Intervention de Stephan Steinlein

Commission des affaires européennes — Réunion du 6 décembre 2023 à 13h35
Institutions européennes — Audition de s.e. M. Stephan Steinlein ambassadeur d'allemagne en france

Stephan Steinlein, ambassadeur d'Allemagne en France :

En réponse à votre interrogation sur la possibilité d'une déstabilisation du gouvernement fédéral, je rappelle que, comme vous le savez, la capacité à trouver des compromis est dans l'ADN de la politique allemande, y compris dans des situations très difficiles, et je suis assez confiant que tel sera encore le cas. Je reconnais cependant que cela ne sera pas facile car les trois partis qui composent la coalition ont des lignes rouges qu'il ne faut pas franchir. Pour les libéraux, la ligne infranchissable serait de ne pas trouver une réponse budgétaire exceptionnelle et d'augmenter les impôts ; pour les verts, la priorité va au financement de la transition écologique et pour les sociaux-démocrates, à l'amélioration de la situation des personnes les plus pauvres. Il sera donc extrêmement difficile de trouver un compromis mais je suis assez confiant sur notre capacité à y parvenir.

J'attire ensuite l'attention sur le fait que notre rapport à la magistrature se caractérise par un degré d'acceptabilité très élevé des décisions de justice et a fortiori de celles de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe : personne ne les critique ouvertement. Il n'en reste pas moins que, dans le contexte de crise que nous connaissons, c'est aussi à la Cour elle-même de s'interroger - comme elle a coutume de le faire - sur les limites politiques de ses décisions. En vertu de la quasi-sacralisation de l'institution judiciaire, il est vraisemblable que personne en Allemagne ne formulera directement une telle remise en question.

S'agissant des trois régions de l'Est où des élections régionales auront lieu, nous sommes effectivement confrontés à une situation dans laquelle, selon les sondages, le parti d'extrême droite AFD serait largement majoritaire, avec 30 à 35% des intentions de vote. Il en résulte que tous les autres partis démocratiques de droite ou de gauche devront travailler ensemble : comme vous pouvez le constater en France, la difficulté est que, dans cette situation, les distinctions entre les différents courants ramenés au centre du jeu politique ont tendance à s'effacer, ce qui peut renforcer les extrêmes. Cette configuration politique que connaissent nos deux pays appelle des réponses adaptées que nous n'avons pas encore trouvées.

Le nouveau parti politique d'extrême gauche que vous avez mentionné est tout à fait particulier et assez difficile à comprendre puisqu'il se présente comme anti-européen et surtout contre l'immigration. En Allemagne, l'image du fer à cheval permet de représenter le phénomène - dont il faut peut-être nuancer la singularité - des extrêmes qui se rapprochent. Ce parti n'existe pas encore et on ne sait pas encore quel score il enregistrera mais les sondages le créditent d'intentions de vote avoisinant 10%, ce qui est assez considérable et témoigne de son potentiel.

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