénateurs Cambon et Temal, la présence de mécanismes de traitement de l’inflation dans la loi de programmation militaire. C’est le cas de toutes les LPM, y compris de celles qui prévoient des baisses de crédits, en raison d’une particularité propre au ministère des armées, dont les autres ministères de la République ne disposent pas.

Ainsi, vous pouvez constater, dans le document qui vous est présenté ce soir, que les effets de l’inflation sont correctement pris en compte, et corrigés.

Un point important n’a pas été mentionné : les crédits que vous avez votés dans la loi du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023, ajoutant 2, 1 milliards d’euros pour l’année 2023. Je vous en remercie, cela permet de réaliser un tuilage entre la fin de la loi de programmation militaire précédente et celle qui débute.

La première marche de la LPM atteint donc 5, 1 milliards d’euros pour les armées en 2023, au lieu des 3 milliards d’euros initialement prévus. Cette augmentation permet d’entrer en programmation, conformément aux engagements pris devant le rapporteur de la LPM, Christian Cambon, et de garantir un niveau correspondant à ce qui avait été annoncé. Je tenais à le rappeler, car les sommes en cause sont colossales, au regard des efforts consentis par les contribuables pour notre appareil de défense.

J’insiste, de plus, sur le soin accordé à l’activité, donc à l’entraînement, des forces, comme vous l’aviez demandé lors de la commission mixte paritaire. Sur la marche de 3, 3 milliards d’euros – le Sénat avait ajouté 300 millions d’euros –, 1, 4 milliard d’euros seront consacrés à cet objectif, auquel je m’étais engagé à affecter ces fonds.

Dans le détail, 324 millions d’euros seront alloués à l’activité opérationnelle, 745 millions d’euros à l’entretien programmé du matériel et 305 millions d’euros au matériel, y compris aux munitions. Ainsi, il ne s’agit pas simplement d’une affaire de marche, mais bien de l’affectation de ces crédits. Je tenais à rappeler cet engagement à ce moment de la discussion.

Je remercie l’ensemble des rapporteurs pour leurs contributions ; ces travaux sont précieux pour les services du ministère des armées et entretiennent une saine pression démocratique.

Pour autant, j’ai quelques interrogations quant à certaines formulations du rapport pour avis sur le programme 146 « Équipement des forces », qui nécessitent quelques clarifications. Je ne souhaite pas laisser passer des contresens qui ont déjà été repérés par la presse.

La première citation concernée est la suivante : « La nouvelle LPM accentue […] un déclassement de notre pays dans les armements lourds. » Il faudrait justifier ces mots, car ils ne sont pas exacts. Ils ne sont d’ailleurs pas conformes au rapport de Christian Cambon sur la loi de programmation militaire elle-même.

De plus, il est rare qu’une augmentation des crédits s’accompagne d’une diminution du nombre d’équipements majeurs. J’ai d’ailleurs souligné à plusieurs reprises que, lorsque les crédits diminuaient, les rapports étaient parfois plus doux que lorsque les crédits augmentaient. L’affirmation que je viens de relever est fausse, à défaut d’éléments venant la justifier.

Pour autant, ce n’est pas tout. Selon la deuxième citation en cause, le « volume [du modèle d’armée] ne permettra pas à la France de garantir au meilleur niveau la sécurité des Français ». Il me semble qu’il s’agit là d’une affirmation qu’il est grave d’inclure dans un rapport ; j’aimerais donc que l’on me dise quel contrat opérationnel confié aux forces armées – et que vous avez voté dans le rapport annexe de la loi de programmation militaire – ne serait pas en mesure d’être exécuté. La commission a eu la possibilité d’entendre les chefs d’état-major, en particulier le chef d’état-major des armées (Cema), et il serait bienvenu de dissiper toute confusion à ce sujet.

Un point me semble plus sérieux encore, mais je le relève sans esprit polémique. Vous connaissez mon caractère : je ne voudrais pas qu’on laisse ainsi à penser à nos concitoyens qu’un problème se poserait. Il est écrit, dans le rapport pour avis en cause : « Nous n’avons aujourd’hui pas la capacité [de défendre le territoire national], faute de matériels en quantité suffisante. » Cette phrase ignore complètement la dissuasion nucléaire, laisse de côté les contrats opérationnels que nos armées exécutent, etc.

Reprenons l’ensemble de l’architecture de la loi de programmation militaire. Tout va-t-il bien ? La réponse est non. Si nous n’avions pas besoin de réparations, nous n’aurions pas besoin d’augmenter les crédits.

Cependant, il est exagéré de pointer du doigt de tels éléments. Si j’étais taquin, je dirais que certains industriels ont intérêt à ce que nous commandions davantage de matériel ; cela ne m’a pas échappé.

Si nous revenons aux contrats opérationnels et aux menaces, nous constatons que ces trois affirmations ne sont pas exactes ; en tout état de cause, je demande qu’elles soient justifiées et dûment documentées ; à défaut, nous enverrions un signal stratégique à nos compétiteurs qui ne me paraît ni raisonnable ni responsable. La Haute Assemblée ne peut énoncer de telles choses si légèrement.

Ensuite, plusieurs points ont été soulevés, qui me semblent importants. Vous aviez pris certains engagements dans le cadre de la loi de programmation militaire, que j’avais largement accompagnés, mais le Conseil constitutionnel, saisi par La France insoumise, a censuré plusieurs cavaliers.

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