Monsieur le ministre, à l’article liminaire, le Gouvernement retient une diminution des dépenses de 36 milliards d’euros : celles-ci passent ainsi de 1 624 milliards d’euros à 1 588 milliards d’euros pour 2024.
Cette évolution provient exclusivement de la sphère des administrations publiques centrales, qui voient leurs dépenses passer de 641 milliards à 605 milliards d’euros. Comme vous l’avez précisé, cette diminution résulte principalement du rejet des crédits des missions « Cohésion des territoires », AGTE, « Immigration, asile et intégration », « Sport, jeunesse et vie associative » et « Plan de relance », pour un total de près de 30 milliards d’euros.
Il faut y ajouter la suppression du programme 369 « Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 », soit 6, 5 milliards d’euros. Avec l’adoption de l’ensemble des autres amendements, cela représente un total de 42, 4 milliards d’euros.
Toutefois, la suppression du programme 369 ne saurait avoir le même effet que l’adoption des autres amendements : elle affecte uniquement le solde du tableau d’équilibre, mais n’a pas d’effet réel. C’est d’ailleurs pour cette raison que notre collègue Albéric de Montgolfier l’avait demandée.
Dès lors, en retenant un niveau de PIB pour 2024 de 2 931 milliards d’euros, le déficit, par rapport à celui qui a été retenu à la fin de l’examen de la première partie, devrait diminuer de 1, 2 % du PIB. Aux erreurs d’arrondis près, c’est bien ce qu’on observe : le déficit, passé de 4, 4 % à 4, 3 % du PIB à la fin de l’examen de la première partie, passe ici, à la suite de la diminution des dépenses enregistrée à l’issue de l’examen de la seconde partie, à 3 % du PIB.
Observons toutefois que le rejet des crédits de différentes missions, à hauteur de 29, 5 milliards d’euros, revêt avant tout un caractère « politique » et ne se traduirait pas, dans les faits, par une suppression pure et simple de ces missions.
Un recalcul plus réaliste, ou plus « honnête », pousserait à mettre en avant une diminution du déficit public limitée à 0, 2 %, atteignant dès lors 4, 1 % du PIB, et non pas 3 %. Le Gouvernement ne peut donc pas se contenter de souligner que c’est le seul rejet des crédits de certaines missions qui entraîne une amélioration du solde.
La dépense publique, à l’issue de l’examen du PLF par le Sénat, diminuerait bien en 2024 par rapport au scénario retenu par le Gouvernement et selon une trajectoire légèrement plus ambitieuse que la position défendue ici même lors de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (PLPFP).
De même, le déficit public, du fait de l’augmentation des recettes de près de 3 milliards d’euros en première partie et d’une diminution « réelle » des dépenses de l’ordre de 6 milliards d’euros, se situerait à 4, 1 % du PIB, et non, comme nous l’avions prévu lors de l’examen en nouvelle lecture du PLPFP, à 4, 3 %.
Monsieur le ministre, nous avons réalisé 7 milliards d’euros d’économies. Qu’en restera-t-il à la sortie, lorsque le Gouvernement se saisira de nouveau de ce texte ? Je parle très sérieusement, tant nous sommes attachés à l’objectif de retour à meilleure fortune pour nos finances publiques.
Je le dis aussi avec gravité. Ce projet de loi de finances pour 2024 n’a quasiment pas été examiné à l’Assemblée nationale, hormis en commission. Au contraire, ici, au Sénat, nous y avons consacré plus de soixante-dix heures de débats, avec des succès, parfois relatifs, mais c’est le jeu démocratique.
Monsieur le ministre, je vous alerte de nouveau sur ce point, comme je l’avais fait à l’occasion de mon intervention à la tribune lors de la discussion générale. L’Assemblée nationale n’a pas examiné ce texte, ou si peu, presque uniquement en commission et quasiment pas en séance publique, même sur la seconde partie, du fait de l’utilisation abusive par le Gouvernement – je le dis comme je le pense – de l’article 49.3 de la Constitution. Le Sénat, lui, a consacré la totalité de son temps, allant d’ailleurs jusqu’aux limites de l’exercice, à examiner sérieusement ce projet de loi de finances, en prenant et en votant les décisions nécessaires.
Si l’Assemblée nationale n’est pas en mesure d’examiner ce texte, ou si elle ne peut le faire que de façon minimaliste, si vous ne tenez pas compte des orientations exprimées par la deuxième chambre du Parlement, à la suite de votes largement majoritaires, voire unanimes, une question se posera, une question politique : comment la démocratie peut-elle continuer à opérer avec efficacité et à vivre avec sérénité s’il est fait aussi peu de cas des deux chambres du Parlement ?